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FRESQUE (Page 7:302)
FRESQUE, s. f. (Peinture.) On appelle peindre à fresque, l'opération par laquelle on employe des couleurs détrempées avec de l'eau, sur un enduit assez frais pour en être pénétré. En italien on exprime cette façon de peindre par ces mots, dipingere à freseo, peindre à frais. C'est de - là que s'est formée une dénomination, qui dans l'orthographe françoise semble avoir moins de rapport avec l'opération, qu'avec le mot italien dont elle est empruntée.
La théorie de l'art de la Peinture étend ses droit, sur toutes les façons de peindre existantes & possibles; parce que les regles théoriques sont fondées sur l'examen de la nature, qui est le but général de toute imitation indépendante des moyens dont elle se sert. Il ne s'agit donc ici que d'exposer d'une façon claire les opérations nécessaires pour peindre à fresque.
Ce qui doit précéder ces opérations est un examen raisonné de l'endroit où l'on veut employer la fresque: il faut que l'artiste s'assûre de la parfaite construction des murailles ou des voûtes, auxquelles il est prêt de confier son ouvrage; puisqu'il n'y a d'elpérance de conserver les beautés dont, au moyen de la fresque, l'art peut embellir l'intérieur des palais ou des temples, qu'autant de tems que la construction des murs n'éprouvera aucun desordre.
La solidité de la construction reconnue, c'est d'un premier enduit, dont le mur doit être revêtu, que l'artiste doit s'occuper; les matériaux qu'on employe étant différens suivant les pays où l'on construit, il faut faire ensorte que ceux de ces matériaux qui seroient par eux - mêmes moins propres à retenir l'enduit, le deviennent par les précautions qu'on peut prendre. La brique n'a besoin d'aucun secours pour se joindre aussi solidement qu'on le peut desirer au premier enduit: c'est aussi de tous les matériaux que l'on peut employer, celui qui convient mieux pour soûtenir la fresque. Si les murs sont construits avec des pierres raboteuses & pleines de trous, on peut encore se fier à ces inégalités du soin de retenir & de conserver le mélange qu'on y appliquera; mais si la bâtisse est faite avec des pierres de taille, dont la surface est ordinairement assez lisse, il sera nécessaire de rendre cette surface inégale, d'y former pour cela de petites excavations, d'y faire entrer des clous ou des chevilles de bois qui puissent arrêter l'enduit & le joindre étroitement à la pierre. Ces précautions sont d'une extrème conséquence pour éviter les fentes ou les ardes que la moindre altération qui arriveroit aux matériaux, ou même l'effet alternatif que produit la sécheresse & l'humidité, pourroit occasionner.
Le premier enduit peut être fait avec de bonne chaux & du ciment de tuiles pilées: on employe plus ordinairement du gros sable de riviere, qu'on mêle à d'excellente chaux. Je ne doute pas que si la fresque étoit plus en usage, on ne pût trouver à composer un enduit peut - être plus compact encore, & plus indépendant des variations de l'air, tel qu'étoit, par exemple, celui dont on trouve revêtus les aqueducs & anciens réservoits construits par les Romains aux environs de Naples: quel soin n'apportoit - on pas à ces recherches de construction? & que nous sommes loin de l'industrie de ces peuples sur cet article; nous qu'un usage assez peu refléchi conduit presque toûjours dans le choix & dans l'emploi des matériaux, que la nature semble nous avoir prodigués; nous dont presque tous les bâtimens modernes portent un caractere national d'impatience & de précipitation!
Quoiqu'il soit nécessaire de dresser avec soin le premier enduit, pour que la surface qu'il compose [p. 303]
La premiere couche dont j'ai parlé étant parfaitement sechée, il faut l'imbiber d'eau à proportion de son aridite, pour donner plus de facilité au premier enduit de s'incorporer avec la nouvelle couche dont il faut le couvrir; c'est cette derniere couche qui servira de champ ou de fond à la peinture à fresque. Cette nouvelle & derniere préparation aussi importante, mais plus delicate que l'autre, se fait en mêlant du sable de riviere d'un grain fort égal, qui ne soit ni trop gres ni trop menu, avec de la chaux éteinte, depuis une année si elle est sorte, ou toutau - moins depuis six mois si elle est plus douce. C'est à un maçon intelligent & actif qu'il faut donner le soin d'étendre, & d'approprier ce crépit; il faut que ce manoeuvre soit intelligent pour préparer avec une juste proportion, ce que le peintre peut employer de cette surface dans sa journée, & il doit être actif pour l'étendre, la nettoyer, la polir, avec la promptitude nécessaire pour que son opération laisse au peintre tout le tems dont il a besoin. On sent bien cependant que cette intelligence & cette activité doivent être ditigées par l'artiste même, & reglées sur sa plus ou moins grande facisité, sur la nature de l'ouvrage & sur la longueur du jour.
J'ai dit que le manoeuvre doit étendre l'enduit. Cette opération se fait avec la truelle; il doit le nettoyer, c'est - à - dire ôter, avec un petit bâton ou l'ente d'un pinceau, les grains de table les plus gros, qui rendroient la surface trop raboteuse. Ce second soin est nécessaire dans les endroits qui sont plus exposes à la vûe. Enfin il faut polir cet enduit que l'on a nettoyé, & pour cela on applique une feuille de papier sur les endroits qui l'exigent, & l'on passe la truelle sur ce papier, pour applanir ainsi les petites inégalités qui nuiroient à la justesse du trait en produisant de loin de fausses apparences. Lorsque cette seconde couche de sable & de chaux a été appliquée, dressée, nettoyée & polie dans l'endroit par lequel l'artiste a résolu de commencer son ouvrage, il y dessine, & il y peint avec les couleurs propres au travail, & il employe dans la journée ce qu'il a fait enduire, de maniere à n'être pas obligé d'y retoucher. C'est cette obligation de peindre au premier coup, qui fait le caractere distinctif de la fresque. Cette nécessité en ôtant des ressources au peintre, le contraint à des précautions dont je vais parler.
Au reste si la difficulté qu'elle offre à surmonter, rend plus fréquentes les négligences inévitables dans les grands ouvrages, elle donne en récompense une franchise, une activité, & une fraicheur au pinceau des artistes, qui dédommage des parties incompatibles avec ce genre de travail.
Les précautions dont j'ai promis de parler, sont 1°. l'esquisse terminée de la composition qu'on veut peindre; 2°. des cartons de la grandeur de l'ouvrage même. Je vais reprendre ces deux articles, après quoi je dirai les couleurs dont on doit se servir pour peindre à fresque, en prévenant que sur cette partie physique des couleurs, il y auroit des examens & & des recherches très - intéressantes à faire, qui demanderoient l'union difficile des lumieres chimiques & de la connoissance approfondie de la Peinture.
Ce n'est pas la premiere fois que j'ai parlé de l'avantage que les artistes doivent attendre d'une espe<cb->
L'opération de la fresque qui ne permet pas de progression, exige donc comme un secours néceslaire celui que fournit une esquisse arrêtée, à - moins que l'imagination de l'artiste ne soit tellement vive & fidele, qu'il y trouve à sa volonté la nuance du tout de chaque partie de son tableau. Mais ce don de la nature est rare, & l'esquisse qui en est l'équivalent y supplée d'une maniere certaine & facile. J'ai indiqué une seconde précaution, qui consiste à employer ce qu'on appelle, en termes de Pemture, des cartons. Je m'arreterai un instant sur l'explication de ce mot.
L'étude, ou le dessein, ou le trait d'une ou de plusieurs figures qui doivent etre employées dans un ouvrage de Peinture, est ce qu'on appel e carton, lorsque ce trait de la grandeur juste des figures qu'on doit peindre est tellement étudié, qu'on le destine à être calqué sur la surface sur laquelle on doit evecuter l'ouvrage. Ce qui convient le mieux pour dessiner ces études ou ces traits, est le carton compose de plusieurs feuilles de papier collées les unes sur les autres, de maniere qu'il ne soit ni trop mince nitrop epais; le simple papier trop sujet aux impressions de l'air, a l'inconvénient de se retirer ou de s'alonger; ce qui peut produire, lorsqu'on veut calquer de grandes figures, des erreurs qui éloigneroient de l'extreme correction que l'on cherche à atteindre par ce moyen. Je vais reprendre l'ordre des operation differentes du peintre, pour placer celle - ci à son rang.
L'artiste compose plusieurs croquis ou pensées de son sujet; il choisit celle qui lui convient le mieux, il fait alors une esquisse dans laquelle il arrete sa composition, sans se contraindre cependant à donner à chacune de ses figures toute la correction de dessein dont il est capable, pour ne point trop perdre de tems. Apres avoir termine cette esquisse, il forme un carton de la grandeur de l'ouvrage même, pour pouvoir l'appliquer, lorsqu'il y aura dessine ses figures, sur la surface qu'il doit peindre; il etablit par une échelle de proportion, ou par des quarrés, [p. 304]
Je vais passer à l'énumération des couleurs, & rapporter ce que l'usage & les bons auteurs nous en apprennent. Je finirai par quelques petits détails de l'exécution, qui ne sont pas sans utilité.
Les couleurs indiquées par plusieurs bons auteurs comme les plus convenables pour peindre à fresque, sont:
Le blanc de chaux. Ce blanc, le meilleur qu'on puisse employer, se mêle aisément avec toutes les autres couleurs. L'usage en est bon & facile, pourvù qu'il soit composé d'excellente chaux éteinte depuis un an ou six mois tout au - moins; on la délaye avec de l'eau commune; ensuite on la verse doucement dans un vase; on y laisse déposer ce blanc, qu'on employe après avoir ôté l'eau qui le couvre.
Quelques auteurs font mention de la poudre faite avec du marbre blanc pilé. On mêle un tiers de cette poudre avec deux tiers de chaux; mais il est à craindre, si la proportion qui doit varier à cause des différentes qualités de la chaux n'est pas juste, qu'il n'en résulte des inconvéniens: par exemple, si la poudre de marbre est trop abondante, elle fera noircir le blanc plûtôt qu'il ne noirciroit sans cela. Il me semble qu'il résulte de - là, que le blanc composé seulement d'une chaux bien choisie, bien éteinte & gardée long - tems, est le meilleur de tous. Cependant voici une seconde composition de blanc qu'il ne faut pas passer sous silence, en recommandant aux artistes qui auront occasion de peindre à fresque, de faire des essais & de constater les effets qui en résulteront par des notes, qu'ils rendront aisément publiques par la voie des journaux. Ce seroit ainsi que par une convention générale qui n'est pas encore assez établie, mais qu'on ne peut trop recommander, les Arts verroient perfectionner ou s'accroître les moyens qui sont nécessaires à leurs succès.
Le blanc dont je veux parler s'appelle blanc de coquilles d'oeufs. On rassemble une grande quantité de ces coquilles, on les pile, on les nettoye en les faisant bouillir dans de l'eau avec un morceau de chaux vive; on les met dans la chausse, & on les lave avec de l'eau de fontaine; on recommence ensuite à les piler pour en composer une poudre encore plus fine, qu'on fait tremper de nouveau jusqu'à ce que l'eau avec laquelle on lave cette poudre soit si claire, qu'elle n'ait aucune empreinte de malpropreté: lorsqu'elle est à ce point, on se sert de la pierre & de la mollette pour broyer cette poudre avec de l'eau commune autant qu'il est nécessaire, & l'on en forme de petits pains, qu'on laisse sécher au soleil. Il faut remarquer que si ces coques restoient trop long - tems dans la même eau, elles exhaleroient une odeur extrèmement fétide & insupportable, que l'on ne pourroit dissiper qu'en les faisant cuire dans un fourneau, après les avoir enfermé dans un vase de terre bien luté.
Le cinnabre. Cette couleur qui a un éclat supérieur
Le vitriol brûlé. Le vitriol romain cuit au fourneau, ce qu'on appelle brûlé, & broyé ensuite à l'espritde vin, réussit très - bien, employé sur la chaux; il résulte de cette préparation un rouge qui approche de celui que donne la laque: cette couleur est sur - tout tres - propre à préparer les endroits que l'on veut colorer de cinnabre; & les draperies peintes de ces deux couleurs, pourront le disputer à celles qui seront peintes à l'huile avec la laque fine.
La terre rouge. Cette couieur, ainsi que toutes celles qui sont formées avec des terres, est très - bonne pour colorier à fresque. On s'en sert pour les carnations, pour les draperies, & c'est en général une ex cellente couleur.
L'ochre. L'ochre jaune mis au seu & brûlé dans une boîte de fer, produit un rouge pâle. L'ochre brun, avec la même préparation, devient jaune. Tous les ochres sont d'excellentes couleurs.
Le jaune, que nous appellons jaune de Naples, ou jaune clair, provient d'une espece de crasse qui se forme & qui s'amasse auprès des mines de soufre. Il n'est point, à beaucoup près, aussi solide que les ochres, dont on peut rendre les nuances aussi claires que l'on voudra, en les mêlant avec le blanc de chaux. Je ne crois donc pas prudent de risquer le jaune de Naples, sur - tout au grand air.
Le verd de Veronne; c'est une terre verte qu'on nomme aussi verd de montagne: cette couleur est d'un très - bon usage; elle est d'autant plus précieuse, que presque tous les verds qui sont plus composés, sont des couleurs auxquelles on ne doit avoir aucune confiance.
La terre d'ombre. Cette couleur brune & obscure devient plus belle, lorsqu'on a fait calciner dans une boîte de fer: elle est bonne & solide; on doit cependant observer qu elle devient plus foncée avec le tems, & qu'on fera bien de mêler en l'employant quelques nuances de blanc de chaux, pour empêcher cet inconvénient.
Le noir de Venise est propre pour la fiesque, ainsi que la terre noire de Rome.
Le noir de charbon peut s'employer aussi; on le compose avec du sarment ou des noyaux de pêches, ou avec des coquilles de noix, de la lie de vin, ou même du papier: tous ces noirs sont bons; mais il ne faut pas se servir de celui que l'on nomme noir d'os.
L'émail est une couleur bleue, qu'il faut employer avec précaution, mais dont on peut se servir dans la fresque, pourvû qu'on la couche dès les premiers momens & tandis que la chaux est bien humide; autrement elle ne s'incorpore point avec l'enduit: si l'on retouche avec cette même couleur, il faut le faire au plus une heure après avoir ébauché, afin qu'elle ait de l'éclat.
L'outremer est la plus fidele de toutes les couleurs; de quelque maniere qu'on l'employe, elle ne change point, elle empêche même les couleurs avec les<pb-> [p. 305]
Voici actuellement deux tables, l'une des couleurs dont il ne faut point se servir en peignant à fresque, l'autre des couleurs propres à ce travail.
Couleurs nuisibles à la Couleurs propres à la fres - fresque. que. Le blanc de plomb. Généralement toutes les La laque. terres colorées. Le verd de - gris. Le blanc de chaux. Tous les verds, hors Le blanc de coque d'oeuf. ceux qui sont de Le vitriol brûle. terre. La terre rouge. Le jaune de France. L'ochre jaune. Le jaune de Naples. L'ochre brûlé. Les orpins. Le verd de Verone. Le noir d'os. La terre d'ambre. Le noir de Venise. Le noir de charbon. L'outremer. Couleurs délicates qui demandent des précautions. Le blanc de marbre. L'émail. Le cinnabre.
Pour employer toutes ces couleurs, on les broye avec de l'eau commune, & l'on commence à former les teintes principales que l'on veut employer; on les met par ordre dans des pots ou dans des terrines, & l'on se précautionne de plusieurs grandes palettes de bois ou de cuivre, dont les bords sont relevés, pour y former les nuances intermédiaires, & pour avoir plus aisément sous sa main les nuances dont on a besoin. Une précaution essentielle est d'éprouver les mélanges & les teintes que l'on forme; parce que les couleurs détrempées à l'eau, s'éclaircissent de plusieurs nuances en séchant, hors le rouge violet, l'ochre brûlé, & les noirs. Pour s'assûrer de son accord, on applique avec la brosse un échantillon de chaque teinte sur des tuiles neuves, ou de la brique bien seche; l'eau s'y imbibe dans l'instant, & la couleur paroît avec la nuance qu'elle gardera lorsque la fresque sera seche.
On aura sous sa main un vase d'eau claire pour humecter ces couleurs, ou bien une éponge, & l'on prendra garde de ne commencer à peindre que lorsque l'enduit de chaux aura assez de consistance pour résister à l'impression des doigts; il arriveroit sans cela que les couleurs s'étendroient sur le fond trop humide, & qu'on ne pourroit donner aucune netteté à l'ouvrage.
Je ne veux pas ajoûter ici les moyens qu'ont imaginés
quelques peintres pour retoucher à sec, & pour
suppléer ainsi au défaut des ouvrages à fresque; parce
qu'ils ne peuvent servir qu'à voiler l'ignorance, à
couvrir la mauvaise foi, & à tromper ceux qui feroient
exécuter de ces sortes d'ouvrages: ces moyens
n'ont aucune solidité, ne peuvent faire illusion que
quelques instans, & ne méritent pas d'être expliqués
ici, puisqu'ils ne tendent point à la perfection de l'art.
Article de M.
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