ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"278"> mêmes, les autres sont entraînés par l'imitation. C'est elle qui fait prosterner l'enfant aux piés des autels, qui donne l'air grave au fils d'un magistrat, & la contenance fiere à celui d'un guerrier. Cette pente à imiter, cette facilité que nous avons d'être émûs par les passions des autres, semblent annoncer que les hommes ont entre eux des rapports secrets qui les unissent. La société se trouve composée d'hommes modifiés les uns par les autres, & l'opinion publique donne à tous ceux de chaque société particuliere un air de ressemblance qui perce à - travers la différence des caracteres. La continuité des exemples domestiques fait sans doute une impression forte sur les enfans; mais elle n'est rien en comparaison de celle qu'ils recoivent de la masse générale des moeurs de leur tems. Voyez Moeurs. Chaque siecle a donc des traits marqués qui le distinguent d'un autre. On dit, le siecle de la chevalerie: on pourroit dire, le siecle des beaux - arts, celui de la philosophie; & plût à Dieu qu'il en vînt un qu'on pût appeller, le siecle de la bienfaisance & de l'humanité! Puisque ce sont l'exemple & l'opinion qui désignent les différens points vers lesquels doit se tourner l'amour - propre des particuliers, & qui déterminent en eux l'amour du bien - être, il s'ensuit que les hommes se font, & qu'il est à - peu - près possible de leur donner la forme qu'on voudra. Cela peut arriver sur - tout dans une monarchie: le trône est un piédestal sur lequel l'imitation va chercher son modele. Dans les républiques, l'égalité ne souffre point qu'un homme s'éleve assez pour être sans cesse en spectacle. La vertu de Caton ne fut qu'une satyre inutile des vices de son tems. Mais dans tout gouvernement les opinions & les moeurs dépendent infiniment de sa situation actuelle. S'il est tranquille au - dehors, & qu'au - dedans le bon ordre & l'aisance rendent les citoyens heureux, vous verrez éclore les arts de plaisir, & la mollesse marchant à leur suite énerver les corps, engourdir le courage, & conduire à l'affaissement par la volupté. Si des troubles étrangers ou des divisions intestines menacent la sûreté de l'état des citoyens, la vigilance naîtra de l'inquiétude, l'esprit, la crainte & la haine formeront des projets, & ces passions tumultueuses produiront des efforts, des talens & des crimes hardis. Il faudroit des révolutions bien extraordinaires dans les situations, pour en produire d'aussi subites dans les sentimens publics. Le caractere des nations est ordinairement l'effet des préjugés de l'enfance, qui tiennent à la forme de leur gouvernement. A l'empire de l'habitude, on ajoûteroit pour les hommes la force beaucoup plus puissante du plaisir, si l'on prenoit soin de l'éducation des femmes. On ne peut que gémir en voyant ce sexe aimable privé des secours qui feroient également son bonheur & sa gloire. Les femmes doivent à des organes délicats & sensibles des passions plus vives que ne sont celles des hommes. Mais si l'amour propre & le goût du plaisir excitent en elles des mouvemens plus rapides, elles éprouvent aussi d'une maniere plus forte le sentiment de la pitié qui en est la balance. Elles ont donc le germe des qualités les plus brillantes, & si l'on joint à cet avantage les charmes de la beauté, tout annonce en elles les reines de l'univers. Il semble que la jalousie des hommes ait pris à tâche de défigurer ces traits. Dès l'enfance on concentre leurs idées dans un petit cercle d'objets, on leur rend la fausseté nécessaire. L'esclavage auquel on les prépare, en altérant l'élévation de leur caractere, ne leur laisse qu'un orgueil sourd qui n'emploie que de petits moyens: dès - lors elles ne regnent plus que dans l'empire - de la bagatelle. Les colifichets devenus entre leurs mains des baguettes magiques, transforment leurs adorateurs comme le furent autrefois ceux de Circé. Si les femmes puisoient dans les principes qui forment leur enfance, l'estime des qualités nobles & généreuses; si la parure ne les embellissoit qu'en faveur du courage ou des talens supérieurs, on verroit l'amour concourir avec les autres passions à faire éclorre le mérite en tout genre; les femmes recueilleroient le fruit des vertus qu'elles auroient fait naître. Combien aujourd'hui, victimes d'une frivolité qui est leur ouvrage, sont punies de leurs soins par leurs succès! Article de M. le Roi.

Homme (Page 8:278)

* Homme, (Politique.) il n'y a de véritables richesses que l'homme & la terre. L'homme ne vaut rien sans la terre, & la terre ne vaut rien sans l'homme.

L'homme vaut par le nombre; plus une société est nombreuse, plus elle est puissante pendant la paix, plus elle est redoutable dans les tems de la guerre. Un souverain s'occupera donc sérieusement de la multiplication de ses sujets. Plus il aura de sujets, plus il aura de commerçans, d'ouvriers, de soldats.

Ses états sont dans une situation déplorable, s'il arrive jamais que parmi les hommes qu'il gouverne, il y en ait un qui craigne de faire des enfans, & qui quitte la vie sans regret.

Mais ce n'est pas assez que d'avoir des hommes, il faut les avoir industrieux & robustes.

On aura des hommes robustes, s'ils ont de bonnes moeurs, & si l'aisance leur est facile à acquérir & à conserver.

On aura des hommes industrieux, s'ils sont libres.

L'administration est la plus mauvaise qu'il soit possible d'imaginer, si faute de liberté de commerce, l'abondance devient quelquefois pour une province un fléau aussi redoutable que la disette.

Voyez les articles Gouvernement, Lois, Impôts, Population, Liberté , &c.

Ce sont les enfans qui font des hommes. Il faut donc veiller à la conservation des enfans par une attention spéciale sur les peres, sur les meres & sur les nourrices.

Cinq mille enfans exposés tous les ans à Paris peuvent devenir une pepiniere de soldats, de matelots & d'agriculteurs.

Il faut diminuer les ouvriers du luxe & les domestiques. Il y a des circonstances où le luxe n'emploie pas les hommes avec assez de profit; il n'y en a aucune où la domesticité ne les emploie avec perte. Il faudroit asseoir sur les domestiques un impôt à la décharge des agriculteurs.

Si les agriculteurs, qui sont les hommes de l'état qui fatiguent le plus, sont les moins bien nourris, il faut qu'ils se dégoûtent de leur état, ou qu'ils y périssent. Dire que l'aisance les en feroit sortir, c'est être un ignorant & un homme atroce.

On ne se presse d'entrer dans une condition que par l'espoir d'une vie douce. C'est la jouissance d'une vie douce qui y retient & qui y appelle.

Un emploi des hommes, n'est bon que quand le profit va au - delà des frais du salaire. La richesse d'une nation est le produit de la somme de ses travaux au - delà des frais du salaire.

Plus le produit net est grand & également partagé, plus l'administration est bonne. Un produit net également partagé peut être préférable à un plus grand produit net, dont le partage seroit très inégal, & qui diviseroit le peuple en deux classes, dont l'une regorgeroit de richesse & l'autre expireroit dans la misere.

Tant qu'il y a des friches dans un état, un homme ne peut être employé en manufacture sans perte.

A ces principes clairs & simples, nous en pourrions ajoûter un grand nombre d'autres, que le souverain trouvera de lui - même, s'il a le courage & la bonne volonté nécessaires pour les mettre en pratique.

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Homme nouveau (Page 8:279)

Homme nouveau, novus homo, (Hist. rom.) les Romains appelloient hommes nouveaux, ceux qui commençoient leur noblesse, c'est - à - dire, ceux qui n'ayant aucune illustration par leurs ancêtres, commençoient les premiers à se pousser par leurs vertus; c'est cependant ce reproche d'homme nouveau que tant de gens firent à l'orateur de Rome, & entr'autres Catilina, lorsqu'il lui fut préferé pour la premiere magistrature: « Je ne prétens pas, dit Ciceron en plein sénat, m'étendre sur les louanges de mes ancêtres, par cette seule raison qu'ils ont vécu sans rechercher les applaudissemens de la renommée populaire, & sans desirer l'éclat des honneurs que vous conférez ».

Cicéron étoit donc un homme nouveau; il étoit sans doute bien illustre par lui - même, & bien digne des premiers emplois; mais il n'étoit pas noble, il n'avoit pas le droit de faire porter à ses funérailles le buste de cire de ses ayeux: celui - là seul avoit ce droit dont les ancêtres étoient parvenus aux grandes charges; il étoit noble par ce titre, & rendoit nobles ses descendans. Ceux qui avoient les images de leurs ayeux, pour me servir des termes d'Asconius, étoient appellés nobles, nobiles; ceux qui n'avoient que les leurs, on les nommoit hommes nouveaux, novi homines; & ceux qui n'avoient ni les images de leurs ancêtres, ni les leurs, étoient appellés ignobles, ignobiles; ainsi la noblesse, le droit d'images, jus imaginum, se trouvoit attaché aux charges, aux dignités; c'est pourquoi Caton le censeur, qu'on qualifioit comme Cicéron d'homme nouveau, répondoit qu'il l'étoit quant aux dignités, mais que quant au mérite de ses ancêtres, il pouvoit se dire très - ancien. (D. J.)

Homme libre (Page 8:279)

Homme libre, (Hist. des Francs.) on appelloit au commencement de notre monarchie hommes libres ceux qui d'un côté n'avoient point de bénéfices ou fiefs, & qui de l'autre n'étoient point soumis à la servitude de la glebe; les terres qu'ils possédoient étoient des terres allodiales; alors deux sortes de gens étoient tenus au service militaire, les leudes vassaux, ou arriere - vassaux, qui y étoient obligés en conséquence de leurs fiefs, & les hommes libres, francs, romains & gaulois, qui servolent sous le comte & étoient menés à la guerre par lui, & ses officiers qu'on nommoit vicaires; de plus, comme les hommes libres étoient divisés en centaines (en anglois hundred) qui formoient ce qu'on appelloit un bourg, les comtes avoient encore sous eux outre les vicaires d'autres officiers, nommés centeniers, qui conduisoient les hommes libres du bourg, ou de leur centaine, au camp.

Les droits du prince sur les hommes libres ne consistoient qu'en de certaines voitures exigées seulement dans de certaines occasions publiques, & dans quelques droits sur les rivieres; & quant aux droits judiciaires, il y avoit des lois des Ripuaires & des Lombards pour prévenir les malversations.

J'ai dit que les hommes libres n'avoient point de fiefs; cela se trouvoit ainsi dans les commencemens, alors ils n'en pouvoient point encore posséder; mais ils en devinrent capables dans la suite, c'est - à - dire, entre le regne de Gontram & celui de Charlemagne. Dans cet intervalle de tems, il y eut des hommes libres, qui furent admis à jouir de cette grande prérogative, & par conséquent à entrer dans l'ordre de la noblesse; c'est du moins le sentiment de M. de Montesquieu, voyez l'Esprit des lois, liv. XXXI. ch. xxiij. (D. J.)

Homme d'État (Page 8:279)

Homme d'État, (Droit politiq.) celui à qui le souverain confie sous ses yeux les rènes du gouvernement en tout, ou en partie.

Un citoyen d'Athènes ou de Rome nous diroit que le devoir d'un homme d'état est de n'être rempli que du seul bien de sa patrie, de lui tout sacrifier, de la servir inébranlablement sans aucune vûe de gloire, de réputation, ni d'intérêt; de ne point s'élever pour quelque honneur qu'on lui rende, & de ne point s'abaisser pour quelque refus qu'il éprouve; de soumettre toûjours ses propres affaires aux affaires publiques; de tirer sa consolation dans les malheurs particuliers, de la prospérité générale de son pays; de ne s'occuper qu'à le rendre heureux; en un mot, de vivre & de mourir pour lui seul.

Mais je ne tiendrai point ici des propos si sublimes, qui ne vont ni à nos moeurs, ni à nos idées, ni à la nature des gouvernemens sous lesquels nous vivons: c'est bien assez de demander à un homme d'état du travail, de l'honneur, de la probité, de servir son prince fidelement, d'avoir l'oreille plus ouverte à la vérité qu'au mensonge, d'aimer l'ordre & la paix, de respecter les lois, de ne pas opprimer la nation, & de ne se pas jouer du gouvernement.

Le vulgaire suppose toûjours une étendue d'esprit prodigieuse, & un génie presque divin aux hommes d'état, qui ont heureusement gouverné; mais il ne faut souvent, pour y réussir, qu'un esprit sain, de bonnes vûes, de l'application, de la suite, de la prudence, des conjonctures favorables. Cependant je suis persuadé que, pour être un bon ministre, il faut sur toutes choses avoir pour passion, l'amour du bien public: le grand homme d'état est celui dont les actions parlent à la postérité, & dont il reste d'illustres monumens utiles à sa patrie. Le cardinal de Mazarin n'étoit qu'un ministre puissant; Sully, Richelieu & Colbert ont été de grands hommes d'état. Alexandre se fit voir un grand homme d'état, après avoir prouvé qu'il étoit un grand capitaine. Alfred a été tout ensemble, le plus grand homme d'état, & le plus grand roi qui soit monté sur le trône depuis l'époque du christianisme. (D. J.)

Hommes d'intelligence (Page 8:279)

Hommes d'intelligence, (Théol.) nom d'une secte d'hérétiques, qui parurent dans la Picardie en 1412; leur chef étoit Fr. Guillaume de Hildernissen, allemand, de l'ordre des Carmes, & un certain Gilles le Chantre, homme séculier. Celui - ci disoit qu'il étoit le sauveur des hommes, & que par lui les fideles verroient Jesus - Christ, comme par Jesus - Christ ils verroient Dieu le Pere; que les plaisirs du corps étant de simples actions de la nature, n'étoient point des péchés, mais des avant - goûts du paradis; que le tems de l'ancienne loi avoit été celui du Pere; que le tems de la nouvelle loi étoit celui du Fils; & qu'il y en auroit bientôt un troisieme, qui seroit celui du saint - Esprit, lequel mettroit les hommes en toute liberté. Le carme se retracta à Bruxelles, à Cambrai, & à Saint - Quentin, où il avoit semé ses erreurs, & cette secte se dissipa. Mezerai, Hist. de France. (G)

Homme d'armes (Page 8:279)

Homme d'armes. (Cart. milit. & hist.) C'étoit dans l'ancienne gendarmerie un gentilhomme qui combattoit à cheval, armé de toutes pieces, cataphractus eques. Chaque homme d'armes avoit avec lui cinq personnes; sçavoir trois archers, un coutillier, ou un écuyer, ainsi appellé d'une espece de couteau ou bayonnette, qu'il portoit au côté, & enfin un page ou un valet. Charles VII ayant commencé à réduire la noblesse françoise en corps réglé de cavalerie, il en composa quinze compagnies, chacune de cent hommes d'armes, appellées compagnies d'ordonnance; & comme chaque homme d'armes avoit cinq autres hommes à sa suite, chaque compagnie se trouvoit de six cens hommes, & les quinze ensemble faisoient neuf mille chevaux. Il y avoit outre cela une grande quantité de volontaires, qui suivoient ces compagnies à leurs dépens, dans l'espérance d'y avoir, avec le tems, une place de gen<pb->

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