ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
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parlerons dans un moment, l'action des cinq satellites
de Saturne pourroit encore produire quelque dérangement
dans cette planete; & peut - être sera - t - il
necessaire d'avoir égard à l'action des satellites pour
determiner entierement & avec exactitude toutes
les inegalités du mouvement de Saturne, aussi - bien
que celles de Jupiter.
Si les satellites agissent sur les planetes principales;
& si celles - ci agissent les unes sur les autres, elles
agissent donc aussi sur le soleil: c'est une conséquence
assez naturelle. Mais jusqu'ici les faits nous
manquent encore pour la verifier. Le moyen le plus
infaillible de decider cette question, est d'examiner
les inégalités de Saturne; car si Jupiter agit sur le
Soleil en même tems que Saturne, il est nécessaire
de transporter à Saturne, en sens contraire, l'action
de Jupiter sur le Soleil, pour avoir le mouvement de
Saturne par rapport à cet astre; & entr'autres inégalites
cette action doit produire dans le mouvement
de Saturne une variation proportionnelle au sinus de
la distance entre le lieu de Jupiter & celui de Saturne. C'est aux Astronomes à s'assurer si cette variation
existe, & si elle est telle que la théorie la donne.
Voyez Saturne.
On peut voir par ce detail quels sont les différens
degres de certitude que nous avons jusqu'ici sur les
principaux points du système de la gravitation universelle, & quelle nuance, pour ainsi dire, observent
ces degres. Ce sera la même chose quand on
voudra transporter, comme fait Newton, le système
general de la gravitation des corps celestes à celle
des corps terrestres ou sublunaires. Nous remarquerons
en premier lieu que cette attraction ou gravitation generale s'y manifeste moins en détail dans
toutes les parties de la matiere, qu'elle ne fait, pour
ainsi dire, en total dans les differens globes qui composent
le systeme du monde; nous remarquerons de
plus qu'elle se manifeste dans quelques - uns des corps
qui nous environnent plus que dans les autres;
qu'elle paroit agir ici par impuision, là par une
mechanique inconnue, ici suivant une loi, là suivant
une autre; enfin plus nous generaliserons & etendrons
en quelque maniere la gravitation, plus ses
effets aous paroitront varies, & plus nous la trouverons
obscure, & en quelque maniere informe dans
les phenomenes qui en resultent, ou que nous lui
attribuons. Soyons donc tres - reserves sur cette generalisation,
aussi - bien que sur la nature de la force
qui produit la gravitation des planetes; reconnoissons
seulement que les effets de cette force n'ont pu
se réduire, du - moins jusqu'ici, à aucune des lois
connues de la mechanique; n'emprisonnons point la
nature dans les limites étroites de notre intelligence;
approfondissons assez l'idée que nous avons de
la matiere, pour être circonspects sur les propriétes
que nous lui attribuons ou que nous lui refusons;
& n'imitons pas le grand nombre des philosophes modernes,
qui en affectant un doute raisonné sur les objets
qui les intéressent le plus, semblent vouloir se
dedommager de ce doute par des assertions prematurees
sur les questions qui les touchent le moins.
II. Loi génerale de la gravitation. Si on appelle F
la force de la gravitation d'un point vers un autre,
e l'espace que cette force fait parcourir pendant
le tems t, on aura d d e=F d t2, ou plus exactement
[omission: formula; to see, consult fac-similé version], comme on l'a vû au mot Force, page 118 de ce Volume, en appellant a l'espace
que la pesanteur p fait parcourir pendant un tems Q.
M. Euler, dans sa piece sur le mouvement de Saturne, qui a remporte le prix de l'académie des Sciences en 1748, prend pour équation, non pas d d e
=F d t2, mais d d e=1/2 F d t2. Comme cette maniere
de presenter l'équation des forces accélératri<cb->
ces a causé de la difficulté à plusieurs personnes, je
dirai ici qu'elle ne me paroit point exacte. En effet
supposons F=p, c'est - à - dire F égale à la pesanteut
naturelle, on auroit donc, suivant M. Euler, [omission: formula; to see, consult fac-similé version]
& [omission: formula; to see, consult fac-similé version] ou [omission: formula; to see, consult fac-similé version]; cependant
toutes les formules reçues jusqu'ici donnent la vitesse
à la fin de l'espace [omission: formula; to see, consult fac-similé version], & le tems
[omission: formula; to see, consult fac-similé version]; ce qui est fort différent de l'expression
de t qui résulte de la formule de M. Euler.
Il est vrai que l'équation, peu exacte en elle même,
d d e=1/2 F d t2, dont M. Euler se sert, n'influe point
sur le reste de sa piece, parce qu'il corrige cette erreur
par une autre, en substituant dans la suite de la
piece, à la place de [omission: formula; to see, consult fac-similé version], la quantité [omission: formula; to see, consult fac-similé version], a étant
le rayon de l'orbite, S2 l'anomalie, & *Q le soleil; au
lieu qu'en nous servant de la formule d d e=F d t2,
nous eussions substitué cette quantité [omission: formula; to see, consult fac-similé version], non à
la place de [omission: formula; to see, consult fac-similé version], mais à la place de d t2; en sorte
que dans les deux cas le résultat auroit été le même,
savoir [omission: formula; to see, consult fac-similé version]. En effet [omission: formula; to see, consult fac-similé version] étant ici la force
centripete, & a d S2 l'arc parcouru pendant le tems
d t, on a [omission: formula; to see, consult fac-similé version] (voyez l'article Force,
pages 118 & 119.): donc, puisque [omission: formula; to see, consult fac-similé version],
on aura [omission: formula; to see, consult fac-similé version]. Nous supposons qu'on ait
ici sous les yeux la piece de M. Euler imprimée à
Paris en 1749.
III. Maniere de trouver la gravitation d'un corps
vers un autre. Newton dans le livre I. de ses principes,
a donné pour cela une méthode qui a été commentée
& étendue depuis par différens auteurs. Voyez
les memoires de l'acad. 1732. le commentaire des PP.
le Seur & Jaquier; les mémoires de Petersbourg, &c.
Cette méthode a principalement pour objet l'attraction
que les corps spheriques, elliptiques & cylindriques,
ou regardés comme tels, exercent sur un
point donné. Nous avons donné les premiers la methode
de trouver l'attraction qu'un solide peu différent
d'une sphere, elliptique ou non, sphéroide ou
non, exerce sur un point placé, soit au - dedans, soit
au - dehors de lui. Voyez la seconde & la troisieme partie
de nos recherches sur le système général du monde, Paris
1754 & 1756; voyez aussi l'article
Figure de la Terre . De plus une remarque singuliere que nous
avons faite à ce sujet, & que nous croyons nouvelle,
c'est que quand un corpuscule est au - dehors d'une
surface spherique & très - près de cette surface,
l'attraction que cette surface exerce sur ce corpuscule,
est à - peu - près double de celle qu'elle exerce,
si le corpuscule est placé sur la surface même. On
peut voir dans la III. partie de nos recherches sur le système
du monde, 1756, pp. 198 & 199. la preuve & le
dénouement de cette espece de paradoxe. Mais pour
faire sentir aux commençans comment le calcul
donne ce paradoxe, représentons - nous la differentielle
[omission: formula; to see, consult fac-similé version] de l'attraction d'une surface
sphérique, r étant le rayon, 2 P le rapport de la circonférence
au rayon, n la distance du corpuscule à
la surface sphérique, & x une abscisse quelconque;
nous trouverons aisément par les méthodes connues
que l'intégrale de cette différentielle est
[omission: formula; to see, consult fac-similé version]
Voyez Intégral,
[p. 873]
Transformation, & la II. partie de mes recherches
sur le système du monde, page 284. Or, soit que n soit
=0, ou non, la seconde partie de cette intégrale,
savoir [omission: formula; to see, consult fac-similé version] devient
[omission: formula; to see, consult fac-similé version], quand x = 2r. A l'égard de la premiere
partie, elle est évidemment toûjours nulle, quand
n=0, puisque n en multiplie tous les termes; mais
quand n n'est pas=0, elle devient, lorsque x = 2r,
[omission: formula; to see, consult fac-similé version], comme la précédente
à laquelle elle s'ajoûte pour lors. Ainsi quand
n=0, l'attraction n'est que [omission: formula; to see, consult fac-similé version]; & quand n n'est
pas zéro, elle est [omission: formula; to see, consult fac-similé version]. Voilà la raison
analytique du paradoxe.
IV. Usage du système de la gravitation pour trouver
les masses des planetes. Soient deux planetes, dont les
masses soient M, m, qui ayent des satellites qui
tournent autour d'elles à la distance A, a, & qui
fassent leurs révolutions dans les tems T, t, les forces
centripetes de ces satellites seront [omission: formula; to see, consult fac-similé version],
puisque la gravitation est en raison directe de la masse
du corps attirant, & inverse du quarré de la distance: de plus ces forces centripetes seront égales aux
forces centrifuges; & en considérant les orbites des
satellites comme des cercles, les forces centrifuges
seront entr'elles comme [omission: formula; to see, consult fac-similé version] Voyez Force
centrale au mot Central. Donc on aura [omission: formula; to see, consult fac-similé version].
Donc si on connoît le rapport de
A avec a & celui de T avec t, on connoîtra le rapport
de M à m. Par - là on peut connoître le rapport
de la masse du Soleil, de Jupiter & de Saturne, à
celle de la Terre; car toutes ces planetes (en y comprenant
le Soleil) ont des satellites, dont on connoit
le rapport des distances à leurs planetes principales,
& les tems des révolutions. V. Planlte. (O)
GRAVITÉ
(Page 7:873)
GRAVITÉ, s. f. (Phys. & Méchaniq.) on appelle
ainsi parmi les Physiciens la force que le vulgaire appelle
pesanteur, & en vertu de laquelle les corps
tendent vers la terre.
Il y a cette différence entre pesanteur & gravité, 1°. que gravité ne se dit jamais que de la force ou
cause générale qui fait descendre les corps, & que
pesanteur se dit quelquefois de l'effet de cette force
dans un corps particulier; ainsi on dit la foice de la
gravité pousse les corps vers la terre, & la pesanteur du
plomb est plus grande que celle du cuivre. 2°. Que pesanteur ne se dit jamais que de la force particuliere
qui fait tomber les corps terrestres vers la terre, &
que gravité se dit aussi quelquefois dans le système
Newtonien, de la force par laquelle un corps quelconque
tend vers un autre. Car le principe général
de ce système, est que la gravité est une propriété
universelle de la matiere. Voyez Gravitation.
Mais avant que d'en détailier les preuves, disons un
mot des systèmes imaginés par les autres philosophes,
pour rendre raison de la gravité.
Le vulgaire est d'abord étonné qu'on cherche une
cause à ce phénomene; il lui paroît tout naturel
qu'un corps tombe, dès qu'il n'est pas soûtenu; sur
quoi nous renvoyons le lecteur à l'article Force
d'inertie, p. 112. col. j. Nous renvoyons aussi aux
mots Accélération & Descente sur les explications
que les Péripatéticiens, les Epicuriens, &
les Gassendistes donnent de la gravité, & qui ne méritent
pas un plus long détail. Mais l'explication de
Descartes est trop ingénieuse & trop séduisante au
premier coup - d'oeil, pour ne pas nous y arrêter.
La matiere subtile, dit ce philosophe, se meut en
tourbillon autour de la terre; en vertu de ce mouvement
elle a une force centrisuge, voyez Force & Centrifuge; en vertu de cette sorce, toutes les
parties de cette matiere tendent à s'éloigner de la
terre; elles doivent donc pousser les corps vers la
terre, c'est - à - dire dans un sens contraire à la direction
de leur force centrifuge: car par la même raison
qu'un fluide qui pese de haut en bas, tend à
pousser de bas en - haut les corps qu'on y plonge, &
les y pousse en effet, s'ils tendent de haut en - bas
avec moins de force que lui; par cette même raison
la matiere du tourbillon ayant une force centrifuge,
doit pousser vers la terre les corps qu'on place dans
ce tourbillon, & qui n'ont point une pareille force.
Voyez Fluide & Hydrodynamique. Ainsi la pesanteur
du corps L place dans la pyramide AEB
(fig. 8. Méch.), est égale à la force centrifuge de la
matiere du tourbillon dont il occupe la place, multipliee
par la masse de cette matiere, moins la force
centrifuge du corps L, s'il en a, multipliée par la
masse L.
En supposant l'existence des tourbillons que nous
croyons insoûtenable, & que presque personne n'admet
plus aujourd'hui, voyez Tourbillon, il suit de
cette explication qu'il faut, ou que la force centrifuge
de la matiere du tourbillon soit beaucoup plus
grande que celle du corps L, ou que la matiere subtile
soit beaucoup plus dense que ce corps. Or la
force centrifuge du corps L vient de sa vîtesse de rotation
autour de la terre; vîtesse qui est à - peu - près
égale à celle des points de la surface terrestre. Donc
il faudroit dans le premier cas que la matiere du
tourbillon eût beaucoup plus de vîtesse de rotation
que la terre; or cela posé, on sentiroit une espece de
vent continuel dans le sens de la rotation de la terre,
c'est - à - dire d'occident en orient. Dans le second
cas, si la matiere du tourbillon a beaucoup plus de
densité que les corps terrestres, on devroit sentir
dans les mouvemens de bas en - haut & de haut enbas
la résistance de cette matiere; or on sait que
cette résistance est insensible, que l'air seul est la
source de celle qu'on éprouve, & qu'il n'y en a
point dans la machine du vuide, où tous les corps
tombent également vîte. Ce n'est pas tout; supposant,
comme on le dit, la force centrifuge de la matiere
du tourbillon beaucoup plus grande que celle
du corps L, le corps L devroit toûjours avoir une
pesanteur sensiblement égale, pourvû qu'il conservât
le même volume; car la force centrifuge qui
agiroit sur ce corps, seroit alors la même. Or cela
est contraire à l'expérience: car un pié cube d'or
pese plus qu'un pié cube de liége. De plus & par la
même raison, les corps devroient descendre d'autant
plus vîte, abstraction faite de la résistance de
l'air, qu'ils auroient moins de masse sous un même
volume; car la force qui les presse étant la même,
elle devroit y produire des vîtesses en raison inverse
des masses. Or c'est ce que l'expérience dément encore;
car l'expérience prouve que tous les corps descendent
également vîte dans le vuide; d'où il résulte
que la gravité agit en raison de la masse, & non du
volume du corps.
Une autre objection contre les Cartésiens, c'est
que les corps devroient descendre vers l'axe de la
terre, & non vers le centre; de sorte que sous les
paralleles à l'équateur ils devroient tomber par des
lignes obliques, & non par des lignes à - plomb. Les
Cartésiens, il est vrai, ont imaginé différens moyens
de répondre à ces difficu tés; mais tous ces moyens
sont autant de paralogismes. Je me flate de l'avoir
démontré dans mon traité des fluides, art. 409. M.
Huyghens a cherché à corriger sur ce point le système
de Descartes; mais la correction est pire que le
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