ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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Fusée (Page 7:386)

Fusée, s. f. (Artificier.) espece de feu d'artifice qui s'éleve dans l'air: c'est un petit cylindre de carton, étranglé par les deux bouts, rempli de matieres inflammables, sur un moule dont la broche forme au - dedans de la fusée une cavité qui pénetre plus ou moins profondément dans la matiere inflammable. Ce cylindre est amorcé, & dirigé dans l'air par le moyen d'une baguette.

Art. I. Des moules pour charger les fusées volantes. Le moule sert à soûtenir le cartouche lorsqu'on le charge, & à regler la hauteur du massif. Sa forme extérieure est celle d'une boite d'artillerie; il est percé d'un bout à l'autre, & cette cavité dans laquelle on place le cartouche, doit être bien ronde & bien unie. On les fait communément - de buis, ou de quelque autre bois dur.

La hauteur des moules doit diminuer à proportion que le diametre intérieur grandit. La cause de cette diminution est que la force de la matiere enflammée n'augmentant pas en même raison que le diametre des fusées, elle ne pourroit enlever une grosse fusée, si on lui conservoit la même longueur qu'à une petite.

Le moule est supporté par une base cylindrique de même matiere, qu'on nomme le culot.

La hauteur du culot est d'un diametre extérieur du moule, & sa largeur d'un diametre un quart.

Il porte une broche de fer dans son milieu. Cette broche, quoique d'une seule piece, a quatre parties distinguées par leurs formes & par leurs noms.

La premiere, au - dessous du cylindre, est la queue de la broche; elle est faite pour entrer dans le culot, où elle doit être fixée solidement.

La deuxieme partie est le cylindre; son diametre est celui de l'intérieur du moule, & sa hauteur doit être égale à son diametre.

La troisieme partie est la demi - boule; elle a de diametre les deux tiers du diametre intérieur du moule, & de hauteur moitié du même diametre. Cette demi - boule qui s'engage dans la gorge du cartouche lorsqu'on le charge, sert à lui conserver sa forme.

La quatrieme partie est la broche; elle sert à ménager un vuide dans l'intérieur de la fusée: c'est ce vuide qu'on nomme l'ame de la fusée, qui la fait monter en présentant au feu une plus grande surface de matiere inflammable, qui se réduisant en vapeurs dans ce vuide, fait, dit M. l'abbé Nollet dans ses leçons de physique expérimentale, l'office d'un ressort qui agit d'une part contre le corps de la fusée, & de l'autre contre un volume d'air qui ne cede pas aussi vîte qu'il est frappé.

La table qui suit donne les proportions entre le diametre & la hauteur du moule, & entre sa hauteur & la longueur de la broche, dont la différence lorsque le moule est posé sur son culot, fait la hauteur du massif. L'expérience a fait connoître qu'il doit diminuer de hauteur, & la broche augmenter de longueur, à proportion que les fusées sont plus grosses.

Si l'on n'observoit pas cette progression, & que prenant la proportion moyenne on donnât également aux grosses & aux petites fusées un diametre un quart de massif, il arriveroit que le massif des petites seroit trop tôt consumé, & qu'elles jetteroient leur garniture avant d'avoir fait vol, & que les grosses fusées ne jetteroient leur garniture qu'en retombant, attendu que le massif est plus épais (quoique dans la même proportion), & d'une composition plus lente, & qu'ainsi il seroit plus de tems à se consumer.

Les petites fusées de cinq lignes de diametre extérieur & au - dessous, n'ont pas besoin pour monter d'être percées, c'est - à - dire d'être chargées sur une broche; il suffit de leur attacher une baguette: lorsqu'on les perce, elles montent si rapidement qu'on a peine à en voir l'effet. [p. 387] [omission: table; to see, consult fac-similé version]

Art. II. Des cartouches. On les forme en roulant le carton sur la baguette, qu'on nomme baguette à rouler. Elle doit être unie & sans manche. On lui donne de diametre les deux tiers du diametre intérieur du moule; le tiers qu'elle a de moins est rempli par le cartouche, dont l'épaisseur est d'un sixieme du même diametre, ou du quart de celui de la baguette.

Le carton doit être entierement collé, excepté le premier tour qui enveloppe la baguette. Il faut prendre garde que la colle ne la mouille, & la frotter de savon lorsqu'elle a été mouillée, crainte que le cartouche ne s'y attache. On trempe dans l'eau le dernier tour du carton avant de le coller, pour en ôter le ressort qui feroit dérouler le cartouche après qu'il est formé.

Les cartouches pour les lances & pour les conduites de feu se font de papier. On pose la baguette sur la feuille, au tiers de sa largeur; on renverse ce tiers dessus, & on le fait bien joindre contre; on roule un tour sans colle; ensuite on colle tout ce qui reste de papier, tant la partie double formée par le tiers de la feuille renversé, que la partie simple; & on acheve de rouler le cartouche. Ces cartouches se nomment porte - feux, lorsqu'on les employe à communiquer le feu d'une piece d'attifice à une autre, par le moyen d'une étoupille qui y est renfermée.

Les cartouches de serpenteaux, & autres petites fusées de quatre à six lignes de diametre extérieur, sont faits de cartes à joüer. Il faut les tremper dans l'eau, & les employer à moitié seches; elles en sont plus flexibles, & se roulent mieux. On commence par en rouler une; on y en ajoûte une seconde, & on termine le cartouche par deux tours de papier gris, dont le dernier est collé.

Art. III. De l'étranglement des cartouches. Il ne faut pas attendre que les cartouches soient entierement secs pour les étrangler; ils donneroient beaucoup de peine, & s'étrangleroient mal.

On commence par les rogner sur la baguette avec des ciseaux. Il ne s'agit dans cette opération que de retrancher la bavure du bout qui doit être étranglé, pour que les bords de cette partie, qui doit avoir la forme d'une calote, soient à l'uni.

Pour les étrangler, on attache une corde ou une ficelle d'une grosseur proportionnée à celle de la fusée, d'un bout à un gond ou piton, vissé dans un poteau, ou scellé dans le mur, & de l'autre bout à sa ceinture, ou à un bâton que l'on place derriere & en - travers de ses cuisses, de maniere qu'il soûtienne le corps lorsque l'on fait effort pour étrangler. Dans cette situation, & la corde étant tendue, on pose le cartouche dessus; puis on prend la partie de la corde qui est entre soi & le cartouche, & l'on en fait deux tours sur le cartouche, dans la partie que l'on veut étrangler à un demi - diametre extérieur de son extrémité; on enfonce une baguette dans cette partie, la tenant de la main droite, & le cartouche de la gauche, & l'on serre la corde en jettant le corps en - arriere, & tournant chaque fois le cartouche pour en bien arrondir l'étranglement, jusqu'à ce qu'il ne reste qu'un trou à pouvoir passer la broche avec peine: alors il est suffisamment étranglé.

Il faut frotter la corde de savon, pour empêcher que le cartouche qui est encore humide lorsqu'on l'étrangle, ne s'y attache & ne se déchire.

Quand on a étranglé un certain nombre de fusées, il ne faut pas différer à les lier, crainte que l'étranglement ne se relâche. On les lie en passant trois boucles de ficelle dans la gorge, & serrant à chaque boucle; ce qui s'appelle le noeud de l'artificier. [p. 388] [omission: table; to see, consult fac-similé version]

Art. IV. Compositions pour les fusées volantes. Les cinq compositions mentionnées en la table ci - dessus, donnent des feux qui different assez les uns des autres pour faire une agréable variété.

La deuxieme composition dont le feu est très clair, fait particulierement un contraste bien marqué avec la cinquieme, dont le feu est fort rouge.

Les fusées de 11 & de 10 lignes se chargent en feu commun à 4 onces de charbon sur la livre de poussier; celles de 9 à 7 lignes à 3 onces, & celles de 6 lignes & au - dessous à 2 onces.

Lorsque l'on a pesé les matieres, on les verse dans le tamis de crin le plus clair, & on les passe trois fois pour mélanger: alors la composition est faite & prête à être employée.

Une composition trop vive fait crever les fusées, comme un massif trop mince ou mal recouvert par le carton que l'on rendouble dessus, les fait défoncer. C'est le terme dont les Artificiers se servent pour exprimer qu'il n'a pu résister à l'effort du feu, faute d'être assez épais, ou parce que le carton rendoublé ne présentoit pas un point d'appui assez solide.

La composition des fusées volantes ne peut être employée trop seche, pour leur plus bel effet & pour les conserver bonnes; si on l'humectoit, l'humidité en se dissipant y laisseroit des vuides qui admettroient trop de feu, & feroient crever la fusée. On en excepte le feu chinois, dont il faut un peu mouiller le sable pour que le soufre s'y attache. On renvoye à l'article des Jets pour la maniere de préparer cette composition.

Art. V. Maniere de charger les fusées volantes. Il faut pour charger les fusées volantes:

1°. Une cuillere à charger, que les Artificiers nomment cornée; son diametre est celui de l'intérieur du cartouche; elle doit contenir autant de composition qu'il en faut pour remplir la hauteur d'un demi - diametre extérieur de la fusée étant refoulée.

2°. Trois baguettes creuses pour les moyennes fusées, & quatre pour les grosses. Leur cavité doit être telle que la broche puisse se loger en entier dans la premiere; dans la seconde jusqu'aux deux tiers, & dans la troisieme jusqu'au tiers; & pour la facilité de les entrer & sortir librement du cartouche, lorsqu'on le charge on les fait tant - soit - peu moins grosses que la baguette à rouler.

3°. Une baguette fort courte & de même diame<cb-> tre que celles à charger: on la nomme le massif; elle sert à charger la composition qui excede la broche.

4°. Une baguette qui sert à rendoubler le carton sur le massif; comme elle doit prendre & refouler la partie rendoublée du cartouche qui fait envirorn la moitié de son épaisseur, on lui donne de diametre deux tiers & un sixieme de celui du moule.

5°. Un maillet de bois dur, en le supposant de buis, le diametre de son cylindre doit être de deux diametres trois quarts de celui du moule, sa longueur de trois diametres un tiers, & son manche de cinq diametres, non compris la partie qui entre dans le cylindre.

Les cartouches étant rognés & réduits à la longueur du moule, on frotte la broche de savon pour qu'elle puisse entrer plus facilement dans le trou de l'étranglement, qui doit être plus petit que la partie la plus grosse de la broche, afin qu'en y entrant à force, elle le forme bien rond.

On remplit le vuide extérieur de l'étranglement avec de la corde pour soûtenir le cartouche, que les coups de maillet affaisseroient & feroient crever dans cette partie; & malgré cette précaution, la même chose arriveroit si l'on refouloit la composition plus fort qu'il ne convient.

Le cartouche étant sur la broche, & recouvert si l'on veut du moule, car on peut très - bien s'en passer lorsque le cartouche a l'épaisseur donnée, on place le culot sur un billot bien uni & solide, on enfonce la premiere baguette à charger dans le cartouche vuide, & l'on frappe dessus dix ou douze coups pour en unir le fond & applanir les plis de l'étranglement, qui s'ils restoient pourroient occasionner quelque vuide, où l'air venant à se dilater feroit crever le cartouche.

On verse ensuite une cornée de composition, on introduit doucement la baguette dans le cartouche, on l'appuie ferme sur la composition, & l'on frappe quelques petits coups pour l'asseoir; après quoi, pour les fusées de 18 lignes, on frappe quarante coups égaux.

La baguette étant retirée du cartouche, on fait sortir la composition qui est entrée dans sa cavité, en frappant contre avec une autre bagueste; sans quoi restant engorgée, elle se sendroit à la charge. On juge qu'elle est vuide par la différence du son qu'elle rend. [p. 389]

L'opération de la seconde & de la troisieme baguette se fait de même, excepté qu'à chaque changement de baguette on diminue de cinq le nombre des coups, & le massif ne doit être frappé que de vingt coups; la raison de cette diminution est que la matiere qui augmente d'épaisseur à mesure que la broche diminue, présentant au feu moins de surface, a moins besoin d'être refoulée.

Lorsque la fusée passe 18 lignes de diametre, on augmente le nombre des coups à proportion qu'elle est grosse jusqu'à 50 pour la premiere baguette, & l'on en diminue de même le nombre jusqu'à 25 coups pour les plus petites.

Une fusée doit être chargée en 12 à 13 charges, 9 à 10 pour couvrir la broche, & 2 à 3 pour le massif.

Le massif étant chargé à niveau du moule, on met dessus un tampon de papier chiffonné, & on le frappe d'une douzaine de coups; puis avec un poincon dont la pointe soit un peu émoussée, on dedouble la partie du cartouche qui est restée vuide au - dessus du massif jusqu'à la moitié de l'épaisseur du cartouche; on la replie sur le tampon; & posant dessus la baguette à rendoubler, on la frappe de vingt coups; après quoi, sans ôter la fusée de dessus la broche, on perce le carton redoublé de deux à trois trous avec le poinçon à arête, en frappant dessus avec le maillet. L'arête sert à l'empêcher de pénétrer plus avant qu'il ne saut, il suffit qu'il atteigne la composition; on conçoit que s'il pénétroit trop avant, il affoibliroit le massif, qui donneroit trop tôt feu à la chasse, ces trous étant faits pour y communiquer le feu.

Après cette opération, on retire la fusée de dessus la broche, on délie la corde qui remplissoit l'étranglement, & on rogne la partié du cartouche qui excede le carton rendoublé.

Si les fusées doivent être gardées, il faut coller un rond de papier sur chacun des bouts, pour les garantir de l'impression de l'air & du feu; en cet état elles se conserveront très - long - tems bonnes, si avec cette précaution on a eu celle de n'emoloyer que des matieres bien seches dans la composition.

Art. VI. Du pot & chapiteau, & comment on garnit les fusées volantes. Le pot doit être fait du même carton que la fusée; on le roule sur un cylindre de bois que l'on nomme le moule à former le pot; on lui donne d'épaisseur deux à trois touis de carton, suivant que la fusée est plus ou moins grosse.

Ce moule à former le pot, quoique d'une même piece, a deux parties cylindriques de différens diametres; l'une sur laquelle on roule le pot, a de diametre un & trois - quarts de celui de la fusée, pris extérieurement, & de longueur, trois diametres.

Le diametre de l'autre partie, sur laquelle on étrangle le pot, est de trois quarts un huitieme, & sa longueur, de deux pareils diametres.

On observera que, pour les fusées de douze lignes, on peut leur donner la hauteur des serpenteaux ordinaires, faits de cartes à joüer, que ces fusées peuvent porter pour garnitures; & comme les paquets d'étoiles sont beaucoup moins hauts, on réduira le pot à la proportion ci - dessus, lorsque ces fusées en seront garnies.

Le pot étant étranglé à la mesure susdite, on rogne bien droit la partie étranglée, ne lui laissant de longueur que ce qu'il en saut pour le lier commodément sur la fusée: on trempe dans l'eau cette partie, pour la rendre flexible; & après avoir fait la ligature, on colle dessus une bande de papier brouillard, tant pour la cacher, que pour empecher qu'elle ne se relâche.

Pour garnir la fusée, on commence à verser dans le pot une pincée de poussier; & en frappant un peu contre, on la fait entrer dans les trous qui doivent communiquer le feu à la chasse: on verse ensuite dans le pot une cornée de la même composition dont on a chargé la fusée; c'est ce qui s'appelle la chasse; & on arrange dessus les serpenteaux ou étoiles qu'elle doit jetter, en observant de n'en pas mettre plus pesant que le corps de la fusée; ensorte que la fusée de quatre onces n'en pese pas plus de huit, lorsqu'elle est garnie; & ainsi des autres. Une fusée dont la garniture seroit trop pesante, ne s'éleveroit qu'à une médiocre hauteur, & retomberoit à terre, en faisant un demi - cercle. On dit d'une telle fusée, qu'elle a arqué, pour exprimer la ligne courbe qu'elle a décrite.

On place quelques petits tampons de papier chiffonné dans les interstices des serpenteaux ou des paquets d'étoiles, pour empêcher qu'ils ne balottent; & on ferme le pot avec un rond de papier collé dessus: il faut le taillader par les bords pour empêcher qu'il ne fasse des plis.

Avant de mettre les paquets d'étoiles dans le pot, on les passe dans du poussier, pour leur faire prendre feu plus subitement.

Le chapiteau est ce qui termine la fusée en forme de cône; il est fait d'une simple épaisseur de carton. Pour lui donner la grandeur qui convient, on trace sur du carton un rond au compas, dont l'ouverture doit être d'un diametre un tiers du pot; on divise ce rond en deux; & chaque moitié donne de quoi former un chapiteau; on la mouille, pour en ôter le ressort; on en colle les extrémités; & en la contournant, on lui fait prendre la forme d'un cône.

Lorsqu'il est sec, on donne des coups de ciseaux sur les bords de sa circonserence, pour que cette partie joigne mieux sur le pot où elle doit être collée; & on la mouille pour en ôter le ressort.

Le chapiteau étant placé bien droit sur le pot, on colle sur la scissure une bande de papier brouillard, tant pour la cacher, que pour empêcher qu'elle ne se décole en séchant.

Cette bande de papier doit être mouillée de colle des deux côtés: on observera la même chose pour tout le papier que l'on employera à couvrir les scissutes ou jointures des fusées ou porte - feux: le papier en est plus maniable; & les plis en paroissent moins.

On amorce ensuite la fusée, en prenant un morceau d'étoupille plié double & de grosseur proportionnée, que l'on fait entrer dans le trou qu'a formé la broche, à la hauteur d'un diametre extérieur de la fusée; & on la colle dans la gorge avec de l'amorce. Il ne faut mettre de l'amorce, que ce qui est nécessaire pour la tenir: une trop grande quantité, qui donneroit beaucoup de feu, pourroit faire crever la fusée.

On finit par coller un rond de papier sur la gorge; ce que les Artificiers nomment bonneter: cela sert à empêcher, lorsqu'on tire les fusées, que celle qui part ne communique son feu aux autres, & aussi à les garantir de l'humidité.

Bien des Artificiers ne mettent point de pot aux petites fusées de caisse; ils se contentent de rouler & de coller dessus un quarré de papier gris, qui déborde la fusée de la hauteur de la garniture qu'ils veulent y placer. Après qu'ils y ont mis la chasse & la garniture, ils lient le papier dessus pour la renfermer. Les fusées ainsi garnies montent plus haut, parce qu'elles sont moins chargées: mais comme c'est aux dépens de leur garniture, qui est fort petite, il n'y a rien à gagner, si ce n'est pour l'artificier.

Art. VII. Des baguettes & du chevalet. La baguette que l'on attache aux fusées, sert à les maintenir droites, en contrebalançant leur pesanteur, contre laquelle le feu agit par l'un des bouts, qui doit toûjours être tourné en - bas, & qu'elle force à garder cette situation. [p. 390]

Le bois le plus leger est le plus propre à faire des baguettes; celles des fusées de dix - huit lignes & au - dessous, doivent être de sapin de sciage; quant à celles d'au - dessous, le coudre, le saule, & l'orme, fournissent abondamment des baguettes qui leur sont propres.

Il faut leur donner au moins huit fois la longueur du moule. Son épaisseur en quarré par l'un des bouts doit être d'un demi - diametre extérieur de la fusée; & depuis le bout auquel on attache la fusée, elle doit aller en diminuant jusqu'à l'autre extrémité, qui se termine à un huitieme du même diametre.

Plus les baguettes ont de longueur, plus les fusées montent droit; elles ne sauroient en avoir trop, pourvû que n'ayant en tête que la grosseur ci - dessus, elles se trouvent en équilibre à une certaine distance, lorsque les fusées y sont attachées: cette distance se regle par le diametre extérieur de la fusée; on en donne deux & demi aux plus petites fusées, jusque & compris celles de 12 lignes; pour celles d'au - dessus, jusque & compris celles de 2 pouces 2 diametres, & à celles par - delà, un diametre & demi; suivant lesquelles proportions, la baguette d'une fusée d'un pouce doit être en équilibre à deux pouces & demi de la gorge. On cherche l'équilibre avec un couteau, sur le tranchant duquel on pose la baguette; si elle est trop legere, il faut en changer; lorsqu'il y va de peu de chose, on peut attacher la fusée d'un pouce ou deux plus haut; cela donne plus de longueur & de poids à la baguette: si elle est trop pesante, il faut en ôter, soit en retranchant de sa longueur, si elle a plus de huit fois celle du moule, soit en ôtant de son épaisseur.

On fait une cannelure aux baguettes de sapin, dans l'endroit où la fusée doit être attachée, pour qu'elle soit plus stable. A l'égard des baguettes de branchages, il suffit d'unir avec un couteau & de rendre plane la surface du même endroit: l'extrémité du gros bout doit être coupée en talus, tant pour la propreté, que pour faire moins de résistance dans l'air.

La fusée étant placée dans la cannelure, jusque & non compris la ligature du pot, qui doit excéder la baguette, il faut la lier dans deux endroits du noeud de l'artificier; premierement, un peu au - dessous du talus qui termine la baguette; & en second lieu, dans l'étranglement: on fait une entaille à la baguette à chacun de ces endroits, pour que la ficelle ne glisse point.

On a imaginé en Angleterre, pour éviter les accidens causés par la chûte des grosses baguettes, d'en composer avec de petits saucissons faits de cartes à joüer. On les arrange de maniere, qu'en débordant les uns sur les autres, & étant collés de colle forte, & recouverts de bandes de papier collées de colle de farine, ils puissent former une continuité unie & solide. Chacun de ces saucissons contient entre deux étranglemens, la petite quantité de poudre nécessaire pour le faire crever. Une étoupille qui tire son feu du pot de la fusée, & qui communique a tous ces petits saucissons garnis chacun d'une étoupille, leur donne feu dans l'instant que la fusée jette sa garniture; & la baguette se divise en autant de petites parties qui font une agréable escopeterie: la cherté de ces baguettes ne permet guere d'en faire que pour essais: on croit cependant que si elles étoient fabriquées par des ouvriers qui ne fissent que cela, ils parviendroient en peu de tems à un point d'habileté qui les mettroient en état de les donner à un prix modique.

Le chevalet est un poteau que l'on plante en terre, ou qui est soûtenu sur terre par un pié en forme de croix: il est traversé en haut par une barre de fer plate posée sur tranche, sur laquelle on place les fusées l'une après l'autre pour les tirer.

Il y en a de plusieurs formes; mais le plus simple de tous, & qui est d'autant plus commode qu'on le transporte aisément où l'on veut, est une perche armée par l'un de ses bouts d'un fer pointu qui sert à la piquer dans terre. On visse dedans à la hauteur que l'on veut, une vrille un peu longue, sur laquelle on tire les fusées.

Il faut débonneter la fusée, en crevant le papier d'un coup d'ongle, dans l'instant qu'on la pose sur le chevalet; on y donne feu avec une lance placée au bout d'un porte feu, qui est un leger bâton d'environ piés, & qui est terminé par une espece de portecrayon de fer, dans lequel entre la lance, & que l'on y retient en la serrant avec un anneau coulant.

Art. VIII. Des serpenteaux, pluie de feu, marrons, saucissons, & étoiles dont on garnit les fusées volantes. Les serpenteaux destinés à garnir les fusées volantes & les pots à feu, sont faits de cartes à jouer donne à ceux d'une carte qu'on nomme vetille, lignes de diametre intérieur; à deux cartes, trois gnes & demie; & à trois cartes, quatre lignes: ceux d'un plus grand diametre doivent être faits en ton.

On charge ceux de trois lignes dans une espece de boisseau un peu moins haut de bord que les cartouches, de la maniere qui suit.

Les cartouches étant étranglés & liés, on les arrange tous droits dans le boîsseau, autant qu'il en peut tenir; on frappe dans chacun un petit tampon de papier, pour boucher le trou de l'étranglement, & on y verse une mesure de poudre qui doit le remplir jusqu'à la moitie. Les ayant ainsi tous chargés en poudre, on répand dessus de la composition; & l'épanche avec une carte sur tous les cartouches. Lorsqu'ils en sont remplis, on prend la baguette à charger, & on les frappe avec un petit maillet, de huit coups chacun. On refait la même opération jusqu'à ce qu'ils soient remplis, à quatre lignes près, que l'on reserve pour les étrangler: on les retire ensuite du boisseau; & après qu'ils sont étranglés, on ouvre leur gorge avec la pointe du culot, qui leur est propre; on y place un bout d'étoupille, & on les amorce.

Les serpenteaux à deux & à trois cartes se chargert sur un culot qui porte une pointe dont la longueur est d'un diametre un quart de l'intérieur du cartouche, & la grosseur d'un tiers du même diametre; on les frappe de dix coups à chaque charge. On commence par les charger jusqu'à moitié en composition: on met ensuite la poudre grainée & un tampon par - dessus; puis on les étrangle & on les amorce, & ainsi qu'il vient d'être dit pour la vétille.

Lorsque l'on veut que les serpenteaux s'agitent beaucoup en l'air, on les charge sur une broche qui de hauteur trois diametres & demi de l'interieur du touche & un tiers d'épaisseur; on les nomme al serpenteaux brochetés. On en fait particulierement ge pour les pots à aigrettes.

Pour la pluie de feu, on moule de petits cartouches de papier sur une baguette de fer de deux lignes & demie de diametre; on leur donne deux pouces & demi de longueur; on ne les étrangle point: il suffit, ayant mis la baguette dedans, de tortiller le bout du cartouche, & de frapper dessus pour lui faire prendre son pli. On les remplit en les plongeant dans la composition: ils en prennent autant qu'il en faut pour chaque charge; & après qu'ils sont chargés, on les amorce sans les étrangler. L'effet de cette garniture est de remplir l'air de feux ondoyans. [p. 391] [omission: table; to see, consult fac-similé version]

Les marrons sont faits de poudre grainée renfermée dans un cartouche de carton de forme cubique, & recouvert d'un ou de deux rangs de ficelle collée de colle forte: on perce un trou dans un de leurs angles; & on y place une étoupille avec de l'amorce, pour y donner feu.

Pour tracer & couper juste le carton, qui doit former d'une seule piece un cube régulier, on a une planchette divisée en quinze quarrés, cinq sur une face & trois sur l'autre, & percée d'un trou à chaque angle, pour les marquer sur le carton: le parallélogramme qu'ils forment étant tracé & coupé, on divise avec des ciseaux les cinq quarrés qui le bordent de chaque côté dans la longueur: on les plie ensuite, on leur fait prendre la forme d'un cube.

On proportionne à leur grosseur celle du carton dont ils sont formés, & celle de la ficelle qui les couvre.

On fait assez souvent usage des marrons, pour les tirer en place de boîtes de métal, pour le prélude d'un feu d'artifice.

Les marrons luisans ne different des autres, que parce qu'ils sont recouverts de pâte d'étoiles. & roulés fur du poussier pour leur servir d'amorce: deux petites bandes de papier, que l'on colle en croix dessus, retiennent cette pâte, & l'empêchent de s'écailler en séchant.

Les saucissons ne different des marrons que par la forme; l'effet en est le même: leurs cartouches sont ronds, & seulement de la hauteur de quatre de leurs diametres extérieurs, après les avoir étranglés. On frappe un bon tampon de papier dedans; on les charge ensuite de poudre grainée sur laquelle on met un pareil tampon que l'on presse seulement à la main avec la baguette, pour ne point écraser la poudre: on étrangle par - dessus, & on rogne ce qui excede les deux étranglemens; après cela, on les couvre de deux rangs de ficelle collée de colle forte, comme il vient d'être dit pour les marrons: on les perce par un des bouts, & on les amorce de même. On les employe aussi pour terminer avec bruit certains artifices, comme lances, jets, & autres, qui par leur petit volume & le peu d'épaisseur de leur cartouche, ne pourroient contenir assez de poudre, ni faire assez de résistance pour éclater avec autant de bruit.

On forme les étoiles avec une pâte composée de

                               L.  onc. gr.
      Salpetre,    .  .  .  .   1    0   0
      Soufre,      .  .  .  .   0    8   0
      Poussier,    .  .  .  .   0    4   0

On détrempe ces matieres avec de l'eau, après les avoir pasiées 3 fois au tamis pour les mêler, & quand elles sont en consistence de pâte un peu solide, on coupe cette pâte avec un moule qui forme dans une virole de fer - blanc une pastille ronde & plate, de la force d'une dame à joüer, & percée au milieu: ce trou est formé par une petite broche de ser placée au centre du manche qui porte la virole: si cette virole a huit lignes de hauteur, le manche ne doit entrer dedans que de quatre lignes; les quatre autres lignes de vuide font le moule, dans lequel se forme l'etoile.

Chaque fois que l'on moule une étoile, il faut ôter la virole; & avec l'autre bour du manche, on pousse la pastille dehors, & on la fait tomber doucement sur une feuille de papier.

Lorsque les étoiles sont seches, on les enfile dans de l'étoupille; & les ayant un peu séparées de six en six, on coupe l'étoupille dans ces séparations, & on en colle les bouts avec de l'amorce, sur la premiere & sur la fixieme étoile de chaque paquet.

On donne communément aux étoiles sept lignes de diametre sur quatre lignes d'épaisseur; lorsqu'elles sont plus grosses, l'effet n'en est pas si beau, parce qu'elles retombent trop bas.

Les étoiles à pets, sont de petits saucissons auxquels on laisse une gorge longue d'un diametre & demi, que l'on remplit de pâte d'étoiles. Il ne saut pas oublier, après qu'ils sont chargés en poudre & percés, de remplir le trou de la gorge de poussier, pour que le feu de l'étoile, en finissant, se communique à la poudre grainée. Voyez Feu d'Artifice. Voyez aussi nos Pl. d'Artificier, & leur expl. Cet art. est tiré du manuel de l'artificier, par M. Perrinet d'Orv al.

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