ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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HOMÉOMÉRIE (Page 8:249)

HOMÉOMÉRIE, s. f. (Méthaphysiq.) Des deux mots grecs O(MOIOS2, semblable, & MEROS2, partie. Ce terme exprime l'opinion d'Anaxagore, qui prétendoit que chaque tout dans la nature est composé de parties qui, avant leur union, étoient déja de même [p. 250] nature que le tout. Voici comment Lucrece l'exprime:

Nunc Anaxagoroe sectemur homaeomeriam Quam Groeci memorant, nec nostrâ dicere linguâ Concedit nobis patrii sermonis egestas: Sed tamen ipsam rem facile est exprimere verbis. Principium retum, quam dicit homaeomeriam, Ossa videlicet ex pauxillis atque minutis Ossibus; sic ex de pauxillis atque minutis Visceribus, viscus gigni, sanguemque creari Sanguinis inter se multis coeuntibus guttis, Ex aurique putat micis consistere posse Aurum, & de terris terram concrescere, parvis Ignibus ex ignem, humorem ex humoribus esse. Coetera consimili fingit ratione putatque. Lucret. de rerum nat. lib. IV. v. 30.

Suivant cette hypothese; un os est donc un composé de petits os; les entrailles des animaux sont un composé de petites entrailles; le sang n'est que le concours de petites goutteletes de sang; une masse d'or est un amas de parcelles d'or; la terre un amas de petites terres; le feu un assemblage de parcelles de feu. Il en est de même, selon lui, de tous les corps que nous voyons.

Ce qui a pu engager Anaxagore dans ce sentiment, c'est qu'il remarquoit qu'une goutte d'eau, si divisée & si évaporée qu'elle pût être, étoit toûjours de l'eau, & qu'un grain d'or, partagé en dix mille petites portions, étoit dans les dix mille parcelles ce qu'il étoit en son entier. Anaxagore entrevoyoit la vérité à cet égard; & s'il avoit borné son principe aux natures simples que l'expérience nous montre indestructibles, il auroit eu raison de n'admettre en ces natures que de nouveaux assemblages, ou des desunions passageres, & non de nouvelles générations. Mais il s'éloigne de la vérité en des points bien importans.

Sa premiere méprise est d'étendre son principe aux corps mélangés. Il n'en est pas du sang comme de l'eau. Celle - ci est simple, au lieu que le sang est un composé de différentes parcelles d'eau, d'huile & de terre qui étoient dans la nourriture. Une seconde méprise est d'étendre le même principe aux corps organisés, comme si une multitude de petites entrailles pouvoient en quelque sorte aider l'organisation des entrailles d'un boeuf ou d'un chameau, & de l'un plûtôt que de l'autre. Mais ce que j'appellerai une impiété plûtôt qu'une méprise, est de penser que Dieu, pour créer le monde, n'eût fait que rapprocher & unir des matieres déja faites, ensorte qu'elles ne lui doivent ni leur être, ni leur excellence; & que ce qu'il y a de plus estimable dans l'univers, je veux dire, cette diversité de natures actuellement inaltérables, a précédé la fabrique du monde, au lieu d'en être l'effet. Mais l'impiété de cette philosophie trouve sa réfutation dans le ridicule même qu'elle porte avec elle.

Vous demandez à Anaxagore quelle est l'origine d'un brin d'herbe: il vous répond en philosophe, qu'il faut remonter à l'homéomérie, selon laquelle Dieu n'a fait que rapprocher de petites herbes élémentaires qui étoient comme lui de toute éternité. Toutes choses, dit - il, étoient ensemble pêle - mêle (c'est ce qu'on peut appeller panspermie, ou mêlange de toutes les semences); & l'esprit venant ensuite, en a composé le monde. (Diogen. Laert. lib. II. n°. 6.) Si quelqu'un me demandoit de quelle laine & de quelle main est le drap que je porte; au lieu de dire, c'est une laine de Ségovie, fabriquée par Pagnon, ou par Van - Robès; seroit - ce répondre juste que de dire: le drap étoit, & un tailleur en a pris des morceaux qu'il a cousus pour me faire un habit? Mais il y a ici quelque chose de plus ridicule encore. Notre philosophe raisonne sur l'origine des corps mixtes & des corps organisés, comme celui qui voyant quelque rapport entre la figure d'un chat & d'un tigre, diroit qu'un tigre est composé de plusieurs petits chats, réunis pour en former un très - gros; ou comme celui qui voulant nous apprendre l'origine des montres, nous diroit qu'un ouvrier ayant trouvé quantité de montres si petites qu'on ne les voyoit pas, les avoit amassées dans une boëte, & en avoit fait une montre qu'on pût voir. Hist. du ciel, tom. II. p. 114.

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