ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"568"> tre les disciples de Jean - Baptiste, & qui se trouvent encore aujourd'hui en grand nombre dans la ville de Bassore, près des bords du Tigre, & dans le voisinage de la mer de Perse. Le fameux Moyse Maimonides a tiré des auteurs Arabes tout ce qu'il a dit de cette secte; & c'est en examinant d'un oeil curieux & attentif toutes les cérémonies extravagantes & superstitieuses, qu'il justifie très - ingénieusement la plûpart des lois de Moyse, qui blesseroient au premier coup d'oeil notre délicatesse, si la sagesse de ces lois n'étoit marquée par leur opposition avec les lois des Zabiens, pour lesquelles Dieu vouloit inspirer aux Juifs une grande aversion. On ne pouvoit mettre entre les Juifs & les Zabiens qui étoient leurs voisins une plus forte barriere. On peut lire sur cela l'ouvrage de Spencer sur l'oeconomie Mosayque. On n'est pas moins partagé sur le nom de cette secte que sur son âge. Pocock prétend que les Zabiens ont été ainsi nommés de , qui Hébreu signifie les astres ou l'armée céleste; parce que la religion des Zabiens consistoit principalement dans l'adoration des astres. Mais Scaliger pense que c'est originairement le nom des Chaldéens ainsi appellés, parce qu'ils étoient orientaux. Il a été suivi en cela par plusieurs savans, & entr'autres par Spencer. Cette signification du nom de Zabiens est d'autant plus plausible, que les Zabiens rapportent leur origine aux Chaldéens, & qu'ils font auteur de leur secte Sabius fils de Seth. Pour nous, nous ne croyons pas devoir prendre parti sur une chose, qui déjà par elle - même est assez peu intéressante. Si par les Zabiens on entend tous ceux, qui parmi les peuples de l'orient adoroient les astres, sentiment qui paroît être celui de quelques Arabes & de quelques auteurs Chrétiens, ce nom ne seroit plus alors le nom d'une secte particuliere, mais celui de l'idolatrie universelle. Mais il paroît qu'on a toûjours regardé ce nom comme étant propre à une secte particuliere. Nous ne voyons point qu'on le donnât à tous les peuples, qui à l'adoration des astres joignoient le culte du feu. Si pourtant au milieu des ténebres, où est enveloppée toute l'histoire des Zabiens, on peut à force de conjectures en tirer quelques rayons de lumiere, il nous paroît probable que la secte des Zabiens n'est qu'un mêlange du Judaïsme & du Paganisme; qu'elle a été chez les arabes une religion particuliere & distinguée de toutes les autres; que pour s'élever au - dessus de toutes celles qui fleurissoient de son tems, elle avoit non - seulement affecté de se dire très - ancienne, mais même qu'elle rapportoit son origine jusqu'à Sabius, fils de Seth; en quoi elle croyoit l'emporter pour l'antiquité sur les Juifs mêmes, qui ne peuvent remonter au - delà d'Abraham. On ne se persuadera jamais que le nom de Zabiens leur ait été donné, parce qu'ils étoient orientaux, puisqu'on n'a jamais appellé de ce nom les Mages & les Mahométans, qui habitent les provinces de l'Asie, situées à l'orient. Quoi qu'il en soit de l'origine des Zabiens, il est certain qu'elle n'est pas aussi ancienne que le prétendent les Arabes. Ils sont même sur cela partagés de sentimens; car si les uns veulent la faire remonter jusqu'à Seth, d'autres se contentent de la fixer à Noé, & même à Abraham. Eutychius, auteur Arabe, s'appuyant sur les traditions de son pays, trouve l'auteur de cette secte dans Zoroastre, lequel étoit né en Perse, si vous n'aimez mieux en Chaldée. Cependant Eutychius observe qu'il y en avoit quelques - uns de son tems qui en faisoient honneur à Juvan, il a voulu sans doute dire Javan; que les Grecs avoient embrassé avidement ce sentiment, parce qu'il flattoit leur orgueil, Javan ayant été un de leurs rois; & que pour donner cours à cette opinion, ils avoient composé plusieurs livres sur la science des astres & sur le mouvement des corps célestes. Il y en a même qui croyent que celui qui fonda la secte des Zabiens étoit un de ceux qui travaillerent à la construction de la tour de Babel. Mais surquoi tout cela est - il appuyé? Si la secte des Zabiens étoit aussi ancienne qu'elle s'en vante, pourquoi les anciens auteurs Grecs n'en ont - ils point parlé? Pourquoi ne lisons - nous rien dans l'Ecriture qui nous en donne la moindre idée? Pour répondre à cette difficulté, Spencer croit qu'il suffit que le Zabaïsme, pris matériellement, c'est - à - dire, pour une religion dans laquelle on rend un culte au soleil & aux astres, ait tiré son origine des anciens Chaldéens & des Babyloniens, & qu'il ait précédé de plusieurs années le tems où a vécu Abraham. C'est ce qu'il prouve par les témoignages des Arabes, qui s'accordent tous à dire que la religion des Zabiens est très - ancienne, & par la ressemblance de doctrine qui se trouve entre les Zabiens & les Chaldéens. Mais il n'est pas question de savoir si le culte des étoiles & des planetes est très - ancien. C'est ce qu'on ne peut contester; & c'est ce que nous montrerons nous - mêmes à l'article des Chaldéens. Toute la difficulté consiste donc à savoir si les Zabiens ont tellement reçû ce culte des Chaldéens & des Babyloniens, qu'on puisse assûrer à juste titre que c'est chez ces peuples que le Zabaïsme a pris naissance. Si l'on fait attention que le Zabaïsme ne se bornoit pas seulement à adorer le soleil, les étoiles & les planetes, mais qu'il s'étoit fait à lui - même un plan de cérémonies qui lui étoient particulieres, & qui le distinguoient de toute autre forme de religion, on m'avouera qu'un tel sentiment ne peut se soûtenir. Spencer lui - même, tout subtil qu'il est, a été forcé de convenir que le Zabaïsme considéré formellement, c'est - à - dire, autant qu'il fait une religion à part & distinguée par la forme de son culte, est beaucoup plus récent que les anciens Chaldéens & les anciens Babyloniens. C'est pourtant cela même qu'il auroit dû prouver dans ses principes; car si le Zabaïsme pris formellement n'a pas cette grande antiquité, qui pourroit le faire remonter au - delà d'Abraham: comment prouvera - t - il que plusieurs lois de Moyse n'ont été divinement établies, que pour faire un contraste parfait avec les cérémonies superstitieuses du Zabaïsme? Tout nous porte à croire que le Zabaïsme est assez récent, qu'il n'est pas même antérieur au Mahométisme. En effet, nous ne voyons dans aucun auteur soit Grec, soit Latin, la moindre trace de cette secte; elle ne commence à lever la tête que depuis la naissance du Mahométisme, &c. Nous croyons cependant qu'elle est un peu plus ancienne, puisque l'alcoran parle des Zabiens comme étant déja connus sous ce nom.

Il n'y a point de secte sans livres; elle en a besoin pour appuyer les dogmes qui lui sont particuliers. Aussi voyons nous que les Zabiens en avoient, que quelques - uns attribuoient à Hermès & à Aristote, & d'autres à Seth & à Abraham. Ces livres, au rapport de Maimonides, contenoient sur les anciens patriarches, Adam, Seth, Noé, Abraham, des histoires ridicules, & pour tout dire, comparables aux fables de l'alcoran. On y traitoit au long des démons, des idoles, des étoiles & des planetes; de la maniere de cultiver la vigne & d'ensemencer les champs; en un mot on n'y omettoit rien de tout ce qui concernoit le culte qu'on rendoit au soleil, au feu, aux étoiles, & aux planetes. Si l'on est curieux d'apprendre toutes ces belles choses, on peut consulter Maimonides. Ce seroit abuser de la patience du lecteur, que de lui présenter ici les fables dont fourmillent ces livres. Je ne veux que cette seule raison pour les décrier comme des livres apocryphes & indignes de toute créance. Je crois que ces livres ont été composés vers la naissance de Mahomet, & encore par des auteurs qui n'étoient point guéris, ni de l'idolatrie, ni des folies du Platonisme moderne. Il nous suffira, pour faire [p. 569] connoître le génie des Zabiens, de rapporter ici quelques - uns de leurs dogmes. Ils croyoient que les étoiles étoient autant de dieux; & que le soleil tenoit parmi elles le premier rang. Ils les honoroient d'un double culte, savoir d'un culte qui étoit de tous les jours, & d'un autre qui ne se renouvelloit que tous les mois. Ils adoroient les démons sous la forme de boucs; ils se nourrissoient du sang des victimes, qu'ils avoient cependant en abomination; ils croyoient par - là s'unir plus intimement avec les démons. Ils rendoient leurs hommages au soleil levant, & ils observoient scrupuleusement toutes les cérémonies, dont nous voyons le contraste frappant dans la plûpart des lois de Moyse; car Dieu, selon plusieurs savans, n'a affecté de donner aux Juifs des lois qui se trouvoient en opposition avec celles des Zabiens, que pour détourner les premiers de la superstition extravagante des autres. Si nous lisons Pocock, Hyde, Prideaux, & les auteurs arabes, nous trouverons que tout leur système de religion se réduit à ces différens articles que nous allons détailler. 1°. Il y avoit deux sectes de Zabiens; le fondement de la croyance de l'une & de l'autre étoit, que les hommes ont besoin de médiateurs qui soient placés entr'eux & la Divinité; que ces médiateurs sont des substances pures, spirituelles & invisibles; que ces substances, par cela même qu'elles ne peuvent être vûes, ne peuvent se communiquer aux hommes, si l'on ne suppose entr'elles & les hommes d'autres médiateurs qui soient visibles; que ces médiateurs visibles étoient pour les uns des chapelles, & pour les autres des simulachres; que les chapelles étoient pour ceux qui adoroient les sept planetes, lesquelles étoient animées par autant d'intelligences, qui gouvernoient tous leurs mouvemens, à peu près comme notre corps est animé par une ame qui en conduit & gouverne tous les ressorts; que ces astres étoient des dieux, & qu'ils présidoient au destin des hommes, mais qu'ils étoient soûmis eux - mêmes à l'Être suprème; qu'il falloit observer le lever & le coucher des planetes, leurs différentes conjonctions, ce qui formoit autant de positions plus ou moins régulieres; qu'il falloit assigner à ces planetes leurs jours, leurs nuits, leurs heures pour diviser le tems de leur révolution, leurs formes, leurs personnes, & les régions où elles roulent; que moyennant toutes ces observations on pouvoit faire des talismans, des enchantemens, des évocations qui réussissoient toûjours; qu'à l'égard de ceux qui se portoient pour adorateurs des simulaches, ces simulachres leur étoient nécessaires, d'autant plus qu'ils avoient besoin d'un médiateur toûjours visible, ce qu'ils ne pouvoient trouver dans les astres, dont le lever & le coucher qui se succedent régulierement, les dérobent aux regards des mortels; qu'il falloit donc leur substituer des simulachres, moyennant lesquels ils pussent s'élever jusqu'aux corps des planetes, des planetes aux intelligences qui les animent, & de ces intelligences jusqu'au Dieu suprème; que ces simulachres devoient être faits du métal qui est consacré à chaque planete, & avoir chacun la figure de l'astre qu'ils réprésentent; mais qu'il falloit sur - tout observer avec attention les jours, les heures, les degrés, les minutes, & les autres circonstances propres à attirer de bénignes influences, & se servir des évocations, des enchantemens, & des talismans qui étoient agréables à la planete; que ces simulachres tenoient la place de ces dieux célestes, & qu'ils étoient entr'eux & nous autant de médiateurs. Leurs pratiques n'étoient pas moins ridicules que leur croyance. Abulfeda rapporte qu'ils avoient coûtume de prier la face tournée vers le pole arctique, trois fois par jour; avant le lever du soleil, à midi, & au foir; qu'ils avoient trois jeûnes, l'un de trente jours, l'autre de neuf, & l'autre de sept; qu'ils s'abstenoient de manger des féves & de l'ail; qu'ils faisoient brûler entierement les victimes, & qu'ils ne s'en réservoient rien pour manger.

Voilà tout ce que les Arabes nous ont appris du système de religion des Zabiens. Plusieurs traces de l'astrologie Chaldaïque, telle que nous la donnerons à l'article Chaldéens, s'y laissent appercevoir. C'est elle sans doute qui aura été la premiere pierre de l'édifice de religion que les Zabiens ont bâti. On y voit encore quelques autres traits de ressemblance, comme cette ame du monde qui se distribue dans toutes ses différentes parties, & qui anime les corps célestes, sur - tout les planetes, dont l'influence sur les choses d'ici bas est si marquée & si incontestable dans tous les vieux systèmes des religions orientales. Mais ce qui y domine sur - tout, c'est la doctrine d'un médiateur; doctrine qu'ils auront dérobée, soit aux Juifs, soit aux Chrétiens; la doctrine des génies médiateurs, laquelle a eu un si grand cours dans tout l'Orient, d'où elle a passé chez les cabalistes & les phosophes d'Alexandrie, pour revivre chez quelques Chrétiens hérétiques, qui en prirent occasion d'imaginer divers ordres d'aeones. Il est aisé de voir par - là que le Zabaïsme n'est qu'un composé monstrueux & un mêlange embarrassant de tout ce que l'idolatrie, la superstition & l'hérésie ont pû imaginer dans tous les tems de plus ridicule & de plus extravagant. Voilà pourquoi, comme le remarque fort bien Spencer, il n'y a rien de suivi ni de lié dans les différentes parties qui composent le Zabaïsme. On y retrouve quelque chose de toutes les religions, malgré la diversité qui les sépare les unes des autres. Cette seule remarque suffit pour faire voir que le Zabaïsme n'est pas aussi ancien qu'on le croit ordinairement; & combien s'abusent ceux qui en donnent le nom à cette idolatrie universellement répandue des premiers siecles, laquelle adoroit le soleil & les astres. Le culte religieux que les Zabiens rendoient aux astres, les jetta, par cet enchaînement fatal que les erreurs ont entr'elles, dans l'Astrologie, science vaine & ridicule, mais qui slatte les deux passions favorites de l'homme; sa crédulité, en lui promettant qu'il percera dans l'avenir; & son orgueil, en lui insinuant que sa destinée est écrite dans le ciel. Ceux qui d'entr'eux s'y sont le plus distingués, sont Thebet Ibn Korra, Albategnius, &c.


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