ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"329"> du fleuve sans forces, sans usage de ses sens, en un mot comme sans vie. Tous ces effets furent produits si subitement, que le froid n'avoit pas pû pénétrer dans l'intérieur, pour agir immédiatement, comme à l'extérieur, par sa faculté de resserrer les solides, de condenser, de siger les fluides: ce ne pouvoit être que par le moyen des nerfs qu'il se fit un desordre si prompt & si terrible dans toute l'économie animale de ce jeune héros; desordre qui faisoit un état si dangereux, que l'habileté & le zele des medecins de Philippe son pere eurent bien de la peine à l'en tirer, à le rappeller, pour ainsi dire, à la vie, & à lui rendre la santé; parce que la lésion des fonctions avoit été d'autant plus considérable, que le sujet étoit plus robuste, & qu'il ne se trouva point dans son corps de partie foible disposée à souffrir pour le tout; ensorte que le mal intéressa dans ce cas généralement toutes les conditions nécessaires pour l'entretien de la santé. Voyez, sur la théorie relative aux accidens de cette espece, l'article Equilibre, (Economie animale.)

La cause à laquelle on vient d'attribuer ces derniers phénomenes comme effets du froid, sans qu'il porte ses impressions immédiatement, en tant que froid externe, sur les parties internes de l'animal, semble être encore plus prouvée par ce qui arrive en consequence de l'application subite d'une colonne d'air froid, ou de quelqu'autre corps bien froid, sur une partie bien chaude & bien sensible de la surface de notre corps; application qui excite une sorte de tremblement sur toute la peau, un vrai frisson momentané, c'est à - dire qui dure autant que la sensation même du froid C'est ainsi que l'aspersion de l'eau bien froide sur le visage des personnes disposées à la syncope, rappelle les sens & rétablit les mouvemens vitaux prêts à être suspendus, en produisant une sorte de secousse dans tout le genre nerveux: c'est ainsi que l'on a quelquefois arrêté des hémorrhagies, en touchant quelque partie du corps bien chaude, avec un morceau de métal bien froid, ou un morceau de glace; en occasionnant par la sensation vive qui résulte de cette application, une sorte de crispation des solides en général, qui resserre comme par accident les vaisseaux qui se trouvent ouverts.

Ces considérations concernant les effets lu froid externe sur le corps humain (effets que l'on peut distinguer en les appellant sympathiques, parce qu'ils influent sur des parties où ils n'ont pû être portés ou produits que par communication, & non immédiatement), menent à dire quelque chose d'autres essets du froid dans les animaux, produits par des causes absolument internes, sans aucun concours du froid externe: tels sont tous les obstancles à l'action du coeur & des arteres, tant qu'ils ne peuvent pas être facilement surmontés par sa puissance motrice; tout ce qui de la part des humeurs s'oppose à leur propre cours, comme le trop de consistance, leur épaississement, leur trop grande quantité qui fait une masse trop difficile à mouvoir, leur volume trop diminué par les grandes évacuations, les hémorrhagies surtout qui diminuent trop considérablement la partie rouge du sang, le nombre de ses globules, tout ce qui empêche la distribution du fluide nerveux & en conséquence le mouvement des organes vitaux, même de ceux qui sont soûmis à la volonté, comme dans les parties paralysées qui sont toûjours froides; enfin tout ce qui peut diminuer ou suspendre l'agitation, le frottement de la partie élastique de nos humeurs entre elles, & contre les vaisseaux qui les contiennent. Voyez Fievre maligne, lipyrie, intermittente, Venin, Poison, Gangrene , &c.

Ces différentes causes internes du froid animal sont certaines & fréquentes: il en est cependant encore d'autres d'une différente nature, qui produisent des effets que l'on ne sauroit attribuer à celles qui viennent d'être exposées, puisqu'il s'agit de cas où l'on éprouve une sensation de froid tres - marqué & souvent très - vif, sans qu'il y ait aucune diminution d'agitation dans les solides & dans les fluides; au contraire même souvent avec des mouvemens violens dans les principaux organes de la circulation du sang, du cours des humeurs, avec toutes les dispositions nécessaires pour la conservation de leur fluidité; ensorte qu'il arrive quelquefois que les parties supérieures du corps sont brûlantes, tandis que les inférieures sont glacées; qu'un côté du corps est refroidi, pendant que l'on sent beaucoup d'ardeur dans le côté opposé; que l'on sent comme un air froid se répandant sur un membre, comme par un mouvement progressif, tandis que l'on est fatigué de bouffées de chaleur; qu'il se fait des transports d'humeurs, des engorgemens dans d'autres parties, avec les symptomes les plus violens. On ne peut attribuer la cause de semblables phénomenes qu'à l'action des nerfs, qui par l'effet d'un cours irrégulier des esprits animaux, sont tendus & resserrent les vaisseaux dans quelques parties; d'où les humeurs devenues surabondantes par rapport à la diminution de la capacité des vaisseaux, sont comme repoussées dans d'autres parties qui n'opposent point de résistance extraordinaire, où elles sont portées avec beaucoup d'agitation, tandis que leur cours est presque arrêté dans les vaisseaux resserrés; de maniere qu'il s'établit dans ceux - ci une disposition, telle qu'elle peut être produite par le froid externe, pour exciter la sensation qui resulte de son application sur les parties sensibles; & dans ceux - là une disposition telle qu'il la faut pour faire augmenter la génération de la chaleur animale, & le sentiment qu'elle fait naître. Voyez Chaleur animale, & sur ces effets singuliers, ce qui est dit en son lieu de chacune des différentes maladies dans lesquelles on les observe, telles que la Fievre nerveuse, la Passion hypocondriaque, hystérique , les Vapeurs, l'Epilepsie, &c.

Dans d'autres cas il survient en peu de tems, & quelquefois subitement, à des personnes qui ont toute leur chaleur naturelle, tant au dehors qu'au - dedans, un froid répandu sur toute la surface du corps avec pâleur, frisson, tremblement dans les membres, sueur froide; tous symptomes que l'on ne peut encore attribuer qu'au resserrement plus ou moins prompt, qui se fait dans les vaisseaux capillaures par le moyen des nerfs, ensuite d'une distribution irréguliere, plus abondante qu'elle ne devroit être, du fluide nerveux dans l'habitude du corps, & dans les organes du mouvement; resserrement qui arrête le cours des humeurs, dans tous les tégumens, & en exprime sous forme sensible la matiere de la transpiration condensée par le défaut de chaleur animale.

On observe ces différens phénomenes avec plus ou moins d'intensité dans les grandes passions de l'ame, comme le chagrin, la peur, la surprise, l'effroi, la terreur, &c. Voyez Passions, animi pathemata.

Après avoir considéré quelles sont les différentes causes tant externes qu'internes, qui peuvent nous affecter de la sensation du froid, il reste à dire quelque chose des différens moyens que l'on peut employer pour faire cesser la disposition contre nature qui produit cette sensation; parce que l'on peut inférer de l'effet de ces moyens, la confirmation de tout ce qui a été avancé ici concernant la théorie du froid animal.

Parmi les causes, tant externes qu'internes, qui peuvent produire la disposition à laquelle en est attachée la sensation, il n'en est point de si générale & de si commune, que l'application du froid de l'air am<pb-> [p. 330] biant: or comme c'est par l'agitation de l'air, par le renouvellement continuel de la partie de ce fluide qui nous environne, que le froid est le plus sensible, tout étant égal; le premier moyen que les hommes nés nuds & laissés à - peu - près sans défense à cet égard, ont trouvé de se garantir un peu de cette impression desagréable, a été vraissemblablement de se mettre à couvert du vent derriere des arbres ou tout autre corps, qui pouvoient être interposés entre eux & le courant d'air. On eut ensuite bien - tôt occasion de découvrir quelque creux de rocher, quelque caverne, où l'on pouvoit encore se mettre plus aisément à l'abri de toutes les injures de l'air; mais on ne pouvoit souvent pas y rester autant qu'elles duroient; il falloit passer d'un lieu à un autre pour pourvoir à ses besoins. On s'apperçut que la nature avoit donné aux bêtes différens moyens attachés à leur individu, tels que les poils, les plumes, dont le principal usage paroissoit être de couvrir la surface de leur corps, & de la défendre des impressions fâcheuses que pouvoient leur causer les corps ambians: envier cet avantage & sentir que l'on pouvoit se l'approprier, ne furent presqu'une même réflexion. En effet l'homme ne tarda pas à se procurer par art ce dont la nature ne l'avoit sans doute laisse dépourvû, que parce qu'elle lui avoit donné d'ailleurs bien supérieurement à tous les animaux, l'intelligence nécessaire non seulement pour se défendre de toutes les incommodités de la vie, mais encore pour trouver tous les moyens possibles de se la rendre agréable, & par conséquént celui de se garantir du plus grand inconvénient de sa nudité, en se couvrant contre le froid, & de la faire servir par le moyen d'un tact plus fin & plus étendu, à des delices de différentes especes (que les animaux ne sont pas disposés à gouter), dans bien des circonstances où il pouvoit desirer d'avoir la surface de son corps découverte & exposée au contact d'autres corps propres à lui procurer des sensations agréables comme dans les chaleurs de l'été, où il lui étoit facile de se dépouiller de tout ce qui pouvoit l'empêcher de sentir la fraîcheur de l'air, lorsque l'occasion s'en présentoit; il se détermina donc bien - tôt à sacri sier au besoin qu'il avoit de se défendre du froid les bêtes, auxquelles il crut voir les couvertures les plus convenables qu'il pût convertir à son usage. Il n'eut pas à balancer pour le choix; les animaux dont les sourrures sont les plus fournies, dûrent avoir toutde - suite la préférence: c'est - là vraissemblablement le premier motif qui a porté les hommes à égorger des animaux; ils pouvoient s'en passer à l'égard de la nourriture, les fruits pouvoient leur suffire; mais il ne se présentoit rien d'aussi propre à les couvrir, & qui demandât moins de préparation, que la peau garnie de poil, dont la nature avoit couvert un grand nombre d'animaux de différentes grandeurs.

L'art ajoûta ensuite beaucoup à ce vêtement simple, pour le rendre plus commode; il ne servit d'abord qu'à envelopper le tronc; on ne parvint pas si - tôt à trouver le moyen de couvrir les extrémités séparément. Tout ce qu'on se proposa d'abord en cherchant à le perfectionner, fut d'en rendre l'application plus intime sur les parties que l'on en couvroit, & d'empêcher qu'il ne restât des issues à l'air pour pénétrer jusqu'à la peau. On s'apperçut bientôt que plus la substance du vêtement est compacte, plus elle garantit du froid: la chaleur du corps animal se répandant autour de lui, échauffe ce qui l'environne jusqu'à une certaine distance: ainsi l'air ambiant participe à cette chaleur, d'autant plus qu'il est appliqué plus long - tems à ce corps chaud sans être renouvellé, & il lui rend de cette chaleur empruntée à proportion de ce qu'il en a reçû. Mais comme les corps en général retiennent & communiquent plus de chaleur selon qu'ils sont plus denses, l'air étant de tous les corps celui qui a le moins de densité, ne peut donc retenir & communiquer que très peu de la chaleur qu'il a reçue de notre corps: c'est donc en sixant davantage cette chaleur exhalée hors de nous, & en nous la rendant pour ainsi dire reversible, que les vêtemens nous servent d'autant plus qu'ils sont plus compactes, & plus exactement appliqués à la surface de notre corps; de maniere qu'ils empéchent le contact de l'air, qui est plus propre à enlever de la chaleur animale, qu'à en rendre la dissipation profitable, & qu'ils absorbent eux - mêmes en bonne partie, ce qui s'échappe ainsi continuelle ment de cette chaleur, pour la reslechir sur le corps qui l'a produite, pour contribuer par - là à empècher les effets du froid sur la surface du corps, & s'opposer au trop grand resserrement des vaisseaux capillai res cutanes, à la trop grande condensation des humeurs qui y sont contenues, d'où suivroit la disposition contre nature, à laquelle est attachée la sentation du froid.

Ainsi c'est par le moyen des habits que l'on conserve la chaleur des parties qui en sont couvertes, que l'on garantit ces parties des effets du froid externe; c'est aussi l'inconvenient de cette précaution qui les rend plus sensibles, tandis que le visage, les mains, ou toute autre partie qui est exposée au contact immédiat de l'air, peuvent être très - froides en comparaison de celles là, sans qu'il en résulte une sensation aussi desagréable, ab assuetis non fit passio. Le plus souvent les premieres ne deviennent froides que par la communication sympathique dont il a été traite ci - devant, & non pas par l'impression immediate du froid externe, qui pénetre difficilement lorsqu'on est bien vêtu, lorsque les habits sont d'un tissu serré & qu'ils enveloppent le corps bien exactement. Ils rendent au corps la chaleur dont ils sont imbus, & qu'ils retiennent d'autant plus qu'ils y participent, qu'elle leur est communiquée sans interruption, à - meiure par conséquent qu'elle s'engendre & qu'elle se dissipe. Ainsi le resserrement causé par le froid n'est jamais si considérable dans les parties couvertes; il s'y engendre donc moins de chaleur animale, à proportion que dans celles où il y a plus d'effet, du froid, telles que le visage, que l'on n'habille jamais; celles là conservent leur chaleur par le moyen des corps chauds qui leur sont continuellement appliqués; celles - ci en engendrent davantage, à - proportion qu'elles en perdent davantage; ou elles se refroidissent lorsque le resserrement des capillaires y est si fort, qu'il empêche le mouvement des humeurs, & par consequent la génération de la chaleur animale; on peut encore dire à l'égard de l'effet des habits, en tant qu'ils servent à la conserver, qu'ils y contribuent peut - être aussi un peu par leur poids, en ce qu'ils compriment la surface du corps. & qu'en resserrant ainsi les vaisseaux, ils favorisent le frottement des humeurs contre leurs parois, auquel est attaché de reproduire la chaleur; il est certain que des couvertures pesantes contribuent autant à détendre du froid, que des couvertures d'un tissu bien dense; mais celles - là produisent cet effet d'une maniere tres - incommode.

Ce n'est pas encore le tout d'être bien couvert, bien vêtu pour se garantir du froid externe; il faut de plus, que comme on se propose par le moyen des habits d'empêcher la dissipation immédiate de la chaleur animale, l'on empêche aussi l'enlevement de celle qui est communiquée aux habits ou autres differentes couvertures; au - moins est il besoin de s'opposer par des moyens convenables à ce qu'ils ne perdent pas absolument toute celle qu'ils reçoivent; ce qui arrive lorsque l'air ambiant se renouvelle continuellement par agitation ou par l'effet du vent; on ne peut empêcher cette dissipation de la chaleur re<pb->

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