ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"878"> charbon préparé, comme je viens de le dire, en arrosant d'eau commune & le cuivre & le charbon, jusqu'à ce que vous ayez fait disparoître ainsi les marques que peuvent avoir laissées les pierres différentes dont j'ai indiqué l'usage. Il faut remarquer que quelquefois il arrive qu'un charbon glisse sur le cuivre sans le mordre, & par conséquent sans le polir; il faut alors en choisir un autre qui soit plus propre à cette opération, & la repéter avec patience jusqu'à ce que le cuivre soit exempt des moindres raies & des plus petites inégalités apparentes. La derniere préparation qu'il peut recevoir, ou de la main de l'ouvrier en cuivre, ou de celle de l'artiste, c'est d'être bruni. On se sert pour cela d'un instrument qu'on nomme brunissoir. Cet inserument est d'acier: l'endroit par où l'on s'en sert pour donner le lustre à une planche, est extrèmement poli; il a à - peu - près la forme d'un coeur, comme on peut le voir dans la Planche premiere ayant rapport à l'art du Graveur en cuivre, lettre A. Son épaisseur est de quelques lignes; il se termine en pointe, & l'usage qu'on en fait après avoir répandu quelques gouttes d'huile sur le cuivre, est de le passer diagonalement sur toute la planche, en appuyant un peu fortement la main; ce qui s'appelle brunir. C'est ainsi qu'on parvient à donner à la planche de cuivre un poli pareil à celui d'une glace de miroir, & qu'on fait disparoitre les plus petites inégalites.

Lorsqu'on a mis en usage ces différens moyens, si l'on veut être assûré que l'on a réussi, il faut livrer la planche à un imprimeur en taille - douce, qui après l'avoir frottée de noir & essuyée, comme on a coûtume de faire, lorsque la planche est gravée, la fera passer sous la presse avec une feuille de papier blanc. Les inégalités les moins sensibles, s'il en reste quelques - unes, s'imprimeront sur le papier, & vous serez en état d'ôter à la planche les moindres défauts qu'elle pourroit avoir.

Je crois qu'après avoir instruit de la façon d'apprêter le cuivre, il faut commencer par les operations qui servent à graver à l'eau forte; apres quoi j'en viendrai à la maniere de graver au burin.

Pour parvenir à faire usage de l'eau - forte, il est nécessaire de couvrir la planche d'un vernis; & voici les differentes manieres de compoler les vernis dont on couvre les planches, comme je le dirai ensuite.

Il est de deux especes de vernis: on nomme l'un vernis dur, & l'autre vernis mou. Le premier par lequel je commencerai est d'un usage plus ancien. Voici sa composition.

Prenez cinq onces de poix greque, ou, à son défaut, de la poix grasse, autrement poix de Bourgogne; cinq onces de resine de Tyr ou colophone; à son défaut, de la résine commune: faites fondre ce mélange ensemble sur un feu médiocre, dans un pot de terre neuf, bien plombé, vernissé, & bien net. Ces deux ingrédiens étant fondus & bien mêlés ensemble, mettez - y quatre onces de bonne huile de noix, ou d'huile de lin; mêlez bien le tout sur le feu durant une bonne demi - heure; puis laissez cuire ce mélange jusqu'à ce qu'en ayant mis refroidir, & le touchant avec le doigt, il file comme un sirop bien gluant: alors retirez le vernis de dessus le feu; & lorsqu'il sera un peu refroidi, passez - le à - travers d'un linge neuf, dans quelque vase de fayence ou de terre bien plombé; vous le serrerez ensuite dans une bouteille de verre épais, ou dans quelqu'autre vase qui ne s'imbibe pas, & que l'on puisse bien boucher: le vernis se gardera alors vingt ans, & n'en sera que meilleur.

Voilà la composition du vernis dur tel que Bosse le donne, & tel qu'il s'en servoit sans doute. Voici celui dont se servoit Callot, & qu'on appelle vulgairement vernis de Fiorence.

Prenez un quarteron d'huile grasse bien claire & faite avec de bonne huile de lin, pareille à celle dont les Peintres se servent: faites - la chauffer dans un poelon de terre vernissé & neuf: ensuite mettez - y un quarteron de mastic en larmes pulvérisé; remuez bien le tout, jusqu'à ce qu'il soit fondu entierement. Passez alors toute la masse à - travers un linge sin & propre, dans une bouteille qui ait un cou assez large; bouchez - la exactement pour que le vernis se conserve mieux.

Je crois qu'après avoir donné la composition du vernis dur, il est à - propos de dire la maniere d'appliquer ce vernis dur sur la planche de cuivre.

La planche ayant été forgée, polie & lustrée comme je l'ai dit ci - dessus, il faut encore prendre soin d'ôter de sa surface la moindre impression grasse qui pourroit s'y rencontrer; pour cela vous la frotterez avec une mie de pain, un linge sec, ou bien avec un peu de blanc d'Espagne mis en poudre, & un morceau de peau; vous aurez soin sur - tout de ne pas passer les doigts & la main sur le poli du cuivre, lorsque vous serez au moment d'appliquer le vernis. Pour l'appliquer sur la planche, vous l'exposerez sur un réchaud dans lequel il y ait un feu médiocre; lorsque le cuivre sera un peu échauffé, vous le retirerez; & trempant alors dans le vase où vous conservez votre vernis, une petite plume, un petit bâton, ou une paille, vous poserez du vernis sur la planche en assez d'endroits, pour que vous puissiez ensuite l'étendre par - tout & l'en couvrir; au reste il faut remarquer que la façon ancienne dont Bosse fait mention pour étendre ce vernis, au moyen de la paume de la main, est sujet à inconvéniént, soit à cause de la transpiration de la main, soit parce qu'il est difficile de l'étendre avec une grande égalité. Je croi donc qu'il vaut mieux (& j'en parle par expérience) se servir de tampons faits avec de petits morceaux de taffetas neufs, dans lesquels on renferme un morceau de coton qui soit neuf aussi. Lorsqu'on s'est muni de quelques tampons proportionnés à la grandeur de la planche qu'on veut vernir, on frappe doucement sur les endroits de la planche où l'on a mis du vernis; on l'étend ainsi par - tout avec egalité; & l'on doit surtout prendre garde qu'il n'y en ait une trop grande épaisseur, parce qu'il seroit plus difficile de le faire cuire, & de graver ensuite. Ce vernis, qui est fort transparent, pourroit aisément mettre dans l'erreur ceux qui s'en serviroient sans le connoître: il ne faut donc pas s'attendre à voir facilement si le vernis a la juste épaisseur qui lui convient; mais j'avertis que lorsqu'il semblera qu'il n'y en a point du tout, pour ainsi dire, il y en aura encore assez. Je me suis servi avec succès d'un moyen pour l'unir parfaitement: le voici. J'ai coupé des morceaux de papier blanc sin & lisse, à - peu - pres de la grandeur de la planche; & les passant avec la paume de la main legerement sur la planche où j'avois étendu le vernis à l'aide des tampons dont j'ai parlé, je suis parvenu ainsi à rendre ma couche de vernis égale, & aussi peu épaisse qu'on peut le desirer.

Cette opération faite, il faut donner au vernis par le moyen du feu le degré de consistance, qui lui fait donner le nom de vernis d'or; mais auparavant il faut le noircir, pour qu'il soit plus facile d'appercevoir les traits qu'on forme avec les instrumens qui servent à graver.

Pour noircir le vernis, vous vous servirez de plusieurs bouts de bougie jaune que vous assemblerez, afin qu'étant allumes, il en résulte une fumée grasse & épaisse. Cela fait, vous attacherez au bord de votre planche un, deux, trois ou quatre étaux, suivant la grandeur de la planche & la difficulté de la manier. Ces étaux qui pour plus de commodité peuvent avoir des manches de fer propres à les tenir, vous donne<pb-> [p. 879] ront la facilité d'exposer le côté de la planche que vous avez vernie à la fumée des bougies, comme vous verrez fig. 1. de la Planche qui a rapport a la gravure sur cuivre. Vous aurez attention de promener continueilement ou la planche ou les bougies, pour que la flamme ne fasse pas trop d'impression sur quelque endroit de la planche; ce qui pourroit brûler le vernis. Il faut aussi ne pas trop approcher le vernis de la meche, ou meme de la flamme. L'usage indiquera le juste milieu qu'il faut observer. Le point ou il faut airiver, est de rendre la planche d'un noir égal & exempt de transparence, sans que le vernis soit brûlé dans aucun endroit.

Venons au moyen de sécher, de cuire, & durcir le vernis à l'aide du feu. Il faut allumer une quantité de charbon proportionnée à la grandeur de la planche; vous formerez avec ces charbons, dans un endroit qui soit sur - tout à l'abri de la poussiere, un brasier dont l'étendue excede de quelque chose la planche en tous sens; vous aurez encore attention de mettre fort peu de charbons dans le milieu, parce que la chaleur se concentrera assez, & qu'il faut plus de tems pour cuire les bords de la planche: lorsque ces précautions seront prises, vous exposerez votre planche sur ce brasier, à l'aide de deux petits chenets faits expres, ou de deux étaux, avec lesquels vous la tiendrez suspendue à quelques pouces du feu. On doit comprendre que le côté de la planche sur lequel est applique le vernis, n'est pas celui qui doit être tourné vers le brasier, il se trouvera dessus; & pour éviter qu'il n'y tombe d'atomes de poussiere, ce qui est très - essentiel, vous étendrez un linge qui vous garantira de ces petits accidens. Lorsqu'après l'espace de quelques minutes, vous verrez votre planche jetter de la fumée, vous vous tiendrez prët à la retirer; & pour ne pas risquer de le faire trop tard, ce qui pourroit arriver si l'on attendoit qu'elle ne rendît plus de fumée du tout, vous éprouverez en touchant le vernis avec un petit bâton, s'il résiste ou s'il cede au petit frottement que vous lui ferez éprouver; s'il s'attache au bâton, & s'il quitte le cuivre, il n'est pas encore durci; s'il fait résistance, & s'il ne s'attache point au bâton, vous le retirerez; & si par hasard vous avez tardé un peu trop long - tems, & que vous craigniez qu'il ne soit un peu trop cuit, vous arroserez le derriere de la planche avec de l'eau fraîche; parce que la chaleur que le cuivre retient assez long - tems après avoir été séparé du feu, donneroit au vernis un trop grand degré de cuisson; il seroit alors difficile à travailler, & s'écailleroit.

Je vais à - présent parler du vernis mou; après quoi je donnerai les moyens de transmettre un dessein sur le vernis, & ensuite de le graver.

Voici différentes compositions du vernis mou.

Composition du vernis mou suivant Bosse. Prenez une once & demie de cire vierge bien blanche & nette, une once de mastic en larmes pur & net, une demi - once de spalt calciné; broyez bien le mastic & le spalt; faites fondre au feu votre cire dans un pot de terre bien plombé & verni par - dedans; quand elle sera entierement fondue & bien chade, vous la saupoudrerez de ce mastic peu - à - peu, afin qu'il fonde & qu'il se mêle. Vous remuerez le tout avec un petit bâton. Ensuite vous saupoudrerez ce mélange avec le spalt, comme vous avez fait la cire avec le mastic, en remuant encore le tout sur le feu jusqu'à ce que le spalt soit bien fondu & mêlé avec le reste, c'est - à - dire environ la moitié d'un demi-quart - d'heure; puis vous l'ôterez du feu & le laisserez refroidir. Ayant ensuite mis de l'eau claire dans un plat, vous y verserez le vernis, & vous le pétrirez avec vos mains dans cette eau; vous en forme<cb-> rez ainsi de petites boules, que vous envelopperez dans du taffetas pour servir comme je le dirai.

Je passe sous silence les differentes combinaisons qu'on peut faire des ingrédiens avec lesquels cette sorte de vernis peut se composer; vous en trouverez plusieurs décrites dans le livre de Bosse, de l'édition de 1745. Voici seulement une façon de le composer qui me paroît une des meilleures, apres avoir eprouvé toutes les autres.

Faites fondre dans un vase neuf de terre vernie deux onces de cire vierge, demi - once de poix noire, & demi - once de poix de Bourgogne. Il faut y ajoûter peu - à - peu deux onces de spalt, que l'ou aura réduit en poudre tres - fine. Laissez cuire le tout jusqu'à ce qu'en ayant fait tomber une goutte sur une assiette, cette goutte étant bien refroidie puisse se rompre en la pliant trois ou quatre fois entre les doigts: alors le vernis est assez cuit, il faut le retirer du feu, le laisser refroidir un peu, puis le verser dans de l'eau tiede, afin de pouvoir le manier facilement, & en faire de petites boules que l'on enveloppera dans du taffetas neuf pour s'en servir.

Il y a quelques observations à faire, qui serviront dans les différens procédés qu'on employera pour la composition du vernis.

1°. Il faut prendre garde que le feu ne soit pas trop violent, de crainte que les ingrédiens dont on se sert ne brûlent.

2°. Pendant qu'on employe le spalt, & même après l'avoir employe, il faut remuer le mélange continuellement avec une spatule ou un petit morceau de bois.

3°. L'eau dans laquelle on versera la composition doit être à - peu - près du même degré de chaleur que les drogues qu'on y verse.

4°. Il faut faire ensorte que le vernis soit plus dur, pour s'en servir en été, que pour l'employer en hyver. On parviendra à le rendre plus ferme, en lui donnant un plus grand degre de cuisson, ou en mettant une plus forte dose de spalt, ou un peu de poixrésine.

La maniere d'appliquer ce vernis sur la planche, differe un peu de la maniere d'appliquer le vernis dur.

J'ai dit à la fin de la préparation que je viens de donner, que lorsque le vernis est assez cuit, il faut le retirer du feu, le laisser refroidir un peu, puis le verser dans de l'eau tiede, afin de pouvoir le manier facilement & en faire de petites boules que l'on enveioppera dans du taffetas neuf pour s'en servir. Vous tiendrez au moyen d'un étau votre planche sur un réchaud, dans lequel il y aura un feu médiocre; vous lui donnerez une chaleur modérée; & passant alors le morceau de taffetas dans lequel est enfermée la boule de vernis que vous avez pétrie sur la planche en divers sens, la chaleur fera fondre doucement le vernis, qui se faisant jour au - travers du taffetas, se répandra legerement sur la surface du cuivre. Lorsque vous croirez qu'il y en a suffisamment, vous vous servirez d'un tampon fait avec du coton enfermé dans du taffetas; & frappant doucement dans toute l'étendue de la planche, vous porterez par ce moyen le vernis dans les endroits où il n'y en aura pas, & vous ôterez ce qu'il y en a de trop dans les endroits où il sera trop abondant. Il faut avoir une grande attention qu'il n'y ait pas trop de vernis sur les planches, & qu'il y soit égaleinent répandu; le travail de la pointe en devient plus fin & plus facile.

Pour cela, vous retirerez à - propos votre planche de dessus le feu (tandis que vous vous servirez du tampon), & l'y remettrez s'il est nécessaire; parce que si le vernis devient trop chaud, il brûle & se calcine dans les endroits où il est atteint d'une chaleur trop vive: si, au contraire, il est trop peu chaud, le

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