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GAZE (Page 7:532)
*GAZE, s. f. (Manufactur.) tissu leger ou tout de fil, ou tout de soie, ou fil & soie, travaillé à claire voie, & percé de trous comme le tissu de crin dont on fait les cribles: la fabrication de cette espece d'étoffe ou de toile est très - ingénieuse; ceux qui en ont parlé n'ont pas considéré le métier d'assez près; & à juger de la gaze par ce qu'on en lit dans le dictionnaire du Commerce, il est bien difficile de la distinguer de la toile ou du satin.
Pour fabriquer la gaze, il faut commencer par disposer
la chaîne comme si on avoit à fabriquer une
autre étoffe de soie; je veux dire la devider sur l'ourdissoir
(Voyez l'article
Le métier du gazier ne differe guere des autres métiers
de la fabrique des étoffes en soie, soit unies soit
figurées; & il se monte exactement de la même maniere.
Il y a lecture du dessein, gravassine, gravassiniere,
lacs, semple, rame, tirage, &c. Voyez à l'art.
Quoique nous renvoyions ici à un grand nombre d'articles étrangers à la gaze, cela n'empêchera point que nous ne fassions entendre très - distinctement la différence qu'il y a entre la fabrication de cette étoffe & celle de la toile ou du satin. Pour cet effet, laissant - là toutes les manoeuvres qui sont communes au gazier, au tisserand, & au manufacturier d'étosses en soie, nous nous attacherons à celles qui lui sont propres; & nous insisterons sur la partie qui distingue son métier des autres métiers à ourdir.
Cette partie est une lisse qui porte des petits grains de chapelets qu'on appelle des perles. C'est la fonction de cette lisse qui empêche que la gaze unie ne soit une toile ou un satin, & qui en fait une gaze: c'est ce que nous allons démontrer de la maniere la plus simple & la plus claire.
Si vous comparez nos
Les cylindres A B, ab, (
On voit que les fils de chaîne 1, 1, 1, &c. passent dans les perles e, e, e, e, & dans les maillons g, g, g, g, & qu'ils sont placés sur les ensuples de maniere qu'ils se croisent aux points k, k, k, k. D'où il suit que, si nous supposons que la lisse d, d, soit levée, les fils de chaîne restant dans leurs situations relatives; les fils 1, 1, 1, 1, feront angle avec les fils 2, 2, 2, 2, le fil 1 devant le fil 2, le fil 1 devant le fil 2, le fil 1
Mais si on laisse retomber la lisse d d, & qu'on
fasse lever la lisse f f, comme on voit
Qu'on laisse retomber la lisse f f, & qu'on fasse
lever la lisse d d, comme on la voit
Ainsi à chaque coup de navette, chaque fil de chaîne 1, 1, 1, 1, faisant par le moyen de la lisse à perle & de la lisse à maillon, sur chaque autre fil de chaîne 2, 2, 2, 2, une espece de tour ou d'encroix, ces fils ne pourront jamais être serrés; ces tours ou encroix les tiendront séparés; & à l'aide de ces séparations, il y aura à chaque coup de navette une rangée de petits espaces vuides entre chaque portion de fil de trame & de chaîne; ce qui fera la claire voie de la gaze.
Voici en un mot tout le mystere de la gaze expliqué, sans même qu'il soit besoin de figures. Imaginez des fils horisontaux & paralleles les uns aux autres, comme sur le métier du tisserand; soit le premier de ces fils nommé a, le second b, le troisieme a, le quatrieme b, le cinquieme a, le sixieme b, & ainsi de suite: si vous faites lever tous les fils a, a, a, a, les fils b, b, b, b, restant horisontaux & paralleles, & que vous donniez un coup de navette, ou que vous passiez un fil de trame; que vous fassiez baisser les fils a, a, a, a; & que les laissant horisontaux & paralleles, vous fassiez lever les fils b, b, b, b; & que vous donniez un second coup de navette, ou que vous passiez un fil de trame; il est clair que le battant pressera l'une contre l'autre ces deux portions des fils de trame; & que vous ferez de la toile, en continuant toûjours ainsi. [p. 533]
Mais si, après avoir fait lever les fils a, a, a, a; laissé les fils b, b, b, b, dans la situation horisontale & parallele; donné un coup de trame, & laissé retomber les fils a, a, a, a; au lieu de lever les fils b, b, b, b, vous levez une seconde fois a, a, a, a, mais en les faisant passer de l'autre côté des fils b, b, b, b: ensorte qu'au lieu de se trouver dans la situation ab, ab, ab, ab, comme au premier coup de navette, ils se trouvent au second coup de navette dans la situation ba, ba, ba, ba; il est évident que les fils b, b, b, b, seront toûjours restés immobiles & paralleles; mais que les fils a, a, a, a, auront perpétuellement serpenté sur eux une fois en - dessus, une fois en - dessous; une fois en - dessus, une fois en - dessous, de gauche à droite, de droite à gauche; & que ces petits serpentemens des fils a, a, a, a, empêcheront les fils de trame lancés à chaque coup de navette, de se serrer, & d'être voisins; ce qui fera une toile à claire voie.
Or c'est précisément là ce qui s'exécute par le
moyen de la lisse à perle & de la lisse à maillon: aussi
ces perles sont - elles enfilées dans des brins de fil
ou de soie d'une certaine longueur; afin que quand
on leve la lisse à maillon, comme on voit
Outre ces deux lisses, il y en a une troisieme au métier de tisserand; cette lisse est pour le fond. L'on distingue donc dans la fabrication de la gaze trois pas; le pas de gaze, le pas de fond, & le pas dur.
Voilà pour les gazes unies; & ce qu'il falloit savoir pour distinguer le métier & la manoeuvre du gazier de tout autre ourdissage.
Quant aux gazes figurées, brochées, elles s'exécutent comme toutes les autres étoffes figurées, tantôt à la petite tire, tantôt à la grande tire. Le brocher se fait à l'espolin à l'ordinaire: il faut autant d'espolins que de couleurs: les couleurs se placent par le moyen de la lecture, du rame, & du semple, ainsi que nous l'avons dit & que nous le démontrerons avec clarté aux étoffes de la manufacture en soie; le brocher se fait en - dessus.
Comme les fils du brocher s'étendent sur route la
largeur de l'étoffe, quoiqu'ils ne soient p>is entre
les fils de chaîne qu'en quelques endroits; on n'apperçoit
point le dessein, & toutes les façons ou figures
sont cachées, tant que la piece de gaze est sur le
métier: mais quand la piece est levée de dessus le métier,
on la donne à des ouvrieres appellées coupeuses, qui étendent la piece sur deux ensuples placées
& retenues aux deux extrémités d'un chassis de bois
qu'on voit
Ces lacis ou portions de fils non compris entre les fils de chaîne & superflus, s'appellent recoupes; c'est une belle matiere; c'est tout fil, ou c'est du fil & de la soie mêlés: on ne lui a encore trouvé aucun usage. J'ai bien de la peine à croire qu'elle n'en puisse avoir aucun, & que l'industrieuse économie des Chinois ne parvînt pas à en tirer parti: on en feroit des magasins à très - peu de frais dans ce paysci où les ouvrieres la brûlent.
Celui qui imagina la lisse à perle; qui fit serpenter ainsi un fil de chaîne sur son voisin; & qui vit que ce serpentement écartoit les fils de chaîne les uns des autres; empêchoit les fils de trame d'être approchés par le coup de battant, & formoit de cette maniere un tissu criblé de trous, eut le génie de son art.
Gaze de Cos (Page 7:533)
En effet, cette étoffe étoit si déliée, si transparente,
qu'elle laissoit voir le corps comme à nud; c'est
pourquoi Varron appelloit les habits qui en étoient
faits, vitreas togas: Publius Syrus les nomme joliment
ventum textilem, du vent tissu, & nebulam lineam, une nuée de lin; oequum est, dit - il, induere nuptam
ventum textilem, & palàm prostare nudam in nebulâ
lineâ?
On faisoit la gaze de Cos d'une soie très - fine qu'on teignoit en pourpre avant que de l'employer, parce qu'après que la gaze étoit faite, elle n'avoit pas assez de corps pour souffrir la teinture; c'étoit à Misiras, aujourd'hui Mascari, tout auprès de l'île de Cos, qu'on pêchoit les huîtres qui produisoient cette pourpre dont on teignoit la gaze, pour en rendre encore les habits plus precieux.
Il est vrai qu'il n'y avoit dans les commencemens que les courtisanes qui osassent mettre à Rome de tels habits; mais les honnêtes femmes ne tarderent pas à les imiter; la mode en subsistoit même encore du tems de S. Jérôme: car écrivant à Loeta sur l'éducation de sa fille, il recommande ut talia vestimenta paret quibus pellatur frigus, non quibus vestita corpora nudentur.
Horace dans une de ses odes, ode 13. liv. IV. traite
Lycé, une de ses anciennes maîtresses, de ridicule,
de ce qu'elle portoit des habits transparens de Cos,
pour faire la jeune: nec cooe referunt jam tibi purpuroe;
Gaze (Page 7:533)
Nous avons encore des médailles de Gaze, qui
prouvent que quand S. Luc (Act. VIII. vers. 26.)
dit que cette ville étoit
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