ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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Geste (Page 7:651)

Geste, (Danse.) la Danse est l'art des gestes; on a expliqué à cet article dans les volumes précédens l'objet & l'origine de cet art. Voyez Danse. Il ne reste ici qu'une observation à faire pour aider ses progrès, & pour employer utilement les moyens qu'elle a sous sa main, & que cependant elle laisse oisifs depuis qu'elle existe.

Cette observation sera peu du goût de nos artistes; ils sont dans une routine contraire; & la routine est en général la boussole des artistes modernes qui ont acquis quelque réputation dans la danse du théatre.

Observer, réfléchir, lire, leur paroissent des distractions nuisibles aux mouvemens du corps, où ils se livrent par préférence; leurs bras, leurs positions croissent en agrément, & l'art reste sans progrès. C'est donc à l'amour de l'art à ne se point rebuter contre une ancienne obstination qui lui est très - nuisible. Le moment viendra peut - être où l'esprit de réflexion entrera en quelque société avec la facture méchanique des sauts & des pas. En attendant, la vérité se trouvera écrite.

Il est certain que les mouvemens extérieurs du visage sont les gestes les plus expressifs de l'homme: pourquoi done tous les danseurs se privent - ils sur nos théatres de l'avantage que leur procureroit cette expression supérieure à toutes les autres?

Les Grecs & les Romains avoient une raison très - puissante pour s'aider du secours du masque, non - seulement dans la Danse, mais encore dans [p. 652] la déclamation chantée de leurs représentations tragiques & comiques. Les places immenses où s'assembloient les spectateurs, formoient de si grands éloignemens, qu'on n'auroit entendu la voix ni distingué aucun des traits du visage, si on n'avoit eu recours à l'invention des masques qu'on changeoit dans la même représentation, selon les divers besoins de l'action théatrale.

Le masque ne leur fit rien perdre, & il leur procura les deux avantages dont l'éloignement les auroit privés. Nous sommes dans la situation contraire: le masque nous nuit toûjours, & n'est utile presque jamais.

1°. Malgré l'habitude qu'on a prise de s'en servir, il est impossible qu'il ne gêne pas la respiration; 2°. il diminue par conséquent les forces; & c'est un inconvénient considérable dans un pareil exercice, que la gêne & l'affoiblissement.

En considérant que le masque, quelque bien dessiné & peint qu'on puisse le faire, est toûjours inférieur à la teinte de la nature, ne peut avoir aucun mouvement, & ne peut être jamais que ce qu'il a paru d'abord; peut - on se refuser à l'abolition d'un abus si nuisible à la Danse? L'habitude dans les Arts doit - elle toûjours prévaloir sur les moyens sûrs d'un embellissement qu'on perd par indolence? quel honneur peut - on trouver à imiter servilement la conduite & la maniere des danseurs qui ont précédé? ne se convaincra - t - on jamais que tout leur savoir ne consistoit qu'en quelques traditions tyranniques que le talent véritable dédaigne, & que la médiocrité seule regarde comme des lois?

Les danseurs qui méritent qu'on leur réponde, m'ont opposé 1°. que la danse vive demande quelquefois des efforts qui influent d'une maniere desagréable sur le visage du danseur; 2°. que n'étant pas dans l'usage de danser à visage découvert, on n'a point pris d'enfance, comme les femmes, le soin d'en ajuster les traits avec les graces qu'elles ont naturellement, & que leur adresse sait proportionner aux différentes entrées de danse qu'elles exécutent.

Ces deux raisons ne sont que des prétextes; les graces du visage sont en proportion du sentiment; & l'expression marquée par les mouvemens de ses traits, sont les graces les plus desirables pour un homme de théatre. On convient qu'il y a quelques caracteres qui exigent le masque; mais ils sont en petit nombre; & ce n'est pas à cause des efforts prétendus qu'il faut faire pour les bien danser, que le masque devient nécessaire, mais seulement parce qu'un visage humain y seroit un contre - sens ridicule. Tels sont les vents, les satyres, les démons: tous les autres sont ou nobles ou tendres ou gais; ils gagneroient tous à l'expression que leur prêteroient les traits du visage.

Au surplus, l'art des Laval & des Marcel, qui ont senti l'un & l'autre ce que la Danse devoit être, est un aide sûr pour la belle nature; le geste qu'elle anime trouve dans leurs pratiques mille moyens de s'embellir; ils ont étudié les ressorts secrets de la nature humaine; ils en connoissent les forces, les possibilités, la liaison. Les routes que peut leur indiquer une pareille connoissance, sont plus que suffisantes pour rendre les différens mouvemens du corps, flexibles, rapides, brillans & moëlleux. C'est sous de tels maîtres que la danse françoise peut acquérir cette expression enchanteresse qui lui donne, sans parler, autant de charmes qu'en étalent la bonne poéfie & l'excellente musique. Les pas de deux, sur tout de galanterie ou de passion; les pas seuls de grace, les beaux développemens des bras & des autres parties du corps qui se font sous un masque insensible, receviont enfin quelque jour, par les soins de nos excellens maîtres, la vie qui leur manque, qui peut seule ranimer la Danse & satisfaire pleinement les viais amateurs. (B)

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