ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"304"> anciennes horloges, que celles - ci étoient au - dessus des clepsydres & horloges d'eau.

Huyghens ayant appliqué le pendule aux horloges, s'apperçut que les vibrations par les grands arcs du pendule étoient d'une plus grande durée que les vibrations par les petits arcs, & que par conséquent l'action du poids sur le pendule venant à diminuer lorsque les frottemens des roues seroient augmentés & les huiles épaissies, il arriveroit nécessairement que l'horloge avanceroit. Pour parer cette difficulté, il chercha les moyens de rendreles oscillations du pendule isochrones ou égales en durée, quelle que sut l'étendue des arcs; pour cet effet, il découvrit par ses recherches la propriété d'une courbe, qu'on appelle la cycloïde, laquelle est telle que si on laisse tomber un corps de différentes hauteurs de cette courbe, la descente du corps se fait toûjours dans le même tems: il appliqua donc à l'endroit où le fil, qui suspend le pendule, est attaché, deux lames pliées en cycloïde entre lesquelles le fil passoit; ensorte qu'à mesure que le pendule décrivoit des plus grands arcs, & qu'il auroit dû faire l'oscillation en un plus grand tems, à mesure aussi le pendule s'accourcissoit, & son mouvement devenoit plus accéleré; & tellement que soit que le pendule décrivît des plus grands ou des plus petits arcs, le tems des oscillations étoient toûjours le même. Quoique le succès n'ait pas répondu à cette théorie, elle n'en est pas moins admirable, & c'est à elle que nous devons la perfection actuelle de nos pendules; car, malgré que l'on ne fasse plus usage de la cycloïde, c'est de cette théorie que nous avons appris que les petits arcs de cercle ne different pas sensiblement des petits arcs de cycloïdes; & qu'ainsi en faisant parcourir de petits arcs au pendule, les tems des vibrations ne changeront qu'infiniment peu, quoique la force motrice changeât au point d'en doubler l'étendue.

Le pendule circulaire, que l'on appelle piroüette, est encore de l'invention de M. Huyghens. Ce pendule au lieu de faire ses oscillations dans un même plan, décrit au contraire un cone; & tourne toûjours du même côté, y étant obligé par l'action des roues. Ce pendule est tellement composé qu'il peut parcourir de plus grands ou de plus petits arcs, selon que la force motrice agit plus ou moins, ensorte que les tours que ce pendule trace dans l'air, ont des bases plus grandes ou plus petites, selon l'inégalité de la force motrice; mais quoique le pendule décrive ainsi des cones inégaux, cela ne change point les tems des révolutions du pendule; car, soit que la force motrice soit foible, & que la force centrifuge du pendule lui fasse décrire un petir cône, ou soit que la force motrice venant à augmenter, la force centrifuge du pendule lui fasse alors parcourir un plus grand cercle, le tems des révolutions est toûjours le même; ce qui dépend de la propriété d'une certaine courbe, sur laquelle s'applique le fil qui porte le pendule. Cet isochronisme des révolutions du pendule est fondé sur une théorie qui m'a toûjours paru admirable, ainsi que celle de la cycloïde; & quoique l'on ne fasse usage de l'une ni de l'autre méthode, on ne doit pas moins essayer d'en suivre l'esprit dans les machines qui mesurent le tems, toute leur justesse ne pouvant être fondée que sur l'isochronisme des vibrations du régulateur quel qu'il soit: ces inventions furent contestées à Huyghens, comme il le dit lui - même au commencement de son livre intitulé, de horlogio oscillatorio. Je rapporterai ses propres paroles.

« Personne ne peut nier qu'il y a seize ans qu'on n'avoit soit par écrit, soit par tradition, aucune connoissance de l'application du pendule aux horloges, encore moins de la cycloïde dont je ne sache pas que personne me conteste l'addition.

Or il y a seize ans actuellement (en 1658) que j'ai publié un ouvrage sur cette matiere; donc la date de l'impression differe de sept années celle des écrits où cette invention est attribuée à d'autres; quant à ceux qui cherchent à en attribuer l'honneur à Galilée, les uns disent qu'il paroît que ce grand homme avoit tourné ces recherches de ce côté; mais ils font plus, ce me semble, pour moi que pour lui, en avouant tacitement qu'il a eu dans ses recherches moins de succès que moi. D'autres vont plus loin, & prétendent que Galilée ou son fils a effectivement appliqué le pendule aux horloges; mais quelle vraissemblance y a - t - il qu'une découverte aussi utile, non - seulement n'eût point été publiée dans le tems même où elle a été faite, mais qu'on eût attendu pour la revendiquer huit ans après la publication de mon ouvrage? dira - t - on que Galilée pouvoit avoir quelque raison particuliere pour garder le silence pendant quelque tems? Dans ce cas, il n'est point de découvertes qu'on ne puisse contester à son auteur »....

L'application de la cycloïde aux horloges, toute admirable qu'elle est dans la théorie, n'a pas eu le succès que M. Huyghens s'en étoit promis; la difficulté de tracer exactement une telle courbe a dû y contribuer; mais la principale cause dépend de ce qu'elle exigeoit que le pendule fût suspendu par un fil flexible; or ce fil étoit susceptible des effets de l'humidité & de la sécheresse; & d'ailleurs il ne pouvoit supporter qu'une lentille legere, qui parcourant de grands arcs, éprouvoit une grande résistance de l'air, ses surfaces étant d'autant plus grandes, que les corps sont plus petits. Or cette lentille devenoit sujette par ces raisons à causer des variations à l'horloge, & d'autant plus que la force motrice, soit le poids qui entretient le mouvement de la machine, devenoit plus grand, ce qui produisoit des frottemens. D'ailleurs toute la théorie de la cycloïde portoit sur les oscillations du pendule libre, c'est - à - dire, qui fait ses oscillations indépendamment de l'action réitérée d'un rouage. Or un tel pendule ne peut servir que pendant quelques heures à mesurer le tems; & lorsqu'il est appliqué à l'horloge, ses oscillations sont troublées par la pression de l'échappement qui en entretient le mouvement; ensorte que, selon la nature de l'échappement, c'est - à - dire, que selon que l'échappement est à repos ou à recul, les oscillations se font plus vîte ou plus lentement, comme nous le ferons voir. Aussi a - t - on abandonné depuis la cycloïde, qui a cependant produit une grande perfection aux horloges à pendules, c'est de nous apprendre que les petits arcs de cercles ne different pas sensiblement des petites portions de cycloïde; ensorte qu'en faisant décrire au pendule de petits arcs, les oscillations en seroient isochrones, quoique les arcs décrits par le pendule vinssent à augmenter ou à diminuer par le changement de la force motrice.

Le docteur Hook fut le premier en Angleterre qui fit usage des petits arcs; ce qui donna la facilité de faire en même tems usage des lentilles pesantes. Le sieur Clément, horloger de Londres, fit dans le même tems des pendules qui décrivoient de petits arcs avec des lentilles pesantes. Ce principe a été suivi depuis ce tems par tous les horlogers qui ont aimé à faire de bonnes machines. M. le Bon à Paris, a été un des premiers qui en ait fait usage; il fit même des lentilles pesant environ 50 à 60 livres; c'est le même système qu'a suivi de nos jours M. Rivaz.

On peut juger de la perfection où on a porté la construction & l'exécution des pendules astronomiques, [p. 305] par ce qu'elles étoient lorsque Huyghens les imagina. Les premieres horloges à pendule qui furent faites sur ces principes alloient 30 heures avec un poids de six livres, dont la descente étoit de cinq piés; & je viens d'en terminer une qui va un an avec un poids qui pese deux livres, & dont la descente est de cinq piés.

Au reste cette perfection que l'Horlogerie a acquise n'a rien changé aux principes, même depuis cent ans; ainsi le pendule est encore le meilleur régulateur des horloges, qu'on nomme aussi pendules, & le balancier gouverné par le spiral est le meilleur régulateur des montres.

Jusques à Huyghens l'Horlogerie pouvoit être considérée comme un art méchanique qui n'exigeoit que de la main d'oeuvre; mais l'application qu'il fit de la Géométrie & de la Méchanique pour ses découvertes, ont fait de cet art une science où la main - d'oeuvre n'est plus que l'accessoire, & dont la partie principale est la théorie du mouvement des corps qui comprend ce que la Géométrie, le calcul, la Méchanique & la Physique ont de plus sublime.

La grande précision avec laquelle le pendule divise le tems, facilita & donna lieu à de bonnes observations; ce qui fit appliquer des nouvelles divisions aux machines qui mesurent le tems. On divisa donc la 24e partie du jour, c'est - à - dire l'heure, en 60 parties, qu'on appelle minutes. La minute en 60 parties que l'on nomme secondes, & la seconde en 60 parties que l'on nomme tierces, & ainsi de suite. Ainsi la révolution journaliere du soleil d'abord divisée en 24 parties, l'est maintenant en 86400 secondes que l'on peut compter. On commença de faire d'après ces divisions, des horloges ou pendules qui marquerent les minutes & secondes; pour cet effet on disposa ces machines de maniere que tandis que la roue qui porte l'aiguille des heures, fait un tour en 12 heures, une autre roue fait un tour par heure; celle - ci porte une aiguille qui marque les minutes sur un cercle du cadran qui est divisé en 60 parties égales, dont chacune répond à une minute, & les 60 divisions à une heure. Enfin, pour faire marquer les secondes, on disposa la machine de maniere qu'une de ses roues fit un tour en une minute: l'axe de cette roue porte une aiguille qui marque les secondes sur un cercle divisé en 60 parties, dont chacune répond à une seconde, & les 60 à une minute; on ajoûta de même ces sortes de divisions aux montres.

Dès que l'on fut ainsi parvenu à avoir des machines propres à diviser & à marquer exactement les parties du tems, les artistes Horlogers imaginerent à l'envi différens méchanismes, comme les pendules à réveils, celles qui marquent les quantiemes du mois, les jours de la semaine, les années, les quantiemes & phases de la lune, le lever & le coucher du soleil, les années bissextiles, &c. Mais parmi toutes les additions que l'on a faites aux pendules & aux montres, il y en a entr'autres deux qui sont très - ingénieuses & utiles: la premiere est la répétition, cette machine soit montre ou pendule, au moyen de laquelle on sait les heures & les quarts à tous les momens du jour ou de la nuit. La seconde est l'invention des pendules & des montres à équation. Pour connoître le mérite de ces sortes d'ouvrages, il faut savoir que les Astronomes ont découvert après bien des observations, que les révolutions journalieres du soleil ne se font pas tous les jours dans le même tems, c'est - à - dire, le tems compris depuis le midi d'un jour au suivant, n'est pas toûjours le même, mais qu'il est plus grand dans certains jours de l'année, & plus court en d'autres. Or le tems mesuré par les pendules étant uniforme par sa nature, il arrive que ces machines ne peuvent suivre naturellement les écarts du soleil. On a donc imaginé un méchanisme qui est tel que tandis que l'aiguille des minutes de la pendule tourne d'un mouvement uniforme, une seconde aiguille des minutes suit les variations du soleil. Enfin, les plus belles machines que l'Horlogerie ait produites jusques ici sont, les spheres mouvantes & les planispheres.

On appelle sphere mouvante, une machine tellement disposée, qu'elle indique & imite à chaque moment la situation des planetes dans le ciel, le lieu du soleil, le mouvement de la lune, les éclipses: en un mot, elle représente en petit le système de notre monde. Ainsi, selon le dernier système reçû par les Astronomes, on place le soleil au centre de cette machine, qui représente la sphere du monde. Autour du soleil, tourne mercure; ensuite sur un plus grand cercle on voit vénus, puis la terre avec sa lune; après elle mars, ensuite jupiter avec ses quatre satellites, & enfin saturne avec ses cinq satellites ou petites lunes; chaque planete est portée par un cercle concentrique au soleil; ces différens cercles sont mis en mouvement par des roues de l'horloge, lesquelles sont cachées dans l'intérieur de la machine. Chaque planete employe & imite parfaitement dans la machine le tems de la révolution que les Astronomes ont déterminé; ainsi mercure tourne autour du soleil en 88 jours, vénus en 224 jours 7 heures, la terre en 365 jours 5 heures 49 minutes 12 secondes. La lune fait sa révolution autour de la terre en 29 jours 12 heures 44 minutes 3 secondes; mars en un an 321 jours 18 heures, jupiter en onze ans 316 jours, & saturne en 29 ans 155 jours 18 heures. La sphere mouvante n'est pas d'invention moderne, puisque Archimede qui vivoit il y a deux mille ans, en avoit composé & fait une qui imitoit les mouvemens des astres. On a fait dans ces derniers tems plusieurs spheres mouvantes; mais la plus parfaite dont on ait connoissance, est celle qui est placée à Versailles, laquelle a été calculée par M. Passement, & exécutée par d'Authiau.

On a aussi composé des pendules qui marquent & indiquent le mouvement des planetes, comme le fait la sphere; mais avec cette différence, que dans les machines qu'on nomme planispheres, les révolutions des planetes sont marquées sur un même plan par des ouvertures faites au cadran sous lequel tournent les roues qui représentent les mouvemens célestes.

On a ainsi enrichi l'Horlogerie d'un grand nombre d'inventions qu'il seroit trop long de rapporter ici; on peut consulter les ouvrages d'Horlogerie, comme le traité de M. Thiout, du P. Alexandre, & de le Paute; on trouvera sur - tout dans le livre de M. Thiout un grand nombre de machines très ingénieusement imaginées pour parvenir à exécuter aisément toutes les parties qui composent la maind'oeuvre; il y a d'ailleurs toutes sortes de pieces: cet ouvrage est proprement un recueil de machines d'Horlogerie.

On voit par ce qui précede une partie des objets que l'Horlogerie embrasse; on peut juger par leur étendue combien il faut réunir de connoissances pour posséder cette science.

L'Horlogerie étant la science du mouvement, cet art exige que ceux qui le professent connoissent les lois du mouvement des corps; qu'ils soient bons géometres, méchaniciens, physiciens; qu'ils possedent le calcul, & soient nés non seulement avec le génie propre à saisir l'esprit des principes, mais encore avec les talens de les appliquer.

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