ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"323"> ces vaisseaux, & les relâcher par la raréfaction qui s'ensuit, ce dernier effet sera toûjours d'autant moindre, qu'il sera plus contre - balancé par celui du froid extérieur, qui cause le resserrement de ces vaisseaux; parce que le relâchement seroit bien plus considérable, tout étant égal, par l'effet de la cause interne de la chaleur, si ce froid extérieur ne s'y opposoit pas? Ainsi, ne peut - on pas conclure de - là, qu'il reste toûjour que le resserrement doit être plus considérable par les effets du froid, qu'il n'est empêché par les effets synchrones de la chaleur dont il occasionne la génération? d'où doit résulter plus de frottement, plus de chaleur par conséquent dans le cas du froid externe, que dans le cas opposé. Ne peut - on pas concevoir ainsi une contrenitence continuelle entre la cause de la chaleur animale & le froid extérieur? D'où on peut inférer que dans l'hyver, la chaleur animale appartient davantage à l'animal même; que dans l'été elle appartient plus aux causes externes; qu'il y a donc en quelque sorte moins de vie dans les animaux en été, qu'en hyver; puisqu'il y a moins d'action vitale; que l'on est plus fort, plus vigoureux en hyver, tout étant égal; parce que le froid, qui condense tous les corps en tenant les vaisseaux dans un état de plus grande constriction, & en donnant lieu par - là à l'augmentation des résistances, occasionne plus d'action, plus d'efforts par conséquent de la part de la puissance motrice pour les vaincre; d'où l'augmentation du mouvement progressif, des humeurs, plus de frottement dans les capillaires, plus de chaleur, sans que ces efforts, ce mouvement, puissent être regardés comme des effers de fievre proprement dite, puisqu'ils augmentent sans diminution de forces; au contraire, attendu que l'augmentation d'action dans les solides procure une plus grande élaboration, une plus grande atténuation d'humeur, d'où résulte une préparation, une secrétion plus abondante de fluide nerveux; plus de disposition par conséquent au mouvement musculaire, à l'exercice: au lieu qu'en été la raréfaction des solides en général, par la chaleur exrérieure diminue l'élasticité des fibres des animaux, en diminuant la cohésion de leurs parties élémentaires; d'où tout étant égal, résulte moins de jeu dans leurs vaisseaux; d'où s'ensuit dans les grandes chaleurs une presqu'atonie universelle, une diminution proportionnée de l'action des organes vitaux; d'où le ralentissement du cours des humeurs dans les capillaires, le relâchement de ces vaisseaux, le moins de frottement des globules sanguins, meins de chaleur qui est l'effet de ce frottement, moins de résistance au cours des humeurs dans tous les vaisseaux; conséquemment moins d'efforts de la puissance motrice, pour surmonter cette résistance; d'où moins d'attrition, d'atténuation de la masse des humeurs, d'élaboration, de secrétions du fluide nerveux; d'où enfin la foiblesse, l'abattement que l'on éprouve toûjours par une suite de la chaleur de l'atmosphere: d'où s'ensuit, que les hommes obligés à se livrer à de grands travaux, à de grandes peines de corps, les soûtiennent mieux dans les tems froids, ont plus de forces, plus d'appétit pour les maintenir, que dans les tems chauds. C'est sans doute par cette considération, que Dioclès medecin contemporain d'Aristote, dans sa lettre à Antigonus, roi d'Asie, qui contient plusieurs préceptes, concernant la conservation de la santé, donne pour maxime, en forme d'aphorisme, qu'il faut prendre plus d'alimens, boire moins en général, & boire davantage de vin pur, àproportion qu'il fait plus froid; & qu'il faut par conséquent manger moins, boire davantage, & boire son vin plus trempé, à - proportion que les chaleurs augmentent. On peut donc conclure de ce qui vient d'être dit, que le plus ou le moins de constriction dans les vaisseaux en général, & dans les vaisseaux capillaires en particulier, influe principalement sur tous ces effets, comme sur le plus ou le moins de génération de la chaleur animale; ainsi l'on peut concevoir que cette chaleur y est produite, sans qu'elle fasse en même tems cesser le resserrement de ces mêmes vaisseaux, qui est la condition efficiente: ainsi l'assertion du docteur Douglas qui établit ce resserrement, & en conséquence le frottement des globules sanguins dans les capillaires, comme cause de la chaleur animale, semble subsister sans atteinte à l'égard de la premiere objection: passons à la seconde.

On ne peut que convenir avec tous les Physiologistes, que le mouvement du sang est très - lent dans tous les capillaires; que le degré de cette lenteur doit varier à - proportion des résistances, & par conséquent qu'elle augmente avec le plus de resserrement causé par l'augmentation du froid. Mais n'y a - t - il pas lieu de penser qu'il augmente ce ralentissement du cours des humeurs, seulement jusqu'à ce que les forces vitales par la disposition naturelle de la puissance motrice, ayent surmonte les résistances qui le causent, sans changer l'état de resterrement des solides, c'est - à - dire jusqu'à ce que les humeurs ayent éprouvé l'effet de l'augmentation du ressort dans tous les vaisseaux, la plus grande action qu'ils exercent en conséquence sur elles; que celles ci en soient en général plus affinées, & que les globules sanguins en particulier soient desunis au point de pouvoir passer l'un après l'autre dans les extrémités capillaires, & même d'être forcés à s'alonger, à prendre la forme ovale; ce qui les rend propres à opérer plus de frottement, à - proportion qu'ils touchent les parois des vaisseaux par des surfaces plus étendues; qu'il se fait par conséquent entre eux un frottement plus considérable qu'il ne se faisoit, lorsqu'il passoit plus d'un globule à la fois, & qu'ils touchoient aux parois des vaisseaux par moins de pointa: ensorte que l'on peut concevoir ainsi, que le mouvement des humeurs dans les capillaires redevient aussi peu lent qu'il etoit avant le resserrement, sans que le resserrement en diminue d'aucune façon, dans la supposition que la cause en subsiste toûjours. Or comme la faculté de procurer la sensation du froid est attachée à l'impression qui résulte de la diminution du mouvement intestin causé par l'action du feu, au - dessous de celui qui constitue notre chaleur naturelle: que la cause de cette diminution dépende du froid de l'atmosphere, ou d'une gêne dans le cours du sang, occasionnée par un resserrement spasmodique des vaisseaux, ou par épaississement des humeurs; il est aisé ensuite de ce qui vient d'être dit, de rendre raison pourquoi est - ce qu'on est si sensible au froid, lorsqu'on passe tout - d'un - coup d'un milieu qui est d'une température plus approchante de notre chaleur, à une température bien plus froide. N'est - ce pas parce que celle - ci produit si promptement le resserrement des capillaires cutanés, qu'elle y forme à - proportion de plus grandes résistances au cours des humeurs qui se ralentit aussi à - proportion? d'où la sensation du froid, ainsi qu'on l'observe à l'égard des changemens subits du chaud au froid dans l'air, qui ont lieu sur - tout en automne, tems auquel on éprouve plus de sensibilité à ce changement de température, qu'on n'en éprouve dans le tems de la gelée la plus forte, quoique dans le premier cas, les effets du froid soient absolument moins considérables, quoiqu'il se fasse alors une moindre constriction dans les capillaires, & qu'il en résulte absolument moins de résistance au cours des humeurs. Cette résistance est respectivement plus effective, parce que le relâchement des solides subsistant encore intérieurement, la puissance motrice ne peut augmenter ses efforts, [p. 324] & opposer plus d'action pour vaincre cette: ésistance, qu'après que les effets du froid ont condensé de proche en proche tous les solides, en ont augmenté le ressort, ont attenué les humeurs, en ont tiré plus de fluide nerveux; ce qui n'a lieu que lorsque le froid a subsisté quelque tems. Alors un plus grand froid fait moins d'impression, parce que le cours du sang dans les capillaires étant rétabli, sans que leur resserrement ait cessé, il s'y fait plus de frottement, il s'y engendre conséquemment plus de chaleur. C'est par une raison à - peu - près semblable, que l'on est affecté d'une sensation de froideur dans les parties sujettes aux accès de douleur rhumatismale; dans ces différens cas, cette sensation dure jusqu'à ce qu'il survienne, pour ainsi dire une fievre, c'est - à - dire, une augmentation d'emploi des forces vitales, une plus grande action des organes circulatoires, qu'il n'en falloit auparavant pour surmonter une moindre résistance dans les capillaires, où le cours des humeurs s'est ralenti. De ces augmentations doivent s'ensuivre plus de division de ces humeurs, plus de fluidité qui y rétablit la disposition à passer librement par les vaisseaux resserrés ou embarrassés; d'où la cessation de celle qui donnoit lieu à cette sensation. C'est aussi pourquoi ceux qui passent en peu de tems d'un pays froid, d'un pays de montagne, par exemple, dans un pays d'un climat plus doux, dans un pays de plaine, trouvent qu'il fait chaud dans celui - ci, tandis que ceux qui l'habitent s'y plaignent du froid. On ne peut en effet attribuer cette différence de sensation dans le même milieu, qu'à ce que les premiers ayant leurs vaisseaux capillaires dans un état de resserrement plus grand que ne les ont ceux de la plaine, & la puissance motrice étant néanmoins montée dans ceux - là à surmonter ce resserrement, à en tirer plus de chaleur animale, par conséquent ils passent dans un milieu plus chaud ou moins froid, sans que la disposition génératrice de la chaleur interne, qui n'est pas la même dans ceux qui sont habitués à ce milieu, cesse aussi - tôt. Ainsi il y a donc dans ceux - là une cause de chaleur qui n'est pas dans ceux - ci: d'où suit l'explication du phénomene tirée de la lenteur des humeurs qui subsiste dans les capillaires des derniers, tandis qu'elle a été surmontée dans les premiers. Ainsi il suit de tout ce qui vient d'être dit, que la difficulté tirée de la lenteur des numeurs, ne peut plus être mise enavant; s'il est prouvé, comme on se flate de l'avoir fait, que par la disposition la plus admirable dans le corps animal, bien loin que le resserrement des capillaires retarde le cours des humeurs; aussi constamment qu'il subsiste lui - même, il en occasionne l'accélération, par - là même qu'il lui avoit d'abord opposé de la résistance: ainsi la seconde objection contre le système anglois, paroît n'être pas plus décisive que la premiere; il reste à examiner la troisieme.

Cette difficulté tirée du petit nombre de vaisseaux générateurs de la chaleur animale, en comparaison de toutes les autres parties, qui non - seulement ne contribuent pas à sa production, mais encore absorbent, pour ainsi dire, la plus grande partie de celle qui est engendrée dans ces vaisseaux. Cette difficulté paroît assez embarrassante dans le système du docteur anglois, si l'on borne, avec lui, le resserrement des capillaires causé par le froid, aux seuls capillaires cutanés, & si l'on ne considere ce resserrement comme cause occasionnelle de la chaleur animale, qu'entant qu'il a lieu dans ces seuls vaisseaux: mais en admettant, d'après ce qui a été proposé ci - devant, que le froid opere ce resserrement non - seulement à la surface du corps, mais encore dans toutes ses parties internes, à mesure que le froid, par sa durée & par son intensité, parvient à condenser tous les corps sans exception, en gagnant de proche en proche de la circonference au centre; cette condensation ne peut - elle pas être conçûe également dans le corps humain, si l'on fait attention à ce que le froid exterieur étant en opposition avec la cause interne de la chaleur animale, quant à la propagation de celle - ci, empêche que les solides se raréfient, se relâchent autant qu'il arriveroit si le milieu ambiant n'absorboit pas, pour ainsi dire, les effets de la chaleur interne, à - proportion qu'elle est plus considérable que celle de ce milieu? Cette soustraction des effets de la chaleur ne peut - elle pas être regardee, par rapport aux parties qui les éprouveroient si elle n'avoit pas lieu, comme une vraie condensation proportionnée au moins de relâchement qui résulte de cette soustraction? Ainsi, dans cette supposition, les solides de tous les vaisseaux, & par conséquent ceux des capillaires, devant être condensés par l'effet du froid, d'où s'ensuit la diminution en tout sens du volume du corps animal, dont il n'y a pas lieu de douter & de rendre raison autrement; les capillaires de toutes les parties internes peuvent donc contribuer à la génération de la chaleur animale, par leur resserrement à - proportion de ce qu'ils sont susceptibles de recevoir les impressions du froid extérieur: ils le sont à la vérité d'autant moins qu'ils sont plus éloignés de la surface du corps; mais ils le sont, & on ne peut pas refuser d'accorder que leur nombre est bien pour le moins aussi supérieur à celui des capillaires cutanés, que ceux - ci sont plus exposés au froid extérieur que ceux - là: la chose est trop évidente pour qu'il y ait besoin de calcul. On peut hardiment assûrer que la somme du resserrement des capillaires internes, quoiqu'il soit bien moindre dans chacun en particulier, doit au moins égaler celle du plus grand resserrement des externes; d'où s'ensuit que ceux - là concourent autant que ceux - ci à la génération de la chaleur: par - là même, que ceux - là pris en total sont susceptibles des effets du froid, à - proportion autant que ceux - ci.

Cela posé, c'est - à - dire les trois difficultés établies contre le systeme du docteur Douglas, étant ainsi resoiues, il semble, par l'addition qui vient de lui être faite, n'avoir que gagné, en acquérant plus de vraissemblance, & en devenant plus conforme à tous les phénomenes que le froid produit dans l'oeconome animale; puisqu'il n'en reste pas moins, que la génération de la chaleur interne se fait dans les capillaires par le resserrement des capillaires cutanés; mais qu'il en résulte aussi qu'elle se fait dans tous les autres capillaires; & qu'il s'ensuit ainsi de plus, que les ces de cette chaleur sont plus étendues, plus abondantes, plus proportionnées à la masse à laquelle elle doit se communiquer. On satisfait de cette maniere à toutes les objections rapportées ci - devant.

On évite même une autre difficulté qui se presente à cette occasion; elle consiste en ce qu'il n'est guere possible de comprendre comment on peut être affecté de la sensation du froid, si l'organe qui est le plus exposé à en recevoir les impressions, n'est pas moins exposé en même tems aux impressions qui lui viennent des seuls organes générateurs de la chaleur: car les houpes nerveuses sont bien aussi contigues pour le moins aux vaisseaux capillaires cutanes, qu'elles le sont à la surface de l'atmosphere qui s'applique à celle du corps. Cette difficulté bien refléchie paroît être assez importante contre le système du docteur Douglas, entant qu'il n'admet que les capillaires cutanés pour soyer de la chaleur animale; au lieu qu'en l'étendant à tous les capillaires, elle tombe aisément.

D'ailleurs, il est des cas où les capillaires cutanés sont si resserrés par le froid, pendant un tems considérable, soit que ce froid vienne de cause externe,

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