ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"572"> ils doivent être formés: comment se forme donc le placenta & la double enveloppe du fétus? c'est ce que notre auteur n'explique point & ce qui paroît inexplicable dans ce système, contre lequel on peut d'ailleurs alléguer la difficulté commune à tous les systèmes qui admettent le mélange des deux liqueurs séminales dans la copulation, & par conséquent l'existence d'une vraie semence fournie par les femelles, à l'égard de laquelle on n'est pas même d'accord sur les organes qui sont supposés destinés à la préparer & à lui servir de reservoir. Voyez Sfmence, Testicules. Mais sans s'arrêter à cette difficulté, & sans entrer dans la discussion à laquelle elle peut donner lieu, ne semble - t - il pas suffisant pour faire sentir le peu de fondement de l'idée d'une vraie semence dans les femmes, de demander pourquoi, si elles ont de la semence entierement semblable à celle de l'homme, elle ne produit pas les mêmes effets, les mêmes changemens dans le corps des filles, qu'elle produit dans celui des garçons à l'âge de puberté? Voyez Puberté, Eunuque.

Il suit donc de tout ce qui vient d'être rapporté du système sur la génération, proposé dans la nouvelle histoire naturelle, qu'il ne sert qu'à prouver de plus en plus que le mystere sur ce sujet est impénétrable de sa nature; puisque les lumieres de l'auteur n'ont pû dissiper les ténebres dans lesquelles la faculté réproductrice semble être enveloppée. Le peu de succès des tentatives que les plus grands hommes ont faites pour l'en tirer, n'a cependant pas rendu nos physiciens plus réservés à cet égard.

En effet, à la derniere opinion dont on vient de faire l'exposition, il n'a pas tardé d'en succéder une autre qui se trouve dans l'ouvrage intitulé Idée de l'homme physique & moral (Paris 1755.). Comme la théorie de l'économie animale a toûjours éprouvé ses révolutions, ses changemens, conséquemment à ceux qu'éprouve la Physique en général; la philosophie de Newton ayant influé essentiellement sur la maniere dont on a tâché d'expliquer la reproduction des individus organisés, & particulierement de l'espece humaine dans la Venus physique, & dans l'Histoire naturelle, par le principe des forces attractives & des affinités qu'on y a principalement mises en jeu: il convenoit bien aussi que les découvertes faites au sujet de l'électricité, qui avoient déjà porté bien des écrivains à introduire cette nouvelle puissance dans la physique du corps humain, & même dans la partie médicale, fissent encore naître l'idée d'en faire une application particuliere à l'oeuvre de la génération. C'est ce que l'on voit dans l'ouvrage qui vient d'être cité; l'auteur y propose donc ainsi son sentiment.

La propriété, dit - il, qu'ont les organes excrétoires de la liqueur séminale de devenir au moment de l'émission de cette liqueur le centre de presque tout mouvement & tout sentiment du corps, est un phénomene trop considérable, pour qu'il soit permis de restreindre une telle révolution au seul méchanisme de l'excrétion de la liqueur séminale. On ne sauroit disconvenir, selon cet auteur, que le fluide éthérien ou électrique, ne doive être considéré dans chaque animal, comme une atmosphere active, qui embrasse également toutes les parties extérieures & intérieures du corps, depuis les plus simples jusqu'aux plus composées. Or on peut concevoir conséquemment que ce fluide doit par la révolution générale qui arrive au moment de l'émission, se réfléchir de toutes les parties du corps vers les organes de la génération, & s'imprimer dans la liqueur séminale, à - peu - près comme les rayons de lumiere, qui étant réfléchis d'un objet, dont en quelque maniere ils portent l'image, se peignent sur divers foyers, & notamment sur la rétine; avec la différence par rapport au flui<cb-> de éthérien, qu'étant réfléchi dans l'acte de la génération, il est déterminé avec beaucoup plus de torce, & concentré en beaucoup plus grande quantite que la matiere de la lumiere ne l'est dans les faisceaux de rayons qui tombent sur la rétine, & que la liqueur séminale dans laquelle le fluide éthérien porte son impression, est autrement disposée par sa nature, par sa chaleur & sa fluidité, à recevoir & à conserver la force & l'étendue de l'impression de ce fluide, que ne l'est la rétine, qui n'est susceptible que de quelques ébranlemens peu durables.

Or, poursuit notre auteur, que le fluide électrique puisse, suivant la sorte d'esquisse qu'il reçoit dans le corps du pere & de la mere, tracer des linéamens & déterminer une organisation dans la liqueur séminale; on en a presque la preuve dans la formation de ces toiles membraneuses, ou pour mieux dire, de cette espece de tissu qui se fait dans le lait chaud, qu'on laisse refroidir. On ne peut chercher la cause de cette formation, que dans les propriétés du fluide électrique.

Ainsi dans ce système, la liqueur séminale du mâle parvenue dans la matrice avec l'esquisse qui y a été destinée, de la maniere qui a été rapportée, reçoit encore des modifications ultérieures, soit par l'addition d'une nouvelle matiere séminale fécondée, c'est - à - dire chargée aussi de son esquisse, soit par des mouvemens particuliers de la matrice, dans laquelle la matiere électrique accumulée pendant la copulation, doit probablement recevoir des déterminations particulieres par l'action propre de cet organe, qui doivent s'accorder avec celles qui lui viennent des différens foyers qui constituent l'esquisse imprimée dans la liqueur séminale du mâle & de la femelle; ensorte que dans la formation des empreintes que reçoit la liqueur séminale, il y a des endroits dans lesquels l'impression est plus forte ou plus marquée que dans d'autres; parce qu'il est à présumer que les organes du corps qui sont les plus actifs, & par conséquent les plus chargés de matiere électrique, sont aussi ceux qui envoyent à la liqueur séminale une plus grande quantité de rayons, dont la force supérieure fait de plus fortes impressions que les rayons qui partent des autres organes. Ainsi le cerveau & la moëlle épiniere étant regardés comme les principales sources de l'action du corps, les impressions faites dans la liqueur séminale par leur irradiation, sont celles qui sont le mieux marquées: d'où il doit s'ensuivre que conformément aux observations de Malpighi & de Valisnieri, de semblables organes sont les premiers à se former dans cette liqueur par des especes de coalitions, qui sont les élémens des parties solides, & qui sont comme des points sives d'où la matiere électrique se réfléchit & en entraîne des filamens, qui devenant à leur tour de nouveaux foyers, déterminent les réflexions différemment combinées pour qu'il en résulte la formation successive des différentes parties du corps, à mesure que le fluide électrique étend les traits de l'esquisse, selon les diverses attractions & répulsions des foyers, & selon le concours de l'action de la matrice.

Au reste, selon notre auteur, le plus ou le moins de force des traits imprimés dans l'une des deux semences, doit déterminer la production d'un mâle ou d'une femelle: les traits plus ou moins imprimés, selon le divers concours effectif du pere & de la mere, décident les ressemblances ou les dissemblances des enfans à l'égard de leurs parens, soit dans la forme du corps, soit dans le caractere. Il trouve aussi dans son principe des raisons à donner des phénomenes de la génération les plus difficiles à expliquer.

Mais la seule exposition des fondemens de ce système, tout ingénieux qu'il paroisse d'abord, suffit pour faire sentir combien l'homme est le joüet de son [p. 573] imagination, lorsqu'il n'a d'autre guide qu'elle dans les recherches de la vérité. En effet, la comparaison proposée entre les modifications ou l'action de la lumiere qui peint les objets sur la rétine & les modifications où l'action du fluide électrique réfléchi des différentes parties du corps sur la semence dans ses reservoirs, pour y imprimer l'esquisse de toutes ces parties; cette comparaison qui paroît avoir fourni seule le fondement de l'explication dont il s'agit sur la génération, n'auroit - elle pas dû au contraire faire sentir à l'auteur, avec un peu de réflexion, combien une idée aussi singuliere est peu suffisante pour remphr cet objet? car la lumiere ne donne à aucune portion de matiere la forme des choses sensibles qu'elle représente à l'ame: elle affecte seulement les organes par des impressions de différens degrés de force, qui portent à l'ame l'image de l'objet, non par la ressemblance qu'elles ont avec lui, mais sans laisser aucune trace, & par le seul effet des lois de l'union de l'ame avec le corps, conséquemment auquel effet il est attaché à tel degré d'impression de représenter telle chose, sans qu'il y ait aucun rapport absolu entre cette impression & l'idée qui en résulte. Ainsi les impressions de la lumiere ne produisant aucune modification intrinseque dans les parties qui composent la rétine, si la matiere électrique n'agit sur la semence que comme la lumiere sur cet organe, il ne doit s'ensuivre aucun effet propre à donner à la matiere séminale la disposition nécessaire pour qu'elle acquiere l'organisation. La modification produite dans le lait, pour qu'il s'en forme des toiles, ne suppose qu'une adunation de parties huileuses homogenes, qui surnageant le reste du fluide, se rapprochent avec une certaine force de cohésion, à - mesure que le feu, ou même la seule chaleur de l'été, fait évaporer les parties aqueuses, hétérogenes, intermédiaires. La construction du corps animal est - elle aussi simple que cela? Peut - on, de bonne foi, trouver quelque ressemblance dans la production de ces différens phénomenes?

Mais en admettant l'irradiation de la matiere électrique sur la semence, comment peut - on concevoir si celle du mâle en a reçu quelque modification dans ses reservoirs, qu'elle conserve cette modification, malgré les secousses violentes qu'elle a à éprouver dans l'éjaculation qui la divise en plusieurs parties. puisqu'elle est lancée à - plusieurs reprises? Quelle est la portion modifiée, chargée de l'empreinte? sortira - t - elle entiere? peut - elle sortir telle? si elle se partage, que résulte - t - il des deux portions? s'il en reste une dans le reservoir, quelle confusion pour les nouvelles impressions électriques qui y seront ajoûtées avant une nouvelle éjaculation? Mais en supposant la semence du mâle déposée dans la matrice avec son empreinte entiere, comment se conservera t - elle cette empreinte dans le mélange des deux semences? Si elles reçoivent encore de nouvelles impressions de l'irradiation électrique dans la matrice, à quoi serviront - elles? qu'ajoûteront - elles aux premieres qui leur soit nécessaire? Comment conçoit - on que la force plus ou moins grande avec laquelle elles sont produites, pouvant agir indistinctement sur tous les points de l'empreinte, puisse décider de la production particuliere des organes de l'un ou de l'autre sexe? La différence de cette organisation peut - elle dépendre du plus ou moins de force dans la puissance qui l'opere?

Enfin, pour abréger & terminer d'une maniere décisive les objections contre ce système singulier, il suffit de demander comment on peut se former l'idée de la formation de l'embryon, d'après des effets qui ne portent que sur la surface des matieres, à modifier pour cette formation qui demande assûrément, quelle que soit la puissance modifiante, des arrange<cb-> mens, des dispositions, des altérations intrinseques, pour qu'il en résulte une organisation ou un développement de parties déjà organisées.

Le jugement qu'on peut porter en général de ce système, c'est qu'il semble ajoûter à l'obscurité de la matiere qui en est l'objet, dans les ténebres de laquelle se sont égarés de grands génies qui s'y sont plongés, pour tenter de les dissiper; ensorte que l'auteur de l'idée de l'homme physique & moral, n'a fait que grossir le nombre de ceux qui ont éprouvé un pareil sort, comme feront vraissemblablement encore dans la suite bien d'autres, c'est - à - dire tous ceux qui entreront dans la même carriere.

En fait de recherches physiques, nous ne pouvons marcher & juger de ce qui nous environne, qu'en aveugles, quand nous sommes dénués des secours des sens, comme dans le cas où il est question de sonder la profondeur du mystere de la génératiou, dont la plûpart des phénomenes ne sont que le résultat de différentes opérations, qui de leur nature se dérobent constamment à la lumiere; en sorte que de tous les faits qu'on a pû recueillir à cet égard d'après les expériences, les observations les plus nombreuses & faites avec le plus d'exactitude, il n'a pû résulter encore assez de connoissances pour qu'on puisse seulement déterminer en quoi consiste l'acte qu'on appelle la conception, & pour donner une définition précise de ce mot si ancien, dont il seroit si important pour l'histoire naturelle des animaux, & de l'homme sur - tout, de fixer le vrai sens: on a été borné jusqu'à présent à ne pouvoir en donner qu'une idée vague, & à dire avec Boerhaave, que c'est l'action par laquelle ce en quoi le mâle concourt à la reproduction des individus de son espece, se joint à ce que la femelle fournit pour la même opération: de maniere que la réunion de ces différens moyens se faisant dans le corps de la femelle, il en résulte la formation d'un ou de plusieurs des êtres organisés destinés à perpétuer le genre animal. Voilà toute l'idée qu'on a, & peut - être toute celle qu'il est possible d'avoir de la conception. Ce que la femelle éprouve de la part du mâle; ce qu'il y a de passif dans les changemens qui se font en elle dans l'acte principal efficace de la génération, est appellé la fécondation; & ce qui s'opere de la part de la femelle dans cet acte, ou par une suite de cet acte, entant qu'elle retient ce que le mâle lui a communiqué d'effectif, est donc proprement la conception, KU/SIS2, conceptio. Mais qu'est - ce que le mâle lui communique essentiellement? en quoi contribuent - ils précisément l'un & l'autre à la genération? ont - ils chacun quelque chose de prolifique à fournir? quel est spécialement l'organe de la femelle où se fait la conception, la fécondation, &c? Tous ces problèmes sont encore à résoudre, malgré tout ce qui a été écrit sur ce sujet, dont on n'a donné dans cet article, tout long qu'il est, qu'un très petit abregé, eu égard aux ouvrages immenses ou au - moins très - nombreux, qui ont été mis au jour sur cette matiere; ouvrages qui n'ont presque servi, & ne serviront encore que de monumens pour l'histoire des erreurs de l'esprit humain, & de preuves de l'obscurité dans laquelle le principe de la vie semble obstiné à rester enveloppé, pour se dérober aux regards des mortels, d'autant que sa connoissance ne leur seroit d'aucune utilité. Voyez le recueil d'une bonne partie des systèmes sur la génération, & de ce qui y a rapport, dans la bibliotheque anatomique de Manget; les oeuvres fort détaillées de Schurigius, sur le même sujet; la Physiologie de M. de Sénac, sur l'anatomie d'Heister; les institutions médicales de Boerhaave, avec leur commentaire & les notes savantes de M. de Haller; la Vénus physique; l'Histoire naturelle, générale & particuliere de M. de Buffon; l'ouvrage in<pb->

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