ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"504"> l'usage un siecle après l'avoir défendu; le Parlement autorisa de même ce decret.

Quoique dans tous les tems plusieurs personnes aient cherché à rendre l'antimoine suspect de poison, cependant l'efficacité de ses préparations a prévalu contre leurs efforts.

Ces préventions ont surtout fait appréhender longtems de le donner crud. Kunkel est un des premiers qui ait osé le faire; l'usage intérieur de l'antimoine crud est cité dans Kunkel, Laborator. chimic. page 432. Kunkel dit qu'en 1674, il étoit malade d'un violent rhûmatisme; il étoit alors à Wittemberg, & il consulta sur son état Sennert grand Medecin d'Allemagne, qui lui dit qu'à l'occasion d'une douleur violente & opiniâtre comme étoit celle dont Kunkel se plaignoit, un Medecin Italien avoit donné avec succès à Vienne, l'antimoine, mais qu'il ne savoit pas la préparation qu'on devoit faire pour corriger l'antimoine de poison. Kunkel qui étoit plus Chimiste que Sennert, pensoit que l'antimoine ne tenoit point du poison; & il se souvint que Basile Valentin le recommandoit pour engraisser les cochons; il savoit qu'on le donnoit aux chevaux. Il se détermina à en faire usage, & il le prit pendant sept jours, commençant par cinq grains, & finissant par trente - cinq; ensuite il se reposa trois jours; cela le fit transpirer & uriner: le dixieme jour, étant dégoûté de la conserve de rose, dans laquelle il prenoit l'antimoine crud porphyrisé; il en fit faire des tablettes avec l'écorce confite de citron & de la canelle; il entroit dans chaque tablette vingt - cinq grains d'antimoine; il en prenoit chaque jour une tablette, divisée en trois parties, dont il prenoit une le matin, une autre à midi, & la troisieme le soir; & il se trouva par ce moyen parfaitement guéri au bout d'un mois.

Kunkel dit qu'en 1679, il en prit avec succès pour une fievre quarte. Il le recommande pour les maladies qui sont accompagnées de paralysie; pour les fievres longues qui viennent de mauvaises humeurs, soit que ces fievres soient intermittentes, soit qu'elles soient continues; pour les douleurs de goutte; pour les enfans noüés; pour les fleurs blanches. Le Medecin y joint d'autres remedes, selon les vûes qu'il peut avoir pour la guérison du malade.

L'antimoine crud entre dans la composition de l'antidote de Nicolas Myreptus. Il y a dans la Pharmacopée de Brandebourg des tablettes antimoniales, sous le nom de Morsuli restaurantes Kunkelii. Dans chaque gros de ces tablettes il y a cinq grains d'antimoine. Epiphane Ferdinand, hist. 17. dit que l'antimoine crud est le véritable remede des véroles invéterées.

Presque tous les Chimistes, & Paracelse lui - même, disent que lesvapeurs de l'antimoine sont nuisibles à la santé. Pour moi, je pense qu'elles ne sont point empoisonnantes; j'ai beaucoup travaillé sur l'antimoine, sans jamais en ressentir d'incommodité. On ne doit craindre les vapeurs de l'antimoine, que comme on craint les vapeurs du soufre; & assûrément on ne doit pas fuir les vapeurs du soufre comme des vapeurs arsénicales. M. Lemery qui a beaucoup travaillé sur l'antimoine n'en a jamais été incommodé.

M. Lesmant de Rouen, dit qu'on accuse mal - à - propos l'antimoine de donner des vapeurs nuisibles, que jamais il n'en a souffert la moindre incommodité, quoiqu'il en ait brûlé une prodigieuse quantité; que les vapeurs de l'antimoine n'affectent la poitrine que comme le soufre commun l'affecte; & il ajoûte qu'un homme incommodé d'asthme venoit continuellement chez lui, pour prendre & manger cette espcce de farine blanche qui se forme, lorsqu'on prépare le verre d'antimoine, & que cet homme s'en trouvoit bien.

La plûpart des Medecins attribuent une vertu ar<cb-> sénicale à l'antimoine; c'est à cette qualité qu'ils rapportent la propriété qu'a l'antimoine de faire vomir; d'autres avec M. Mender nient cette qualité arsénicale dans l'antimoine; & ils fondent leur sentiment sur ce que le sel de tartre dissout entierement l'arsenic, & ne peut dissoudre le régule d'antimoine. Le diaphorétique minéral n'a rien de corrosif, il n'a rien qu'on puisse soupçonner d'être arsénical: cependant en rétablissant cet antimoine diaphorétique, on lui redonne toutes les qualités de l'antimoine qu'on attribue à sa propriété arsénicale; propriété qui n'étoit pas dans les matieres qu'on employe pour rétablir l'antimoine.

Mais on peut répondre à cela, que si le sel de tartre ne dissout pas le régule d'antimoine, ou du moins sa partie arsénicale, c'est qu'elle est intimement unie & comme enveloppée dans la partie métallique ou réguline propre de l'antimoine, que le sel de tartre ne peut dissoudre.

Pour ce qui est du diaphorétique minéral, il est vrai que la matiere grase qu'on employe pour le rétablir en regule ne contient point de matiere arsénicale: mais il y a lieu de croire que dans le diaphorétique minéral se trouvent tous les principes de l'antimoine; que l'antimoine calciné est dans un état à n'être pas vomitif, comme l'antimoine crud n'est pas ordinairement vomitif, quoique l'antimoine crud contienne tout ce qui est extrèmement vomitif dans le régule d'antimoine.

Du tems de Dioscoride on attribuoit à l'antimoine la vertu de resserrer les conduits du corps, de consumer les excroissances des chairs, de nettoyer les ulceres des yeux; c'est peut - être pour cette vertu - ci qu'on le nomme platyophthalmon. Enfin on lui attribuoit les mêmes propriétés qu'au plomb brûlé. Dioscoride dit que l'antimoine mis sur les brûlures avec de la graisle fraiche, empêche qu'elles ne s'élevent en vessie; que l'antimoine mêlé avec de la cire & un peu de céruse, cicatrise les ucérations qui ont croûté. L'huile glaciale d'antimoine étoit connue du tems de Mathiole qui en parle; & il paroìt par ce qu'il dit en même tems, qu'il avoit une préparation particuliere d'huile d'antimoine, de laquelle il usoit, dit - il, heureusement pour les ulceres malins & caverneux.

L'émail jaune de la fayence se fait avec de l'antimoine, la suie, le plomb calciné, le sel, & le sable. M. Malouin a trouvé que l'antimoine crud fondu avec le verre donne au verre une couleur de grenat:

La composition pour faire les caracteres de l'Imprimerie, est de deux onces de régule d'antimoine avec une livre de plomb.

Les anciens, pour relever la beauté du visage & donner plus de vivacité au teint, formoient les sourcils en arcs parfaits, & les teignoient en noir: ils ajoûtoient aux paupieres la même teinture pour donner aux yeux plus de brillant; cet artifice etoit en usage chez les Hébreux. Jesabel épouse d'Achab, & mere de Joram roi d'Israël, ayant appris l'arrivée de Jehu dans Jezrahel, s'orna les yeux avec l'antimoine, Reg. IX. 30. Cette drogue, dit M. Rollin dans son Histoire ancienne, page 144. retrécissoit les paupieres & faisoit paroître les yeux plus grands, ce qui étoit regardé pour - lors comme une beauté, Plin. L. XXXIII. c. vj. De - là vient cette épithete qu'Homere donne si souvent aux Deesses mêmes, BW=PI HRH, Junon aux yeux de boeuf, c'est - à - dire, aux grands yeux.

L'Alchimiste Philalethe appelle l'antimoine son aimant, l'acier des Philosophes, le serpent qui dévora les compagnons de Cadmus, le centre caché qui abonde en sel. Voyez Currus triumph. Basile Valentin; Traité sur l'antimoine de Sala, de Lemery & de Mender; Traité de Chimie de Maloüin.

Il faut choisir l'antimoine qui a les plus longues ai<pb-> [p. 505] guilles & les plus brillantes; le meilleur antimoine a une couleur bleue tirant sur le rougeâtre, ce qu'on appelle couleur de gorge de pigeon.

L'antimoine est facile à fondre au fe; & lorsqu'il est en fusion, il est assez fluide. Si on fait un feu moins fort qu'il ne faut pour le fondre, il se calcine; d'abord le soufre superflu se dissipe, & ce qui reste en poudre étant fondu, donne le régule d'antimoine. Voyez Régule d'Antimoine. Si on continue de le laisser exposé au feu, le principe huileux de la partie métallique de l'antimoine, qui est son régule, se dissipe aussi, & il reste en une espece de cendre qui fondue fait le verre d'antimoine. Voyez Chaux d'Antimoine, Verre d'Antimoine .

On peut séparer la partie réguline de l'antimoine de sa partie sulphureuse, par le moyen de l'eau régale qui en dissout le métallique, & laisse le soufre qui y étoit mêlé.

Quoique la partie métallique de l'antimoine ait naturellement une grande liaison avec le soufre minéral, cependant celle qu'y ont les autres métaux est encore plus grande; de sorte que si on fond l'antimoine avec quelque métal que ce soit, à l'exception de l'or & de l'argent, le soufre de l'antimoine quittera sa partie réguline pour s'attacher au métal ou aux métaux avec lesquels on l'aura fondu, & la partie réguline restera seule. On se sert ordinairement de ce moyen pour faire le régule d'antimoine; on l'appelle régule martial, si pour le faire on a employé le fer; régule jovial, si on a employé l'étain; régule de Venus, si c'est le cuivre, &c. On peut aussi se servir de sels alkalis, ou qui s'alkalisent dans l'opération, pour absorber le soufre minéral, & en séparer le régule; c'est ce qu'on nomme régule ordinaire.

Il ne faut pas croire que ces matieres enlevent simplement le soufre minéral qui est dans l'antimoine: elles s'attachent aussi, quoique moins facilement, à la partie métallique; c'est pourquoi ii y a toûjours dans les scories qui se forment dans cette opération, du régule plus ou moins, & le régule prend une partie du métal qu'on a employé pour le séparer du soufre superflu.

Outre ces régules, la chaux & le vetre d'antimoine, on prépare communément avec ce minéral l'antimoine diaphorétique ou le diaphorétique minéral, le soufre doré d'antimoine, le kermès minéral, le foie d'antimoine, le safran des métaux, le beurre d'antimoine, le bésoard minéral, la poudre d'algaroth, ou le mercure de vie, le cinabre d'antimoine, l'éthiops antimonial, le vin émétique, le tartre émétique.

On voit, par tout ce que nous avons dit, que l'antimoine crud contient beaucoup de soufre de la nature du soufre commun; c'est vraissemblablement par cette partie sur - tout qu'il est bon dans les maladies de la peau, & dans certaines maladies de poitrine, comme est l'asthme.

Lorsqu'on fait usage de l'antimoine crud, il faut s'abstenir de tout ce qui est aigre, autrement on auroit des nausées & des défaillances. M. Malouin a fait l'expérience que le vin blanc dissout l'antimoine: & quoique l'antimoine, dans son éat naturel, soit plûtôt bien - faisant que mal - faisant; cependant il est pernicieux lorsqu'il est dissous: il a cela de commun avec le plomb, qui est ami des chairs tant qu'il est dans son état naturel, & qui est fort mauvais lorsqu'il est dissous. Ayant mis du vin blanc en digestion sur de l'antimoine crud en poudre, ce vin prit un goût cuivreux & de rouille de fer: M. Malouin en ayant goûté, trouva que le peu qu'il en avala l'incommoda fort; ce qui lui ôta l'espérance qu'il avoit de trouver, pour la guérison de certaines maladies longues, une teinture d'antimoine crud faite par le vin. Il se propose d'éprouver si on ne peut point faire un baume d'antimoine anisé, ou térébenthiné, ou autre, comme on fait un baume de soufre anisé, &c.

Ces observations conduisent à ne pas donner l'antimoine crud à ceux qui ont des aigres dans l'estomac & dans les humeurs, qu'on n'ait auparavant adouci & purgé ces humeurs: souvent il est à propos de joindre à l'antimoine crud des absorbans, ou des alkalis, comme la nacre de perle, le corail, les yeux d'écrevisses, la craie de Briançon, les coquilles de moules nettoyées & porphyrisées.

Il se trouve des occasions où il est utile de joindre l'antimoine crud au safran de Mars, comme pour les personnes du sexe qui ont le sang gaté, & qui n'ont point leurs regles; on leur donne, par exemple, huit grains de safran de Mars préparé à la rosée, mêlés avec quatre grains d'antimoine crud réduit en poudre fine: les Medecins varient les doses & les proportions de ces deux remedes, selon les circonstances.

On fait un grand usage de l'antimoine crud dans les tisanes, comme dans celles de Callac, de Vinache, &c. On met ordinairement dans ces tisanes une once d'antimoine pour chaque pinte d'eau; on le casse auparavant en morceaux, & on le met dans un linge, qu'on lie avec un fil, pour en faire un noüet; le même noüet sert toûjours pour refaire de la tisane.

Lorsqu'on met de l'antimoine dans les tisanes, il ne faut pas y faire bouillir de vin, comme on fait quelquefois, pour les employer dans des cas de paralysie, à la suite d'apoplexies séreuses. Voyez la Chimie medicinale, chez d'Houry, à Paris. (L)

Antimoine (Page 1:505)

* Antimoine (verred') Réduisez en poudre l'antimoine; mettez - le dans un plat de terre non vernissé sur un feu modéré, mais capable de faire fumer l'antimoine sans le mettre en fusion. Si votre feu est fort, & que vous n'ayez pas soin de remuer sans cesse la poudre d'un & d'autre côté, une partie amollira, 'amassera & se grumelera: vous vous appercevez que la matiere soit ainsi grumelée, ôtez - la de dessus le feu; mettez les grumeaux dans un mortier & les réduisez en poudre; remettez ensuite la poudre sur le feu; achevez la calcination avec plus de précaution. La calcination sera faite quand la poudre ne fumera plus, qu'elle ne donnera aucune odeur, & qu'elle sera blanchâtre: alors jettez - la dans un creuset entre des charbons ardens; couvrez le creuset; faites un feu violent pendant environ une demi - heure, en soufflant, afin que la matiere entre plus promptement dans une parfaite fusion. Pour vous assûrer de la susion, plongez - y une verge de fer; si vous ne trouvez aucune résistance vers le fond du creuset, & qu'ayant retiré la verge vous voyiez que la matiere file au bout, & qu'y étant refroidie, elle soit transparente, retirez aussi - tôt le creuset du feu; versez la matiere fondue sur un marbre chauffé ou dans une bassine plate de cuivre; laissez - la refroidir, & vous aurez ce qu'on appelle verre d'antimoine.

Ce verre est cassant, sans goût, sans odeur, transparent, d'une couleur jaune tirant sur le rouge, c'est - à - dire, de couleur hyacinthe.

Le fer rétablit en régule l'antimoine calciné. Si on remue long - tems avec une verge de fer la chaux d'antimoine fondue, on trouvera au bout de la verge de petites globules de régule.

L'antimoine calciné perce les creusets par le fond; un creuset ne peut donc servir plusieurs fois à faire le verre d'antimoine.

On fait enore du verre d'antimoine avec le régule en le calcinant de la même maniere. M. Stahl dit même que celui de régule est plus pur que celui d'antimoine crud.

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