ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"792"> déterminent par l'expression de l'objet, de la cause, de l'effet, de la forme, de la matiere, &c. Ils sont à leur égard ce que les domestiques sont à l'égard du maître: on dit des uns dans le sens propre, qu'ils sont gouvernés; on le dit des autres dans le sens figuré.

Il seroit à desirer, dans le style didactique sur - tout, dont le principal mérite consiste dans la netteté & la précision, qu'on pût se passer de ces expressions figurées, toûjours un peu énigmatiques. Mais il est tres - difficile de n'employer que des termes propres; & il faut avoüer d'ailleurs que les termes figurés deviennent propres en quelque sorte, quand ils sont consacrés par l'usage & définis avec soin. On pouvoit cependant éviter l'emploi abusif du mot dont il est ici question, ainsi que des mots régie & régime, destinés au même usage. Il étoit plus simple de donner le nom de complément à ce que l'on appelle régime, parce qu'il sert en effet à rendre complet le sens qu'on se piopose d'exprimer; & alors on auroit dit tout simplement: le complément de telles prépositions doit être à tel cas; le complément objectif du verbe actif doit être à l'accusatif, &c. M. Dumarsais a fait usage de ce mot en bien des occurrences, sans en faire en son lieu un article exprès: nous développerons nos vûes sur cet objet au mot Régime, en y exposant les principes de Grammaire qui peuvent y avoir rapport. On y verra que l'on peut quelquefois à peu de frais répandre la lumiere sur les élémens des Sciences & des Arts. (E. R. M.)

Gouverner (Page 7:792)

Gouverner, v. act. voyez Gouvernement.

Gouverner (Page 7:792)

Gouverner, (Marine.) c'est tenir le timon ou la barre du gouvernail pour conduire le vaisseau & porter le cap sur le rumb de vent qu'on veut sirvre. On dit gouverner au nord, au sud, pour dire faire route au nord, ou au sud. (Z)

GOUVERNEUR (Page 7:792)

GOUVERNEUR D'UNE PLACE DE GUERRE, s. m. (Art miat.) est le premier commandant ou le premier officier de la place. Dans les villes importantes, outre le gouverneur il y a un officier général qui a le commandement des troupes. Ce second, ou plûtôt principal commandant, a été imaginé pour modérer le trop de pouvoir que les gouverneurs avoient autrefois, & les empêcher de pouvoir rien faire dans leurs places de contraire aux intentions du roi. M. de Puysegur, pere du célebre maréchal, auteur de l'Art de la guerre par regles & par principes, avoit donné la premiere idée au roi Louis XIII. de l'établissement de ces commandans. Elle n'a été pleinement exécutée que sous Louis XIV. Le chevalier de Ville a fait un traité de la charge des gouverneurs des plates, dans lequel ces officiers peuvent puiser d'excellentes instructions pour s'acquitter dignement des fonctions de leur emploi. (Q)

Gouverneur d'un jeune homme (Page 7:792)

Gouverneur d'un jeune homme, (Morale.) L'objet du gouverneur n'est pas d'instruire son éleve dans les Lettres ou dans les Sciences. C'est de former son coeur par rapport aux vertus morales, & principalement à celles qui conviennent à son état; & son esprit, par rapport à la conduite de la vie, à la connoissance du monde & des qualités nécessaires pour y réussir.

Le gouverneur est quelquefois chargé de son éleve dès l'âge de sept ans; ce qui n'a guere lieu que chez les princes. Ordinairement, & chez les gens de qualité, le jeune homme lui est remis, lorsqu'ayant fini l'étude du latin, il est sur le point de commencer ses exercices, & de faire les premiers pas dans le monde. On ne le considérera que dans cette derniere époque.

Les qualités qu'il doit avoir, les précautions qu'il faut apporter dans le choix qu'on en fait, la conduite des parens avec lui, la sienne avec son éleve: voilà les quatre points qui feront la matiere de cet article.

l'âge où le jeune homme est remis entre les mains d'un gouverneur, l'éducation n'est plus une affaire d'autorité, c'est une affaire d'insinuation & de raison. Ce n'est pas que l'autorité en soit bannie, mais on ne l'y doit montrer que sobrement, & quand tous les autres moyens sont épuisés. Alors les penchans sont décidés, les volontés sont fortes, l'esprit est plus clairvoyant, l'amour - propre plus en garde, les passions commencent à paroître. Il faut donc de la part du gouverneur plus de ressources dans l'esprit, plus d'expérience, plus d'art, plus de prudence.

Si l'éducation précédente a été mauvaise, il ne faut pas se flatter de la réparer en entier: on développera les talens, on palliera les défauts, on sauvera le fond par la superficie. Il seroit à souhaiter qu'on pût faire mieux; mais cela seul doit être regardé comme un objet très - important. Quand les penchans sont vicieux, c'est en détruire en partie les effets, & ce n'est pas rendre un petit service à l'homme en particulier & à l'humanité en général, que de les compenser par des talens, de leur donner un frein quel qu'il soit, & de les empêcher de se montrer à découvert.

Beaucoup de parens ne sont pas plus attentifs à cette partie de l'éducation qu'à toutes les autres. Ils donnent un gouverneur à leurs enfans, moins en vûe de leur être utiles, que par bienséance ou par faste. Ils préferent celui qui coûte le moins à celui qui mérite le plus; ils bornent ses fonctions à garder le jeune homme à vûe, à l'accompagner quand il sort, à les en débarrasser quand il est dans la maison. Il est sans autorité, puisqu'il est sans considération: est - il étonnant que tant de gouverneurs soient des gens moins que médiocres, & que la plûpart des éducations réussissent si mal? On seroit trop heureux si l'on pouvoit ramener les parens que ce reproche peut regarder, à une façon de penser plus raisonnable & plus conforme à leurs vrais intérêts.

A l'égard du pere tendre qui aime ses enfans comme il doit les aimer, qui regarde comme le premier de ses devoirs l'éducation de ses enfans, & qui ne veut rien négliger de ce qui peut y contribuer; ce digne pere est un objet intéressant pour toute la société: tout citoyen vertueux doit concourir au succès de ses vûes, du - moins à l'empêcher d'être trompé: c'est pour lui que cet article est fait.

Que le gouverneur soit d'un âge mûr; s'il étoit trop jeune, lui - même auroit besoin d'un Mentor; s'il étoit trop âgé, il seroit à craindre qu'il ne descendît difficilement à beaucoup de minuties aux quelles il faut se prêter avec un jeune homme, & que tous deux ne prîssent de l'humeur: qu'il n'ait point de disgraces dans l'extérieur ni dans la figure; il faudroit un mérite bien éminent pour effacer ces bagatelles. Les jeunes gens y sont plus sensibles qu'on ne pense; ils en sont humiliés ou en font des plaisanteries.

Qu'il ait vécu dans le monde & qu'il le connoisse; car s'il a passé sa vie dans son cabinet ou dans un coin de la société, reculé de la sphere où son éleve doit vivre, il sera gauche à beaucoup d'égards; il y aura mille choses qu'il ne verra pas dans le point de vûe où il faut les voir; il donnera à son éleve des conseils ridicules, & avec du mérite il s'en fera mépriser.

Qu'il ne soit pas non plus trop homme du monde, il seroit superficiel; il pourroit avoir des principes qui ne seroient pas exacts; il se plieroit difficilement à la contrainte que l'état exige; il tomberoit dans l'impatience & dans le dégoût; il se seroit engagé legerement, & négligeroit tout par ennui.

Qu'il ait moins de bel esprit que de bon esprit; ce qu'il lui faut c'est un sens droit, un discernement juste, un esprit sage & sans prétentions. Toute pré<pb-> [p. 793] tention est un ridicule, & n'annonce pas une tête saine; l'homme brillant dans la conversation n'est pas le plus propre à l'état de gouverneur; il n'est pas toûjours le plus aimable dans le commerce habituel & dans la société intime; l'imagination qui domine en lui, saisit les objets trop vivement; elle est sujette à des écarts, & rend l'humeur inégale.

Qu'il ait une idée de la plûpart des connoissances que son éleve doit acquérir: quoiqu'il né soit pas chargé de ses études, il est à souhaiter qu'il puisse les diriger; il faut qu'il soit en état de raisonner de tout avec lui; il y a mille choses qu'il peut lui apprendre par la seule conversation. Il n'est pas nécessaire qu'il soit homme profond à tous égards, pourvû qu'il connoisse assez chaque chose, pour en bien savoir l'usage & l'application; s'il en ignore quelques - unes, qu'il sache au - moins qu'il les ignore; s'il s'est appliqué particulierement à quelque science, il faut prendre garde qu'il n'en soit point passionné, & qu'il n'en fasse pas plus de cas qu'elle ne mérite: car il arriveroit, ou qu'il s'en occuperoit tout entier & négligeroit son éleve, ou qu'il rameneroit tout à cette science, sans examiner le rang qu'elle doit avoir dans les connoissances du jeune homme.

On appuiera d'autant plus sur ces observations, que le jeune homme aura plus d'esprit naturel & de lumieres acquises.

Ce qui est nécessaire au gouverneur avec tous les jeunes gens, c'est une ame ferme, des moeurs douces, une humeur égale. Avec une ame foible, il se laissera mener par son éleve, & sans le vouloir il deviendra son complaisant. Avec un caractere dur, ou le jeune homme se révoltera contre lui, ou sans se révolter, il le haïra, ce qui n'est pas un moindre obstacle au succès de l'éducation. Avec une humeur inégale, il sera incapable d'une conduite soûtenue; il sera tantôt foible & tantôt dur, suivant la disposition de son ame. Il reprendra mal - à - propos & par humeur, ou avec humeur, & dès - lors il perdra tout crédit sur l'esprit de son éleve.

Je souhaiterois outre cela qu'il eût fait une éducation; il y auroit acquis des lumieres auxquelles l'esprit ne supplée point. L'homme qui a le plus d'esprit, chargé pour la premiere fois de conduire un jeune homme, s'appercevra bien - tôt, si ses vûes sont droites, qu'avec plus d'expérience il eût mieux fait.

On choisit ordinairement pour gouverneur un homme de Lettres ou un militaire: l'homme de Lettres est plus facile à trouver, & convient plus communément à l'état. On sent bien que je n'entens par homme de Lettres ni le bel esprit proprement dit, ni le littérateur obscur & sans goût, ni l'homme superficiel, qui se croit lettré parce qu'il parle haut & qu'il décide; mais l'homme d'esprit qui a cultivé les Lettres par le goût qu'elles inspirent à toute ame honnête & sensible, & sur les moeurs duquel elles ont répandu leur douceur & leur aménité.

A l'égard du militaire, s'il avoit vécu dans la capitale, & qu'il eût employé ses loisirs à orner son esprit & à perfectionner sa raison; s'il joignoit aux connoissances de l'homme de Lettres quelques notions de la guerre, non en subalterne qui ne connoît que les petits détails qui lui sont personnels, non en raisonneur vague qui donne d'autant plus carriere à son imagination qu'il a moins de connoissances réelles, mais en homme attentif qui a cherché à s'instruire, & qui a médité sur ce qu'il a vû; il n'est pas douteux qu'il ne fût plus propre que tout autre à faire l'éducation d'un homme de qualité. Mais quand il n'a, comme j'en ai vû plusieurs, d'autre mérite que la décoration qui est propre à son état, & que, prenant celui de gouverneur il en croit le titre & les fonctions peu dignes de lui, j'ai peine à concevoir pourquoi on l'a choisi.

Le gouverneur que je viens de décrire n'est pas un homme ordinaire. Je l'ai dépeint tel qu'il seroit à souhaiter qu'il fût, mais tel en même tems qu'on doit peu se flatter de le trouver. Pour le découvrir il faut le chercher: il faut avoir des yeux pour le connoître; il faut mériter de se l'attacher.

Si vous n'êtes point à portée de faire ce choix par vous - même, prenez bien garde à qui vous vous en rapporterez. Tout important qu'est pour vous cet objet, presque personne ne se fera scrupule de vous tromper. Défiez - vous des gens du monde. La plûpart sont trop legers & trop dissipés pour apporter l'attention nécessaire à une chose qui en demande tant. Ils vous proposeront avec chaleur un homme qu'ils ne connoissent point, ou qu'ils connoissent mal; qui ne sera par l'évenement qu'un homme inepte, & peut - être sans moeurs; ou qui s'il a quelque mérite, n'aura pas celui qui convient à la chose. Défiez - vous sur - tout des femmes. Elles sont pressantes; & leur imagination ne saisit rien foiblement.

Ne comptez aussi que médiocrement sur la plûpart des gens de Lettres, même de ceux qui passent pour se connoître le mieux en éducation. Si vous n'êtes pas leur ami, ils vous donneront un homme médiocre, mais qui sera de leur connoissance, & à qui ils aimeront mieux rendre service qu'à vous.

Examinez par vos yeux tout ce que vous pourrez voir: & du reste, ne vous en rapportez qu'à des gens qui soient assez essentiellement vos amis pour ne pas vouloir vous tromper: assez attentifs pour ne pas se méprendre par legereté; & en même tems assez éclairés pour ne pas vous tromper par défaut de lumieres.

Il y a des qualités qui s'annoncent au - dehors, & dont vous pourrez juger par vous - même. Il en est d'autres qu'on ne connoît qu'à l'usage. Telles sont celles qui constituent le caractere, & telle est l'humeur. Si le gouverneur que vous avez en vûe a déjà fait une éducation, vous aurez un grand avantage pour le connoître à cet égard. Avec un peu d'adresse, vous pourrez savoir des jeunes gens qui vivoient avec son éleve, la maniere dont le gouverneur se conduisoit avec eux, ce qu'ils en pensoient; ils sont en cette matiere juges très - compétens.

Plus un excellent gouverneur est un homme rare, plus on lui doit d'égards quand on croit l'avoir trouvé. On lui en doit beaucoup par rapport à lui - même; on lui en doit encore davantage par rapport à l'objet qu'on se propose, qui est le succès de l'éducation. Qu'il soit annoncé dans la maison de la maniere la plus propre à l'y faire respecter. Puisqu'il y vient prendre les fonctions de pere, il est juste que vous fassiez réjaillir sur lui une partie du respect qu'on vous porte.

S'il ne vous a pas paru mériter votre confiance, vous avez eu tort de le choisir. Si vous l'en avez jugé digne, il faut la lui donner toute entiere. Qu'il soit le maître absolu de son éleve, car c'est sur l'autorité que vous lui donnerez que le jeune homme le jugera.

Ne contrariez ses vûes, ni par une tendresse mal - entendue, in par l'opinion que vous avez de vos lumieres. Dès qu'on est pere, on doit sentir qu'on est aveugle & qu'on est foible. Il y a mille choses essentielles qu'on ne voit point, ou qu'on voit mal. Il y en a d'autres qui sont des bagatelles, & dont on est trop vivement affecté. Expliquez - lui en général vos intentions, mais ne vous mêlez point du détail. Il doit connoître le jeune homme beaucoup mieux que vous. Lui seul peut voir à chaque instant ce qu'il convient de faire. Celui - là seul peut suivre une marche uniforme qui fait son unique ob;

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