ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"890"> Il faut encore de la patience sans froideur, de l'assiduité sans dégoût, de l'exactitude qui ne soit pas servile, de la facilité sans abus: ces qualités si nombreuses enfantent beaucoup de graveurs, & leur union si difficile fait qu'il en est fort peu d'excellens. Article de M. Watelet.

Gravure en bois (Page 7:890)

* Gravure en bois. Historique. Cette gravure est fort ancienne à la Chine & aux Indes, où l'on a fabriqué des toiles peintes de tems immémorial; elle paroît y avoir donné naissance aux premiers essais de l'art d'imprimer. Les Chinois ont d'abord gravé leurs caracteres sur des morceaux de bois qu'ils enduisoient d'encre, & qu'ils appliquoient ensuite sur le satin & d'autres étoffes minces & legeres. Nous avions des tablettes gravées en creux, que nous remplissions de cire pour en avoir le relief, lorsque Laurent Coster imprima l'écriture avec des planches de bois. Coster inventa cet art en 1420. Mensel parut en 1440, Guttenberg & ses associés en 1450; & la gravure, tant en bois qu'en cuivre, étoit connue en 1460. Il y en a encore qui prétendent qu André Murano gravoit en cuivre dès 1412, & Luprecht Rust dès 1450; mais il est certain que Martin Schon de Colmar, l'un des maîtres d'Albert Durer, exerça cet art en 1460, ou au plus tard en 1470.

Les Graveurs en bois ont été appellés anciennement Tailleurs en bois, ce qui les a quelquefois confondus avec les Dominotiers. Il en faut faire deux classes; l'une, des vieux, anciens, ou petits maîtres, ou maîtres appellés à la licorne, à l'étoile, aux pelles, aux chandeliers, à la dague, &c. de ces images qui accompagnoient sur leurs planches les initiales de leurs noms: l'autre, des grands maîtres, tels qu'Albert Altorsfer né en Suisse, qui travailloit en 1500; Sebald Beham ou de Boheme, Hans Scufelix, Albert Durer pere du peintre, Jean de Gourmont, Antoine de Cremone, George - Matthieu de Lyon, Antoine Van - Leest, Joseph Porta, Gorsannus, Gaspard Ruina, Joseph Salviati, Pierre Gatin, André Manteigne, Albert Durer le peintre, Lucas de Cronach, Albert Aldegraf, Lucas de Leide, Lucas Ciamberlanus, Jollar, &c. On remarque dans les gravures d'Albert Durer, des contre - tailles, des secondes, triples & quadruples tailles.

Ce fut en 1490 que parurent les premieres estampes à rentrées de deux planches, ou teintes; art qui se perfectionna en Italie en 1520. Voyez Gravure en bois, de Camayeu .

Ce fut au commencement du xvj. siecle qu'on appliqua la gravure en bois à l'impression des cartes à joüer. Le Titien a gravé lui - même en bois quelques-uns de ses tableaux. Tout le monde connoît de nom la danse des morts de Holbein. La gravure en bois s'étendit à la Cosmographie, & Gérard Mercator executa en bois quelques - unes de ses cartes. Cet art fut encore cultivé par Jost Amman ou Amman de Zuric; Jacques Zuberlin de Tubingue; Pierre Hook ou Houck Woveriot de Lorraine; Jean de Colcar ou Calker, qui grava en bois les planches anatomiques de Vesale; Jean Cousin, Bernard Salomon, Moni; Fo, qui a gravé en bois des animaux pour Conrard Gesner; le vénitien Pagan, Michel Zimmerman, le Verrochio, Enée Bé, Sigismond Feyerabendts, Christophe Amberger, Simon Huter, Virgilius Solis; Christophe Chrieger, dont on a une planche de la bataille de Lépante; Christophe dit le Suisse; Verdizzotti, Cruche, les trois Vichem. On voit dans les ouvrages de C. S. Vichem jusqu'à cinq à six tailles l'une sur l'autre; il entendoit d'ailleurs très - bien le clair - obscur. Ce fut alors qu'on commença parmi nous à imprimer des papiers dominotés. Ce premier pas conduisit aux toiles peintes, dont les premieres parurent au commencement du regne de Louis XIII. Il y eut alors & depuis des graveurs célebres; Raefe, Goujeon, Jean Leclerc; la carte des Gaules de celui - ci est un bel ouvrage: Vinceola, Berbrule, les deux Stimmers; Ecmart, qui a exécuté plusieurs morceaux de Calot; le libraire Guillaume le Bé, Duval, Christophe Jépher, qui a gravé d'après les tableaux de Rubens; Pierre le Sueur, Boulemont, Van - Heylen; Jean Papillon, pere de l'auteur des mémoires que nous analysons; Vincent & Nicolas le Sueur, &c.

De l'Art. La gravure en bois devient très - difficile & très - péuible, lorsqu'on a des plantes, des fleurs, des animaux, des figures humaines, & autres objets délicats à exécuter. Une planche qui n'a occupé un graveur en cuivre que quatre à cinq jours, pourra occuper un mois entier un graveur en bois. Pour s'en convaincre, qu'on jette les yeux sur la fig. 10. Planche II. de la gravure en bois. Voilà quatre traits qui ne coûteront guere plus à faire au burin sur une planche de cuivre, qu'à la plume sur le papier; mais s'il s'agit de les exécuter en bois, c'est autre chose. Il faut 1°. couper & recouper, & enlever le bois en A, B, C, D, fig. 11. ce qui demande seize coups de pointes; & en suivant l'opération jusqu'au bout, on en trouvera quarante - huit, sans compter ceux sur lesquels on est obligé de revenir par accident, & les vingt - quatre coups nécessaires pour dégager fortement les traits de chaque côté. Voilà donc pour ces quatre traits soixante - douze coups de pointes; nombre qui seroit encore fort augmenté, s'il falloit dégager & évuider avec le fermoir les pleins A, A, A, fig. 12. Les quatre traits de cette figure 12. sont blancs, & le creux du bois enlevé par la pointe est ombré. Si l'on sentoit le fermoir entraîné par le fil du bois du côté des traits, ils en pourroient être endommagés si l'on ne quittoit le fermoir, & si l'on ne revenoit pas sur ces endroits avec la pointe à graver. Lorsqu'on aura enlevé le bois de chaque côté entre les traits par le dégagement au fermoir, il restera peu de chose qu'on séparera avec la gouge aux lieux A, A, &c... en la passant & repassant plusieurs fois, afin de polir le fond de la gravure. Ces coups de fermoirs & de gouges sont au - moins doubles des coups de pointes; mais si l'on vouloit, on pourroit démontrer à la rigueur que telle figure qui s'exécutera sur cuivre en 92 coups de burin, ne s'exécutera pas en bois à - moins de 10892 coups de pointes & de 3600 coups de fermoirs & de gouges. Il est vrai qu'en revanche une planche en bois peut fournir plusieurs milliers d'épreuves. Il y a donc entre la gravure en cuivre & en bois une grande différence pour le travail. Mais il ne faut pas ignorer que dans la gravure en bois, ce sont les tailles de relief ou d'épargne qui marquent l'impression, & que par conséquent contre un coup ou une coupe de burin qui forme un trait dans la gravure en cuivre, & marque à l'impression, il faut dans la premiere de ces gravures quatre coups pour enlever le bois de chaque côté du trait: ajoûtez à cela les dégagemens à la pointe & au fermoir; & dans la préparation des champs à évuider, les coups de fermoir & de gouge qui sont nécessaires.

Des outils. Les outils du graveur en bois sont la pointe à graver, les fermoirs & gouges, le trusquin, l'entaille, le maillet, le racloir, l'équerre, les regles simples & paralleles, la fausse regle, le compas simple & à plusieurs pointes, les porte - crayons, un marteau leger, le garde - vûe, la mentonniere, la petite brosse, la presse à tremper le papier, une petite balle, une pierre à huile, une pierre douce, une meule de grais montée, un petit broyon, un marbre, un rouleau garni de drap, un étau, des scies à main, une varlope, un rabot, un valet, & un établi solide. [p. 891]

La pointe à graver se fait avec un ressort de pendule, d'un tiers de ligne ou environ d'épaisseur; on le fait détremper au feu; on le coupe par bouts de la longueur de la fente du manche qu'on voit fig. 1. Planche I. On divise chaque bout sur leur largeur, selon celle qu'on veut donner aux lames. Les lames pour gros ouvrages ont environ cinq lignes de largeur; pour ouvrages délicats deux lignes ou deux lignes & demie. On les dégrossit, & l'on en forme le taillant sur la meule; on y tire un biseau du côté gauche, sur toute la longueur, à un demi - pouce près vers le bas, qu'on laisse sans biseau, voyez la fig. 2. le côté droit est aiguisé tout plat, sans biseau, voyez fig. 3. le dos du chef de la pointe (fig. 4.) doit avoir entre les deux lignes ponctuées un petit biseau de chaque côté, comme en B. Cela fait, on les trempe très - sec, en les faisant rougir sur un feu de charbon vif, & en les plongeant subitement dans l'eau froide. On leur donne le recuit à la lumiere d'une chandelle, jusqu'au jaune foncé. Si elles devenoient violettes, elles seroient trop molles, sur - tout pour des gravures délicates & sur le buis. On les emmanche un peu longues, comme d'un pouce ou deux, sur le manche fendu qu'on serre par une corde tortillée, comme on voit figure 5. On acheve de former le taillant & le dos du chef de la pointe sur la pierre à huile. Il faut que la premiere partie A du chef soit aiguisée vive par le dos, ou sur l'épaisseur de la lame & sans biseau, & que la seconde qui est déjà oblique, en ait au contraire deux, comme on voit en B, fig. 2. 3. & 4. On enlevera le morfil qui se fait de chaque côté, à la premiere partie du chef A, en passant l'angle des deux vives arêtes sur la pierre à l'huile. Ce morfil gratteroit le bois, lorsqu'on y feroit entrer la pointe pour graver. On adoucit ensuite le taillant sur la pierre douce, soit avec de l'eau, soit avec de la salive. On en ôte aussi le morfil. On place alors la lame dans la fente du manche; on met tout le long du manche, du côté du taillant, un papier plié en deux ou trois, ou une petite carte, pour empêcher que le taillant ne coupe la corde qu'on tortillera sur la manche pour en tenir les deux parties assemblées. On ficelle le manche en commençant par la partie supérieure où sont les hoches destinées à recevoir & à retenir la ficelle, & l'on descend du haut en bas. Par ce moyen on attache la lame sur toute sa longueur; on la tire du manche, & on la laisse sortir de la quantité convenable, à - mesure qu'elle se casse, racourcit ou gâte, & qu'on la raccommode.

On trouve des fermoirs & des gouges de toutes longueurs chez le clinquaillier. On les emmanchera de la longueur qu'on voit fig. 6 & 7. Les manches seront à virole & à bouton par le bas; le bouton à demi abattu, comme aux burins. Ils en seront plus commodes à tenir, & ne gêneront pas la main en vuidant les champs. Il faudra observer de mettre ce biseau du taillant du côté applati & coupé du manche; que le côté sans biseau soit placé comme dans la fig. 7. Pour être bien outillé, il faut avoir des fermoirs depuis environ trois lignes de large, au taillant, en diminuant jusqu'au diametre de la tête d'une moyenne aiguille à coudre. On se sert quelquefois de ces aiguilles pour en faire de petits sermoirs qu'on emmanche dans de la cire d'Espagne chaude, que l'on fait entrer dans des viroles longues, creuses, ajustées, & tenues d'une couple de lignes, ou davantage, à des manches de bois plus courts, afin que le tout assemblé soit de la même longueur que les autres manches.

Les gouges seront emmanchées comme les fermoirs. Il ne les faut pas au graveur aussi arrondies qu'au sculpteur; que le demi - cercle qui en formera le taillant soit plus développé. Dans les parties an<cb-> gulaires à vuider, on peut se servir d'un fermoir assez rond ou à taillant oblique: mais il en faudroit avoir qui eussent le taillant & son biseau formés, les uns d'un côté, les autres à contredit; observant de les emmancher toûjours, le côté du biseau vers celui du manche où le bouton aura été abattu (voyez les figures 8 & 9.), & que les manches soient longs, à pans arrondis ou ronds, afin de pouvoir être tenus à pleines mains.

Le maillet sera leger, & guere plus gros que le poing.

Le trusquin qu'on voit fig. 10. ne sert au graveur qu'à tracer des filets autour des vignettes, ou à guider, lorsqu'il s'agit de faire des tailles horisontales ou perpendiculaires; il est petit. La pointe n'en doit pas être vive; elle pourroit gâter le bois par des traces qu'elle laisseroit en des endroits où l'on seroit obligé de graver des tailles. Que cette pointe soit adoucie & un peu arrondie.

L'entaille (fig. 11.) sera nécessaire à ceux qui gravent des pieces délicates, comme lettres grises, petites vignettes, fleurons, &c. Elle prendra & serrera fortement par le moyen de ses coins ces ouvrages que l'artiste ne peut tenir entre ses doigts.

Le racloir (fig. 12.) servira à unir & polir la superficie des bois destinés à la gravure, au sortir des mains du menuisier ou de l'ébéniste. Sa lame E doit en être aiguisée vive sur son épaisseur, afin que son morfil gratte & use le bois; il en faut un autre qui n'ait point de morfil, pour les cas où il ne faut qu'adoucir. On peut substituer la prêle au racloir; c'est même avec la prêle qu'on acheve de le préparer.

L'équerre de cuivre (fig. 13.) servira pour tracer des lignes droites, horisontales ou perpendiculaires, avec la pointe à calquer, ou au lieu du trusquin, lorsqu'on a des tailles paralleles à faire. Les lignes tirées à l'équerre & à la plume seront nettes, si les vives arêtes abattues forment un biseau des deux côtés sur toute la longueur F. Il ne faut pas que ce biseau la rende tranchante.

Il faut des regles simples, composées, &c. elles serviront à tirer des paralleles à la plume, sans le compas. La fausse regle (fig. 14.) servira à tirer des rayons d'un point donné comme centre, soit avec la plume, soit avec la pointe à calquer, qui n'est autre chose qu'une aiguille emmanchée dans un manche à longue virole, comme celui des petits fermoirs, & dont on a formé la pointe par le côté de la tête qu'on a cassée, & qu'on a arrondie ou émoussée.

Il faut au graveur un compas à plusieurs pointes, un porte - crayon, un tire - ligne, &c. Il est inutile d'insister sur l'usage de ces instrumens.

Le garde vûe (fig. 15.) est un morceau de carton d'environ sept pouces de large & cinq de haut, qui se place sous le bonnet, & qui garantit les yeux du grand jour.

La mentonniere (figure 16.) est une toile piquée, comme le sont les bonnets piqués des femmes, qu'on attache sur sa bouche avec les deux cordons; elle empêche en hyver l'haleine de se porter sur le bois, de le mouiller, & de détremper l'encre du dessein. Sans mentonniere, si l'on travaille des pieces délicates, l'humidité de l'haleine fera renfler le bois; & l'on ne saura plus, après qu'on aura fait les coupes, où l'on aura passé la pointe pour marquer le lieu des recoupes. Il faut la mentonniere sur - tout, si l'on grave sur le buis; on peut s'en passer en travaillant sur le poirier.

Il faut des brosses douces dont le poil soit coupé court avec des ciseaux, pour nettoyer la poussiere & les petits copeaux. Voyez figure 17.

Une petite presse telle que celle qui sert aux parcheminiers, perruquiers, &c. qu'on voit fig. 18. entre laquelle on mettra le papier mouillé avec une

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.