ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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FUTUR CON (Page 7:404)

FUTUR CONINGENT, (Métaphysiq.) On appelle en Philosophie futur contingent ce qui doit arriver, mais qui n'arrivera pas nécessairement. Par exemple, cette proposition, j'irai demain à la campagne, est une proposition de futur contingent, non seulement parce que je pourrois d'ici à demain changer de résolution, mais encore parce que j'aurois pu ne pas prendre cette résolution, & qu'il n'implique point contradiction que j'aille ou que je n'aille pas à la campagne un tel jour.

Quand nous disons que la non - existence du futur contingent n'implique pas contradiction, c'est en envisageant la chose future absolument & en elle - même, & non pas relativement au système présent de l'univers, aux lois du mouvement, aux évenemens qui doivent préparer & produire celui dont il s'agit, enfin aux decrets & à la préscience du Créateur; car si on considere les futurs contingens sous ces derniers points de vûe, on peut dire qu'ils ne sont plus con - [p. 405] tingens, entant qu'ils doivent infailliblement arriver. Ainsi dans cette proposition, il pleuvra demain, la pluie que j'annonce est en elle - même un futur contingent, parce que le Créateur auroit pu disposer l'univers de telle sorte, qu'il ne plût pas demain; mais relativement à l'état actuel de l'univers & aux lois établies par l'Être suprème de toute éternité, la pluie doit tomber demain infailliblement en conséquence de la disposition présente que la terre & l'atmosphere ont aujourd'hui. Voyez Fortuit & Contingent.

Les Athées qui admettent l'éternité & la nécessité du monde & de la matiere, ne reconnoissent point de futur contingent; parce que le monde, selon eux, ne pouvoit être autre qu'il n'est, & que les évenemens sont une suite nécessaire du choc & du mouvement des corps: mais selon tous les autres philosophes, & selon la raison, il y a des futurs contingens en ce sens, que Dieu qui a créé & arrangé le monde, pouvoit l'arranger autrement, & que les évenemens qui arrivent infailliblement dans le monde, arrangé tel qu'il est, ne seroient pas arrivés dans un monde arrangé d'une autre maniere.

L'existence des futurs contingens libres, c'est - à - dire qui dépendent de la volonté humaine, n'est pas moins infaillible que celle des futurs non libres. Par exemple, si en vertu du decret éternel de Dieu, je dois aller demain à la campagne, il est aussi infaillible que je ferai ce voyage, qu'il l'est qu'il pleuvra demain, si Dieu l'a résolu ainsi. C'est pourquoi la distinction qu'on a voulu faire dans les écoles des futurs contingens libres, & de ceux qui ne le sont pas, est en elle - même chimérique, puisque tous les futurs contingens sont dans le même cas quant à l'infaillibilité de l'existence. On nous demandera sans doute de faire sentir clairement en quoi l'existence infaillible differe de l'existence nécessaire: c'est à quoi nous ne nous engageons pas: il nous suffit que cette différence soit réelle; tant pis même pour qui l'expliqueroit, puisqu'elle tient à un des mysteres de notre religion, l'accord de la science & de la puissance divine avec la liberté. Dans le langage commun, infaillible & nécessaire sont la même chose; il n'en est pas ainsi en Métaphysique théologique. L'essence de tout mystere consiste dans une chose exprimée par des mots dont la contradiction apparente choque la raison, mais que la foi nous apprend n'être pas contradictoires.

On dispute beaucoup dans les écoles pour savoir si deux propositions de futur contingent, Pierre mourra demain, Pierre ne mourra pas demain, sont toutes deux fausses, en faisant abstraction du decret de Dieu; ou si l'une est vraie, & l'autre fausse dans cette même hypothèse; question creuse, absurde, bien digne des chimeres de la scholastique, & du nombre de celles qu'on devroit bannir de la philosophie enseignée aujourd'hui dans les colléges. Voyez Collége. Il vaudroit autant demander, si en faisant abstraction de l'égalité des rayons, le cercle continue ou cesse de l'être. La solution de la question proposée (si elle en mérite une), c'est qu'elle suppose une absurdité, l'abstraction du decret de Dieu, & qu'ainsi elle ne mérite pas qu'on y réponde sérieusement; que pour un philosophe qui auroit le malheur d'être athée, & par conséquent de ne faire entrer Dieu pour rien dans les évenemens de l'univers, une des deux propositions est vraie, & l'autre fausse; mais que pour nous, faire abstraction des decrets divins, c'est faire abstraction de l'existence de Dieu, par conséquent de celle du monde, par conséquent de celle de Pierre, & qu'il est ridicule de proposer des questions par rapport à Pierre, lorsqu'on fait abstraction de son existence. L'abus des abstractions & les questions futiles que cet abus occasionne, sont le grand vice de la philosophie scholastique. (O)

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