ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
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mêmes, les autres sont entraînés par l'imitation.
C'est elle qui fait prosterner l'enfant aux piés des
autels, qui donne l'air grave au fils d'un magistrat,
& la contenance fiere à celui d'un guerrier. Cette
pente à imiter, cette facilité que nous avons d'être
émûs par les passions des autres, semblent annoncer
que les hommes ont entre eux des rapports secrets
qui les unissent. La société se trouve composée
d'hommes modifiés les uns par les autres, & l'opinion
publique donne à tous ceux de chaque société particuliere
un air de ressemblance qui perce à - travers
la différence des caracteres. La continuité des exemples
domestiques fait sans doute une impression forte
sur les enfans; mais elle n'est rien en comparaison
de celle qu'ils recoivent de la masse générale des
moeurs de leur tems. Voyez Moeurs. Chaque siecle a
donc des traits marqués qui le distinguent d'un autre.
On dit, le siecle de la chevalerie: on pourroit dire,
le siecle des beaux - arts, celui de la philosophie; & plût
à Dieu qu'il en vînt un qu'on pût appeller, le siecle
de la bienfaisance & de l'humanité! Puisque ce sont
l'exemple & l'opinion qui désignent les différens
points vers lesquels doit se tourner l'amour - propre
des particuliers, & qui déterminent en eux l'amour
du bien - être, il s'ensuit que les hommes se font, &
qu'il est à - peu - près possible de leur donner la forme
qu'on voudra. Cela peut arriver sur - tout dans une
monarchie: le trône est un piédestal sur lequel
l'imitation va chercher son modele. Dans les républiques,
l'égalité ne souffre point qu'un homme s'éleve
assez pour être sans cesse en spectacle. La vertu
de Caton ne fut qu'une satyre inutile des vices de
son tems. Mais dans tout gouvernement les opinions
& les moeurs dépendent infiniment de sa situation
actuelle. S'il est tranquille au - dehors, & qu'au - dedans
le bon ordre & l'aisance rendent les citoyens
heureux, vous verrez éclore les arts de plaisir, &
la mollesse marchant à leur suite énerver les corps,
engourdir le courage, & conduire à l'affaissement
par la volupté. Si des troubles étrangers ou des divisions
intestines menacent la sûreté de l'état des
citoyens, la vigilance naîtra de l'inquiétude, l'esprit,
la crainte & la haine formeront des projets,
& ces passions tumultueuses produiront des efforts,
des talens & des crimes hardis. Il faudroit des révolutions
bien extraordinaires dans les situations,
pour en produire d'aussi subites dans les sentimens
publics. Le caractere des nations est ordinairement
l'effet des préjugés de l'enfance, qui tiennent à la
forme de leur gouvernement. A l'empire de l'habitude,
on ajoûteroit pour les hommes la force beaucoup
plus puissante du plaisir, si l'on prenoit soin
de l'éducation des femmes. On ne peut que gémir
en voyant ce sexe aimable privé des secours qui feroient
également son bonheur & sa gloire. Les femmes
doivent à des organes délicats & sensibles des
passions plus vives que ne sont celles des hommes.
Mais si l'amour propre & le goût du plaisir excitent
en elles des mouvemens plus rapides, elles éprouvent aussi d'une maniere plus forte le sentiment de
la pitié qui en est la balance. Elles ont donc le
germe des qualités les plus brillantes, & si l'on joint
à cet avantage les charmes de la beauté, tout annonce
en elles les reines de l'univers. Il semble que
la jalousie des hommes ait pris à tâche de défigurer
ces traits. Dès l'enfance on concentre leurs idées
dans un petit cercle d'objets, on leur rend la fausseté
nécessaire. L'esclavage auquel on les prépare,
en altérant l'élévation de leur caractere, ne leur
laisse qu'un orgueil sourd qui n'emploie que de petits
moyens: dès - lors elles ne regnent plus que dans
l'empire - de la bagatelle. Les colifichets devenus
entre leurs mains des baguettes magiques, transforment
leurs adorateurs comme le furent autrefois
ceux de Circé. Si les femmes puisoient dans les principes
qui forment leur enfance, l'estime des qualités
nobles & généreuses; si la parure ne les embellissoit
qu'en faveur du courage ou des talens supérieurs,
on verroit l'amour concourir avec les autres passions
à faire éclorre le mérite en tout genre; les
femmes recueilleroient le fruit des vertus qu'elles
auroient fait naître. Combien aujourd'hui, victimes
d'une frivolité qui est leur ouvrage, sont punies de
leurs soins par leurs succès! Article de M. le Roi.
Homme
(Page 8:278)
* Homme, (Politique.) il n'y a de véritables richesses
que l'homme & la terre. L'homme ne vaut rien
sans la terre, & la terre ne vaut rien sans l'homme.
L'homme vaut par le nombre; plus une société est
nombreuse, plus elle est puissante pendant la paix,
plus elle est redoutable dans les tems de la guerre.
Un souverain s'occupera donc sérieusement de la
multiplication de ses sujets. Plus il aura de sujets,
plus il aura de commerçans, d'ouvriers, de soldats.
Ses états sont dans une situation déplorable, s'il
arrive jamais que parmi les hommes qu'il gouverne,
il y en ait un qui craigne de faire des enfans, & qui
quitte la vie sans regret.
Mais ce n'est pas assez que d'avoir des hommes,
il faut les avoir industrieux & robustes.
On aura des hommes robustes, s'ils ont de bonnes
moeurs, & si l'aisance leur est facile à acquérir & à
conserver.
On aura des hommes industrieux, s'ils sont libres.
L'administration est la plus mauvaise qu'il soit
possible d'imaginer, si faute de liberté de commerce,
l'abondance devient quelquefois pour une province
un fléau aussi redoutable que la disette.
Voyez les articles
Gouvernement, Lois, Impôts, Population, Liberté
, &c.
Ce sont les enfans qui font des hommes. Il faut
donc veiller à la conservation des enfans par une
attention spéciale sur les peres, sur les meres & sur
les nourrices.
Cinq mille enfans exposés tous les ans à Paris peuvent
devenir une pepiniere de soldats, de matelots
& d'agriculteurs.
Il faut diminuer les ouvriers du luxe & les domestiques.
Il y a des circonstances où le luxe n'emploie
pas les hommes avec assez de profit; il n'y en
a aucune où la domesticité ne les emploie avec
perte. Il faudroit asseoir sur les domestiques un impôt
à la décharge des agriculteurs.
Si les agriculteurs, qui sont les hommes de l'état
qui fatiguent le plus, sont les moins bien nourris,
il faut qu'ils se dégoûtent de leur état, ou qu'ils y
périssent. Dire que l'aisance les en feroit sortir, c'est
être un ignorant & un homme atroce.
On ne se presse d'entrer dans une condition que
par l'espoir d'une vie douce. C'est la jouissance
d'une vie douce qui y retient & qui y appelle.
Un emploi des hommes, n'est bon que quand le
profit va au - delà des frais du salaire. La richesse
d'une nation est le produit de la somme de ses travaux
au - delà des frais du salaire.
Plus le produit net est grand & également partagé,
plus l'administration est bonne. Un produit
net également partagé peut être préférable à un
plus grand produit net, dont le partage seroit très inégal,
& qui diviseroit le peuple en deux classes,
dont l'une regorgeroit de richesse & l'autre expireroit
dans la misere.
Tant qu'il y a des friches dans un état, un homme
ne peut être employé en manufacture sans perte.
A ces principes clairs & simples, nous en pourrions
ajoûter un grand nombre d'autres, que le souverain
trouvera de lui - même, s'il a le courage & la
bonne volonté nécessaires pour les mettre en pratique.
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Homme nouveau
(Page 8:279)
Homme nouveau, novus homo, (Hist. rom.)
les Romains appelloient hommes nouveaux, ceux qui
commençoient leur noblesse, c'est - à - dire, ceux
qui n'ayant aucune illustration par leurs ancêtres,
commençoient les premiers à se pousser par leurs
vertus; c'est cependant ce reproche d'homme nouveau que tant de gens firent à l'orateur de Rome,
& entr'autres Catilina, lorsqu'il lui fut préferé pour
la premiere magistrature:
« Je ne prétens pas, dit
Ciceron en plein sénat, m'étendre sur les louanges
de mes ancêtres, par cette seule raison qu'ils
ont vécu sans rechercher les applaudissemens de
la renommée populaire, & sans desirer l'éclat des
honneurs que vous conférez ».
Cicéron étoit donc un homme nouveau; il étoit
sans doute bien illustre par lui - même, & bien digne
des premiers emplois; mais il n'étoit pas noble, il
n'avoit pas le droit de faire porter à ses funérailles
le buste de cire de ses ayeux: celui - là seul avoit ce
droit dont les ancêtres étoient parvenus aux grandes
charges; il étoit noble par ce titre, & rendoit
nobles ses descendans. Ceux qui avoient les images
de leurs ayeux, pour me servir des termes d'Asconius, étoient appellés nobles, nobiles; ceux qui
n'avoient que les leurs, on les nommoit hommes
nouveaux, novi homines; & ceux qui n'avoient ni
les images de leurs ancêtres, ni les leurs, étoient
appellés ignobles, ignobiles; ainsi la noblesse, le
droit d'images, jus imaginum, se trouvoit attaché
aux charges, aux dignités; c'est pourquoi Caton le
censeur, qu'on qualifioit comme Cicéron d'homme
nouveau, répondoit qu'il l'étoit quant aux dignités,
mais que quant au mérite de ses ancêtres, il pouvoit
se dire très - ancien. (D. J.)
Homme libre
(Page 8:279)
Homme libre, (Hist. des Francs.) on appelloit
au commencement de notre monarchie hommes libres ceux qui d'un côté n'avoient point de bénéfices
ou fiefs, & qui de l'autre n'étoient point soumis à
la servitude de la glebe; les terres qu'ils possédoient
étoient des terres allodiales; alors deux sortes de
gens étoient tenus au service militaire, les leudes
vassaux, ou arriere - vassaux, qui y étoient obligés
en conséquence de leurs fiefs, & les hommes libres,
francs, romains & gaulois, qui servolent sous le
comte & étoient menés à la guerre par lui, & ses
officiers qu'on nommoit vicaires; de plus, comme
les hommes libres étoient divisés en centaines (en anglois
hundred) qui formoient ce qu'on appelloit un
bourg, les comtes avoient encore sous eux outre les
vicaires d'autres officiers, nommés centeniers, qui
conduisoient les hommes libres du bourg, ou de leur
centaine, au camp.
Les droits du prince sur les hommes libres ne consistoient
qu'en de certaines voitures exigées seulement
dans de certaines occasions publiques, & dans
quelques droits sur les rivieres; & quant aux droits
judiciaires, il y avoit des lois des Ripuaires & des
Lombards pour prévenir les malversations.
J'ai dit que les hommes libres n'avoient point de
fiefs; cela se trouvoit ainsi dans les commencemens,
alors ils n'en pouvoient point encore posséder;
mais ils en devinrent capables dans la suite,
c'est - à - dire, entre le regne de Gontram & celui de
Charlemagne. Dans cet intervalle de tems, il y
eut des hommes libres, qui furent admis à jouir de
cette grande prérogative, & par conséquent à entrer
dans l'ordre de la noblesse; c'est du moins le
sentiment de M. de Montesquieu, voyez l'Esprit des
lois, liv. XXXI. ch. xxiij. (D. J.)
Homme d'État
(Page 8:279)
Homme d'État, (Droit politiq.) celui à qui le
souverain confie sous ses yeux les rènes du gouvernement
en tout, ou en partie.
Un citoyen d'Athènes ou de Rome nous diroit
que le devoir d'un homme d'état est de n'être rempli
que du seul bien de sa patrie, de lui tout sacrifier,
de la servir inébranlablement sans aucune vûe de
gloire, de réputation, ni d'intérêt; de ne point
s'élever pour quelque honneur qu'on lui rende, &
de ne point s'abaisser pour quelque refus qu'il éprouve; de soumettre toûjours ses propres affaires aux
affaires publiques; de tirer sa consolation dans les
malheurs particuliers, de la prospérité générale de
son pays; de ne s'occuper qu'à le rendre heureux;
en un mot, de vivre & de mourir pour lui seul.
Mais je ne tiendrai point ici des propos si sublimes,
qui ne vont ni à nos moeurs, ni à nos idées,
ni à la nature des gouvernemens sous lesquels nous
vivons: c'est bien assez de demander à un homme
d'état du travail, de l'honneur, de la probité, de
servir son prince fidelement, d'avoir l'oreille plus
ouverte à la vérité qu'au mensonge, d'aimer l'ordre
& la paix, de respecter les lois, de ne pas opprimer
la nation, & de ne se pas jouer du gouvernement.
Le vulgaire suppose toûjours une étendue d'esprit
prodigieuse, & un génie presque divin aux hommes
d'état, qui ont heureusement gouverné; mais il ne
faut souvent, pour y réussir, qu'un esprit sain, de
bonnes vûes, de l'application, de la suite, de la
prudence, des conjonctures favorables. Cependant
je suis persuadé que, pour être un bon ministre, il
faut sur toutes choses avoir pour passion, l'amour
du bien public: le grand homme d'état est celui dont
les actions parlent à la postérité, & dont il reste
d'illustres monumens utiles à sa patrie. Le cardinal
de Mazarin n'étoit qu'un ministre puissant; Sully,
Richelieu & Colbert ont été de grands hommes d'état.
Alexandre se fit voir un grand homme d'état, après
avoir prouvé qu'il étoit un grand capitaine. Alfred
a été tout ensemble, le plus grand homme d'état, &
le plus grand roi qui soit monté sur le trône depuis
l'époque du christianisme. (D. J.)
Hommes d'intelligence
(Page 8:279)
Hommes d'intelligence, (Théol.) nom d'une
secte d'hérétiques, qui parurent dans la Picardie en
1412; leur chef étoit Fr. Guillaume de Hildernissen,
allemand, de l'ordre des Carmes, & un certain
Gilles le Chantre, homme séculier. Celui - ci disoit
qu'il étoit le sauveur des hommes, & que par lui
les fideles verroient Jesus - Christ, comme par Jesus - Christ ils verroient Dieu le Pere; que les plaisirs
du corps étant de simples actions de la nature, n'étoient
point des péchés, mais des avant - goûts du
paradis; que le tems de l'ancienne loi avoit été celui
du Pere; que le tems de la nouvelle loi étoit celui
du Fils; & qu'il y en auroit bientôt un troisieme,
qui seroit celui du saint - Esprit, lequel mettroit les
hommes en toute liberté. Le carme se retracta à
Bruxelles, à Cambrai, & à Saint - Quentin, où il
avoit semé ses erreurs, & cette secte se dissipa. Mezerai, Hist. de France. (G)
Homme d'armes
(Page 8:279)
Homme d'armes. (Cart. milit. & hist.) C'étoit dans l'ancienne gendarmerie un gentilhomme
qui combattoit à cheval, armé de toutes pieces, cataphractus eques. Chaque homme d'armes avoit avec
lui cinq personnes; sçavoir trois archers, un coutillier, ou un écuyer, ainsi appellé d'une espece de
couteau ou bayonnette, qu'il portoit au côté, &
enfin un page ou un valet. Charles VII ayant commencé
à réduire la noblesse françoise en corps réglé
de cavalerie, il en composa quinze compagnies,
chacune de cent hommes d'armes, appellées compagnies d'ordonnance; & comme chaque homme d'armes
avoit cinq autres hommes à sa suite, chaque compagnie
se trouvoit de six cens hommes, & les quinze
ensemble faisoient neuf mille chevaux. Il y avoit outre
cela une grande quantité de volontaires, qui suivoient
ces compagnies à leurs dépens, dans l'espérance
d'y avoir, avec le tems, une place de gen<pb->
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