ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"880"> tampon que vous appuyez legerement l'enleve, & laisse des parties de la planche à découvert.

Lorsque cette opération est faite, vous remettez un instant votre planche sur le réchaud; & lorsque le vernis a pris une chaleur égale qui le rend luisant par - tout, vous vous servez, ainsi que pour le vernis dur, des morceaux de bougie jaune, à la fumée desquels vous noircissez votre planche avec les attentions que j'ai prescrites; après quoi vous laissez bien refroidir la planche dans un endroit qui soit à l'abri de la poussiere, pour vous en servir comme je vais le dire.

Voici donc la planche qu'on destine à la gravure, forgée, polie, vernie, soit au vernis dur, soit au vernis mou, & noircie; ensorte qu'elle ne semble plus un morceau de cuivre, mais une surface noire & unie, sur laquelle il s'agit de tracer le dessein qu'on veut graver.

La façon la plus ordinaire de transmettre sur le vernis les traits du dessein qu'on doit graver, est de frotter ce dessein par - derriere avec de la sanguine mise en poudre très - fine, ou de la mine de plomb. Lorsqu'on a ainsi rougi ou noirci l'envers du dessein, de maniere cependant qu'il n'y ait pas trop de cette poudre dont on s'est servi, on l'applique sur le vernis par le côté qui est rouge ou noir; on l'y maintient avec un peu de cire qu'on met aux quatre coins du dessein: ensuite on passe avec une pointe d'argent ou d'acier qui ne soit pas coupante, quoique fine, sur tous les trains qu'on veut transmettre, & ils se dessinent ainsi sur le vernis. Après quoi on ôte le dessein; & pour empêcher que ces traits legers qu'on a tracés en calquant ne s'effacent lorsque l'on appuie la main sur le vernis en gravant, on expose la planche un instant sur un feu presque éteint, ou sur du papier enflammé, & on la retire dès qu'on s'apperçoit que le vernis rendu un peu humide, a pu imbiber le trait du calque.

Cette façon de calquer la plus commnne & la plus facile a un inconvénient; les objets dessinés ainsi sur la planche & gravés, se trouveront dans les estampes qu'on imprimera, placés d'une façon contraire à celle dont ils étoient disposés dans le dessein: il paroîtra par conséquent dans les estampes que les figures feront de la main gauche les actions qu'elles sembloient faire de la main droite dans le dessein qu'on a calqué; & quel que soit cet inconvénient, il est si desagréable ou si nuisible à l'usage qu'on attend de la gravure, qu'il faut absolument le surmonter. Voici les différens moyens qu'on a pour cela. 1°. Si le dessein original est fait avec la sanguine ou la mine de plomb, il faut, au moyen de la presse à imprimer les estampes, en tirer une contre - éprouve, c'est - à - dire, transmettre un trait ou une empreinte de l'original sur un papier blanc, en faisant passer le dessein & le papier qu'on a posé dessus, sous la presse, comme on le dira à l'article de l'Impression des Estampes; alors on a une représentation du dessein original dans un sens contraire. En faisant ensuite à l'égard de cette contre - épreuve ce que j'ai prescrit tout - à - l'heure pour le dessein même, c'est - à - dire en calquant la contre - épreuve sur la planche, les épreuves qu'on tirera de cette planche lorsqu'elle sera gravée, offriront les objets placés du même sens qu'ils le sont sur l'original.

Si le dessein n'est pas fait à la sanguine ou à la mine de plomb, & qu'il soit lavé, dessiné à l'encre, ou peint, il faut user d'un autre moyen que voici. Prenez du papier fin vernis, avec l'esprit de térébenthine, ou le vernis de Venise, qui sert à vernir les tableaux; appliquez ce papier qui doit être sec & qui est extraordinairement transparent sur le dessein ou sur le tableau: dessinez alors les objets que vous voyez au - travers avec le crayon ou l'encre de la Chine. Ensuite ôtant votre papier de dessus l'original, retournez - le; les traits que vous aurez formés & que vous verrez au - travers, y paroîtront disposés d'une façon contraire à ce qu'ils sont dans l'original; appliquez sur la planche le côté du papier sur lequel vous avez dessiné; mettez entre ce papier vernis & la planche, une feuille de papier blanc, dont le côté qui touche à la planche soit frotté de sanguine ou de mine de plomb; assûrez vos deux papiers avec de la cire, pour qu'ils ne varient pas; & calquez avec la pointe, en appuyant un peu plus que vous ne feriez s'il n'y avoit qu'un seul papier sur la planche; vous aurez un calque tel qu'il faut qu'il soit pour que l'estampe rende les objets disposés comme ils le sont sur le dessein.

Je dois ajoûter ici que pour vous conduire dans l'exécution de la planche, il vous faudra consulter la contre - épreuve, ou le dessein que vous aurez fait; & que si vous voulez, pour une plus grande exactitude, vous servir du dessein ou du tableau original, il faut le placer de maniere que se réfléchissant dans un miroir, le miroir qui devient votre guide, vous présente les objets du sens dont ils sont tracés sur votre planche.

Ces moyens que je viens d'indiquer, sont propres à préparer le trait lorsque l'on grave un dessein ou un tableau de la même grandeur qu'il est; mais s'il est nécessaire, comme il arrive souvent, de diminuer ou d'augmenter la proportion des objets, il faut se servir des opérations indiquées aux mots Graticuler ou Réduire.

La planche étant préparée au point qu'il ne s'agît plus que de graver, il est bon de donner une idée générale de l'opération à laquelle on veut parvenir, en gravant à l'eau - forte; ensuite nous dirons de quels instrumens on se sert.

Le vernis dont on vient d'enduire la planche, est de telle nature que si vous versez de l'eau - forte dessus, elle ne produira aucun effet; mais si vous découvrez le cuivre en quelqu'endroit, en enlevant ce vernis, l'eau - forte s'introduisant par ce moyen, rongera le cuivre dans cet endroit, le creusera, & ne cessera de le dissoudre, que lorsque vous l'en ôterez, ou qu'elle aura perdu & consumé sa qualité corrosive. Il s'agit donc de ne découvrir le cuivre que dans les endroits que l'on a dessein de creuser, & de livrer ces endroits à l'effet de l'eau - forte, en ne la laissant opérer qu'autant de tems qu'il en faut pour creuser, suivant votre intention, les endroits dont vous aurez ôté le vernis: vous vous servirez pour cela d'outils qu'on nomme pointes & échopes.

La façon de faire des pointes la plus facile est de choisir des aiguilles à coudre de différentes grosseurs, d'en armer de petits manches de bois de la grandeur d'environ cinq ou six pouces, & de les aiguiser au besoin & à son gré, pour les rendre plus ou moins fines, suivant l'usage qu'on en veut faire. On peut mettre à ces outils le degré de propreté qu'on juge à - propos; on peut se servir de morceaux de burins, qui étant d'un très - bon acier, sont très - propres à faire des pointes; & quant à la maniere de les monter, c'est ordinairement une virole de cuivre qui les unit au bois, au moyen d'un peu de mastic ou de cire d'Espagne. J'ai éprouvé que des morceaux de burins arrondis & enfoncés profondément dans un manche de bois assez gros pour faire l'effet d'un porte - crayon de cuivre, formoient de très - bonnes pointes; la profondeur dont elles sont enfoncées supplée à la virole, & fait que lorsque vous voulez entamer le cuivre, & appuyer quelques touches, elles se prêtent à la force que vous y mettez sans se démancher. La façon de les aiguiser est de les passer sur une pierre fine à aiguiser, en les tournant sans cesse entre les doigts pour les arrondir parfaitement. On sent aisé<pb-> [p. 881] ment que l'on est le maître de leur rendre la pointe plus ou moins épaisse, suivant l'usage qu'on en veut faire. On appelle du nom de pointe en général, toutes ces sortes d'outils; mais le nom d'échopes distingue celles des pointes dont on applatit un des côtés; ensorte que l'extrémité n'est pas parfaitement ronde, mais qu'il s'y trouve une espece de biseau, comme on peut le voir dans la Planche de la gravure sur cuivre, lettre B.

Avant que de parler de la maniere de se servir des pointes & des échopes, je vais prescrire quelques observations nécessaires pour conserver le vernis.

C'est sur - tout le vernis mou que ce soin doit regarder; le vernis dur est à l'abri des petits accidens qu'il faut éviter; il ne se raye pas aisément: il suffit d'envelopper la planche qui en est couverte, d'un papier, d'un linge, ou d'un morceau de peau, lorsque l'on ne travaille pas. Pour le vernis mou, le moindre frottement d'un corps tant - soit - peu dur l'enleve; & l'on doit ou tenir la planche sur laquelle on s'en sert, enfermée dans un tiroir lorsqu'on ne grave pas; ou bien enveloppée dans un linge fin, ou dans une peau fine. Il faut même, lorsqu'en gravant on appuie la main sur le vernis, le faire avec précaution; au reste il y a des moyens de réparer les petits accidens qui peuvent y être arrivés, que je dirai avant que d'expliquer la maniere d'appliquer l'eau - forte: venons à la maniere de travailler avec les pointes sur le vernis.

Il est nécessaire premierement que l'artiste choisisse une place convenable pour y placer la table sur laquelle il doit graver. Cette place est l'embrasure d'une croisée qui ait un beau jour, & qui, s'il se peut, ne soit pas exposée au plein midi; car le trop de jour pourroit être aussi nuisible à la vûe du graveur que l'obscurité. Pour modérer ce jour, il suspendra entre la fenêtre & lui un chassis garni de papier huilé ou vernis, comme il est marqué dans la fig. 3. de la Planche de la Gravure sur cuivre. Il se servira aussi pour plus de commodité d'un pupitre, dans lequel il enfermera la planche, pour la mettre à l'abri de tout accident, lorsqu'il n'y travaillera pas. Il y a eu des graveurs qui se sont servis d'un chevalet de peintre, & qui à l'aide de l'appuie main, ont exécuté leurs ouvrages de la même façon qu'on peint un tableau; cette pratique est, je crois infiniment moins préjudiciable à la santé, que l'attitude courbée qu'on a ordinairement en gravant; mais il est difficile de s'y faire & d'y accoûtumer la main: c'est à l'artiste à éprouver & à choisir; & je crois nécessaire de recommander aux Artistes d'essayer toûjours avec soin & réflexion tout ce qui a été pratiqué avant eux; c'est le moyen d'étendre un art & de rencontrer soi - même des découvertes neuves; d'ailleurs telle pratique convient au caractere, au tempérament, au génie, & au goût d'un artiste; qui en peut tirer un parti que nul n'a pu en tirer avant lui.

Venons à l'opération de graver: j'ai fait sentir au mot Estampe, que graver est en quelque façon dessiner & peindre; ainsi plus le graveur sera instruit des principes théoriques de la Peinture & de la pratique de cet art, plus il lui sera facile d'en faire une juste application. Il faut au moins indispensablement que le graveur sache bien dessiner, & qu'il s'entretienne toûjours dans l'habitude du dessein au crayon d'après la bosse & d'après la nature. Ces conditions supposées, le graveur ayant calqué comme je l'ai dit sur sa planche le dessein qu'il veut exécuter, il se servira de ses pointes, pour en rendre l'effet par des hachures plus ou moins fortes, c'est - à - dire plus fines & plus grosses. Les regles de la perspective aérienne & la réflexion qu'il fera sur l'effet que produisent les corps en raison de leur éloignement, le conduiront aisément à se servir des pointes les plus fines dans les plans éloignés, & des pointes les plus fortes pour les premiers plans. Il s'agira donc d'ombrer par le moyen des hachures qu'il formera sur sa planche, en enlevant le vernis avec ses pointes, les objets que lui présente son dessein. Je remarquerai pour ceux qui n'ont jamais gravé, qu'il y a pour s'y habituer une petite difficulté à surmonter: elle consiste en ce que lorsqu'on dessine sur le papier blanc, les hachures qu'on forme se trouvent opposées à la blancheur du fond par une couleur brune, foncée, ou noire; au lieu que les hachures que produisent les pointes en découvrant le vernis qui est très - noir, sont claires & brillantes: ensorte que cette opposition est absolument différente de celle que produit le dessein. Au reste, on s'accoûtume aisément à cette difference; & l'on se fait à imaginer que ce qui est le plus clair & le plus brillant sur la planche vernie, deviendra le plus noir sur l'estampe. Revenons à quelques - uns des principes de cet art: j'ai dit que l'on y parvenoit à une juste dégradation par la différente grosseur des pointes qu'on employe. Mais l'on sent aisément que le travail doit concourir à produire les effets nécessaires à l'accord & à l'harmonie. Ce travail, c'est - à - dire le sens dans lequel on trace les hachures, doit être déterminé par l'étude de la nature comme dans le dessein; & assez ordinairement si le dessein est bon, les hachures du crayon vous indiqueront celles des pointes. Ainsi le sens des muscles & le tissu de la peau pour les figures, seront les points dont vous partirez pour regler votre travail: & voilà pourquoi il est essentiel qu'un graveur ait une grande habitude de dessiner. Sans cela la liberté que se donnent quelquefois les Artistes en dessinant, pourroit l'égarer. Cette réflexion me conduit naturellement à dire en passant un mot sur ce qui peut contribuer à la corruption de cet art.

On ne connoissoit dans les premiers tems où on l'a exercé que la Gravure au burin, dont je donnerai le détail. La longueur du travail du burin, & l'avantage de la découverte & de la promptitude d'un nouveau moyen, contribuerent à rendre la façon de graver à l'eau - forte plus générale & plus commune; cependant on commença par soûmettre cette nouvelle pratique à une imitation servile des effets du burin: c'étoit les premiers pas d'un art timide qui n'osoit s'écarter de celui à qui il devoit la naissance; mais cette subordination dura peu: la gravure à l'eau - forte prit l'essor & se chargea de faire les trois quarts des ouvrages qu'elle entreprenoit, laissant au burin le soin de leur donner un peu plus de propreté, d'accord, & de perfection. Elle ne se borna pas - là; elle hasarda d'exécuter d'une façon libre des ouvrages entiers; elle se débarrassa du joug que lui avoit imposé le burin; les regles qu'on avoit établies n'y furent plus des lois auxquelles on ne pouvoit se dispenser de se soûmettre; d'habiles artistes en promenant au hasard la pointe sur le vernis, formerent des croquis pleins d'esprit & de feu, mais fort incorrects & d'un travail fort peu agréable. Un nombre infini de graveurs de tous états s'éleverent, & crurent qu'il suffisoit de calquer un dessein ou un tableau sur le cuivre, d'en former un trait peu correct, de le couvrir de hachures arbitraires, & de laisser à l'eau - forte le soin d'achever ces ouvrages imparfaits, dont nous sommes inondés aujourd'hui. Mais si l'art de la Gravure a perdu, & perd ainsi tous les jours du mérite savant qu'elle a eu dans les tems où on l'exerçoit avec plus de reserve, de soins, & de réflexions; cette espece d'abus qu'on en fait a son utilité pour la communication générale des Arts & des connoissances. Il n'est point d'ouvrage sur ces matieres, où les idées un peu compliquées ne soient éclaircies par des figures gravées, qui font

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