ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"325"> soit qu'il provienne de cause interne, que l'on ne peut pas concevoir que les humeurs y conservent encore du mouvement; ou il est si peu considérable, que le frottement qui en peut résulter, entre les humeurs & les vaisseaux qui les contiennent, non - seulement n'est pas suffisant pour engendrer une chaleur assez grande pour se communiquer à toutes les parties internes du corps, & y conserver uniforme celle qui subsistoit auparavant; mais encore pour en engendier une qui excede tant - soit - peu le degré de celle de l'atmosphere: d'ou il suit que la chaleur du dedans du corps doit bien - tôt périr dans ces cas, comme celle de sa surface, puisqu'elle n'est plus renouvellée; ce qui est contraire à l'observation, dans ceux qui sont rappellés à la vie d'une mort apparente cautee par la violence du froid auquel ils ont été exposes, qui n'a pû être assez contrebalancé par la chaleur interne, & dans ceux qui sont dans un grand froid de fievre, mais sur - tout dans la sievte lypyrie. Il n'en est pas ainsi, dans la supposition que les capillaires internes contribuent à la chaleur animale, ainsi que les externes: dans tous ces cas, ceux - là peuvent conserver suffisamment la chaleur, pour empêcher la cessation du cours des humeurs dans les gros vaisseaux, & en entretenir la fluidité & la circulation, assez pour conserver un germe de vie, en empêchant que les humeurs ne perdent entierement leur fluidite: mais à l'égard de l'espece de fievre qui vient d'être mentionnée, peut - on ne pas convenir que les capillaires internes sont aussi propre, à engendrer la chaleur, que les externes, tout etant égal; puisque dans cette fievre, les malades se sentent dévorés par l'exces de chaleur interne, tandis qu'ils paroissent gelés au - dehors? ce qu'il est aisé d'expliquer, en attribuant aussi la génération de la chaleur aux capillaires internes. Le grand épaississement des bumeuis chargées de beaucoup de parties huileuses, suffit pour en concevoir, qu'elles ne peuvent pas être portees dans les capillaires cutanés, sans que le froid de l'atmosphere ne les dispose davantage à suivre la tendance de leur force de cohésion, à se figer, à suspendre leur cours, qu'à produire de la chaleur par le trottement; tandis que les capillaires internes moins expo és à l'effet coagulant de l'air ambiant, contribuent d'autant plus à la génération de la chaleur, que les humeurs en général, & particulierement les glebules sanguins, ont plus de densité. D'ou on peur inferer ici à cette occasion, pourquoi les personnes d'un tempérament plilegmatique, cacochyme, cholorotique, ne sont pas sujettes à des fievres de cette espece, aux fievres ardentes, comme les personnes d'un temperament bil eux, sanguin, & c'est aussi pourquoi ceux - là, dans l'etat de fanté même, ont moins de chaleur naturelle que ceux - ci; non - seulement donc parce que les humeurs sont plus denses, mais encore parce que les solides sont plus élastiques dans ceux - là que dans ceux - ci; ce qui rend aussi les premiers plus susceptibles, tout étant égal, que les seconds, de sensibilité au froid, & de tous les effets qui en suivent.

Il n'a été question jusqu'ici, en traitant des causes de la chaleur, pour rechercher celles du froid, que du frottement entre les fluides & les solides: pourquoi ne seroit - il pas fait mention du frottement ou de l'attrition des solides entre eux, & des globules des fluides aussi entre eux? Le docteur Douglas a prétendu, dans son ouvrage cité, que les effets de ces frottemens ne devoient point être comptés parmi les puissances méchaniques qui contribuent à la génération de la chaleur animale: mais son jugement à cet égard étant dénué de preuves solides, peut - il être tegardé comme sans réplique, tant qu'il reste des faits, dont il est bien difficile d'écarter l'application qui se présente à en faire au sujet dont il s'agit? Il est certain que les mains frottées l'une contre l'autre, sont susceptibles de s'échausser: il ne se fait autre chose dans ce cas, qu'une attrition des fibres cutanées; telle qu'elle peut avoir lieu entre deux morceaux de bois frottes l'un contre l'autre, qui s'échauffent par ce seul effet.

Peut - on ne pas concevoir que les vaisseaux innombrables dont est composé le corps humain, étant tous contigus, ne peuvent osciller, se dilater, augmenter de diametre, se resserrer, s'alonger, & se raccoureir; éprouver alternativement ces différens changemens sans discontinuité, pendant toute la vie, sans se frotter entre eux, sans se toucher pendant leur dilatation, par un plus grand nombre de points qu'ils ne saisoient pendant leur contraction; ce qui est tur - tout bien sensible à l'égard de l'espece de vaisseaux que l'on sait être susceptibles d'une pulsation marquée, continuellement renouvellée, tant que la vie dure. Ces changemens de continuité plus ou moins étendue, ne peuvent pas se faire sans qu'il se fasse aussi en même tems une espece d'attrition entre les parties élémentaires des fibres qui composent les vaisseaux, & le frottement étant aussi répété & aussi sort que l'impulsion des humeurs dans leurs vaisieaux, il ne peut que s'ensuivre un développement, une plus grande action des particules ignees distribuées entre ces fibres, entre ces parties élémentaires, d'ou doit être engendrée une véritable chaleut dans le corps qui en est composé. Voyez les étémens de Clamie de Boernaave, part. II. exper. X. cotol. 5.

Il y a donc lieu de penser que le mouvement des vaisseaux entre eux, l'oseillation de leurs fibres, le frottement des museles les uns contre les autres, lorsqu'ils sont mis en action dans les exercices & les travaux du corps, peuvent contribuer à la production de la chaleut animale; & par conséquent, que ces différentes sortes de mouvemens servent par cette raison à combattre, à empêcher les effets du froid, à proportion qu'ils sont plus considérables; & vice versâ.

Il n'est pas moins vraissemblable, que le mouvement des fluides, sur - tout le choc des globules sanguins entre eux, leur broyement en tout sens par la contraction des vaisseaux, par la force impulsive, par la pression contre les extrémités résistantes, ont aussi part à ce phénomene. Si on a égard à ce que rapporte le docteur Martine, dans son traité de la chaleur animale, au sujet de l'eau même, qu'il assûre avoir échauffée par le seul mouvement, par la seule agitation: mais sur - tout ce qu'a observé Albinus à l'égard du lait, qui acquiert une chaleur sensible par la seule attrition nécessaire pour le convertir en beurre; ce qui n'est pas ignoré des gens même qui le font; observation fort relative à ce dont il s'agit, à cause de l'analogie que l'on sait être entre le lait & le sang, qui sont composés l'un & l'autre d'un grand nombre de globules huileux flottans dans un véhicule aqueux; & entre la maniere dont sont préparés, battus, l'un & l'autre de ces fluides, peur que le lait soit changé en beurre & le chyle en sang: de ce que le lait est susceptible d'être échauffé par le seul mouvement, on peut même en inférer, à l'égard du sang, que tout étant égal, l'effet doit être plas grand, à proportion de la densité des globules de celui - ci sur les globules de celui - là.

Ainsi on peut conclure de cette derniere assertion, que la différence du sang dans les différens sujets, contribue beaucoup à la différence que l'on observe dans la chaleur naturelle; & le plus ou le moins de disposition à recevoir les impressions du chaud & du froid, à l'égard de chaque individu, respectivement au tempérament dont il est doüé, c'est - à - dire selon que la masse de ses humeurs abonde plus ou moins [p. 326] en globules rouges, & que ces globules sont plus ou moins denses, plus ou moins élastiques. C'est sans doute par cette considération, que l'auteur du livre sur le coeur, que l'on trouve parmi les oeuvres d'Hippocrate, dit, en comparant le sang aux autres humeurs, qu'il n'est pas chaud de sa nature, mais susceptible de s'échauffer, apparemment à cause de sa consistence: ce qui paroît en effet devoir réellement concourir, avec la disposition des solides, pour la production plus ou moins facile, plus ou moins constante de la chaleur animale, qui augmente & diminue avec l'augmentation & la diminution d'action dans les vaisseaux, & d'agitation dans les humeurs; ce qui rend raison de l'intempérie froide qui domine dans les personnes d'un tempérament pituiteux, dans les hydropiques, dans les chlorotiques, en un mot dans tous ceux dont le sang est mal travaillé, manque de condensation, ou dont les globules rouges bien conditionnés ne sont pas en suffisante quantité, comme après les grandes hémorrhagies: ce qui sert aussi à l'explication du défaut de chaleur propre dans la plûpart des poissons, & dans tous les animaux, dont les solides relâchés, les humeurs aqueuses, ne sont susceptibles entre eux & les solides, que de frottemens, de chocs très - foibles; d'où résulte si peu de chaleur, qu'elle est emportée par le milieu ambiant, à - mesure qu'elle est produite: d'où s'ensuit que ces animaux ne peuvent acquérir aucun degré de chaleur supérieur à celle de ce milieu, & que leur terupérature éprouve toutes les variations de celle des corps inanimés.

Toutes ces différentes puissances méchaniques qui viennent d'être proposées, d'après la plûpart des physiologistes modernes, comme propres à concourir à la génération de la chaleur propre aux animaux, & à la production, par la raison des coniraires, de tous les phénomenes du froid, que les animaux sont susceptibles de ressentir, & dont ils éprouvent les effets les plus importans, particulierement pour le maintien de l'unitormité de cette chaleur, paroissent exister dans l'économie animale, d'une maniere si prouvée, qu'il est impossible de se persuader, avec le docteur Douglas, qu'elles doivent être rejettées, en faveur de son systeme; d'aurant plus qu'elles ne sont point incompatibles avec lui, ainsi qu'on vient de tâcher de l'établir; & qu'au contraire elles sont comme des accessoires qui servent à l'étayer & à le soûtenir contre les objections qui pourroient le renverser entierement, si elles n'étoient pas de nature à fournir des moyens de défense tirés de l'adresse même avec laquelle l'attaque a été formée. Il est vrai que ce système perd par - là l'avantage de la simplicité, & qu'il semble par conséquent n'être plus conforme aux vûes de la nature, qui opere en général avec le moins de dépense possible: mais elle ne peut en user ainsi, que pour des effets non compliqués: il lui faut des causes multipliées, là où les besoins sont essentiellement distingués & différens, quoique relativement au même objet: les diverses combinaisons qui en dérivent exigent autant de causes différentes, qui prises séparément, sont aussi simples les unes que les autres, parce qu'elles ont chacune leur destination particuliere, par rapport aux circonstances variées qui les mettent en oeuvre.

Il résulte donc de tout ce qui a été dit dans cet article, que par une admirable disposition dans l'économie animale, c'est à la diminution de la chaleur dans l'atmosphere, c'est - à - dire au froid même, qu'il semble démontré que l'on doit attribuer principalement l'entretien des effets du feu, à l'égard des animaux chauds, à un degré à - peu - près uniforme dans l'état de santé, & proportionné en raison inverse, précisément à celui de l'augmentation du froid; pourvû cependant que les efforts des organes vitaux pour conserver la fluidité, le mouvement, le cours des humeurs, soient toûjours supérieurs aux résistances causées par la constriction des solides, par le resserrement des vaisseaux; effets constans du froid, auxquels il est attaché, en donnant occasion à de plus grands frottemens entre toutes les parties du corps animal, tant solides que fluides, mais sur - tout entre les globules sanguins & les parois des vaisseaux capillaires, d'exciter l'action des particules ignées dans l'intérieur de ce corps, à - proportion qu'elle diminue au - dehors.

Ce sont donc les mouvemens absolumens nécessaires pour la conservation de la vie saine dans les animaux, qu'il faut regarder comme les antagonistes du froid; puisque tout étant égal & bien disposé, la chaleur augmente constamment à - mesure qu'ils augmentent de force & de vîtesse, & qu'elle diminue de même avec la diminution de ces mouvemens, parce que le frottement qu'ils occasionnent augmente & diminue avec eux. Ainsi dans tous les cas où ils ne sont pas suffisans, soit par l'exces du froid dans le milieu ambiant, soit par le vice particulier des solides, ou par celui des fluides, pour entretenir la chaleur ammale dans sa latitude ordinaire; chaleur qui doit par conséquent toujours excéder celle de l'atmosphere même, dans les plus grandes chaleurs de l'été: l'animal dans lequel ce defaut de chaleur naturelle a lieu, éprouve le sentiment & les autres effets du froid dans toutes les parties de son corps, si ce défaut y est général; ou dans quelques - unes seulement, si ce défaut n'est que particulier. Dans l'un & dans l'autre cas, le froid ne peut ainsi se faire sentir pendant un tems considérable, sans devenir une cause de desordre dans l'économie animale. (d)

Froid (Page 7:326)

Froid, (Patholog.) il suit de ce qui vient d'être établi à la fin de l'article précédent, que le froid considéré entant qu'il produit ses effets dans le corps des animaux chauds, dans le corps humain, peut être lui - même produit par des causes externes & par des causes internes, par rapport à l'individu qui le souffre.

La principale cause externe de ce froid animal est le froid de l'atmosphere. Le premier degre de celui - ci, relativement à ses effets physiques les plus susceptibles, hors de nous, de tomber sous les sens, est marqué par la diminution de l'action du feu à l'égard de l'eau, au point où elle cesse d'être fluide, où elle devient un vrai solide, qui est la glace: mais ce changement, qui est la congelation, ne se fait encore à ce degré de froid, que dans de très - petites masses d'eau. Il est toûjours plus considérable, à - mesure que le froid augmente; & dans les climats temperes, cette augmentation se fait jusqu'à la moitié du nombre des degrés dont augmente l'action du feu dans l'atmosphere, par - dessus le degré de la congelation, pour former la plus grande chaleur dont ces climatsci sont susceptibles: ensorte que comme le plus grand hyver de ce siecle y fit descendre le mercure du thermometre de Farenheit environ à 32 degrés au - dessous de zéro, c'est - à - dire du point où commence la congelation, les plus grandes chaleurs l'ont fait monter à environ 98: ce qui fait une augmentation de deux tiers par - dessus le point de la congelation: ainsi le degré moyen entre le plus grand chaud & le plus grand froid dans l'atmosphere, est celui de la température qui a été observée dans les caves de l'Observatoire de Paris; ce degré est fixé à 10 au - dessus du point de la congelation. Selon la division du thermometre de M. de Réaumur, c'est le point moyen des variations de cette température, dont la latitude, selon le thermometre de Farenheit, s'étend du quarante - cinquieme degré, ou environ, au cinquantecinquieme. Ainsi au degré moyen de cette latitude, l'eau est également éloignée d'être convertie en gla<pb->

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