ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"371"> rans jetterent leurs armes sur son bucher pour lui faire honneur. On immoloit aussi des boeufs, des taureaux, & des moutons, qu'on jettoit sur le bucher.

On donnoit tout - aupres des combats de gladiateurs pour appaiser les manes du défunt; on avoit introduit l'usage de ces combats pour suppleer à la barbare coûtume anciennement pratiquée à la guerre, d'immoler les prisonniers auprès du bûcher de ceux qui étoient morts en combattant, comme pour les venger. Les combats des gladiateurs n'étoient pas le seul spectacle qu'on y donnoit; on faisoit aussi quelquefois des courses de chariots autour du bûcher; on y représentoit même des pieces de théatre, & par un excès de somptuosité, on y a vû donner des festins aux assistans & au peuple.

Dès que le corps étoit brûlé, on en ramassoit les cendres & les os, que le feu n'avoit pas entierement consumés. C'étoit les plus proches parens ou les héritiers qui en prenoient soin: afin que les cendres ne fussent pas confondues avec celles du bûcher, on avoit la précaution en mettant sur le bûcher le corps du défunt, de l'envelopper d'une toile d'amianthe, que les Grecs appellent asbestos; on la voit ensuite ces cendres & ces os avec du lait & du vin; & pour les placer dans le tombeau de la famille, on les enfermoit dans une urne d'une matiere plus ou moins précieuse, selon l'opulence ou la qualité du défunt; les plus communes étoient de terre cuite.

Ensuite, le sacrificateur qui avoit assisté à la cérémonie, jettoit par trois fois sur les assistans pour les purifier, de l'eau avec un aspersoir fait de branches d'olivier, usage qui s'est introduit dans le Christianisme à l'égard du cadavre seulement, & qu'on a jugé à - propos de conserver. Enfin, la même pleureuse congédioit la compagnie par ce mot I, licet. c'est - à - dire, vous pouvez vous en - alier; alors les parens & amis du défunt lui disoient par trois fois, en l'appellant par son nom, & à haute voix: vale, vale, vale: nos te ordine quo natura voluerit sequemur; adieu, adieu, cdieu, nous te suivrons quand notre rang marqué par la nature arrivera. On portoit l'urne où étoient les cendres dans le sépulcre, devant lequel il y avoit un petit autel où l'on brûloit de l'encens & d'autres parfums: cérémonie qui étoit renouveliée de tems en - tems, de même que celle de jetter des fleurs sur la tombe.

A l'égard de ceux dont on ne brûloit point les corps, on les mettoit ordinairement dars des bierres de terre cuite; ou si c'etoient des personnes de distinction, dans un tombeau de marbre creusé; on mettoit encore dans ce tombeau une lampe dite perpétuelle, & quelquefois de petites figures de divinites, avec des fioles qu'on appelloit lacrymatoires, qui renfermoient l'eau des larmes qu'on avoit répandues à leur convoi, témoignage qu'ils avoient été fort regrettés. On a trouvé dans quelques tombeaux des bijoux qui y avoient été mis avec le corps, parce qu'apparemment le défunt les avoit fort cheris de son vivant.

La cérémonie des funérailles se terminoit par un festin, qui étoit ordinairement un souper, que l'on donnoit aux parens & aux amis; quelquefois même on distribuoit de la viande au peuple, & nouf jours après on faisoit un autre sestin qu'on appelloit le grand souper, la novendale, c'est - à - dire la neuvaine; on observoit dans ce dernier repas de quitter les habits noirs, & d'en prendre de blancs.

C'en est assez sur ce sujet, où je n'ai crû devoir employer que les traits historiques qui pouvoient convenir ici, en élaguant toutes les citations sans nombre qui m'auroient mené trop loin; mais le lecteur curieux de plus grands détails, & de détails d'érudition recherchée, peut consulter l'ouvrage latin de funeribus Romanorum, publié par Jean Kirchman, dont la premiere édition parut à Lubeck en 1604. Cet ouvrage acquit de la célébrité à son auteur, & contribua à lui procurer un bon mariage. (D. J.)

Funérailles (Page 7:371)

Funérailles, (Hist. mod.) après avoir rapporté les cérémonies funebres des anciens, on peut parcourir celles qui sont usitées de nos jours chez quelques peuples d'Asie, d'Afrique, & d'Amérique; il semble que la nature a par - tout inspiré aux hommes ce dernier devoir envers leurs semblables qui leur sont enlevés la mort; & la religion, soit vraie, soit fausse, a consacré cet usage.

Funérailles (Page 7:371)

Funérailles des Arabes. Des que quelqu'un a rendu les derniers soupirs chez les Arabes, on lave le corps avec décence: on le coud dans un morceau de toile s'il s'en trouve dans la maison, ou dans quelques guenilles s'il est pauvre; on le met sur un brancard composé de deux morceaux de bois avec quelques traverses d'osier, & quatre ou six hommes le portent où il doit être enterré. Comme ces peuples changent souvent de camp, ils n'ont point de cimetieres fixes. Ils choisissent toûjours un lieu élevé & écarté du camp; ils y font une fosse profonde, où ils mettent le corps la tête du côté de l'orient, le couvrent de terre, & mettent dessus de grosses pierres, afin d'empêcher les bêtes sauvages de venir le déterrer & le dévorer. Ceux qui portent le corps à la sépulture & ceux qui l'accompagnent, chantent des prieres pour le défunt & des loüanges à Dieu.

Dans ces occasions les hommes ne pleurent point, ce qu'on regarde comme une preuve de leur courage & de leur sermeté. Mais en récompense les femmes s'acquittent très - bien de cette fonction. Les parentes du désunt crient, s'égratignent le visage & les bras, s'arrachent les cheveux, & ne sont couvertes que d'un vétement déchiré, avec un voile bleu & sale; toutes marques de douleur extraordinaire, vraie ou apparente.

Les cérémonies des funérailles qui ne sont pas longues étant achevées, on revient au camp. Tous ceux qui y ont assisté trouvent un repas préparé, & mangent dans une tente; les femmes dans une autre. Les hommes à leur ordinaire gardent la gravité, les femmes essuient leurs larmes; les uns & les autres se consolent; on fait à la famille des complimens de condoléance qui sont fort courts, puisqu'ils ne consistent qu'en ces deux mots, kalherna aandek, c'est - à - dire je prends part à votre affliction: & en ces deux autres, selamet erask, qui signifient Dieu conserve votre tête. Après quoi les parens du défunt font le partage de ses biens entre ses enfans. Mém. du chevalier d'Arvieux, tom. III.

Funérailles (Page 7:371)

Funérailles des Turcs. En Turquie, lorsqu'une personne est morte, on met son corps au milieu de la chambre, & l'on répete tristement ces mots à - l'entour, subanna allah, c'est - à - dire, ô Dieu miséricordieux, ayez pitié de nous. On le lave ensuite avec de l'eau chaude & du savon; & après avoir brûlé assez d'encens pour chasser le diable & les autres esprits malins qu'on suppose roder autour de lui, on l'enveloppe dans un suaire sans couture, afin, dit - on, que dans l'autre monde il puisse se mettre à genoux lorsqu'il subira son jugement; tout cela est accompagné de lamentations, où les femmes ont la principale part.

Autrefois on exposoit le mort sur une table, comme dans un lit de parade, orné de ses plus beaux habits, & de diverses fleurs de la saison; après quoi on le portoit sur des brancards hors de la ville, dans un lieu destiné à la sépulture des morts. Aujourd'hui on se contente de le mettre dans une bierre, couverte d'un poîle convenable à sa profession, sur lequel on répand des fleurs, pour marquer son innocence. La loi défend à qui que ce soit de garder un corps mort au - delà d'un jour, & de le por<pb-> [p. 372] ter plus loin d'une lieue. Il n'y a que le corps du grand - seigneur défunt qui en soit excepté.

Les Turcs sont persuadés qu'au moment que l'ame quitte le corps, les anges la conduisent au lieu où il doit être inhumé, & l'y retiennent pendant 40 jours dans l'attente de ce corps; ce qui les engage à le transporter au plus vîte au lieu de la sépulture, afin de ne pas faire languir l'ame. Quelques - uns prétendent que les femmes & filles n'assistent point au convoi, mais demeurent à la maison pour préparer à manger aux imans, qui après avoir mis le corps dans le tombeau, reviennent pour faire bonne chere, & recevoir dix aspres qui sont leur rétribution ordinaire.

Aussi tôt que le deuil est fini autour du mort & qu'on l'a enseveli, on le porte sur les épaules au lieu destiné à la sépulture, soit dans les cimetieres situés hors des villes, s'il est pauvre, soit au cimetiere des mosquées, à l'entrée desquelles on le porte s'il est riche, & à l'entrée desquelles les imans font des prieres qui ne consistent qu'en quelques complaintes & dans le récit de certains vers lugubres qui sont répétés mot pour mot par ceux qui accompagnent le convoi, & qui suivent couverts d'une piece de drap gris ou de feutre pendante devant & derriere.

Arrivés au tombeau, les Tures tirent le mort du cercueil, & le descendent dans la fosse avec quelques sentences de l'alcoran. On ne jette point la terre immédiatement sur le corps, de peur que sa pesanteur ne l'incommode; pour lui donner un peu d'air, on pose de longues pierres en - travers, qui forment une espece de voûte sur le cadavre, ensorte qu'il y est enfermé comme dans un coffre. Les cris & les lamentations des femmes cessent aussi - tôt après l'inhumation. Une mere peut pleurer son fils jusqu'à trois fois; au - delà elle peche contre la loi.

Les funérailles du Sultan sont accompagnées d'une majesté lugubre. On mene en main tous ses chevaux avec les selles renversées, couverts de housses de velours noir traînantes jusqu'à terre. Tous ses officiers, tant ceux du serrail que ceux de la garde, solaks, jannissaires & autres, y marchent en leur rang. Les mutaféracas précedent immédiatement le corps, armés d'une lance, au bout de laquelle est le turban de l'empereur défunt, & portant une queue de cheval. Les armes du prince & ses étendarts traînent par terre. La forme du cercueil est celle d'un chariot d'armes: il est couvert d'un riche poile sur lequel est posé un turban, & lorsque son corps est une fois déposé dans le tombeau, un iman gagé pour y lire l'alcoran a soin de le couvrir tous les jours, surtout le vendredi, de tapis de drap sur lesquels il place ce que le feu empereur avoit coûtume de porter de son vivant, comme son turban, &c. Guer, moeurs & usag. des Turcs, tom. I. (G)

Funérailles (Page 7:372)

Funérailles des Chinois. Ils lavent rarement leurs morts; mais ils revêtent le défunt de ses plus beaux habits, & le couvrent des marques de sa dignité; ensuite ils le mettent dans le cercueil qu'on lui a acheté, ou qu'il s'étoit fait construire pendant sa vie; car ils ont grand soin de s'en pourvoir long - tems avant que d'en avoir besoin. C'est aussi une des plus sérieuses affaires de leur vie, que de trouver un endroit qui leur soit commode après leur mort. Il y a des chercheurs de sépulture de profession; ils courent les montagnes; & lorsqu'ils ont découvert un lieu où il regne un vent frais & fain, ils viennent promptement en donner avis aux gens riches qui accordent quelquefois à leurs. soins une récompense excessive.

Les cercueils des personnes aisées sont faits de grosses planches épaisses d'un demi - pié & davantage; ils sont si bien enduits en - dedans de poix & de bitume, & si bien vernissés en - dehors, qu'ils n'exhalent aucune mauvaise odeur: on en voit qui sont ciselés délicatement, & couverts de dorure. Il y a des gens riches qui employent jusqu'à mille écus pour avoir un cercueil de bois précieux, orné de quantité de figures.

Avant que de placer le corps dans la bierre, on répand au fond un peu de chaux; & quand le corps y est placé, on y met ou un coussin ou beaucoup de coton, afin que la tête soit solidement appuyée, & ne remue pas aisément. On met aussi du coton ou autres choses semblables, dans tous les endroits vuides, pour le maintenir dans la situation où il a été mis.

Il est défendu aux Chinois d'enterrer leurs motts dans l'enceinte des villes & dans les lieux qu'on habite; mais il leur est permis de les conserver dans leurs maisons, enfermés dans des cercueils; ils les gardent plusieurs mois & même plusieurs années comme en dépôt, sans qu'aucun magistrat puisse les obliger de les inhumer. Un fils vivroit sans honneur, sur - tout dans sa famille, s'il ne faisoit pas conduire le corps de son pere au tombeau de ses ancêtres. & on refuseroit de placer son nom dans la salle où on les honore: quand on les transporte d'une provincea une autre: il n'est pas permis, sans un ordre de l'empereur, de les faire entrer dans les villes, ou de les faire passer au - travers; mais on les conduit autour des murailles.

La cérémonie solennelle que les Chinois rendent aux défunts, dure ordinairement sept jours, à - moins que quelques raisons essentielles n'obligent de se contenter de trois jours. Pendant que le cercueil est ouvert, tous les parens & les amis, qu'on a eu soin d'inviter, viennent rendre leurs devoirs au defunt; les plus proches parens restent même dans la maison. Le cercueil est exposé dans la principale salle, qu'on a parée d'étoffes blanches qui sont souvent entremêlées de pieces de soie noire ou violette, & d'autres ornemens de deuil. On met une table devant le cercueil. L'on place sur cette table l'image du défunt, ou bien un cartouche qui est accompagné de chaque côté de fleurs, de parfums, & de bougies allumces.

Ceux qui viennent faire leurs complimens de condoléance saluent le défunt à la maniere du pays. Ceux qui étoient amis particuliers accompagnent ces cérémonies de gémissemens & de pleurs, qui le font entendre quelquefois de fort loin.

Tandis qu'ils s'acquittent de ces devoirs, le fils aîné accompagné de ses freres, sort de derriere le rideau qui est à côté du cercueil, se traînant à terre avec un visage sur lequel est peinte la douleur, & fondant en larmes, dans un morne & profond silence; ils rendent le salut avec la même cérémonie qu'on a pratiquée devant le cercueil: le même rideau cache les femmes, qui poussent à diverses reprises les cris les plus lugubres.

Quand on a achevé la cérémonie, on se leve; un parent éloigné du defunt, ou un ami, étant en deuil, fait les honneurs; & comme il a été vous recevoir à la porte, il vous conduit dans un appartement où l'on vous présente du thé, & quelquefois des fruits secs, & semblables rafraîchissemens: après quoi il vous accompagne jusqu'à votre chaise.

Lorsqu'on a fixé le jour des obseques, on en donne avis à tous les parens & amis du défunt, qui ne manquent pas de se rendre au jour marqué. La marche du convoi commence par ceux qui portent différentes statues de carton, lesquelles représentent des esclaves, des tigres, des lions, des chevaux, &c. diverses troupes suivent & marchent deux à deux; les uns portent des étendarts, des banderolles, ou des cassolettes remplies de parfums: plusieurs jouent des airs lugubres sur divers instrumens de Musique.

Il y a des endroits où le tableau du defunt est élevé au - dessus de tout le reste; on y voit écrits en gros caracteres d'or son nom & sa dignité. Le cercueil pa<pb->

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