ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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GNOSTIQUES (Page 7:726)

GNOSTIQUES, s. m. pl. (Hist. ecclés.) anciens hérétiques qui ont été fameux dès les premiers commencemens du Christianisme, principalement dans l'orient.

Ce mot gnostique vient du latin gnosticus, & du grec GNWSTI/KOS2, qui signifie savant, éclairé, illuminé, spirituel, de GINW/SKO, je connois.

Ce mot gnostique, qui signifie savant, avoit été adopté par ceux de cette secte, comme s'ils avoient eux seuls la véritable connoissance du Christianisme. Sur ce principe, ils regardoient les autres chrétiens comme des gens simples & grossiers qui expliquoient les livres sacrés d'une maniere basse & trop littérale.

C'étoient d'abord des philosophes qui s'étoient formé une théologie particuliere sur la philosophie de Pythagore & de Platon, à laquelle ils avoient accommodé les interprétations de l'Ecriture.

Mais ce nom de gnostique devint dans la suite un nom générique que l'on donna à plusieurs hérétiques du premier siecle, qui différent entre eux sur certai<pb-> [p. 727] nes circonstances, étoient néanmoins d'accord sur les principes: tels furent les Valentiniens, les Simoniens, les Carpocratiens, les Nicolaïtes, & autres hérériques.

Quelquefois c'est un nom particulier que l'on donne aux successeurs des premiers Nicolaïtes & des premiers Carpocratiens qui parurent dans le second siecle, & quitterent le nom des auteurs de leur secte. Voyez Carpocratiens, &c.

Ceux qui voudront apprendre à fond leur doctrine & leurs visions, n'ont qu'à consulter S. Irénée, Tertullien, Clément d'Alexandrie, Origene, & S. Epiphane, & sur - tout le premier, qui a rapporté au long leurs sentimens qu'il réfute en même tems. Quoique S. Irénée parle plus en détail des Valentiniens que des autres Gnostiques, on trouve cependant dans ses ouvrages les principes généraux sur lesquels ces hérétiques établissoient leurs fausses opinions, & la méthode qu'ils suivoient en expliquant l'Ecriture; il les accuse d'avoir introduit dans la religion de vaines & ridicules généalogies, c'est - à - dire de certaines émanations ou processions divines, qui n'ont d'autre fondement que leur imagination. Voy. Eons.

En effet les Gnostiques avoüoient que ces émanations n'étoient point expliquées clairement dans les livres sacrés; mais ils disoient en même tems que J. C. les y avoit indiquées mystiquement sous des paraboles à ceux qui pouvoient les comprendre.

Ils n'appuyoient pas seulement sur les évangiles & sur les épitres de S. Paul leur fausse théologie, mais encore sur la loi de Moïse & sur les prophetes. Comme il y a dans ces derniers plusieurs paraboles ou allégories qui peuvent être interprétées différemment, ils s'en servoient avec adresse pour cacher plus facilement l'ambiguité de leurs interprétations.

Ils faisoient grand fond sur le commencement de l'évangile de S. Jean, où ils prétendoient trouver une partie de leurs émanations, parce qu'il y est parlé du Verbe, de la vie, de la lumiere, & de plusieurs autres choses qu'ils expliquoient selon leurs idées: ils distinguoient aussi trois sortes d'hommes, le matériel, l'animal, & le spirituel. Ils divisoient parcillement la nature en trois sortes d'êtres, en hylique ou matériel, en psychique ou animal, & en pneumatique ou spirituel.

Les premiers hommes, qui étoient matériels & incapables de connoissance, périssoient selon le corps & selon l'ame; les spirituels, au contraire, tels que se disoient les Gnostiques, étoient tous sauvés naturellement, sans qu'il en pérît aucun. Les psychiques ou animaux, qui tenoient le milieu entre les deux ordres, pouvoient se sauver ou se damner, selon les bonnes ou mauvaises actions qu'ils faisoient.

Le nom de Gnostique se prend quelquefois en bonne part dans les anciens écrivains ecclésiastiques, principalement dans Clément d'Alexandrie, qui décrit en la personne de son gnostique, les qualités d'un parfait chrétien, dans le septieme livre de ses stromates, où il prétend qu'il n'y a que le gnostique ou l'homme savant qui ait une véritable religion; il assûre que s'il se pouvoit faire que la connoissance de Dieu fût séparée du salut éternel, le gnostique ne se feroit pas un scrupule de préférer la connoissance; & que quand même Dieu lui promettroit l'impunité s'il agissoit contre ses commandemens, ou lui offroit le ciel à ces conditions, il ne voudroit pas l'accepter à ce prix, ni changer de conduite.

C'est en ce sens qu'il oppose les Gnostiques aux hérétiques de ce nom, assûrant que le vrai gnostique a vieilli dans l'étude de l'Ecriture - sainte, & qu'il garde la doctrine orthodoxe des apôtres & de l'Eglise; au lieu que les faux gnostiques abandonnent les tradi<cb-> tions apostoliques, s'imaginant être plus habiles que les apôtres.

Le nom de gnostique, qui est si beau dans sa vraie étymologie, est devenu infame par les desordres auxquels s'abandonnerent ceux qui se disoient gnostiques, comme nous avons vû de nos jours le quiétisme & le piétisme décrié & condamné à cause des desordres de ceux de cette secte. Voyez Quiétisme, &c.

Ce que le Chambers vient de dire des faux gnostiques, d'après le Trévoux, étant trop général pour donner au lecteur une idée bien distincte de leur doctrine & de leurs moeurs, il est bon d'ajoûter que quoique les Gnostiques composassent différentes sectes, ils convenoient pourtant presque tous sur certains chefs dont voici les principaux. 1°. Ils admettoient tous une production chimérique d'éons qui composoient une même divinité, & ils ne varioient que sur le nombre; les uns le réduisant à huit, & les autres en comptant jusqu'à trente. 2°. Ils attribuoient la création & le gouvernement du monde visible à ces éons, & non pas au dieu souverain. 3°. Ils croyoient que la loi de Moyse, les prophéties, & généralement toutes les lois, étoient l'ouvrage du créateur de ce monde qu'ils distinguoient du souverain ou de la collection des éons qui composoit la divinité. 4°. Ils enseignoient que le Christ envoyé d'en - haut pour sauver les hommes, n'avoit pas pris une véritable chair ni souffert véritablement, mais seulement en apparence; ce qui les avoit fait appeller docetes.

Leurs principes les conduisoient tous au déréglement & au libertinage; ils enseignoient qu'il étoit permis & même loüable de s'abandonner aux plaisirs de la chair; ils se nourrissoient de viandes délicieuses & de vins exquis, se baignoient & se parfumoient le corps avec une extrème sensualité: souvent ils faisoient leurs prieres entierement nuds, comme pour marque de liberté. Les femmes étoient communes entre eux; & quand ils recevoient un étranger qui étoit de leur secte, d'abord ils lui faisoient la meilleure chere qu'il leur étoit possible; après le repas, le mari lui offroit lui - même sa femme, & cette infamie se couvroit du beau nom de charité. Ils nommoient aussi leurs assemblées agapes, où l'on dit qu'après les excès de bouche, ils éteignoient la lumiere, & suivoient indifféremment tous leurs desirs: toutefois ils empêchoient la génération autant qu'ils pouvoient; on les accusoit même de faire avorter les femmes, de piler un enfant nouveau né dans un mortier, & d'en manger les membres ensanglantés; d'offrir une eucharistie infame, & de commettre plusieurs autres abominations sacrileges dont on trouve le détail dans S. Epiphane, qui avoit vû en Egypte des restes de ces sectes; car elles s'étoient répandues en diverses contrées, & subsisterent jusqu'au jv. siecle.

Les noms que l'on donnoit aux Gnostiques ont été fort différens & presque tous relatifs ou à leurs dogmes ou à la dépravation de leurs moeurs. Les plus anciens appellés eutuchiles ou eutuchites, étoient disciples des Simoniens, dont il est parlé dans le VII. livre des stromates de Clément Alexandrin, & dans l'apologie de Pamphile pour Origene, où il est dit qu'ils opposoient le nom de l'évangile à celui de la loi & des prophetes, & qu'ils vouloient que J. C. fût fils, non du Dieu auteur de l'ancien Testament, mais d'un autre dieu inconnu. On appelloit aussi les Gnostiques barbelonites, phibionites, borborites, stratiotiques, zachéens, coddiens, lévites, ou lévitiques; ces derniers sur - tout commettoient entre eux les plus infames abominations.

Ils avoient plusieurs ouvrages apocryphes sur lesquels ils fondoient leurs impiétés, entr'autres le livre des révelations, ou l'apocalypse d'Adam; l'histoire de Noria, femme de Noé; quelques livres supposés [p. 728] sous le nom de Seth; la prophétie de Bahuba; l'évangile de perfection, qui contenoit quantité d'impuretés; l'évangile d'Eve, remplie de rêveries & de visions; l'accouchement & les interrogations de Marie, dont S. Epiphane rapporte quelques passages pleins de fictions & d'infamies; l'évangile de Philippe, & divers autres évangiles qu'ils attribuoient aux apôtres pour accréditer leurs erreurs. Dupin, bibliotheq. ecclésiast. des auteurs des trois premiers siecles. Fleury, histoire ecclésiastique, liv. III. n°. 20. pp. 333 & 334. (G)

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