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HUILE (Page 8:333)
HUILE, s. f. (Chimie, Pharmacie, Mat. medic. Diete.) Le système des connoissances chimiques bien résumé, porte à croire qu'il existe une huile générale universelle, un principe huileux primitif, très - analogue au soufre commun, du même ordre de composition que ce corps, formé même très - probablement des mêmes principes de l'acide vitrioliques & du phlogistique.
Le principe huileux, considére sous ce point de vûe, ne différera du soufre commun que comme la plûpart des substances végétales & animales different des substances analogues que renferme le regne minéral, le vinaigre radical de l'acide du vitriol, par exemple, c'est - à - dire, par une plus grande atténuation, un degré supérieur de subtilité, une mixtion plus délicate dûe aux élaborations propres à l'oeconomie végétale ou animale, & peut - être à la surabondance du principe aqueux qui est particulier à ces deux regnes. L'huile peut être conçûe aussi comme étant au soufre ce qu'une huile rectifiée est à la même huile brute. Ce rapport seroit démontré sans doute, si on réussissoit à porter, par des rectifications, le soufre commun à l'état de ténuité spé<cb->
Ce qui augmente la difficulté de l'entreprise, c'est
que la nature ne présente point de cette huile pure
primitive, & que l'art n'est pas parvenu jusqu'à présent
à dépouiller les moins composées de tout principe
hétérogene, de tout alliage. Celle de toutes
les huiles connues qui approche le plus de la simplicité
absolue, c'est l'éther des chimistes modernes,
ou l'huile retirée de l'esprit - de - vin par l'intermede
des acides minéraux. Voyez
Les diverses huiles que nous connoissons, sont
composées de l'huile primitive, & d'un autre principe
ou de plusieurs autres principes. Ce sont ces
divers principes & leurs différentes proportions qui
en constituent les genres & les especes. Cette idée
de la composition & des différences essentielles qui
distinguent les huiles entre elles, est, ce me semble,
plus exacte & plus lumineuse que celle qu'on s'en
feroit communément, en considérant chaque espece
d'huile comme un composé ou un mixte essentiellement
différent, ou n'ayant tout au plus de commun
avec les autres especes que la phlogistique; car il
n'est pas égal de dire qu'une telle huile est formée
par l'union d'un principe huileux universel, & de
plus ou moins d'acide; ou que cette huile admet
plus ou moins d'acide dans sa mixtion ou dans sa
composition primordiale. D'après la derniere théorie,
que je crois une erreur, on pourra déduire que
l'acide est un des principes constitutifs de l'huile,
de ce que
On range les diverses huiles sous le petit nombre des classes générales suivantes: on a les huiles essentielles, les huiles grasses, & les huiles empyreumatiques. La seule qualité vraiment générale ou essentielle qui convient à toute huile sans exception, c'est l'inflammabilité & la miscibilité à une autre huile quelconque.
Huiles essentielles. Toutes les parties des végétaux qui sont aromatiques ou odorantes, du moins le plus grand nombre, contiennent une huile subtile, légere, volatile, renfermée dans de petites loges ou vésicules, sensibles même aux yeux nuds dans quelques sujets, comme dans les fleurs d'orange, l'écorce d'orange, de citron, les feuilles de millepertuis, &c. Cette huile est libre, exemte de toute union chimi<pb-> [p. 334]
Cette huile est appellée encore éthérée & aromatique. Le principe odorant dont elle est pénétrée, paroît
étrange à sa composition: on peut retirer ce
principe des végétaux chargés d'huile essentielle,
pur, seul, au moins étendu seulement dans le principe
aqueux, libre, volatil, de ces végétaux, &
sans qu'un atome d'huile soit entrainé avec lui, en
un mot, sous la forme d'eau essentielle, voyez l'art.
La méthode la plus usitée & la plus générale,
qu'on emploie pour obtenir les huiles essentielles,
est précisément celle qui est décrite à l'art.
L'eau employée dans la distillation des huiles
essentielles, ne paroît servir qu'à ramollir les parois
des vésicules qui la contiennent, à les disposer ainsi
à être facilement rompues par l'huile rarefiée, tendant
à l'état d'expansion vaporeuse ou de volatilité,
& à borner, à déterminer, d'une maniere invariable,
le degré de feu propre à les élever aussi inaltérées
qu'il est possible; peut - être aussi que la vapeur
de l'eau qui les accompagne favorise leur volatilité,
soit en soutenant leur expansion, leur état
de vapeur, par sa chaleur, soit en les entraînant
dans son propre tourbillon. Il seroit démontré que
l'eau ne concourt point à la distillation des huiles
essentielles à ce dernier titre, si une huile essentielle,
déja délivrée de ses petites prisons, s'élevoit presqu'entierement dans un appareil où elle seroit renfermée
seule dans la cucurbite, & où on lui appliqueroit
le même degré de chaleur qu'elle éprouve
étant répandue dans de l'eau bouillante. Ce dégré
est supérieur à la chaleur du bain - marie. Voyez
l'article
Les huiles essentielles de citron, de cédra, & de
tous les fruits de cette classe, qu'on nous apporte
de Toscane & de la côte de Gènes, sous le nom
d'essences, sont retirées sans le secours du feu. Les
écorces de ces fruits contiennent beaucoup d'huile,
& elle est ramassée, en masses assez considérables,
dans des vessies très - minces, pour qu'elle en découle
abondamment, en perçant ou rompant ces vessies.
Il n'est personne qui n'ait pressé entre ses doigts un
zeste d'orange ou de citron; la liqueur qu'on en exprime
est de l'huile essentielle. Les Toscans & les
Génois expriment ces écorces contre des plateaux
de verre, appliqués sur de la glace, ou bien roulent
ces fruits sur l'embouchure hérissée de pointes
d'un entonnoir, placé sur un vaisseau, où toutes
les gouttes sorties des petites blessures infiniment
multipliées, vont se ramasser. On retire encore des
huiles essentielles de quelques substances aromatiques,
des cloux de girofle, par exemple, en les
distillant per descensum; mais cette méthode est imparfaite.
Voyez
Propriétés chimiques des huiles essentielles. Elles sont
solubles par l'esprit - de - vin, & d'autant plus qu'elles
sont plus dures. Elles s'épaississent en vieillissant, &
prennent la consistence de baume, & même de résine.
Voyez
Toute l'huile qu'on retire des baumes, des résines
& des bitumes, par la violence du feu, est très analogue
aux huiles essentielles. Voyez
Les parties aromatiques des plantes que nous
avons exceptées plus haut, de l'observation générale
qui attribue de l'huile essentielle à toutes ces substances,
sont les fleurs de jasmin, de tubéreuse, de
muguet, de jacinthe, de narcisse, & de lys, qui
ont toutes entr'elles une analogie sensible. L'essence
de jasmin, qu'on trouve communément chez les
Parfumeurs, est une huile par expression, de l'excellente
huile de ben, imprégnée du parfum du jasmin,
par une manoeuvre fort simple. Voyez
Usages médicinaux, thérapeutiques & diététiques
des huiles essentielles. Les huiles essentielles, récentes,
subtiles, très - aromatiques, ont un goût amer,
acre, vif, brûlant, qui annonce les vertus suivantes,
qu'elles possedent en effet: elles sont, dans
l'usage intérieur, cordiales, toniques, échauffantes, diurétiques, sudorifiques, stomachiques, aphrodisiaques;
utiles pour corriger la mauvaise odeur
de la bouche, gravem spiritum. On doit les donner
toujours sous la forme d'eleosaccharum (Voyez
Une huile essentielle, unie chimiquement au soufre,
forme avec lui un composé, connu sous le nom
de baume de soufre. Ce composé est un remede, qui
doit principalement ses qualités médicamenteuses
au soufre. Voyez
Une huile essentielle, combinée avec l'alkali
fixe ordinaire, forme une espece de savon, appellé
par les gens de l'art savon de Starkey. Voyez
Les esprits volatils, aromatiques, huileux, de
Sylvius, doivent leur qualité d'huileux & d'aromatique
à des huiles essentielles. Voyez
Les huiles essentielles fournissent aux Apoticaires une des matieres avec lesquelles ils aromatisent plusieurs préparations pharmaceutiques, comme potions, syrops, gelées, juleps, emplâtres même. Il faut toûjours les employer, sous la forme d'éleosaccharum, dans les liqueurs aqueuses destinées à l'usage intérieur.
C'est encore à des huiles essentielles que plusieurs liqueurs spiritueuses, destinées à l'usage de nos tables, doivent leur parfum. Celles qui joignent à la saveur connue de l'esprit de vin, un goût vif, brûlant, passager, momentané, telles que la bonne eau de cannelle, & l'anis rouge de Bologne, doivent ce piquant à un peu d'huile essentielle: la même saveur est dûe à la même cause dans les diabolini d'Italie.
On parfume la limonade avec l'huile essentielle
de l'écorce des citrons même qu'on emploie, dont
on forme sur - le - champ un éleosaccharum. Voyez
Huiles grasses. Celles - ci sont encore libres, nues, isolées, ramassées à part dans des petits réservoirs, & elles appartiennent proprement au regne végétal. Les graisses animales ont à la vérité la plus grande analogie avec ces substances, mais elles ne sont pas, dans le langage de l'art, comprises sous la même dénomination. Les huiles grasses sont répandues dans toute la substance des sujets qui les contiennent, au lieu que les cellules des huiles essentielles ne sont placées qu'à la surface, dans l'enveloppe ou membrane extérieure des végétaux pourvus de cette substance.
Les semences appellées émulsives (Voyez
On retire l'huile grasse de tous ces sujets en les écrasant, les pilant, les réduisant en pâte, & en exprimant cette pâte, par le moyen d'une presse, ou d'un fort pressoir, pour l'opération en grand. Cette manoeuvre est variée, sur les divers sujets, par quelques circonstances de manuel. Voyez les [p. 336]
Il y a une autre espece d'huile grasse, caractérisée par la circonstance de se séparer des corps qui la renferment, par le moyen de l'eau bouillante, ou de la décoction de ces corps. Le cacao, le macis, la muscade, les baies de laurier, contiennent une pareille huile. Voyez ces articles particuliers. Le beurre de cacao est la plus connue de ces huiles, parce qu'elle est la plus employée en Medecine. Les huiles par expression n'abandonnent pas leurs loges, par l'action de l'eau bouillante; on n'en retire point des semences émulsives par la décoction.
Propriétés chimiques des huiles grasses. Elles sont insolubles
par l'esprit - de - vin; elles contractent une
espece d'union, quoique fort imparfaite, avec le
vinaigre, & même avec l'eau (ce qui fait soupçonner
que l'acide du vinaigre n'entre pour rien dans
cette union), si on les bat long - tems ensemble. Elles rancissent facilement, si on les expose à un air
chaud, & même quelques - unes, comme celle d'amandes
douces, quelque précaution qu'on prenne.
Voyez
Vertus médicinales, & usages diététiques des huiles grasses. Ce n'est presque que l'huile d'amandes douces qu'on emploie en Medecine pour l'usage intérieur. La bonne huile d'olives vaudroit bien pour le moins autant, & elle a, au - dessus de l'huile d'amandes douces, la faculté d'être peu sujette à rancir. Le beurre de cacao n'est pas employé pour des qualités assez génériques, pour devoir être rangé avec ces huiles par expression; & d'ailleurs, ce remede est plus magnifique qu'utile, du moins que nécessaire.
Les huiles par expression, représentées dans l'usage ordinaire par l'huile d'amandes douces, sont le souverain adoucissant, relâchant, lubréfiant, émollient, béchique, sédatif, le plus benin des purgatifs, en un mot, la suprême ressource, le grand cheval de bataille, comme on s'exprime vulgairement, de cette pratique de Medecine, appellée dans l'art, & par les gens du monde, anodine, tempérante, calmante, qui voit partout des spasmes, des éréthysmes, des incendies, &c. Cette drogue remplit quelquefois très - utilement, il est vrai, les indications d'adoucir, de relâcher, d'appaiser les douleurs des entrailles, de lâcher très - doucement le ventre; mais plus souvent encore, c'est un remede inutile, infidele, & même pernicieux.
Les huiles par expression, prises à très - haute dose sans mesure, fournissent une des ressources les plus assurées pour défendre l'estomac & les intestins contre l'action des poisons corrosifs.
L'huile d'olive est la seule huile par expression,
que nous mêlons à nos alimens à titre d'assaisonnement.
Voyez
L'usage extérieur des huiles grasses pures est fort rare. On emploie communément à leur place des huiles composées, dont nous parlerons à la fin de cet article. Ces huiles entrent dans la composition de plusieurs onguens, linimens, &c.
Les huiles par expression, unies à l'un & l'autre alkali fixe, forment des savons employés en Mede<cb->
Huiles empyreumatiques. Le principe huileux est un
des matériaux universels de la composition de tout
végétal ou animal, de tout corps organisé, du tissu
des Sthaliens. L'huile est aussi un des principes généraux
de l'ancienne analyse, de celle qui s'exécute
par la violence du feu sur tous ces corps; un des
principes de Paracelse, ou plûtôt de Basile Valentin, ou d'Isaac le Hollandois, (Voyez dans l'historique
du mot
Toute huile qui ayant été réellement combinée
dans un corps quelconque, en est extraite, dégagée
par la violence du feu, est une huile empyreumatique.
Nous avons excepté d'avance les huiles retirées
par ce moyen des baumes, des résines & des
bitumes. On l'appelle aussi foetide, parce que le corps
à la décomposition duquel elle est dûe, a fourni en
même - tems un principe salin, le plus souvent alkalivolatil,
d'une odeur forte & desagréable, dont cette
huile est empreinte, & auquel elle doit vraisemblablement
sa mauvaise odeur. Les huiles empyreumatiques
sont communément aussi noires & épaisses:
elles doivent ces deux qualités, sur - tout la premiere,
à une quantité considérable de matiere charbonneuse
qu'elles ont entraînée avec elles. Voyez
Non seulement les tissus, c'est - à - dire les végétaux
& les animaux entiers, ou leurs parties entieres,
mais encore les huiles grasses, les graisses, tous les
sucs animaux, & toutes les substances végétales solubles
par l'eau, excepté les sels purs, telles que la
matiere extractive, le corps muqueux, le tartre,
&c. tous ces sujets, dis - je, donnent dans la distillation
analytique de l'huile empyreumatique, & une
huile empyreumatique chargée d'alkali - volatil, excepté
celle qui provient de la distillation du lait &
du corps muqueux. Voyez
La théorie du dégagement de l'huile empyreumatique,
celle de sa composition chimique, & celle
des produits & des phénomenes de son analyse, appartiennent
au traité général de l'analyse des corps,
dont elle est un principe si essentiel. Voyez
Les huiles empyreumatiques sont considérablement
atténuées, deviennent limpides, volatiles, perdent
en très - grande partie, & même absolument leur
odeur étrangere & desagréable, par des rectifications
répetées, qu'on exécute communément à seu
nud & sans intermede: les premieres distillations
demandent en effet un degré de feu assez fort, mais
les huilles empyreumatiques parviennent enfin par
ces opérations répetées, à un état de volatilité qui
les rend capables de s'élever, du moins en grande
partie, avec l'eau bouillante, & même par la chaleur
du bain - marie. Dans cet état, elles ont toutes
les propriétés chimiques des huiles essentielles. La
rectification des huilles empyreumatiques est considérablement
hâtée par l'addition de la chaux - vive
ou de l'alkali - fixe; mais ces intermedes, sur - tout le
premier, en détruisent une partie très - considérable.
Voyez
Usages médicinaux des huiles empyreumatiques; huiles animale de Dippelius, huile de cade; huile de tartre; huile des philosophes; huile de papier. Ce sontà peu près toutes les huiles empyreumatiques employées, ou du moins le plus employées en Medecine; la premiere, destinée à l'usage intérieur, est une huile empyreumatique animale, communément celle de corne de cerf, rectifiée par quarante ou cinquante distillations successives, & vantée comme un [p. 337]
Rapport (
L'huile est immiscible à l'eau, aux sels neutres & aux acides végétaux & animaux vulgaires, tels que le tartre, le vinaigre & l'esprit de fourmi; aux sucs aqueux végétaux, à la gomme, au mucilage, au corps doux (excepté qu'il ne soit dans un état éminemment concret, comme le sucre), à la lymphe & à la gelée animale.
L'huile est miscible au soufre, aux baumes, aux
résines, aux graisses, aux bitumes, au phosphore
de Kunckel; elle s'unit au sucre & au jaune d'oeuf,
& devient miscible aux liqueurs aqueuses par l'intermede
de ces substances; elle dissout le cuivre &
le plomb, principalement les chaux de ces métaux,
& sur - tout celles de plomb; elle se combine avec
les sels alkalis sous la forme de savon. Voyez
Inflammation des huiles. Les expériences successives de Glauber, de Beccher, de Borrichius, de Boyle, de Tournefort, de Homberg, de Rouviere, de François Hoffman, de Geoffroy le cadet, & enfin de M. Rouelle, nous ont appris que toutes les huiles sans exception, aussi bien qùe les baumes liquides, étoient inflammables lorsqu'on les mêloit à froid au double de leur poids d'un acide, composé de parties égales d'esprit de nitre bien concentré, & d'huile de vitriol.
Ces proportions varient dans les expériences de ces auteurs. Ils augmentent la dose de l'acide composé, & la proportion de l'acide nitreux dans l'acide composé à mesure que l'huile, mise en expérience, est plus difficile à enflammer. La proportion que nous venons d'assigner est pourtant assez géneralement efficace; car les huiles d'une médiocre inflammabilité prennent feu mêlées à partie égale d'acide nitreux, & à une demi - partie d'acide vitriolique.
Cet acide composé est l'instrument général de l'inflammation de toutes les huiles, & des substances éminemment huileuses, telles que les baumes liquides; mais il n'est nécessaire que pour produire ce phénomene dans les plus rebelles de ces substances.
L'inflammation de l'esprit - de - vin par l'huile de vitriol est aujour d'hui généralement contestée; & beaucoup de chimistes doutent de celle de l'huile épaisse de térébeuthine par l'acide du vitriol seul.
Tous les chimistes qui avoient répété le procédé de Borrichius, l'avoient fait sans succès, lorsqu'enfin M. Rouelle publia en 1747, dans les Mémoires de l'académie des Sciences, des expériences, par lesquelles non - seulement il prouve la réalité du phénomene annoncé par Borrichius, mais même fixe le succès de cette expérience par un manuel fondé sur des observations très - ingénieuses, & sur la meilleure théorie chimique. Ce manuel consiste à appliquer à un charbon rare, spongieux, sec, embrasé, qui s'éleve au sein du mélange pendant la plus vive effervescence, quelques gouttes d'acide nitreux. Cette application se fait quelquefois par hasard, & presque toûjours dans les huiles les plus propres à s'enflammer; & alors l'inflammation se fait d'elle - même: c'est pour cela que les arbitres, qui n'avoient découvert ni cette cause ni le moyen de l'appliquer a volonté, ont réussi assez constamment sur les huiles de cette derniere classe.
Nous avons déja parlé plusieurs fois d'une différence observée entre les différentes huiles, relativement à des degrés d'inflammabilité. Les éminemment inflammables sont les huiles essentielles pesantes, denses, des substances végétales aromatiques des Indes; certaines huiles empyreumatiques, & les baumes liquides viennent ensuite; les huiles essentielles très - subtiles, telles que l'huile de térébenthine, de cédra, de lavande, sont plus difficiles à s'enflammer que toutes les précédentes; enfin, les plus difficiles absolument, les plus difficiles de toutes les huiles, sont les huiles par expression; & les éminemment difficiles dans cette classe, sont les plus douces ou les plus mucilagineuses, telles que celles d'amandes douces, d'olive, de fêne & de navette.
Ce sont ces dernieres huiles seulement que M. Rouelle n'a pu enflammer par l'acide nitreux seul, lors même qu'il l'a porté jusqu'à un degré de concentration auquel il est vraisemblable qu'on ne l'avoit pas porté avant lui. Il a été obligé de concentrer encore davantage l'acide nitreux qu'il a employé, en le mêlant, à parties égales de bon acide vitriolique; car il est connu en Chimie que l'acide vitriolique a plus de rapport avec l'eau que l'acide nitreux: le premier doit donc l'enlever au dernier, lorsqu'on les applique intimement l'un à l'autre en les mêlant. Voilà du moins la théorie qu'adopte M. Rouelle. Il prétend que l'acide vitriolique ne contribue d'ailleurs en rien à la production de la flamme; d'où il est aisé de conclure qu'il regarde comme impossible l'inflammation des huiles par l'acide vitriolique seul. Pour moi je doute peu de la vérité du phénomene rapporté par Homberg, & je n'apperçois dans la bonne théorie, dans l'ensemble des faits chimiques fondamentaux, rien qui puisse justifier le doute qu'on pourroit concevoir sur le fait, [p. 338]
Pour donner une idée complette de toute la manoeuvre
nécessaire dans l'exécution du procédé de
l'inflammation des huiles en général, voici celui de
M. Rouelle sur la plus difficile de toutes les huiles,
sur l'huile d'olive.
Les doses absolues employées dans cette expérience sont suffisantes; mais en général, l'inflammation réussit d'autant mieux, qu'en emploie des quantités absolues plus considérables; mais sur les huiles très - inflammables, l'expérience réussit à deux gros, & même à un de chaque matiere.
Huiles pharmaceutiques, ou par infusion & décoction.
On fait infuser ou bouillir dans l'huile d'olive un
grand nombre de substances végétales & quelques
substances animales, comme les petits chiens, les lésards,
les crapaux, les vers de terre, le castor, &c.
On passe ensuite ces huiles, ou même on les garde sur
le marc. Ces compositions sont destinées à l'usage extérieur,
& elles sont, pour la plûpart, des préparations
monstrueuses, parce que l'huile n'a aucune action sur
la plus grande partie des matieres végétales qu'on y
fait entrer; & la décoction altere inutilement la nature
de l'huile. Lesvertus vraies ou prétendues de ces diverses
huiles sont rapportées aux articles particuliers.
Voyez, par exemple
Huile d'antimoine, d'arsenic, de Jupiter, de Mars, de Mercure, de Saturne, de Vénus. Ce sont des noms qu'on a donnés à des liqueurs épaisses, denses, approchant, quoique d'une maniere fort éloignée, de la consistence de l'huile commune, & qui sont des dissolutions des substances métalliques, dont chacune porte le nom dans divers acides. Voyez les articles particuliers des ces substances métalliques.
Huile de chaux. C'est le nom ordinaire du sel neutre,
formé par l'union de l'acide marin & de la chaux,
lorsqu'il est sous la forme d'une liqueur concentrée.
Voyez
Huile de tartre, huile de tartre par défaillance. On
appelle communément ainsi le sel de tartre ou alkalifixe
ordinaire en état de défaillance ou deliquium.
Voyez
Huile de vitriol. C'est le nom vulgaire de l'acide
vitriolique concentré. Voyez
Falsification des huiles essentielles. Les huiles essentielles peuvent être falsifiées par le mélange d'une huile par expression, par celui d'un esprit de vin, ou par celui d'autres huiles essentielles.
Les huiles essentielles des aromates des Indes, que
Des fripons plus adroits mêlent l'huile de cannelle ou de girofle avec une quantité très - considérable d'esprit - de - vin: ce mélange peut être porté jusqu'à parties égales de chaque liqueur; & il retient encore, à cette proportion, la couleur & l'odeur qui sont propres à ces huiles essentielles. Il n'est pas plus difficile de reconnoître cette fraude que la précédente. Si on noye d'une grande quantité d'eau une huile essentielle fourrée d'esprit - de - vin, on produit une liqueur laiteuse; au lieu que ces mêmes huiles nagent sur l'eau, & s'en séparent sans la blanchir lorsqu'elles ne renferment point d'esprit - de - vin.
La troisieme espece de falsification, qui consiste à mêler une huile essentielle de vil prix à une autre huile essentielle plus chere, ne peut avoir lieu que pour les huiles qui ont une odeur forte, & capable de couvrir celle de l'huile qu'on y mêle, qui est toûjours celle de térébenthine. Les huiles des plantes à fleurs labiées de notre pays, telles que le thim, la menthe, l'origan, la sauge, le romarin, la lavande, &c. sont très - propres à être ainsi falsifiées. Mais cette fraude se découvre bientôt, & par l'action seule du tems; car l'odeur spécifique & agréable des huiles de ces plantes se dissipe lorsqu'on les a gardées un certain tems, & l'odeur forte de l'huile de térébenthine perce & se fait reconnoître aux moins expérimentés. Mais il y a un moyen plus prompt & plus abregé pour produire dans ces huiles mélangées l'altération qui développe & fait dominer l'odeur de l'huile de térébenthine. On n'a qu'à imbiber de ces huiles des morceaux de linge ou de papier, & les approcher d'un corps chaud, des parois d'un fourneau, par exemple; alors l'odeur plus subtile & plus douce de l'huile de lavande, de thym, &c. se dissipe la premiere, & il ne reste bientôt plus que l'odeur forte de l'huile de térébenthine. On peut ajoûter à cette épreuve deux signes assez démonstratifs de cette derniere falsification: le premier se déduit de ce que les huiles falsifiées par l'huile de térébentine sont plus limpides & plus fluides que ces huiles pures; & le second, de ce que les étiquettes appliquées assez ordinairement sur le bouchon des fioles qui contiennent ces huiles, sont effacées en tout ou en partie par les exhalaisons de l'huile de thérébentine; propriété qui est particuliere à cette derniere huile, & que n'ont pas au moins les huiles des plantes dont nous parlons.
On prétend encore que certains Artistes distillent les plantes qui ne donnent qu'une très - petite quantité d'huile essentielle, avec des substances très chargées d'huile par expression, la rue, par exemple, avec les semences de pavot; & que dans cette opération, une assez bonne quantité d'huile par expression, qui est naturellement fixe, est enlevée dans la distillation par le secours de l'huile essentielle. Mais cette prétention a besoin d'être confirmée par des expériences; & si elle se trouve fondée, il restera à savoir encore si l'huile par expression enlevée dans cette distillation, a changé de nature, & quel est son nouvel état. Voyez Frid. Hoffmann, Observat. physico - chimic. Lib. I, obs. ij. [p. 339]
Huile des Métaux (Page 8:339)
Huile d'Onction (Page 8:339)
Nous apprenons dans l'exode, chap. 30, que cette huile étoit faite de myrrhe, de cinnamome, de calamus aromaticus & d'huile d'olive, le tout confi par artifice de parfumeur.
Moyse ordonna aux israëlites de garder précieusement cette huile de génération en génération; voilà pourquoi elle étoit déposée dans le lieu très saint.
Chaque roi n'étoit pas oint, mais seulement le premier de la famille, tant pour lui - même, que pour tous les successeurs de sa race; il ne falloit pas d'autre onction, à moins qu'il ne s'élevât quelque difficulté touchant la succession, auquel cas celui qui l'avoit obtenue, quoiqu'il fût de la même famille, recevoit l'huile d'onction pour mettre fin à toute dispute, personne n'étant en droit, après cette cérémonie, de lui contester son titre: ce fut le cas de Salomon, de Joas & de Jéhoahaz; mais chaque souverain sacrificateur étoit oint à sa consécration, ou lorsqu'il entroit en charge, & il en étoit de même du prêtre qui alloit à la guerre en sa place.
Les vaisseaux & les ustensiles qu'on oignoit avec l'huile d'onction, étoient l'arche de l'alliance, l'autel des parfums, la table des pains de proposition, le chandelier d'or, l'autel des holocaustes, le lavoir & les vases qui en dépendoient.
Comme Moyse consacra toutes ces choses par l'huile d'onction à l'érection du tabernacle, aussi lorsque quelqu'une venoit à être détruite, à s'user, ou à se perdre, elle pouvoit, tant que cette huile subsista, être rétablie & réparée, en faisant & consacrant d'autres ustensi les à la place, qui acquéroient la même sainteté que les premiers, au moyen de l'existence de l'huile d'onction; mais malheureusement cette huile ayant péri avec le premier temple, & manquant dans le second temple, ce triste accident causa un défaut de sainteté dans toutes les autres choses qui y appartenoient. En vain, les Juifs, à leur retour de Babylone, & après le rétablissement de leur têmple, eurent un arche, un autel des parfums, une table des pains de proposition, un chandelier d'or, un autel des holocaustes, un lavoir avec les vases qui y appartenoient, & le tout plus beau que dans le premier temple, cela ne servit de rien; en vain, ils mirent toutes ces choses dans leur premiere place, & les appliquerent aux mêmes usages; le manque d'huile d'onction rendit le tout défectueux.
Ajoutons aussi, qu'outre ce défaut d'huile, le second temple fut encore privé de cinq choses qui constituoient la gloire principale du premier; savoir, 1°. de l'arche de l'alliance, qui étoit un petit coffret de bois de cédre, de trois piés neuf pouces de long, sur deux piés trois pouces de large, & deux piés trois pouces de haut. Il renfermoit la cruche où étoit la manne, & la verge d'Aaron qui avoit fleuri; le propitiatoire faisoit le couvercle de ce coffre. 2°. Il manquoit au second temple le Schekinna, c'est - à - dire, la présence divine se manifestant dans une nuée qui reposoit sur le propitiatoire. 3°. Il manquoit l'urim & le thummin, qui étoit quelque chose que nous ignorons, & que Moyse mit dans le pectoral du souverain sacrificateur. Exode 28, 30, Lévitiq. 8, 8. On sait que le pectoral étoit une piece d'étoffe en dou<cb->
Il ne faut donc pas être surpris que toutes ces choses, outre l'huile d'onction, manquant dans le second temple, les vieillards, lorsqu'on en posoit les fondemens, versassent des larmes au souvenir du premier; mais tout cela fut abondamment réparé, lorsque, pour me servir des termes des prophetes, le desir des nations, le seigneur qu'elles cherchoient entra dans son temple; lors, dis - je, que J. C. le véritable Schékinna, honora le dernier temple de sa présence; & à cet égard, la gloire de la seconde maison l'a emporté de beaucoup sur celle de la premiere. (D. J.)
Huile de Cade (Page 8:339)
Huile de Médie (Page 8:339)
Ammien Marcellin raconte que, si l'on trempe une fleche dans cette huile, & qu'on la tire avec un arc contre quelque corps imflammable, le tout prend feu immédiatement sans possibilité de l'éteindre avec de l'eau.
Le poison de Pharos, venenum pharicum de Nicandre, passoit pour être la même chose que l'huile de Médie; & tout ce qu'il en dit convient parfaitement au récit que font d'autres auteurs, des propriétés de l'huile de Médée, de sorte qu'on ne peut douter que ces, deux liqueurs ne soient la même chose.
Quelques uns prétendent qu'on tiroit cette huile d'une plante; mais Pline assure positivement que c'étoit un minéral bitumineux, liquide, de la nature du naphte, ce qui est très - apparent, parce que les huiles minérales sont les substances les plus inflammables que nous connoissions. Babylone est fameuse chez plusieurs auteurs, pour fournir cette liqueur; il est certain que le naphthe s'y trouve abondamment. Strabon dit qu'elle en produit deux especes, l'une blanche, & l'autre noire. La blanche étoit vraisemblablement ce qu'on nommoit l'huile de Médie, ou de Médée; mais on ne doit pas douter que les anciens n'ayent extrêmement exagéré les effets, les propriétés & les vertus qu'ils lui ont attribuées; l'hyperbole leur est familiere dans tous les récits qu'ils nous ont fait des choses étrangeres à leurs pays, en quoi nous les avons assez bien imités. (D. J.) [p. 340]
Huile grasse (Page 8:340)
L'huile est aussi employée dans les différens ouvrages
d'Horlogerie, pour donner plus de mobilité
aux pieces & en retarder l'usure; car ses particules
étant autant de petits rouleaux, elles diminuent
considérablement le frottement, en remplissant les
intervalles qui se trouvent toujours entre les parties
des corps, quelque polis qu'ils soient; & elles
empêchent ces parties d'engrener aussi avant les
unes dans les autres. Il est d'une grande conséquence,
dans les montres surtout, que l'huile que l'on
emploie soit bien pure & bien fluide. Voyez l'article
Huile (Page 8:340)
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