ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"570"> nus physique a commencé par proposer de revenir au mélange des deux semences, fait de celle qui est attribuée à la femme, comme de celle de l'homme; & pour rendre raison du résultat de ce mélange, il a recours à l'attraction: pourquoi, dit - il, si cette force existe dans la nature, n'auroit - elle pas lieu dans la formation des animaux? Qu'il y ait dans chacune des semences des parties destinées à former le coeur, les entrailles, la tête, les bras, & les jambes; & que ces parties ayent chacune un plus grand rapport d'union avec celle qui pour la formation de l'animal, doit être sa voisine, qu'avec toute autre, le fétus se formera; & fût - il encore mille fois plus organisé qu'il n'est, ajoûte ce physicien, il se formeroit; ce qu'il assûre comme une induction, par comparaison de ce qui se passe dans la formation de l'arbre de Diane, qui se fait par un pareil principe du rapport d'affinite; d'après lequel il ne s'agit, dans le phénomene de cette végétation, que de rapprocher des parties métalliques absolument sans organisation, qui ne forment après tout dans cette réunion, rien de plus admirable que ce qui se passe à l'égard de la formation de la glace dans de petites lames d'eau, dans lesquelles la congelation commence toûjours par former de petites ramifications de glace absolument semblables à des branches de fougere.

Mais dans l'un & l'autre cas, ce sont des particules de matiere homogenes qui s'unissent les unes aux autres d'une maniere assez uniforme dans la disposition & la substance de toutes ces ramification; au lieu que dans la formation des animaux, il n'y a point d'uniformité dans l'arrangement & dans la consistance des parties qui les composent. La force qui unit les molécules nécessaires pour les parois d'un conduit dans le corps animal, doit être de nature à éviter d'attirer de ces molécules dans l'espace qui doit former la cavité de ce vaisseau. Cette force doit attirer & unir entre elles un plus grand nombre de molécules pour les parties d'une substance plus dense, comme les os, que pour les parenchymes. Voilà des modifications nécessaires dont on ne trouve point le principe dans l'attraction, qui forme l'arbre de Diane ou les ramifications de la glace: d'ailleurs les parties élémentaires du corps humain étant vraissemblablement les mêmes pour tous les organes qui le composent, & ne différant dans les différens aggrégés qui en résultent, que par la différence de leur position différemment combinée; il s'ensuit que la force qui distribue ces parties intégrantes, ne peut pas être soumise à une seule loi, telle que celle du rapport de l'affinité. Il y a des vaisseaux de différente espece dans chaque partie du corps; il y a des muscles, des tendons, des nerfs, des os dans les doigts; il y a de toutes ces parties dans les orteils: cependant chacun de ces organes est différemment combiné tant dans l'un que dans l'autre; quoique les parties élémentaires d'un muscle du doigt puissent vraissemblablement entrer dans la composition d'un muscle du pié, & réciproquement. Ainsi le total des parties composées des mains, est un tout hétérogene, mais seulement par rapport à la différence des organes qui entrent dans la composition des mains: la différence n'étant donc que dans l'organisation, de ce qu'un principe particulier de mouvement peut seul donner une forme déterminée à un corps, mais sans organisation, il ne s'ensuit pas qu'il puisse être suffisant pour la formation d'un corps organisé: ainsi le système de la Vénus physique semble manquer essentiellement par son propre fondement, quelque spécieux qu'il paroisse d'abord, sur - tout pour rendre raison des ressemblances des enfans aux peres & meres, des conformations monstrueuses, & de la plûpart des autres phénomenes relatifs à la génération, dont l'explication est si difficile à donner.

Peu de tems après que ce dernier système a été mis au jour, il en a paru un autre d'une nature approchante, mais plus compliqué; c'est celui du celebre auteur de l'histoire naturelle générale & particuliere. Il admet d'abord que les femelles, ainsi que le systeme précédent, ont une liqueur séminale prolifique, tout comme les mâles; il admet encore, d'après un grand nombre d'expériences & d'observations microscopiques, que cette liqueur, dans chacun des deux sexes, contient des corpuscules en mouvement; mais il prétend être fondé à assûrer que ces petits corps ne sont pas de vrais animaux, mais seulement des parties des molécules qu'il appelle organiques, parce qu'elles ont la propriété exclusive de pouvoir entrer dans la composition des corps organisés; il les regarde cependant comme vivantes, quoique prises separément elles soient sans organisation. Selon cet auteur, tous les animaux mâles & femelles, tous ceux qui sont pourvus des deux sexes ou qui en sont privés; tous les végétaux, de quelque espece qu'ils soient; tous les corps, en un mot, vivans & végétans, sont composés de parties organiques qu'il prétend que l'on peut démontrer aux yeux de tout le monde. Ces parties organiques sont en grande quantité dans les liqueurs seminales des animaux, dans les germes des amandes des fruits, dans les graines, enfin dans les parties les plus substantielles de l'animal ou du végétal.

C'est de la réunion des parties organiques renvoyées de toutes les parties du corps de l'animal ou du végétal, entant qu'elles composent le superflu de celles qui sont destinées à la nutrition & au développement de l'individu, que se fait la reproduction de ces êtres toûjours semblable à celui dans lequel elle s'opere; parce que la réunion de ces parties organiques ne se fait qu'au moyen du moule intérieur, c'est - à - dire dans l'ordre que produit la forme du corps de l'animal ou du végétal; & c'est en quoi consiste l'essence de l'unité & de la continuité des especes qui des - lors d'elles - mêmes ne doivent jamais s'epuiser.

Pour un plus grand détail des idées de notre naturaliste sur ces parties organiques & le moule où elles s'arrangent, il faut recourir à son ouvrage même, & à l'art. Organiques (parties), où on en trouvera l'exposition abregée qui donneroit trop d'étendue à celui - ci.

Comme l'organisation de l'homme & des animaux est la plus parfaite & la plus composée, dit M. de Buffon, leur reproduction est aussi la plus difficile & la moins abondante; il prend pour exemple celle de l'homme. Il conçoit que le développement ou l'accroissement des différentes parties de son corps, se faisant par une force propre à faire pénétrer intimement dans le moule intérieur des organes, les molécules organiques analogues à chacune de ces parties; force qui ne peut être autre que celle de l'attraction: toutes ces molécules organiques sont absorbées dans le premier âge, & entierement employées au développement: par conséquent il n'y en a que peu ou point de superflues, tant que le développement n'est pas achevé: c'est pour cela que les enfans sont incapables d'engendrer; mais lorsque le corps a pris la plus grande partie de son accroissement, il commence à n'avoir plus besoin d'une aussi grahde quantité de molécules organiques pour se déveiopper ultériearement. Le superflu de ces mêmes molécules qui ne peut pas trouver à se faire un établissement local en pénetrant les parties du corps organisé, parce que celles - ci ont reçû tout ce qu'elles pouvoient recevoir, est donc renvoyé de chacune des parties du corps dans des réservoirs destinés à les recevoir; ces reservoirs sont les vésicules séminaler dans l'homme, & dans la femme les testicules; dont les corps glanduleux contiennent ainsi une vraie li<pb-> [p. 571] queur séminale qui distille continuellement sur la matrice & la pénetre, & qui y est même aussi portée par les trompes ensuite de leur érection, dans les circonstances propres à l'exciter. Les molécules organiques forment dans ces différens réservoirs la liqueur prolifique, qui dans l'un & l'autre sexe est, comme l'on voit, une espece d'extrait de toutes les parties du corps; ensorte que la liqueur séminale du mâle répandue dans le vagin, & celle de la femelle répandue dans la matrice, sont deux matieres également actives, également chargées de molécules organiques propres à la génération: ces deux liqueurs ont entre elles une analogie parfaite; puisqu'elles sont composées toutes les deux de parties non - seulement similaires par leur forme, mais encore absolument semblables dans leur mouvement & dans leur action: ainsi par le mélange des deux liqueurs séminales, cette activité des molécules organiques de chacune des liqueurs, est comme fixée par l'action contre - balancée de l'une & de l'autre; de maniere que chaque molécule organique venant à cesser de se mouvoir, reste à la place qui lui convient; & cette place ne peut être que celle de la partie qu'elle occupoit auparavant dans le moule intérieur de l'animal, ou plûtôt dont elle a été renvoyée avec les dispositions propres à entrer dans la composition de cette partie: ainsi toutes les molécules qui auront été renvoyées de la tête de l'animal, se disposeront & se fixeront dans un ordre semblable à celui dans lequel elles ont en effet été renvoyées; & il en est de même de toutes les autres parties du corps: par conséquent cette nouvelle disposition des molécules organiques formera nécessairement par leur réunion un petit être organisé semblable en tout à l'animal dont elles sont l'extrait.

On doit observer, continue notre naturaliste, que ce mélange des molécules organiques des deux individus mâle & femelle, contient des parties semblables & des parties différentes. Les parties semblables sont les molécules qui ont été extraites de toutes les parties communes aux deux sexes; les parties différentes ne sont que celles qui ont été extraites des parties par lesquelles les mâles different des semelles. Ainsi il y a dans ce mélange le double des molécules organiques pour former, par ex. la tête ou le coeur; ou telle autre partie commune dans les deux individus; au lieu qu'il n'y a que ce qu'il faut pour former les parties du sexc. Or les parties semblables peuvent agir les unes sur les autres, sans se déranger, & se rassembler comme si elles avoient été extraites du même corps: mais les parties dissemblables ne peuvent agir les unes sur les autres nise mêlerintimement, parce qu'elles ne sont pas semblables. Dès - lors ces parties seules conserveront leur nature sans mélange, & se fixeront d'elles mêmes les premieres, sans avoir besoin d'être pénétrées par les autres; & toutes celles qui sont communes aux deux individus se fixeront ensuite indifféremment & indistinctement, soit celles du mâle, soit celles de la femelle; ce qui formera un être organisé, qui par les parties sexuelles ressemblera parfaitement à son pere si c'est un mâle, & à sa mere si c'est une femelle; mais qui, à l'égard des autres parties du corps, pourra ressembler à l'un ou à l'autre, ou à tous les deux, par le mélange plus ou moins dominant des molécules organiques qui proviennent de l'un ou de l'autre individu.

Il suit de tout ce qui vient d'être dit, que les mêmes molécules qui sont destinées à la nutrition & au développement du corps animal, servent aussi à la reproduction; que l'une & l'autre s'operent par la même matiere & par les mêmes lois: se nourrir, se développer, & se reproduire, sont donc les effets d'une seule & même cause. Le corps organisé se nourrit par les parties organiques des alimens qui lui sont analogues; il se développe par la susception intime des molécules organiques qui lui conviennent; & il se reproduit parce qu'il contient un superflu de ces mêmes parties organiques qui lui ressemblent, en ressemblant à celles qui forment les organes dont il est composé.

Tel est le précis du système de M. de Buffon, qui présente autant de difficultés dans toutes ses parties, qu'il fournit de preuves du génie & de la sagacité de son auteur. En effet, peut - on bien concevoir & conçoit - il bien lui - même ce que sont les molécules organiques sans organisation; des parties vivantes, sans la condition essentielle qui peut seule rendre la matiere susceptible des effets auxquels on a attaché l'idée de la vie? Peut - on aisément se rendre raison pourquoi les molécules organiques superflues par rapport à la nutrition & au développement, & destinées à la reproduction, après avoir néanmoins pénétré comme les autres dans le moule intérieur, par la force attractive, n'y sont pas retenues par cette même force, à l'égard de laquelle on ne voit rien qui doive en suspendre l'effet? pourquoi & comment elles acquierent la liberté d'être portées dans les réservoirs? Si tous les matériaux qui doivent servir à la construction d'un nouvel animal, se trouvent réunis dans les reservoirs de chacun des individus mâle & femelle; pourquoi la formation d'un fétus ne se faitelle pas dans le corps du mâle & dans celui de la femelle, indépendamment l'un de l'autre, comme cette formation se fait dans les animaux qui ont les deux sexes dans chaque individu, tels que les limaçons? ce qui exclut le point d'appui fourni par les molécules organiques provenues des parties sexuelles? Peut - on se contenter de la solution que donne l'auteur à cette difficulté, après avoir examiné bien des réponses qu'il ne trouve pas satisfaisantes? suffit - il de dire avec lui, que c'est uniquement faute d'organes, de local propre à la formation, à l'accroissement du fétus, que le mâle ne produit rien par sa propre vertu? Mais s'il s'est formé des fétus dans les petites bulles des testicules des femelles que l'on a prises pour des oeufs, pourquoi ne s'en pourroit - il pas former dans les vésicules séminales des mâles, qui ont bien plus de capacité que ces bulles? D'ailleurs, pour faire sentir en un mot l'insuffisance de cette solution; pourquoi les femelles qui ont tous les organes nécessaires pour servir de local à l'oeuvre de la reproduction, ne se suffisent - elles pas à elles - mêmes, au moins pour former d'autres individus de même sexe, sans le concours de la liqueur séminale des mâles? M. de Buffon paroît porté à croire que chaque liqueur séminale, soit du mâle soit de la femelle, peut seule produire quelque chose d'organisé: pourquoi ne peut - elle pas produire un animal parfait? Mais en admettant même que les molécules organiques dissemblables fournies par les parties sexuelles, puissent former un centre de réunion pour les parties semblables; pourquoi le mélange des liqueurs séminales des deux sexes ne produit - il pas toûjours la formation d'un mâle & d'une femelle en même tems; puisqu'il se trouve toûjours dans ce mélange des matériaux suffisans au - moins pour la reproduction d'un individu de chacun des sexes?

Mais si la formation du fétus se fait par la réunion des molécules organiques, dans le même ordre que celui des parties d'où elles ont été renvoyées, quelles seront les parties organiques destinées à former le placenta & la double membrane qui forme la double enveloppe du fétus? Il n'y a ni dans le mâle ni dans la femelle aucun moule intérieur qui ait pû préparer les matériaux de ces organes accessoires; il n'y en a aucun par conséquent qui ait renvoyé dans les reservoirs des matériaux propres à former ces organes particuliers & à déterminer l'ordre dans lequel

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