ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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FUYARDS (Page 7:405)

FUYARDS, s. f. pl. (Art milit.) on donne ce nom aux troupes, qui après un combat desavantageux, quittent le champ de bataille en desordre, & se retirent en foule en suyant de tous côtés. Voyez Fuite.

Le plus grand malheur qui puisse arriver à des troupes battues, c'est de se retirer ainsi. Car en gardant leur ordre de bataille, elles se font toûjours respecter de l'ennemi, qui n'ose s'en approcher qu'avec circonspection. Si les différentes tentatives qu'elles doivent faire pour lui échapper sont infructueuses, il est toûjours prêt à les recevoir à composition; mais en fuyant sans ordre, on s'expose à périr presqu'indubitablement. Loin de fonger à se défendre, on jette les armes pour fuir plus legerement; tous les fuyards étant saisis du même esprit de crainte, s'embarrassent les uns les autres, de maniere que l'ennemi qui est à leur trousse, en fait, sans effort & sans danger, tel carnage qu'il juge à - propos. Ajoûtez à cela que lorsque la frayeur s'est une fois emparée d'une troupe, elle se précipite elle - même dans les plus grands dangers. Rivieres, marais impraticables, rien ne l'arrête. On court alors à une mort certaine & honteuse, plûtôt que de s'arrêter pour regarder l'ennemi en face, & lui en imposer par une contenance assûrée, qui suffit seule pour modérer l'activité de sa poursuite, & quelquefois même pour le faire fuir lui - même (comme il y en a plusieurs exemples), si l'on est capable de faire quelques efforts pour profiter du desordre dans lequei sa poursuite doit l'avoir mis. « Dans une armée de vaillans hommes, dit Agamemnon dans Homere, il s'en sauve toûjours plus qu'il n'en périt; au lieu que les lâches n'acquierent pas de gloire, mais leur lâcheté leur ôtant les forces, ils deviennent la proie des ennemis ».

M. le maréchal de Puysegur qui rapporte ces paroles d'Homere dans son livre de l'art de la Guetre, observe aussi à cette occasion, qu'en combattant vaillamment & en bon ordre, on perd beaucoup moins de monde, & que la perte des hommes est bien plus grande dans les déroutes.

Lorsqu une troupe est une fois mise en desordre, on ne doit la poursuivre, suivant les plus habiles militaires, qu'autant qu'il est nécessaire pour la disperser entierement, & la mettre hors d'état de se rallier. C'étoit la pratique des Lacédémoniens. Ils pensoient aussi, & avec raison, qu'il n'est pas digne d'un grand courage de tuer ceux qui cedent & qui ne se défendent pas.

Si la poursuite des fuyards peut être susceptible de quelqu'inconvénient, lorsqu'on s'y abandonne trop inconsiderement, c'est sur - tout lorsqu'une aîle ou une autre partie de l'armée a battu celle de l'armée ennemie qui lui étoit opposée. Car si la partie victorieuse s'attache trop opiniâtrement à la poursuite des fuyards, elle laisse sans défense le flanc des troupes qu'elle couvroit dans l'ordre de la bataille; alors si l'ennemi peut tomber dessus, & qu'il attaque en même tems ces troupes par le flanc & par le front, il les mettra bientôt en desordre, ainsi que le reste de l'armée, malgré la victoire de l'une des [p. 406] parties de cette armée. Le chevalier de Folard en rapporte plusieurs exemples tant anciens que modernes, dans son commentaire sur Polybe, II. vol. pp. 444. & suivantes. On en trouve aussi dans l'art de la Guerre par M. le maréchal de Puysegur, qui observe que les fautes de cette espece sont aussi anciennes que la guerre. « Il est si naturel, dit cet auteur, à des hommes qui combattent de la main pour s'ôter la vie, de ne songer qu'à ce qui se passe où ils sont, & non à ce qui se fait ailleurs, que quand ils ont tant fait que de renverser ceux contre lesquels ils combattoient, il n'est pas surprenant qu'ils cherchent à profiter de l'avantage qu'ils ont pris sur eux au péril de leur vie; & il n'y a que l'art & la science de la Guerre qui puissent mettre de justes bornes à cette poursuite ». Art de la Guerre, liv. II. page 80. (Q)

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