ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"327"> ce & de devenir tiede. Tant que la chaleur de l'atmosphere n'est pas diminuée jusqu'à ce degre moyen, quoiqu'elle soit toûjours moins considérable que celle qui est ordinaire au corps humain, dans l'état de santé; si la premiere diminue insensiblement jusqu'à ce degré, on ne s'en apperçoit pas beaucoup; on n'est pas fort incommodé de cette diminution dans l'action du feu de l'atmosphere; diminution a laquelle il est cependant attaché de produire les effets du froid, d'en exciter la sensation, comme étant la disposition physique qui est la principale cause externe du froid animal. Cette cause opérant à - proportion de son intensité, la sensation qui en resulte n'est pas bien forte, tant que le froid du milieu n'est pas parvenu au degré de la température dont on vient de parler; d'autant que la chaleur propre à l'animal augmente à - proportion qu'il en reçoit moins de ce milieu: & cette augmentation se fait en raison de celle du resserrement que ce froid cause dans la surface du corps. Mais plus le froid approche du degré de la congelation, plus ce resserrement devient considérable; il va toûjours en augmentant avec le froid, au point qu'il ralentit le cours des humeurs; soit par la trop grande résistance qu'il cause ainsi dans les solides, soit par la condensation des fluides, qui leur fait perdre leur fluidité dans les portions où est opérée cette condensation; effets qui diminuent par conséquent l'activité du frottement & la génération de la chaleur, qui depend de cette activité; d'où s'ensuit un double obstacle à l'impulsion des fluides dans les parties affectées du froid; duquel obstacle établi suit une sorte d'impression sur les nerfs, qui a la propriété, etant transmise à l'ame, de faire naître la sensation desagreable du froid animal, ainsi qu'il a été dit dans l'article précédent: & cette sensation devient forte de plus - en - plus, à - proportion que le froid externe, & conséquemment le resserrement des vaisseaux capillaires, le ralentissement des humeurs, augmentent & s'étendent davantage de la circonférence vers le centre: ce qui arrive sur - tout si l'on est constamment exposé à l'air libre; si l'atmosphere qu'il forme autour du corps est continuellement renouvelle par le vent: ensorte que l'air ambiant ne restant pointassez appliqué au corps animal, pour le faire participer à la chaleur qu'il en tire, ne fait que lui en enlever sans cesse, & ne lui communique que son froid actuel, qui pénetre dans sa substance, opere une veritable constriction dans ses solides, dispose à la coagulation ses fluides; d'où s'ensuit qu'il diminue de volume en tout sens, & que bien des gens ont observé que les habirs qui ne les entouroient, ne les enveloppoient qu'avec peine en été, pendant la raréfaction de tous les corps par l'effet de la chaleur, se trouvent alors trop amples; tant la condensation de toutes les parties se rend sensible.

Ainsi les effets du froid de l'air sur ie corps humain, peuvent être si considérables, qu'il y a des evemples d'hommes qui sont morts subitement par le seul effet du grand froid, sans aucune autre mauvaise dilposition que celle qu'il avoit produite: ce qui arrive assez communement dans les pavs septentrionaux, non seulement à l'egard des hommes, mais encore à l'égard des bêtes.

On ne sauroit douter que ce qui donne lieu à des accidens de cette nature, ne soit le resserrement des vaisseaux, qui lorsqu'il est porté à un degré considérable, intercepte le cours des humeurs: à quoi se joint la coagulation de celles - ci: effets qui ont l'eu principalement dans les poumons, où les vaisseaux très - minces, très - exposés, très faciles à se laisser penetrer par le froid, & le sang très - exposé aux inuuences de l'air, étant presque à devert dans ce viscere, sont, par ces différentes raisons, très lusceptibles d'engorgemens inflammatoires & autres, si prompts même & si étendus, lorsqu'ils sont produits par un froid extreme, qu'ils peuvent procurer une sussocation subite; comme dans les cas qui viennent d'être mentionnés.

Personne n'ignore que le sang sorti d'une veine & reau dans un vase sous forme fluide, se fige dans l'es<-> de trois ou quatre minutes dans un air temperé, & qu'il se change ainsi en une maste solide, qui s'attache ordinairement aux parois du récipient. Ce de animal se coagule encore plus promptement, si l'air auquel il est exposé est bien froid, comme dans un tems de gelée; il n'est cependant pas aise de determiner précisément à quel degré de la diminution de la chaleur dans l'air, le sang perd ainsi sa fluidité, puisque cela arrive également dans l'été, & qu'il n'y a de différence en comparaison avec ce qui se passe à cet égard en hyver, qu'en ce que la coagulation est moins prompte dans la premiere que dans la seconde de ces circonstances: on sait seulement que la sérosité du sang ne se congele qu'au vingt - huitieme degré du thermometre de Farenheit, & que par consequent il faut un plus garnd froid pour la convertir en glace. Qu'à l'égard de l'eau qui commence à se geler des le trente deuxieme, c'est peut - être parce que la sérosité est un peu salée, qu'elle résiste davantage à perdre sa fluidité: mais il suffit pour le sujet dont il s'agit ici, que l'on soit assuré que le froid hâte la tendance naturelle du sang à la coagulation; c'est pourquoi s'il arrive à ceux qui tombent en syncope de rester assez dans cet état pour que par la grande diminution du mouvement des humeurs elles ayent eu le tems de se refroidir, il se forme alors, par une suite du défaut d'agitation vitale & du froid qui s'ensuit, des concretions polypeuses autour du coeur dans les gros vaisseaux; concrétions qui sont le plus souvent de nature a ne pouvoir être resoutes.

La constriction des vaisseaux & la coagulation du sang, sont donc des effets du froid de l'air sur les corps des animaux; d'où peuvent s'ensuivre de grands desordres dans leur économie, à - proportion de l'intensité de la cause qui a produit ces effets. Cette cause est même de nature à pouvoir les opérer après la mort, puisque dans cet état il ne reste plus dans le corps animal d'autre principe de chaleur, que de celle qui lui est commune avec tous les corps inanimés; chaleur qui à quelque degré qu'elle soit dans l'atmosphere, n'est jamais, comme il a été dit plusieurs fois, qu'un froid respectis: ainsi ce froid causant une constriction générale dans tous les solides, elle est plus forte dans chaque partie à - proportion de sa densité; par consequent les arteres dont les tuniques sont plus compactes que celles des veines, se resserrant davantage, tout étant égal, expriment la partie la plus fluide du sang dans les vaisseaux plus foibles, c'est - à - dire dans les veines, & ne retiennent que la plus grossiere, celle qui a perdu sa fluidité, ensorte même qu'elles se vuident souvent entierement; d'où résulte que le froid contribue à donner de l'action aux aisseaux, non - seulement pendant la vie pour la conserver par l'exercice des fonctions, en y entretenant la chaleur à un degré uniforme & toûjours supérieur à celle de l'atmosphere, mais encore après la mort, en donnant lieu à certains mouvemens dans les solides & dans les fluides, tant que ceux - ci sont disposés à conserver de la fluidité, & à céder à l'action de ceux - là: d'où surviennent souvent dans les cadavres différentes sortes d'evacuations de sang, de sérosités, d'urine, &c. par les voies qui n'offrent pas de la résistance à ces efforts automatiques. On peut donc encore inférer de ces effets posthumes, que si le froid peut opérer des mouvemens aussi marqués dans les corps des animaux sans le concours de la vie, il doit influer [p. 328] bien davantage à - proportion sur les opérations des corps animés, en tant qu'il contre - balance les effets qu'y produit la chaleur qui leur est propre, en les bornant, d'autant plus qu'il a plus de part à sa génération, dans une certaine latitude; en empêchant par conséquent le trop grand relâchement des fibres, la dissolution trop considérable des humeurs qui seroient les suites de la chaleur & du mouvement laissés à eux - mêmes dans les animaux; en conservant convenablement la fermeté, l'élasticité dans celleslà, & la densité, la consistance dans celles - ci.

Mais lorsque le froid augmente au point de former des résistances au cours des fluides, résistances que la puissance motrice ne peut plus surmonter, & dont conséquemment elle ne peut plus tirer avantage pour la production de la chaleur animale, les effets qui s'ensuivent ne peuvent, comme on l'a déjà fait pressentir, qu'être très - nuisibles à l'exercice des fonctions nécessaires pour la vie saine, & même seulement pour l'entretien de celles sans lesquelles la vie ne peut subsister. Le cours des humeurs est d'abord considérablement ralenti, & s'arrête même totalement dans les parties les plus exposées à l'impression du froid, & dans lesquelles la force impulsive est le plus affoiblie, à cause de l'éloignement du principal instrument qui l'a produit, c'est - à - dire du coeur: ainsi la surface du corps en général, & particulierement les extrémités, les piés, les mains, le nez, les oreilles, les levres, sont les parties les plus susceptibles d'être affectées des effets du froid; la peau se fronce, se resserre sur les parties qu'elle enveloppe immédiatement; elle comprime de tous côtés les bulbes des poils, elle rend ainsi ces bulbes saillans; elle reste soûlevée sous forme de petits boutons dans les portions qui les recouvrent comparées à celles des interstices de ces bulbes; elle est seche & roide, parce que ses pores étant resserrés, ne permettent point à la matiere de l'insensible transpiration de se répandre dans sa substance, pour l'humecter, l'assouplir, & que les vaisseaux cutanés ne recevant presque point de fluides, elle perd la flexibilité qui en dépend. Les ongles deviennent de couleur livide, noirâtre, à cause de l'embarras dans le cours du sang des vaisseaux qu'ils recouvrent: c'est par cette même raison que les levres & différentes parties déliées de la peau, paroissent violettes, attendu que les vaisseaux sanguins y sont plus nombreux, plus superficiels. Tout le reste des tégumens est extrèmement pâle; parce que le resserrement des vaisseaux cutanés empêche le sang d'y parvenir. Le sentiment & le mouvement sont engourdis dans le visage, dans les mains & les piés; parce que la constriction des solides pénétrant jusqu'aux nerfs & aux muscles, gêne le cours des esprits animaux, empêche le jeu des fibres charnues: d'où s'ensuit que même les mouvemens musculaires qui servent à la respiration, se font difficilement; ce qui contribue à l'oppression que donne le froid, joint à ce que la surface des voies de l'air dans les poumons ayant beaucoup d'étendue, n'étant pas moins exposée que la peau, & n'ayant que très - peu d'épaisseur, éprouve à proportion les mêmes effets du froid qu'elle, par conséquent avec plus d'intensité; & que le sang de ce viscere y est, comme il a été dit, très - exposé à la coagulation; ce qui ajoûte beaucoup à l'embarras du cours des humeurs dans ce principal organe auxiliaire de la circulation.

Tous ces différens symptomes peuvent exister avec plus ou moins d'intensité; mais ils constituent toûjours un véritable état de maladie: lorsque la lésion des fonctions en quoi ils consistent est durable, ils peuvent même, comme il a déjà été dit, avoir les suites les plus sunestes, si par la continuation des effets du froid, les embarras dans le cours des humeurs s'étendent beaucoup de la circonférence vers le cen<cb-> tre, & deviennent à proportion aussi considérables au - dedans qu'au - dehors: d'ou titent d'abord leur origine la plûpart des maladies causées par la suppression de la transpiration insensible (voyez Transpiration); d'où se forment souvent de violentes inflammations dans les membres, sur - tout dans leurs extrémités qui ont beaucoup de disposition à le terminer par la gangrene, le sphacele (voyez Engelure, Gangrene, Sphacelf ); d'où plus souvent encore prennent naissance les fluxions inflammatoires de la membrane pituitaire, de la gorge, des poumons, de la plevre, à cause du contact immediat ou presque immédiat de l'air froid auquel sont expotees toutes ces parties. Voyez Rhume, Enchierenement, Esquinancie, Péripneumonie, Pleurésie

L'application de l'air, de l'eau, ou de toute autre chose qui peut exciter un sentiment vif de froid sur certaines parties du corps qui y sont le moins expesées, qui sont toûjours plus chaudes que d'autres, produit toûjours des constrictions, des resserremen, non - seulement dans les vaisseaux de la partie airsi affectée & même de toute l'étendue de la peau, mais encore dans l'intérieur, dans les visceres, où peuvent être produits les mêmes vices, qui sont les suites des impressions immédiates du froid: d'où il arrive souvent entre autres accidens, que les femmes éprouvent la suppression de leurs regles, par l'effet d'avoir passé subitement d'un air chaud à un air bien froid, ou d'avoir souffert le froid aux piés, aux mains avec assez d'intensité ou de durée, ou de s'être trempé ces parties dans de l'eau bien froide. Tous ces accidens surviennent dans ces cas d'autant plus aisement, si les personnes qui les éprouvent avoient auparavant tout leur corps bien chaud. Il en est de même à l'égard de la boisson bien froide, de la boisson à la glace, dans la circonstance où le corps est échauffé par quelque exercice, par quelque travail violent; ce qui donne lieu à des maladies très - aigue, & très - communes parmi les gens de la campagne, les gens de fatigue.

Dans tous ces cas, quoique l'effet immédiat du froid ne porte que sur les parties externes, ou sur celles qui communiquent avec l'extérieur qu'il affecte par les propriétés physiques qui ont été si souvent mentionnées; cet effet ne se borne pas à la surface de ces parties; il est attaché à l'impression du froid, de causer une sorte de stimulus dans le genre nerveux, d'en éxciter l'irritabilité, & d'occasionner une tension, un érétisme général dans toutes les patties du corps; d'où se forme un resserrement dans, tous les vaisseaux, qui fait un obstacle dans tout le cours des humeurs, à raison de la diminution proportionnée dans le diametre de chacun d'eux, diminution qui restraint par conséquent la capacite des parties contenantes, & donne lieu à une plethore respective; ensorte que la partie des humeurs qui devient excédente par - là, est forcée par les lois de l'équilibre, dans le systeme vasculeux du corps animal, à se porter dans la partie qui en est la plas foible; ou s'il n'en est aucune qui cede, il s'ensuir nécessairement que la circulation des humeurs trouvant par - tout une égale résistance, se trouve aussi par - tout embarrassée, & disposée à s'arrêter. Tel fut le cas d'Alexandre, mentionné dans Quinte - Curce, lib. II. cap. v. Ce prince ayant voulu pendant le fort de la chaleur du jour, dans un climat brûlant, se laver dans le fleuve Cydnus, de la poussiere lée à la sueur dont son corps étoit couvert, après s'être échauffé excessivement par les plus grandes fatigues de la guerre, fut tellement saisi du froid de l'eau, que tout son corps en devint roide, immobile, couvert d'une pâleur mortelle, & parut avou perdu toute sa chaleur vitale; ensorte qu'il fut tiré

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