ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"918"> se prêtoit sans cesse à leurs vûes dans toutes les solemnités publiques, les fêtes, les jeux, les danses, les gymnases, les théatres, &c. & comme il trouvoient par - tout l'occasion de connoître cette belle nature, il n'est pas étonnant qu'ils l'ayent si parfaitement exprimée.

Mille autres raisons ont concouru à la supériorité de cette nation dans la pratique des Beaux - Arts; les soins qu'elle prenoit pour y former la jeunesse, la considération personnelle qui en résultoit, celle des villes & des sociétés particulieres rendue publique, par des priviléges distinctifs en faveur des talens; cette même considération marquée d'une maniere encore moins équivoque par le prix excessif des ouvrages des grands maîtres: toutes ces raisons, dis - je, ont dû fonder la supériorité de ce peuple à cet égard sur tous les peuples du monde.

Il n'est point de preuves plus fortes de l'amour des Beaux - Arts, que celles qui se tirent des soins employés pour les augmenter & les perpétuer. Les Grecs voulant que leur étude fît une partie de l'éducation, ils instituerent des écoles, des académies, & autres établissemens généraux, sans lesquels aucun art ne peut s'élever, ni peut - être se soûtenir. Tandis que les seuls enfans de condition libre étoient admis à ces sortes d'écoles, on ne cessoit de rendre des hommages aux célebres artistes. Le lecteur trouvera dans Pausanias & dans Pline le détail de ceux qu'Apelle reçut des habitans de Pergame, Phidias & Damophon des Eléens, Nicias & Polignotte des Athéniens. Aristodeme écrivit un livre qui ne rouloit que sur ce sujet.

L'histoire nous a conservé le récit d'une autre sorte de reconnoissance, qui, quelque singuliere & quelqu'éloignée de nos moeurs qu'elle puisse être, n'est pas moins la preuve du cas que les Grecs faisoient des Beaux - Arts. Les Crotoniates ou les Agrigentins, il n'importe, avoient fait venir à grands frais le célebre Zeuxis; ce peintre devant représenter Hélene, leur demanda quelques jeunes filles pour lui servir de modele; les habitans lui en présenterent un certain nombre, & le prierent d'agréer en don les cinq plus belles qu'il avoit choisies.

Vous aimerez mieux d'autres témoignages d'estime en faveur des Artistes? Eh bien, on donnoit, par exemple, à des édifices publics le nom des architectes qui les avoient construits; c'est ainsi que suivant Pollux, il y avoit dans Athenes une place qui portoit le nom de l'architecte Méthicus; c'est ainsi que suivant Pausanias, les Eléens avoient donné à un portique le nom de l'architecte Agaptus.

Les Grecs, non contens de leurs efforts pour entretenir l'émulation dans le grand, penserent encore à l'exciter universellement. Ils établirent chaque année des concours entre les Artistes. On y voloit de toutes parts, & celui qui avoit la pluralité des suffrages, étoit couronné à la vûe & avec l'applaudissement de tout le peuple; ensuite son ouvrage étoit payé à un prix excessif, quelquefois étoit au - dessus de tout prix, d'un million, de deux millions, & même de plusieurs millions de notre monnoie. Qu'on ne dise point ici que les Grecs n'accordoient tant de faveurs, & ne semoient tant d'or, que pour marquer leur attachement aux divinités ou aux héros dont les artistes, peintres, & sculpteurs donnoient des représentations conformes à leurs idées. Ce discours tombera de lui - même, si l'on considere que les mêmes graces étoient également prodiguées à toutes sortes de succès & de talens, aux Sciences comme aux Beaux - Arts.

Si l'amour propre a besoin d'être flaté pour nourrir l'émulation, il a souvent besoin d'être mortifié pour produire les mêmes effets; aussi voyons - nous qu'il y avoit des villes, où celui des Artistes qui pré<cb-> sentoit le plus mauvais ouvrage, étoit obligé de payer une amende. Cette coûtume se pratiquoit à Thebes; & par tout où ces sortes de punitions n'avoient pas lieu, l'honneur du triomphe & la honte d'être surpassé, étoit un avantage, ou bien une peine suffisante.

Peut - être que les divers alimens d'émulation exposés jusqu'ici, sont encore au - dessous de la considération des Orateurs, des Historiens, des Philosophes, & de tous les gens d'esprit, qui pénétrés eux - mêmes du mérite des Beaux - Arts & du mérite des Artistes, les célébroient de tout leur pouvoir. Il y a eu peu de statues & de tableaux de grands maîtres qui n'ayent été chantés par les poëtes contemporains, & ce qui est encore plus flateur, par ceux qui ont vêcu après eux. On sait que la seule vache de Myron donna lieu à quantité de pensées ingénieuses, & de fines épigrammes; l'Anthologie en est pleine; il y en a cinq sur un tableau d'Apelle représentant Venus sortant de l'onde, & vingt - deux sur le Cupidon de Praxitele. Tant de zele pour conduire les Beaux - Arts au sublime; tant de gloire, d'honneur, de richesses, & de distinctions répandues sur leur culture, dans un pays où l'esprit & les talens étoient si communs, produisirent une perfection dont nous ne pouvons plus juger aujourd'hui complettement, parce que les ouvrages qui ont mérité tant d'éloges, nous ont presque tous été ravis.

Les Romains en comparaison des Grecs, eurent peu de goût pour les Arts; ils ne les ont aimés, pour ainsi dire, que par air & par magnificence. Il est vrai qu'ils ne négligerent rien pour se procurer les morceaux les plus rares & les plus recommandables; mais ils ne s'appliquerent point comme il le falloit à l'étude des mêmes arts, dont ils admiroient les ouvrages; ils laissoient le soin de s'en occuper à leurs esclaves, qui par eux - mêmes étoient pour la plûpart des étrangers; en un mot, comme le dit M. le comte de Caylus, dans son mémoire sur cette matiere, on ne vit point chez les Romains, ni la noble émulation qui animoit les Grecs, ni les productions sublimes de ces maîtres de l'art, que les âges suivans ont célébrés, dont les moindres restes nous sont si précieux, & qui, dans tous les genres, servent & serviront toûjours de modeles aux nations civilisées capables de goût & de sentiment. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Grecs modernes (Page 7:918)

Grecs modernes considérés par rapport à la religion, (Hist. ecclés.) sont des chrétiens schismatiques, aujourd'hui soûmis à la domination du grand - seigneur, & répandus dans la Grece, les îles de l'Archipel, à Constantinople & dans l'Orient, où ils ont le libre exercice de leur religion.

Le schisme des Grecs commença dans le neuvieme siecle sous leur patriarche Photius, & sous l'empire de Michel III. surnommé le Bûveur ou l'Yvrogne: mais ce ne fut que dans le onzieme qu'il fut consommé par le patriarche Michel Cerularius. Dans le treizieme & le quinzieme siecles, aux conciles de Lyon & de Florence, la réunion des Grecs avec l'église romaine fut plûtôt tentée que consommée; & depuis ce tems - là les Grecs pour la plûpart sont demeurés schismatiques, quoique parmi eux il y ait un assez bon nombre de catholiques obéissans à l'église romaine, sur - tout dans les îles de l'Archipel. Voyez Schisme.

Les grecs schismatiques ne reconnoissent point l'autorité du pape, & le regardent seulement comme le patriarche des Latins. Ils ont quatre patriarches pour leur nation; celui de Constantinople, qui se dit le premier; celui d'Alexandrie, celui d'Antioche, & celui de Jérusalem. Le patriarche d'Alexandrie réside ordinairement au grand Caire, & celui d'Antioche à Damas. Les chrétiens qui habitent la Grece proprement dite, ne reconnoissent pour leur [p. 919] chef que le patriarche de Constantinople qui y fait sa résidence, & qui est élû par les métropolitains & archevêques, puis confirmé par le grand - seigneur. Tous leurs patriarches & évêques sont religieux de l'ordre de S. Basile ou de S. Chrysostome. Les prélats & les religieux grecs portent leurs cheveux longs comme les séculiers en Europe, & different en cela des autres nations orientales qui les portent courts. Leurs habits pontificaux & sacerdotaux sont entierement différens de ceux dont on use dans l'eglise romaine. Ils ne se servent point de surplis ni de bonnets quarrés, mais seulement d'aubes, d'étoles & de chapes. Ils célebrent la messe avec une espece de chape qui n'est point ouverte ou fendue par le devant. Le patriarche porte une dalmatique en broderie, avec des manches de même; & sur la tête une couronne royale, au lieu de mitre. Les évêques ont une certaine toque à oreilles, semblable à un chapeau sans rebords. Ils ne portent point de crosse, mais une béquille d'ébene, ornée d'ivoire ou de nacre de perle.

On ne célebre qu'une seule messe par jour en chaque église greque, & deux les fêtes & dimanches. Ils n'ont point d'autre traduction de la Bible que celle des Septante. Ils nient que le saint - Esprit procede du Fils, & néanmoins administrent le baptême au nom des trois personnes de la sainte Trinité. Ils ont la même créance que les Latins au sujet de l'eucharistie; mais ils consacrent avec du pain levé, & donnent la communion au peuple sous les deux especes. Ils n'admettent point de purgatoire, quoiqu'ils avouent dans leur martyrologe qu'il y a un étang de feu, par lequel passent les ames qui ont quelques souillures pour en être purifiées. Ils prient Dieu pour les défunts, & célebrent des messes à leur intention pour les délivrer de ces peines, ou selon d'autres, pour fléchir la miséricorde de Dieu, qui, selon eux, ne doit juger personne qu'à la fin du monde. Il y en a aussi qui pensent que les peines des Chrétiens ne seront pas éternelles en enfer. Ils traitent d'hérétiques ceux qui ne font pas le signe de la croix comme eux, c'est - à - dire en portant premierement la main au côté droit, puis au gauche; parce que, disent - ils, notre Seigneur donna sa main droite la premiere pour être crucifiée. Ils ne veulent point d'images en bosse ou en relief, mais seulement en plate peinture ou en gravure. Ils ne se servent point de musique ni de cloches dans les églises, & tiennent les femmes séparées des hommes par des treillis. A Constantinople, la plûpart des Chrétiens ont des chapelets; mais dans la Grece, il n'y en a guere qui sachent le Pater & l'Ave. En général, les Grecs modernes sont fort ignorans, même leurs évêques, prêtres & religieux, les lettres étant aujourd'hui aussi négligées parmi eux, qu'elles y étoient autrefois cultivées. On trouvera répandu dans ce Dictionnaire ce qui concerne les opinions & les pratiques des Grecs modernes, soit sur le dogme, soit sur la discipline, sous les différens titres qui y sont relatifs.

On compte parmi les Grecs modernes plusieurs sociétés ou sectes chrétiennes répandues en Orient, & qui ont leurs évêques & leurs patriarches particuliers; comme les Maronites ou Chrétiens du mont Liban, les Arméniens, les Georgiens, les Jacobites, les Nestoriens, les Cophtes, &c. Voyez Maronites, Arminiens, &c. (G)

GRECE (Page 7:919)

GRECE, (Eglise de la) Hist. ecclés. L'église de la Grece, qu'il faut distinguer de l'église greque, est l'église établie par S. Paul & par ses collégues, à Corinthe, à Thessalonique, & autres lieux de l'ancienne Grece en Europe. On peut encore y ajoûter l'église fondée par les apôtres, à Ephese, à Antioche, & dans les autres villes de la Grece asiatique. (D. J.)

Grece (Page 7:919)

Grece, s. f. (Géog.) Nous comprenons aujour<cb-> d'hui sous le nom de Grece, divers pays qui n'en étoient pas tous anciennement, & qu'on pourroit diviser en sept parties soûmises au grand - seigneur: savoir, 1°. la Romanie ou Rumelie, qui étoit la Thrace des anciens: 2°. la Macédoine, qui renferme le Jamboli, le Coménolitari & la Janna: 3°. l'Albanie: 4°. la Livadie: 5°. la Morée, autrefois le Péloponnese: 6°. l'île de Candie, autrefois Crete: 7°. les iles de l'Archipel au nombre de quarante - trois.

Toute cette étendue de pays est bornée à l'est par la mer Egée, au nord par les provinces du Danube, à l'ouest & au sud par une partie de la Méditerranée. Le gouvernement politique s'exerce sous le département général de deux bachas, de celui de Rumélie & du capoutan bacha. Celui de Rumélie a sous lui 24 sangiacs; le capoutan bacha, qui est l'amiral de l'Archipel, a sous ses ordres treize sangiacs.

La religion dominante est le Mahométisme; le Christianisme du rit grec, suivi par le plus grand nombre des habitans qui cultivent les îles de l'Archipel, y est toléré.

Les langues d'usage sont le turc & le grec vulgaire. La langue turque est employée par les Mahométans, & la greque par les Chrétiens.

Les denrées, sur - tout celles des îles de l'Archipel dont il se fait un grand commerce, consistent en huiles, vins, soies crues, miel, cire, coton, froment, &c. L'ile de Candie est renommée pour ses oliviers qui ne meurent que de vieillesse, parce qu'il n'y gele jamais. Chio est célebre pour son mastic & pour ses vins; Andros, Tine, Thermie & Zia, pour leurs soies; Mételin qui est l'ancienne Lesbos, pour ses vins & ses figues; Naxie, pour son émeril; Milo, pour son soufre; Samos, pour son ochre; Siphanto, pour son coton; Skino, pour son froment; Amorgos, pour une espece de lichen, plante propre à teindre en rouge, & que les Anglois consomment, &c.

Cependant la Grece a essuyé tant de revers, qu'on ne trouve plus en elle aucune trace de son ancienne gloire & de sa grandeur passée. Ses villes autrefois si nombreuses & si florissantes, n'offrent aujourd'hui que des monceaux de ruines; ses provinces jadis si belles & si fertiles, sont desertes & sans culture. Telle est la pesanteur du joug des Ottomans sous lequel les habitans gémissent, qu'ils en sont entierement accablés, & leur seul aspect ne fait appercevoir que des esprits abattus. Voyez Grecs. (D. J.)

Grece asiatique (Page 7:919)

Grece asiatique, (Géog. anc.) on a autrefois ainsi nommé la partie de l'Asie où les Grecs s'étoient établis, principalement l'Eolide, l'Ionie, la Carie & la Doride, avec les îles voisines. Ces Grecs asiatiques envoyerent le long de la Propontide & même jusqu'au fond du Pont - Euxin, des colonies qui y établirent d'autres colonies: de - là vient que l'on y trouve des villes qui portent des noms purement grecs, comme Héraclée, Trébisonde, Athenes. Voyez Athenes, Héraclée, Trébisonde . (D. J.)

Grece (Page 7:919)

Grece, (grande) Géog. anc. dénomination anciennement donnée à la partie orientale & méridionale d'Italie, où les premiers Grecs envoyerent un grand nombre de colonies, qui y fonderent plusieurs villes considérables, comme nous l'apprend Denis d'Halicarnasse. La grande Grece comprenoit la Pouille, la Messapie la Calabre, les Salentins, les Lucaniens, les Brutiens, les Crotoniates & les Locriens. Le P. Briet en a fait une table, dont voici l'abregé. [omission: table; to see, consult fac-similé version]

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