ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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FRAISIER (Page 7:276)

FRAISIER, s. m. fragaria, (Hist. nat. bot.) genre de plante à fleurs en rose, composées de plusieurs pétales disposés en rond. Le calice est découpé; il en sort un pistil qui devient dans la suite un fruit presque rond ou ovoïde, & pointu par le bout. Il y a plusieurs semences adhérentes à un placenta qui est charnu dans quelques especes, & sec dans d'autres. Ajoûtez aux caracteres de ce genre, que les feuilles sont portées trois - à - trois à l'extrémité d'un pedicule. Tournefort, inst. rei lierb. Voyez Plante. (I)

Boerhaave compte six especes de fraisiers fertiles; mais il nous suffira de décrire la plus commune, le fragaria vulgaris, C. B. Pin. 326.

Sa racine est vivace, roussâtre, fibreuse, chevelue, d'une saveur astringente; elle pousie des pédicules longs d'une palme, grêles, velus, branchus à leurs sommets, & qui portent des fleurs; elle jetre aussi des queues de même longueur & de même figure, qui soûtiennent des feuilles; elle pousse encore des jets traçans & rampans sur terre, noüeux, donnant de chaque noeud des feuilles & des racines, par lesquelles cette plante se multiplie. Ses feuilles, au nombre de trois sur une queue, sont oblongues, larges, semblables à celles de l'argentine: veinées, velues, dentelées à leur bord, vertes en - dessus, blanchâtres en - dessous. Ses fleurs, au nombre de quatre ou cinq sur un même pédicule, sont en rose à cinq pétales blancs placés en rond; elles ont beaucoup d'étamines courtes, garnies de sommets jaunâtres, & un pistil sphérique, porté sur un calice découpé en dix parties; le pistil se change en un fruit ovoïde, bon à manger, charnu, mou, rouge quand il est mûr, quelquefois blanc, rempli d'un sue doux, vineux, odorant, chargé de quantité de petites graines entassées les unes sur les autres.

Cette plante fleurit en Mai, & donne son fruit mûr au mois de Juin. Elle vient naturellement dans les forêts & à l'ombre; on la cultive dans les jardins où elle profite davantage, & porte dos fraises plus grosses & plus douces que celles des bois & des montagnes, mais bien moins odorantes & moins agréables au goût.

M. Frézier en revenant de son voyage de la mer du Sud, a le premier fait connoître en Europe le fraisier du Chili, fiagoria chiliensis fructu maximo, foliis carnosis, hirsutis. Il differe de toutes les especes européennes par la largeur, l'épaisseur, & le velu de ses feuilles. Son fruit de couleur rouge - blanchâtre, est généralement de la grosseur d'une noix, & même quelquefois aussi gros qu'un oeuf de poule; mais sa saveur n'a pas l'agrément & le parfam de nos fraises de bois. Cette plante a produit du fruit au jardin royal de Paris, & en porte aujourd'hui dans le jardin de Chelesca par les soins de Miller. Elle réussit le mieux à l'exposition du soleil du matin, & demande de fréquens arrosemens dans les tems de sécheresse.

Le fraisier, tant celui qui porte des fraises rouges, que celui qui sournit des fraises blanches, se multiplie de plan enraciné. Le plan de fraisier qu'on tire des bois, vaut mieux pour transplanter que celui des jardins; les fruits qu'il produit sont plus odorans.

On met les fraisiers en planche ou en bordure, dans une terre bien préparée; & pour le mieux, on les plante sur des à - dos, contre un mur exposé au midi, afin d'avoir des premieres fraises; on les espace de huit pouces en terre sablonneuse. On observe que les [p. 277] planches ou les bordures soient un peu plus enfoncées que les allées ou que les sentiers, pour y retenir les eaux de pluie & des arrosemens.

Si on en plante dans des terres grasses & presque fraîches, comme la grande humidité pourrit les piés, on les éloigne communément de dix à douze pouces; & on en met deux à trois piés dans chaque trou, que l'on fait avec un plantoir.

Le tems de les planter est au commencement de Juin, c'est - à - dire avant les sécheresses; on en plante néanmoins tout l'été dans les tems pluvieux. Il est important d'en faire des pépinieres dans quelque endroit exposé au nord, pour éviter les grandes chaleurs d'été: on les plante pour lors à trois ou quatre pouces l'un de l'autre. Lorsque ces piés sont fortifiés, on les replante dans le mois de Septembre, pour en faire des planches ou des quarrés, selon le besoin qu'on en peut avoir.

La principale culture des fraisiers consiste en premier lieu à les arrtoser fréquemment dans la sécher esse: on laisse en second lieu quelques montans des plus sorts à chaque pié; en troisieme lieu, on ne laisse sur chaque montant que trois ou quatre fraises, qui sont les premieres venues, & les plus près du pié. On pince toutes les autres fleurs de la queue des branches qui ont déjà fleuri, ou qui sont encore en fleurs; car sarement on voit noüer & venir à bien toutes ces dernieres fleurs: il n'y a que les premieres qui réussissent; & quand on est soigneux de bien pincer, on est assûré d'avoir de belles fiaises.

Les fraisiers font fort bien l'année suivante qu'ils ont été plantés, si c'est au mois de Mai qu'on les a plantés, mais médiocrement, s'ils n'ont été plantés qu'au mois de Septembte.

On doit renouveller les fraisiers au plus tard tous les 5 ans; leur couper tous les ans la vieille fane, quand les fraises sont sinies; ce qui arrive vers la fin de Juillet. Les premieres mûrissent au commencement de Juin; ce sont celles dont les piés ont été plantes le long d'une muraille au midi & au levant; & les dernietes mûres sont celles dont les piés sont au nord.

Lorsque les fraisiers sont leurs traînasses, il les faut soigneusement châtrer, & n'y laisser que celles qu'on destine pour avoir du plant. On fera tous les ans de nouvelles planches, & on détruira celles qui ont plus de quatre ans, parce qu'après ce tems, les fraises commencent à décheoir de leur bonté & de leur grosseur. On sumera ces planches de petit fumier un peu avant les gelées, afin de les améliorer, coupant toutes les seuilles, comme on le pratique à l'égard de l'oseille. Par rapport à la terre que les fraisiers desirent, le sablon leur est meilleur que la terre forte: en choisit pour cet effet la partie du jardin la plus sablonneuse pour les y planter. Si on veut avoir des fraises dans l'automne, on n'a qu'à couper toutes les premieres fleurs qui pousseront, & les empêcher de fructifier; elles reproduiront d'autres fleurs, qui donneront des fruits dans l'arriere - saison.

Les ennemis du plant du fraisier sont les taons, qui pendant les mois de Mai & de Juin mangent le col de la racine entre deux terres, & font ainsi périr la plante: on doit donc alors parcourir tous les jours ses fraisiers, & fouiller au pié de ceux qui commencent à se faner; d'ordinaire on y trouve le gros ver, qui après avoir causé ce premier mal, passe, si on n'a soin de le détruire, à d'autres fraisiers, & les fait pareillement mourir.

Les Anglois, qui ont poussé plus loin que les autres peuples la culture du fraisier, sont non - seulement très - attentifs à détruire la vermine qui peut endommager cette plante, mais encore à choisir l'exposition la plus favorable; à arracher perpétuellement toutes les mauvaises herbes; à bêcher le terrein; à l'arroser abondamment; à former chaque année de nouveaux plants avant que de détruire les anciens; à les espacer à une distance convenable, & à laisser un sentier de deux piés de large entre les plates - bandes, pour y marcher commodément & cueillir le fruit. Ils prennent du fumier de cheval & autant de cendres de choux, qu'ils mêlent & incorporent bien ensemble; ils en répandent sur leur terre préparée & nivellée, une quantité suffisante pour être enfouie & retournée au mois de Février; ensuite ils forment des platesbandes de trois piés & demi de large, & y plantent les especes de fraisiers qu'ils jugent à - propos, à dix, quinze, & vingt pouces de distance les uns des autres, suivant la grosseur de l'espece de fraises qu'ils veulent avoir. Comme les fraisiers ne donnent du fruit que la seconde année dans cette même terre, ils sement la premiere année une récolte de féves; & dans ces mêmes carreaux, ils plantent encore de six en six piés des rosiers, des groseillers blancs & rouges, des églantiers odorans, qui, indépendamment de l'ombre qu'ils donnent aux fraises, sont d'un bon rapport.

Une piece de terre plantée en fraises, qu'on nomme écarlatre (virginian strawberg), se conserve pendant cinq ou six ans; & ils renouvellent les hautboys (the haut - boy strawberry), & les fraises de bois, (commonwood strawberry), tous les trois ans: ils renouvellent encore, comme nous, leur plant des nouveaux fraisiers, qu'ils vont chercher dans les forêts; car ceux des jardins dégénerent. Voyez Bradley & Miller, si vous desirez de plus grands détails.

La fraise est un petit fruit rouge ou blanc; il ressemble au bout des mammelles des nourrices; c'est le plus hâtif, & un des plus délicieux fruits du printems: on connoît qu'il est mûr & bon à manger, quand il quitte la queue sans peine. Il y en a de plusieurs especes, soit rouges soit blanches; mais la plus petite & la meilleure pour le parfum, est la fraise de bois ou de montagnes. On cultive la fraise du Chily, fragaria chiliensis, par curiosité: la fraise écarlate de Virginie, fragaria virginiana fructu coccineo, est recherchée pour sa bonté; & la fraise haut boy des Anglois, fragaria, fructu parvi prunt magnitudine, C. B. est estimée pour la grosseur de son fruit. Voyez Fraisier, (Mat. med.) (D. J.)

Fraisier, & Fraise (Page 7:277)

Fraisier, & Fraise, (Mat. med. Pharmac. & Diete.) Le suc des feuilles de fraisier rougit très - foiblement le papier bleu; mais celui des racines donne une couleur rouge plus foncée à ce même papier. Les feuilles & les racines de cette plante paroissent contenir un sel essentiel tartareux, nitreux, mêlé de soufre & de terre astringente; ce qui leur donne une saveur legerement stiptique. Le fruit contient un sel alumineux, dégénéré en sel tartareux aigrelet, accompagné d'un peu d'huile mucilagineuse & vineuse.

On se sert principalement des racines de fraisier, pour les usages médicinaux; elles sont diurétiques & apéritives, & on les fait souvent entrer dans les tisannes, les décoctions, & les boissons qu'on donne aux personnes attaquées d'obstructions ou de jaunisse.

M. Geoffroy remarque que si on boit long - tems & en grande quantité de la racine de fraisier & d'oseille, les excrémens se colorent en rouge; de sorte qu'on croiroit d'abord que le malade est attaqué d'un flux hépatique; mais il suffit, ajoûte - t - il, de changer cette boisson, pour que les excrémens reprennent leur couleur naturelle.

Nobelius, mise. nat. curios. dec. iij. ann. 3. obs. 81. attribue aux feuilles & aux racines de fraisier une grande vertu vulnéraire; ce qu'il prouve par quelques observations d'ulceres des piés, des jambes, & des cuisses, qui ont été guéris, & des tumeurs qui ont été résoutes par la seule application des feuilles de fraisier pilées. [p. 278]

Le fruit de la plante possede un suc mêlé & tempéré par beaucoup de mucilage, ou par des parties terreuses & aqueuses. Quand ce sue a fermenté, on en peut tirer un esprit ardent: mais si on le laisse fermenter trop long - tems, il s'aigrit & se corrompt.

Les fraises sont très - usitées sur nos tables; on les sert principalement au dessert avec du sucre, & on les arrose d'eau, de lait, de creme, ou de vin; c'est dans l'eau qu'elles se dissolvent le plus facilement, & qu'elles passent le plus vîte. Il faut les choisir bien mûres; & la prudence demande de n'en point manger sans les avoir lavées: du - moins le cas rapporté par Hilden, cent. v. observat. 38. justifie cette précaution; il parle d'une femme qui après avoir mangé des fraises à jeun, fut aussi - tôt attaquée de maux d'estomac, de lypothymies, de vertige, de l'enflure des hypochondres, &c. & ne fut guérie que par les secours d'un vomitif. Les fraises qu'avoit mangé cette femme, sans les avoir lavées auparavant, avoient sans doute été empoisonnées par l'urine, la salive, ou l'haleine de quelque bête venimeuse, comme de serpens, de viperes, de crapeaux, ou par la piquûre de quelque insecte, qui leur avoit donné un suc nuisible.

Il arrive aussi quelquefois, que si l'on mange trop de fraises, leurs esprits vineux se développent par la fermentation, portent à la tête, enivrent en quelque maniere, ou produisent de violentes coliques. Il y a même des personnes mobiles qui tombent en foiblesse par la seule odeur des fraises. Mais tous ces cas particuliers ne prouvent rien contre les qualités salutaires de ce fruit, qui est émollient, raffraîchissant, apéritif, & propre à corriger l'acrimonie bilieuse des humeurs.

On fait pendant l'été chez les gens riches, & dans les caffés publics, avec le suc des fraises, des eaux ou des juleps excellens pour étancher la soif, soit en santé soit en maladie, sur - tout dans les fievres aiguës, bilieuses, & putrides. On prend aussi du suc de fraises, du suc de limons, & de l'eau en quantité égale, mêlés ensemble, avec autant de sucre qu'il en faut pour rendre cette boisson agréable; elle fait les délices des pays chauds. En Italie, on broye la pulpe des fraises avec de l'eau - rose, & on en fait ensuite avec le suc de citron une conserve délicieuse. Cette même pulpe de fraises appliquée toute récente en forme de cataplasme, est recommandée dans les rougeurs & inflammations extérieures.

On distille encore quelquefois chez les Parfumeurs & Apoticaires, une eau de fraise qui passe pour un bon cosmétique. Quand cette eau est tirée des fraises de bois, elle est d'une odeur charmante; & les dames s'en servent volontiers à leur toilette, pour effacer les rousseurs & les lentilles du visage: mais Hosfman préfere avec raison pour cet usage l'eau distillée de toute la plante, comme plus efficace & plus détersive. (D. J.)

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