ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"874"> mal; voyez Descente; il en est de même de M. Bulfinger. Il suppose dans une piece qui a remporté le prix de l'academie des Sciences en 1728, que la matiere du tourbillon se meut à la - fois autour de deux axes. Il prétend que de ce double mouvement il doit résulter une tendance des corps terrestres vers le centre de la terre; mais cet auteur a supposé qu'en ce cas les particules de la matiere décrivoient toutes par un mouvement composé de grands cercles, ce qui n'est pas vrai; car elles décrivent des courbes différentes, dont la plûpart sont en 8 de chiffre, comme on peut s'en assûrer par l'expérience & par l'analyse. Ainsi son explication n'est pas plus recevable que celles de Huyghens & de Descartes.

M. Varignon a fait aussi un système sur la cause de la pesanteur, dont on peut voir le précis dans son éloge par M. de Fontenelle, mém. de l'Acad. 1722. mais ce système ne portant sur rien, & n'ayant fait aucune fortune, nous n'en ferons point de mention ici. M. le Sage, de Geneve, a présenté depuis peu à l'académie des Sciences un écrit qui contient un système ingénieux sur cette matiere; mais ce système n'est pas encore publié, & nous attendrons qu'il le soit pour en faire mention, afin de ne point trop surcharger cet article. Nous renvoyons donc sur cela au mot Pesanteur.

Avant que de passer à l'explication Newtonienne de la gravité, nous ferons une remarque qui ne sera pas inutile. Quand on dit que les corps pesans ou graves tendent vers le centre de la terre, on n'entend pas cela rigoureusement; car il faudroit en ce cas que la terre fût sphérique, & que les corps pesans fussent poussés perpendiculairement à cette surface. Or il est prouvé que la terre n'est pas sphérique, & il n'est pas bien démontré que la direction de la pesanteur soit perpendiculaire à la surface de la terre; sur quoi voyez l'article Figure de la Terre , & la III. partie de mes recherches sur le système du monde; Paris, 1756. liv. VI.

Il faut d'ailleurs distinguer deux sortes de gravité: la gravité primitive, non altérée par la force centrifuge qui vient de la rotation de la terre & des corps qu'elle entraîne: & la gravité altérée par cette force; cette derniere gravité est la seule que nous sentons; & quand même la premiere auroit sa direction au centre de la terre, la seconde par une conséquence nécessaire ne l'auroit pas. Mais il est aisé de s'assûrer que la gravité primitive elle - même n'a pas sa direction au centre de la terre; car si cela étoit, le rapport des axes seroit à très - peu - près de 577 à 578, tel que M. Huyghens l'a trouvé dans cette hypothèse. Or les observations donnent le rapport des axes de la terre beaucoup plus grand. Voyez l'article Figure de la Terre . Ainsi il paroît que la gravité n'est pas une force constamment dirigée vers le centre de la terre, & c'est déjà une preuve indirecte en faveur du système de Newton, qui veut que la pesanteur soit causée par l'attraction que toutes les parties de la terre exercent sur les corps pesans; attraction dont l'effet doit être dirigé différemment, suivant le lieu de la surface terrestre où le corps attiré est placé. Voyez Attraction. Voici maintenant les preuves du système Newtonien.

Preuves de la gravité universelle. Tout le monde convient que tout mouvement est naturellement rectiligne; de sorte que les corps, qui dans leur mouvement décrivent des lignes courbes, y doivent être forcés par quelque puissance qui agit sur eux continuellement.

D'où il s'ensuit que les planetes faisant leurs révolutions dans des orbites curvilignes, il y a quelque puissance dont l'action continuelle & constante les empêche de se déplacer de leur orbite, & de décrire des lignes droites.

D'ailleurs les Mathématiciens prouvent que tous les corps qui dans leurs mouvemens décrivent quelque ligne courbe sur un plan, & qui par des rayons tirés vers un certain point, décrivent autour de ce point des aires proportionnelles au tems, sont poussés par quelque puissance qui tend vers ce même point; voyez Force centrale. Il est démontré aussi par les observations que les planetes premieres tournant autour du soleil, & les planetes secondaires appellées satellites, tournant autour des premieres, décrivent des aires proportionnelles au tems; voyez Loi de Kepler. Par conséquent la puissance qui les retient dans leur orbite, a sa direction vers les centres du soleil & des planetes. Enfin il est prouvé que si plusieurs corps décrivent autour d'un même point des cercles concentriques, & que les quarrés de leurs tems périodiques soient comme les cubes des distances da centre commun, les forces centripetes des corps qui se meuvent seront réciproquement comme les quarrés des distances. Voyez Force centrale. Or tous les Astronomes conviennent que cette analogie a lieu par rapport à toutes les planetes: d'où il s'ensuit que les forces centripetes de toutes les planetes, sont réciproquement comme les quarrés des distances où elles sont des centres de leurs orbites. Voyez l'article Planete & l'article Loi de Kepler.

De tout ce qu'on vient de dire, il s'ensuit que les planetes sont retenues dans leurs orbites par une puissance qui agit continuellement sur elles: que cette puissance a sa direction vers le centre de ces orbites: que l'efficacité de cette puissance augmente à mefure qu'elle approche du centre, & qu'elle diminue à mesure qu'elle s'en éloigne; qu'elle augmente en même proportion que diminue le quarré de la distance, & qu'elle diminue comme le quarré de la distance augmente.

Or en comparant cette force centripete des planetes avec la force de gravité des corps sur la terre, on trouvera qu'elles sont parfaitement semblables.

Pour rendre cette vérité sensible, nous examinerons ce qui se passe dans le mouvement de la Lune, qui est la planete la plus voisine de la terre.

Les espaces rectilignes, décrits dans un tems donné par un corps qui tombe & qui est poussé par quelque puissance, sont proportionnels à ces puissances, à compter depuis le commencement de la chûte. Par conséquent la force centripete de la Lune dans son orbite, sera à la force de la gravité sur la surface de la terre, comme l'espace, que la Lune parcourroit en tombant pendant quelque tems par sa sorce centripete du côté de la terre, supposé qu'elle n'eût aucun mouvement circulaire, est à l'espace que parcouroit dans le même tems quelqu'autre corps en tombant par sa gravité sur la terre.

On sait par expérience que les corps pesans parcourent ici - bas 15 piés par seconde, voyez Descente. Or l'espace que la force centripete de la Lune lui feroit parcourir en ligne droite dans une seconde, est sensiblement égal au sinus verse de l'arc que la Lune décrit dans une seconde. Et puisqu'on connoit le rayon de l'orbite de la Lune & le tems de sa révolution, on connoîtra par conséquent ce sinus verse.

Faisant donc le calcul, on trouve que ce sinus verse est à 15 piés, c'est - à - dire que la force centripete de la Lune dans son orbite, est à la force de la gravité sur la surface de la terre, comme le quarré du demi-diametre de la terre est au quarré du demi - diametre de l'orbite. On peut voir ce calcul tout au long dans le III. livre des principes de Newton, & dans plusieurs autres ouvrages auxquels nous renvoyons.

C'est pourquoi la force centripete de la Lune est la même que la force de la gravité, c'est - à - dire pro<pb-> [p. 875] cede du même principe; autrement si ces deux forces étoient différentes, les corps poussés par les deux forces conjointement, tomberoient vers la terre avec une vîtesse double de celle qui naîtroit de la seule force de la gravité.

Il est donc évident que la force centripete par laquelle la Lune est retenue dans son orbite, n'est autre chose que la force de la gravité qui s'étend jusque - là.

Par conséquent la Lune pese vers la terre; donc réciproquement celle ci pese vers la Lune: ce qui est confirmé d'ailleurs par les phénomenes des marées. Voyez Flux & Reflux & Gravitation

On peut appliquer le même raisonnement aux autres planetes. En effet, comme les révolutions des planetes autour du Soleil, & celles des satellites de Jupiter & de Saturne autour de ces planetes, sont des phénomenes de la même espece que la révolution de la Lune autour de la terre; comme les forces centripetes des planetes ont leur direction vers le centre du Soleil; comme celles des Satellites tendent vers le centre de leur planete; & enfin comme toutes ces forces sont réciproquement comme les quarrés des distances aux centres, on peut conclure que la loi de la gravité & sa cause sont les mêmes dans toutes les planetes & leurs satellites.

C'est pourquoi comme la Lune pese vers la terre, & celle - ci vers la Lune, de même tous les satellites pesent vers leurs planetes principales: & les planetes principales vers leurs satellites; les planetes vers le Soleil, & le Soleil vers les planetes. Voyez Gravitation, Planete, &c.

Il ne reste plus qu'à savoir quelle est la cause de cette gravité universelle, ou tendance mutuelle que les corps ont les uns vers les autres.

Clarke ayant détaillé plusieurs propriétés de la gravité des corps, conciud que ce n'est point un effet accidentel de quelque mouvement ou matiere subtile, mais une force générale que le Tout - puissant a imprimée des le commencement à la matiere, & qu'il y conserve par quelque cause efficiente qui en pénetre la substance.

Gravesande, dans son introduction à la philosophie de Newton, prétend que la cause de la gravité est absolument inconnue, & que nous ne devons la regarder que comme une loi de la nature & comme une tendance que le créateur a imprimée criginairement & immédiatement à la matiere, sans qu'elle depende en aucune façon de quelque loi ou cause seconde. Il croit que les trois réflexions suivantes suffisent pour prouver sa proposition. Savoir:

1°. Que la gravité demande la présence du corps qui pese ou attire: c'est ainsi que les satellites de Jupiter, par exemple, pesent sur cette planete, quelque part qu'elle se trouve.

2°. Que la distance au corps attirant étant supposée la même, la vîtesse avec laquelle les corps se meuvent par la force de la gravité, dépend de la quantité de matiere qui se trouve dans le corps qui attire, & que la vîtesse ne change point, quelle que puisse être la masse du corps pesant.

3°. Que si la gravité ne dépend d'aucune loi connue de mouvement, il faut que ce soit quelqu'impulsion venant d'un corps étranger, de sorte que la gravité étant continuelle, elle demande aussi une impulsion continuelle.

Or s'il y a quelque matiere qui pousse continuellement les corps, il faut que cette matiere soit fluide & assez subtile pour pénétrer la substance de tous les corps: mais comment un corps qui est assez subtil pour pénétrer la substance des corps les plus durs, & assez raréfié pour ne pas s'opposer sensiblement au mouvement des corps, peut - il pousser des corps considérables les uns vers les autres avec tant de for<cb-> ce? Comment cette force augmente - t - elle suivant la proportion de la masse du corps vers lequel l'autre corps est poussé? D'où vient que tous les corps, en supposant la même distance & le même corps vers lequel ils tendent, se meuvent avec la même vîtesse? Enfin un fluide qui n'agit que sur la surface, soit des corps mêmes, soit de leurs particules intérieures, peut - il communiquer aux corps une quantité de mouvement, qui suive exactement la proportion de la quantité de matiere renfermée dans les corps?

M. Cotes, en donnant un plan de la philosophie de Newton, va encore plus loin, & assûre que la gravité doit être mise au rang des qualités premieres de tous les corps, & réputée aussi essentielle à la matiere que l'étendue, la mobilité, & l'impénétrabilité. Pref. ad Newt. princip. Sur quoi voyez les articles Attraction & Gravitation.

Mais Newton, pour nous faire entendre qu'il ne regarde point la gravité comme essentielle aux corps, nous donne son opinion sur la cause, & il prend le parti de la proposer par forme de question, comme n'étant point encore content de tout ce qu'on en a découvert par les expériences.

Nous ajoûterons ici cette question dans les propres termes dont il s'est servi.

Après avoir prouvé qu'il y a dans la nature un milieu beaucoup plus subtil que l'air; que par les vibrations de ce milieu, la lumiere communique de la chaleur aux corps, subit elle - même des accès de facile réflexicer & de facile transmission; & que les différentes densités des couches de ce milieu produisent la réfraction aussi - bien que la réflexion de la lumiere (voyez Milieu, Chaleur, Réfraction &c.), il fait la question suivante.

« Ce milieu n'est - il pas beaucoup plus raréfié dans les corps denses du Soleil, des étoiles, des planetes, & des cometes, que dans les espaces célestes qui sont vuides, & qui se trouvent entre ces corps? & ce milieu, en passant de là à des distances considérables, ne se condense - t - il pas continuellement de plus en plus, & ne devient - il pas ainsi la cause de la gravité que ces grands corps exercent les uns sur les autres, & de celle de leurs parties, puisque chaque corps s'efforce de s'éloigner des parties les plus denses du milieu vers ses parties les plus raréfiées?

Car si l'on suppose que ce milieu est plus raréfié dans le corps du soleil que dans sa surface, & plus à la sur sace qu'à une distance très - petite de cette même surface, & plus à cette distance que dans l'orbe de Saturne; je ne vois pas, dit M. Newton, pourquoi l'accroissement de densité ne seroit pas continué dans toute la distance qu'il y a du soleil à Saturne, & au delà.

Et quand même cet accroissement de densité seroit excessivement lent ou foible à une grande distance, cependant si la force élastique de ce milieu est excessivement grande, elle peut être suffisante pour pousser les corps depuis les parties les plus denses du milieu, jusqu'à l'extrémité de ses parties les plus raréfiées, avec toute cette force que nous appellons gravité.

La force élastique de ce milieu est excessivement grande, comme on en peut juger par la vîtesse de ses vibrations: car d'un côté les sons se répandent environ à 180 toises dans une seconde de tems: de l'autre la lumiere vient du soleil jusqu'à nous dans l'espace de sept ou huit minutes, & cette distance est environ de 33000000 lieues; & pour que les vibrations ou impulsions de ce milieu puissent produire les secousses alternatives de facile transmission & de facile réflexion, il faut qu'elles se fassent plus promptement que celles de la lumiere, & par conséquent environ 700000 fois plus vîte que cel<pb->

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