ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"608"> tel qu'il se trouve dans la dissertation du P. Calmet sur l'arche de Noé.

M. le Pelletier suppose que l'arche étoit un bâtiment de la figure d'un parallelépipede rectangle, dont on peut diviser la hauteur par dedans en quatre étages, donnant trois coudées & demie au premier, sept au second, huit au troisieme, & six & demie au quatrieme, & laisser les cinq coudées restantes des trente de la hauteur, pour les épaisseurs du fond, du comble & des trois ponts ou planchers des trois derniers étages.

Le premier de ces étages auroit été le fond, ou ce que l'on appelle carene dans les navires: le second pouvoit servir de grenier ou de magasin: le troisieme pouvoit contenir les étables; & le quatrieme les volieres, mais la carene ne se comptant point pour un étage, & ne servant que de réservoir d'eau douce, l'arche n'en avoit proprement que trois, & l'Écriture n'en met pas un plus grand nombre, bien que les interpretes y en ayent mis quatre, en y ajoûtant la carene.

Il ne suppose que 36 étables pour les animaux de terre, & autant pour les oiseaux; chaque étable pouvoit être de quinze coudées 4/9 de long, de dixsept de large, & de huit de haut; par conséquent elle avoit environ ving - six piés & demi de long, plus de vingt - neuf de large, & plus de treize & demi de haut de notre mesure: car il faut se souvenir que M. le Pelletier donne à sa coudée vingt pouces & demi, ou environ, mesure de Paris. Les trente - six volieres étoient de même étendue que les étables.

Pour charger l'arche également, Noé pouvoit remplir ces étables & ces volieres, en commençant par celles du milieu, des plus gros animaux & des plus gros oiseaux. Cet auteur fait voir par un calcul exact que l'eau qui étoit dans la carene pouvoit être de plus de 31174 muids, ce qui est plus que suffisant pour abreuver pendant un an quatre fois autant d'hommes & d'animaux qu'il y en avoit dans l'arche; il montre ensuite que le grenier pouvoit contenir plus de nourriture qu'il n'en falloit à tous les animaux en un an.

Dans le troisieme étage Noé a pu construire 36 loges pour serrer les ustenciles de ménage, les instrumens du labourage, les étoffes, les grains, les semences; il s'y pouvoit ménager une cuisine, une salle, quatre chambres, & un espace de 48 coudées pour se promener.

M. le Pelletier place la porte, non au côté de la longueur, mais à l'un des bouts de l'arche, persuadé qu'à l'un des côtés de la longueur elle auroit gâté la symmétrie de l'arche, & en auroit ôté l'équilibre.

Quelques - uns ont crû qu'il n'étoit pas nécessaire de faire provision d'eau douce dans l'arche, parce que l'eau de la mer ayant été mêlée avec les caux du déluge, pouvoit être assez dessalée pour être rendue potable, & qu'on en pouvoit tirer par la fenêtre de l'arche pour abreuver les animaux: mais cette prétension est insoûtenable; l'eau de la mer est en bien plus grande quantité que l'eau qui tomba du ciel pour inonder la terre: or l'expérience fait voir qu'un tiers d'eau salée mêlée avec deux tiers d'eau douce, fait une potion qui n'est point bonne à boire; & l'arche ayant cessé de flotter sur les eaux dès le vingt - septieme jour du septieme mois, elle demeura à sec sur les montagnes d'Arménie pendant presque sept mois, pendant lesquels on n'auroit pû puiser de l'eau de dehors. Tel est le système de M. le Pelletier de Rouen.

Le Pere Jean Buteo, natif de Dauphiné, & religieux de l'ordre de S. Antoine de Viennois, dans son traité de l'arche de Noé, de sa forme & de sa capacité, suppose que la coudée de Moyse n'étoit que de 18 pouces comme la nôtre; & cependant il ne laisse pas de trouver dans les dimensions marquées par Moyse tout l'espace convenablé pour loger dans l'arche les hommes, les animaux, & les provisions nécessaires. Il croit que l'arche étoit composée de plusieurs sortes de bois gras & résineux, qu'elle étoit enduite de bitume, qu'elle avoit la forme d'un parallelépipede, avec les dimensions qu'en marque l'Ecriture, mesurées à notre coudée.

Il divise le dedans en quatre étages, donnant au premier quatre coudées de hauteur, huit au second, dix au troisieme, & huit au dernier. Il place la sentine dans le premier, les étables dans le second, les provisions dans le troisieme, les hommes, les oiseaux, & les ustenciles de ménage dans le dernier. Il met la porte à 20 coudées près du bout d'un des côtés du second étage, & la fait ouvrir & fermer en pont - levis. Il dispose la fenêtre au haut de l'appartement des hommes, prétendant que les animaux n'avoient pas besoin de lumiere. Il ferme cette fenêtre d'un double chassis à carreaux de crystal, de verre, ou de pierre transparente, parce qu'il la croyoit très - grande. Il éleve le milieu du comble d'une coudée de hauteur sur toute la longueur, prenant pour cette hauteur la coudée que les interpretes expliquent de la hauteur de la fenêtre.

Ayant dans le second étage tiré du côté de la porte une allée de six coudées de large & de 300 coudées de long, & construit deux escaliers aux deux bouts pour monter aux troisieme & quatrieme étages, il prend sur le milieu du reste de la largeur une autre allée de douze coudées de large, tombant perpendiculairement ou à angles droits sur le milieu de la premiere, & de côté & d'autre de cette derniere; il divise un espace de 15 coudées de large & de 44 de long, en trois parties égales sur la largeur, & en douze parties sur la longueur, pour trouver par cette division 36 cellules ou étables de chaque côté, dont six étant prises pour deux allées traversantes, il en reste 30 de chaque côté qui forment trois rectangles, deux qui en contiennent chacun neuf, & celui du milieu douze; & ces étables ou cellules ont 15 coudées de long, & 3 2/3 de large. Il prend encore sur le reste de cet étage de côté & d'autre unespace de 15 coudées de largeur, & de 44 coudées de longueur, dont il retranche quatre coudées de côté & d'autre sur la largeur pour faire deux allées; & il lui reste un rectangle de sept coudées de largeur & de 44 coudées de longueur, dont il divise la largeur en deux, ensorte qu'une moitié ait trois coudées de large & l'autre quatre; & la longueur en vingt parties égales: & ces divisions lui donnent quarante petites étables ou cellules en deux rangs, dont vingt ont chacune trois coudées, & les vingt autres quatre de long, & les unes & les autres deux coudées & demie de large; & par ce moyen il se trouve 60 grandes étables, 40 moyennes & 40 petites, & outre cela encore deux espaces de côté & d'autre de 114 coudées de long, & de 44 coudées de large.

Or en réduisant tous les animaux qui entrerent dans l'arche à la grandeur du boeuf, du loup & du mouton, il trouve qu'ils étoient égaux à 120 boeufs, 80 loups, & 80 moutons; de sorte qu'ayant disposé 60 grandes étables, 40 moyennes & 40 petites, il prétend qu'elles pouvoient contenir 60 paires de boeufs, 40 paires de loups, & 40 paires de moutons. Mais comme il pense qu'on devoit nourrir de chair les bêtes carnacieres, il en conclut qu'on devoit avoir mis dans l'arche 3650 moutons pour la subsistance de 40 paires de ces animaux, qu'il estimoit de la grandeur du loup, pour leur en donner dix par jour, ou un à quatre.

Il perce toutes les étables par le bas, afin que les excrémens des animaux tombent dans le premier étage ou sentine, qu'il dispose aussi pour le lest: [p. 609] mais de peur que l'infection des fumiers n'incommode, il construit en plusieurs endroits de cet étage des soûpiraux, qu'il fait monter jusqu'au dernier, pour y donner de l'air.

Il divise le troisieme étage en plusieurs séparations, pour mettre à part le foin, les feuilles, les fruits, & les grains: il prétend même qu'on pouvoit y construire un réservoir pour nourrir du poisson pour les animaux & les oiseaux amphibiés qui en vivent, & un réservoir pour l'eau douce. De plus il veut que toutes les cellules ou étables qui étoient immédiatement sous cet étage, ayent été percées par en - haut, pour distribuer par ces ouvertures la nourriture dont les animaux auroient besoin; & au moyen de certains canaux qui alloient dans chaque étable, on auroit pû leur donner de l'eau pour plusieurs jours.

Il croit qu'au milieu du quatrieme étage il devoit se trouver pour l'appartement des hommes une grande chambre éclairée par la fenêtre de l'arche, une dépense, une cuisine dans laquelle il y auroit eu un moulin à bras & un four, des chambres particulieres pour les hommes & pour les femmes, enfin des lieux pour le bois, pour le charbon, pour les meubles & ustenciles du ménage & du labourage, & pour les autres choses qu'on vouloit garantir des eaux, & que sur le reste de cet étage on avoit construit de côté & d'autre des cages ou volieres pour renfermer les oiseaux, & des loges pour en serrer les provisions.

Ayant accordé pour nourriture dix moutons chaque jour aux animaux carnaciers, estimés à 80 loups, il en auroit fallu 3650 pour un an: mais ce nombre diminuant de dix par jour ne devoit être compté que comme un nombre fixe de 1820: or ayant estimé les animaux qui vivent d'herbes, de graines ou de fruits, égaux à 120 boeuss & à 80 moutons, ajoûtant 80 à 1820, on reconnoît qu'il auroit eu 1900 moutons à nourrir, & 120 boeufs. Il trouve que sept moutons mangent autant de fourrage qu'un boeuf; d'où il conclut qu'il falloit autant de nourriture à tous ces animaux qu'à 400 boeufs; & parce qu'il estime que 40 livres, ou une coudée cube parisienne de foin, pourroient nourrir un boeuf en un jour, il en résulte qu'il en auroit fallu 146000 coudées pour un an. Le troisieme étage étoit de la capacité de 150000 coudées cubes. Le foin est la nourriture qui occupe le plus de place: mais 146000 coudées cubes de foin suffisoient pour nourrir les animaux pendant un an; ainsi, suivant cet auteur, il y auroit eu suffisamment de place dans cet étage pour serrer autant de nourriture qu'il en falloit pour nourrir les animaux pendant un an. Toute la capacité de l'arche, en prenant la coudée à 18 pouces, étoit de 450000 coudées, ou 675000 piés: elle avoit 450 piés de long, 75 piés de large, & 45 de haut. Tel est le systeme du P. Buteo, qui vivoit dans le XVIe siecle.

Quelqu'ingénieuses que paroissent ses idées, & quelqu'exact que soit son calcul, son opinion souffre pourtant de grandes difficultés. Les principales qu'y remarque M. le Pelletier, sont 1°. que la coudée dout parle Moyse étoit celle de Memphis, différente de celle de Paris, & plus courte d'une septieme partie: 2°. qu'un bâtiment plat & quarré, plus long & plus large que haut, n'a nul besoin de lest pour l'empécher de tourner, de quelque maniere qu'on le charge: 3°. qu'il est ridicule de placer des animaux entre des sumiers & des provisions pour les étousser, & de les mettre sous l'eau pour les priver de la lumiere; au lieu qu'on prévient tous ces inconvéniens en les mettant au troisieme étage: 4°. que la pesan<-> eur du corps des animaux qui entrerent dans l'arche ne pouvant aller à soixante - dix milliers, & les pro<cb-> visions qu'on y enferma & qui étoient au - dessus des animaux, pouvant aller à plus de dix millions, il n'y auroit pas de bon sens de mettre dix millions de charge dans un étage placé au - dessus d'un autre qui n'en auroit contenu que soixante - dix milliers: 5°. qu'en plaçant la porte de l'arche à un des côtés pour laisser une allée vuide de trois cens coudées de long sur six de large, on auroit rendu cette arche plus pesante d'un côté que d'un autre, & incommode en gâtant la symmétrie des étables & des autres appartemens. Mais, ajoûte D. Calmet, il y a peu d'auteurs qui ayent traité cette matiere, qui ne soient tombés dans quelques inconvéniens. Les uns ont fait l'arche trop grande, les autres trop petite; d'autres trop peu solide: la plûpart n'ont apperçû d'autre difficulté dans l'histoire du déluge, que celle qui regarde la capacité de l'arche, sans faire attention à une infinité d'autres inconvéniens qui résultent de sa forme, de la distribution des appartemens, des étages, des logemens des animaux, de leur distribution, de la maniere dont on pouvoit leur donner à boire & à manger, leur procurer du jour & de l'air; les nettoyer & faire couler le fumier & les immondices hors de l'arche ou dans la sentine. On peut voir toutes ces difficultés éclaircies par M. le Pelletier de Rouen, dans le chap. xxv. de sa Dissertation sur l'arche de Noé.

Nous terminerons cet article par quelques observations sur le lieu où s'arrêta l'arche après le déluge. Quelques uns ont crû que c'étoit près d'Apamée, ville de Phrygie, sur le fleuve Marsyas, parce que cette ville prenoit le surnom d'arche, & portoit la figure d'une arche dans ses médailles, comme il paroit par une piece frappée en l'honneur d'Adrien, où l'on voit la figure d'un homme qui représente le fleuve Marsyas, avec ces mots: *A*P*A*M*E*W*N *K*I*B*W*T*O*S *M*A*R*S**A*S, c'est - à - dire, médaille d'Apamée, l'arche, le fleuve Marsyas. Et dans les vers Sibyllins, on lit que le mont Ararat, où s'arrêta l'arche, est sur les confins de la Phrygie, aux sources du fleuve Marsyas: mais ce sentiment n'est pas soûtenable; le plus suivi, appuyé sur une tradition constante des Orientaux, & sur la narration de Moyse, est que l'arche s'arrêta sur le mont Ararat, ce que saint Jérôme traduit par les montagnes d'Arménie. Josephe l'historien, parlant d'Izates, fils du roi de l'Adiabene, dit que son pere lui donna un canton dans l'Arménie, nommé Kaeron, où l'on voyoit des restes de l'arche de Noé, & il cite encore Berose le Chaldéen, qui dit que de son tems on voyoit des restes de l'arche sur les montagnes d'Arménie. Antiquit. Liv. I. ch. v. Lib. XX. cap. ij.

Nicolas de Damas, Théophile d'Antioche, Isidore de Séville, racontent la même chose; Jean Struys, dans ses voyages, dit qu'en 1670 il monta sur la montagne d'Ararat, & y trouva un hermite Italien qui l'assûra que l'arche étoit encore tout entiere sur cette montagne; qu'il étoit entré dans ce bâtiment, & lui montra une croix faite du bois qu'il en avoit lui - même arraché: mais M. de Tournefort, qui a été sur les lieux, assûre que la montagne d'Ararat est inaccessible, & que depuis le milieu jusqu'au sommet elle est perpetuellement couverte de neiges qui ne sondent jamais, & au - travers desquelles on ne peut s'ouvrir acun passage. Les Arméniens eux - mêmes tiennent par tradition, qu'à cause de cet obstacle, personne, depuis Noé, n'a pû monter sur cette montagne, ni par conséquent donner des nouvelles bien certaines de l'état de l'arche: c'est donc sans aucune preuve solide, que quelques voyageurs ont avancé qu'on en voyoit encore des débris. Calmet, Dissert. sur l'arche de Noé, & Dict. de la Bible, tom. I. lettre A, aux mots Apamée, Ararat & Arche. (G)

Arche (Page 1:609)

Arche (la cour des arches) en Angleterre est une cour épiscopale à laquelle ressortissent les appels en

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