ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
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blanche, ne blesse moins la vûe, & enfin ne sent
mieux celle du foin mouillé qu'on commence à allumer,
que parce que l'huile qui en fait une grande partie
est presque toute consumée avant que de sortir du
four où elle étoit renfermée, où elle a circulé & a
été forcée de passer à - travers une étendue de flamme
assez considérable; ce qui fait qu'on n'en nettoye
que rarement les cheminées, & qu'on n'y trouve
qu'une petite quantité de noir de fumée, qui ne se
voit point dans les cheminées des cuisines.
La flamme du grand fourneau anglois ne ressemble
point à la flamme ordinaire; je puis même avancer
qu'on n'en a aucune idée si on ne l'a vûe: cette singularité
n'est dûe qu'à la fumée, qui étant exposée à
l'ardeur de la flamme dans un long canal (car ce fourneau a souvent une cheminée de vingt à trente piés
de haut, au - dessus de laquelle on voit la flamme la
nuit), brûle en vapeurs, c'est - à - dire étant divisée
en des molécules très - fines qui forment autant de petits
points lumineux très - rouges: pour en donner une
idée qui en approche, je la comparerai à du carmin
en poudre fine qu'on agiteroit rapidement dans un
vase de verre crystallin, ou aux vapeurs formées de
l'acide nitreux le plus concentré, qui auroient l'éclat
du feu; car la flamme de ce fourneau est obscure,
tant elle est chargée; ce qui peut venir de la cendre
qu'elle entraîne. On a encore quelque chose d'approchant
dans quelques compositions de feux d'artifice.
Il ne doit donc point ou presque point sortir de fumée
par la cheminée de ce fourneau: la chose est démontrée
par l'art qu'on a de mettre au sommet de la
flamme d'une chandelle ou d'une lampe, un petit
tuyau métallique où la lumiere monte & consume
le peu de fumée qu'elle laisse échapper. Nous avons
vû qu'on peut se dispenser d'employer ce tuyau pour
la meche de la lampe par l'arrangement qu'on lui
donne; ce qui est encore appliquable à ce dont il est
ici question.
On pourroit m'objecter que les fourneaux des cloches
& des canons remplissent l'atmosphere du hangard
qui les couvre d'une matiere fuligineuse, tendre,
& legere, comme on peut le voir à l'arsenal de
Paris, &c. mais c'est prêter de nouvelles forces à
ce que j'ai avancé. Cette matiere fuligineuse ne
blesse point la vûe; elle est en petite quantité, malgré
celle du bois qu'on brûle pendant plusieurs heures,
& si legere qu'elle se soûtient dans l'air sans paroître
tomber, semblable à celle de la chandelle qui
ne se repose que dans les endroits les plus tranquilles
& les plus à couvert de l'agitation de l'air; avec
cette différence pourtant, que celle ci est plus charbonneuse,
plus noire, & plus nuisible: d'ailleurs ces
sortes de fourneaux sont sans cheminée; ils n'ont
pour regîtres que trois ou quatre ouvertures de six
ou huit pouces en quarré, selon la grandeur du fourneau, horisontalement disposées contre la chûte des
corps. Que deviendra donc cette matiere fuligineuse,
quand elle aura été encore exposée pendant la
longueur de vingt ou trente piés, à l'action d'une
flamme beaucoup plus vive & plus rapide, en conséquence
de la longueur qu'elle a à parcourir? elle doit
être résoute en ses élémens, & être invisible comme
le noir de fumée que Stahl a brûlé dans un creuset.
Si on approche deux chandelles l'une de l'autre,
la petite atmosphere lumineuse qui paroissoit à - peine d'abord, étant vûe à un pouce ou deux de distance,
devient sensible, soit en conséquence de l'augmentation
de mouvement, soit parce que le charbon
qui s'en échappe peut être brûlé.
Une chandelle allumée n'en allume une autre inférieure
mal éteinte & qui fume encore, que parce
que la fumée ou les parties grasses & charbonneuses
qui s'élevent encore de celle - ci, fournissent un aliment
qui touche la flamme de la supérieure, & que
celle - ci suit.
L'auteur ingénieux du poêle sans fumée, focus
acapnos, est M. Dalesme, qui le publia en 1686,
comme on peut le voir pag. 116. du journal des Savans de la même année. M. Justelius, angsois, fut le
premier qui en rendit la figure publique; il la donna
presque en même tems dans les mémoires de la joctété
royale de Londres: comme nous n'en avons point
représenté la figure, nous prendrons parmi nos fourneaux de quoi nous faire entendre. Soit donnée la
fig. 37. n°. 1. on fait un cylindre creux en tôle, au
milieu duquel on met une grille, comme à un fourneau: la partie supérieure est aussi ouverte; on peut
encore le faire cubique de cinq lames de tôle, dans le
goût de la fig. 36. & cela est même plus aisé. Pardessous la grille on ajuste un tuyau elliptique au cendrier: on fait ce tuyau le plus gros qu'il est possible,
& même on fait l'axe de l'ellipse égal au diamene
du foyer, & conséquemment horitontal. Il est dans
la même position précisément que notre tuyau b, à
cela pres qu'il est plus gros, comme nous l'avons
dit, recourbé à angles droits, & deux ou trois fois
plus haut que le corps du fourneau: on commence
par échauffer la partie horisontale du tuyau; on met
des charbons ardens sur la grille du foyer, & ensuite
quelque matiere combustible, comme du bois, de
la tourbe, &c. La flamme passe à - travers la grille,
descend dans le cendrier, & enfile le tuyau b; &
toute la chaleur sort par son orifice b. Mais la fumée
est obligée de suivre le même chemin, c'est - à - dire
d'enfiler aussi le tuyau b, & de passer à - travers la
flamme qui remplit tout ce tuyau: ensorte qu'elle
perd sa consistence & son caractere de fumée, se
convertit en flamme, & sort sous cette apparence
par l'extrémité du tuyau b, sans donner aucune marque
de sa nature; car elle est devenue insensible; ce
que nous venons de donner est plus la correction qui
se trouve dans les remarques que M. de la Hire a
ajoûtées dans l'endroit cité du journal des Savans,
que la premiere ébauche qui en a paru. Peu importe
qu'on chauffe la partie horisontale du tuyau avant
que de mettre des charbons sur la grille; si - tôt qu'ils
y sont, l'air s'échauffe au commencement de ce
tuyau, & on n'y met des charbons ardens que pour l'échauffer
plus vîte; ainsi on peut se dispenser de cette
peine. Voyez plus bas ce que nous rapporterons des
expériences de Gauger. A mesure que l'air s'échauffe
sous la grille dans le tuyau, la chaleur qu'on sentoit
sur la grille diminue: ensorte qu'à la fin on voit la
flamme passer par l'extrémité b, & qu'on ne sent
plus aucune chaleur au - dessus de la grille. Quand les
choses en sont à ce point, si on jette de la paille sur
le charbon, la flamme passe rapidement sous la grille,
& sort par l'extrémité du tuyau sans donner de
fumée: mais elle y produit une vive chaleur, tandis
que le froid continue au - dessus de la grille. Le bois,
la tourbe, le soufre, les huiles, donnent le même
phénomene, & le tuyau s'échauffe au lieu de rougir;
on y entend même siffler la flamme, tant sa rapidité
est grande. On observe que les corps qui répandent
en brûlant une puanteur insupportable ou un parfum
agréable, ne donnent ni bonne ni mauvaise odeur
dans ce poêle, & ne laissent d'autres vestiges de leur
combustion, que des cendres. Enfin tous les corps
combustibles subissent le même sort; leur flamme est
également chassée par l'air qui presse le foyer plus
bas que l'extrémité du tuyau, dans toute la longueur
duquel réside la chaleur: c'est pour cette raison que
la fumée y devient flamme; elle s'y atténue enfin à
un point que tout ce qui étoit combustible ou capable
de prendre le mouvement igné, ne laisse plus aucune
trace de sa premiere existence. Ainsi la matiere
du feu se résout en ses élémens, & ne paroît point
sous une espece d'aggrégation, comme dans le noir
de fumée; tant le mouvement qui lui est imprimé est
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considérable. Boerhaave, element. chem. pag. 163.
Ne pourroit - il pas se trouver des occasions où il
seroit nécessaire d'employer une flamme qui n'auroit
que très - peu ou point - du - tout de fumée, & conséquemment
d'avoir recours à la construction du poéle
sans fumée? La fumée est nuisible, par exemple,
dans les fourneaux de verrerie, où les creusets demeurent
toûjours ouverts. Elle gâte le verre, &
l'empêche de se perfectionner. Neri, préf. page 17.
Le fourneau qui seroit le plus approchant de ce
poéle, celui auquel il y auroit moins de changement
à faire, seroit le grand fourneau anglois, ou notre
fig. 19. On m'objectera que la fumee ou partie
charbonneuse fine du bois qui échappe à l'embrasement,
y est nécessaire pour le succes de certaines
epérations, comme, par exemple, du minium, de la
fonte des mines, de celle du cuivre, &c. mais on
peut repondre à cela, que si cette partie charbonneuse
est consumée dans le commencement de son
trajet à - travers la flamme, ce qui n'est pas démontré,
il s'ensuit que cette methode ne sera pas bonne
dans les circonstances ou la partie charbonneuse est
nécessaire; & en effet on parle de celles où elle seroit
nuisible. On pourroit donc en ce cas, au lieu de
mettre la grille en b au - dessous du sol, la placer au
niveau de la voûte qui est immédiatement au - dessus; on ouvriroit un espace au - dessus de la grille,
comme dans celui du poêle sans fumée, capable de
contenir l'aliment nécessaire au feu; & sous la grille
on condamneroit le cendrier qui pour lors seroit inutile
& nuisible, & on le mettroit au niveau du sol du
fourneau; ensorte qu'on auroit un vrai poêle sans
sumée en toutes les regles, mais en grand. Mais il faut
observer que la cheminée, comme celle des fourneaux anglois, seroit nécessaire en ce cas, & qu'on
ne pourroit pas faire ce changement aux fourneaux
des canons de l'arsenal de Paris, à - moins que d'y en
construire une.
Nous avons encore observé, en parlant du fournaliste,
que dans sa chemineé on trouvoit des cendres
noires, ou une matiere noire & seche qui n'étoit
pas o>ctueuse comme le noir de fumée. On trouve
encore la même matiere à la partie supérieure
que les fourneaux y ont dans son four, c'est - à - dire
dans cet endroit qui y est le moins exposé à l'action
du feu; & cette matiere y est encore moins noire &
fuligineuse que celle de la cheminée.
Le four du potier de terre est beaucoup plus large
& plus long que celui du fournaliste; mais sa cheminée
est derriere, & la flamme n'est pas obligée de s'y
réfléchir, ce qui la rend d'autant plus vive: aussi n'apperçoit - on ni sur les pots ni dans la cheminée pas le
moindre vestige de suie. J'ai aussi remarqué que l'endroit
le plus vitrifié, celui qui avoit le plus éprouvé
l'action du feu, c'étoit l'extrémité du four & le commencement
de la cheminée.
On peut profiter de tous ces exemples pour la
Chimie & l'Economie domestique: ce n'est pas que
nous conseillions de faire des poêles sans fumée dont
le tuyau seroit ouvert dans les appartemens; nous
ne connoissons que trop les accidens qui arrivent tous
les jours de la part de la vapeur du charbon ou matiere
du feu, quoiqu'invisibles, encore associées à
des corps qu'on ne connoît pas, comme les gas de
Vanhelmont; mais il n'y auroit rien à craindre, si
les tuyaux avoient une issue au - dehors; & s'il resstoit
encore des doutes sur l'ouverture de la partie
supérieure de la grille, on pourroit la fermer & dériver
l'air, qui lui seroit nécessaire, par un tuyau
recourbé qui perceroit dans une chambre inférieure,
ou même qui seroit horisontal & viendroit du dehors.
Nous en parlerons dans la suite.
Quand on allume les fourneaux, on sent pour l'ordinaire
une odeur de foie de soufre, & quelquefois
de soufre brûlant; on en trouvera les raisons aux
artieles Soufre & Phlogistique.
Quand on les veut aliumer lentement, on met,
comme nous l'avons déjà dit à l'art. Essai, les charbons
ardens par le haut sur les charbons noirs dont on
les a eu remplis. Les soupiraux & les regitres étant ouverts,
le feu descend; c'est de la sorte qu'on allume
ordinairement la tour des athanors, & qu'il faut nécessairement
allumer celle qui n'a point de bouche
du feu, comme dans Charas, à - moins qu'on ne veuille
se donner la peine d'ôter le charbon dont elle peut
être pleine. Son dôme & son soupirail étant ouverts,
le feu descend de haut - en - bas, à - peu - près dans la
même quantité qu'on l'y a mis; c'est - à - dire que les
charbons allument de proche en proche pareille
quantité de charbons à - peu - près, & perdent l'ignition
qu'ils ont communiquée, jusqu'à ce que l'embrasement
étant parvenu au fond du charbon ou du
fourneau, il se communique enfin à tout celui qui
est dans la tour, si on n'a soin de fermer sa partie
supérieure: voilà le fait; cherchons - lui quelque application.
L'air passe par le soupirail ou par les regitres
qui sont inférieurs à la partie supérieure de
la tour, pour se mettre en équilibre avec celui qui
étant raréfié par le feu, doit déterminer son action par
en - haut; puisque le feu étant plus leger que l'air, il
doit s'élever au - dessus de celui - ci: ou, ce qui revient
au même, que l'air chaud, qui est plus rare & plus
leger, doit s'élever au - dessus de celui qui est froid:
ensorte que le feu, au - lieu de s'étendre par en - bas,
s'éteindroit faute de pâture au - dessus de lui. Quelle
est donc la cause qui produit ce phénomene, & qui
change le cours de l'air, non - seulement dans la circonstance
présente, où il est tout le contraire de ce
qu'il est ordinairement; mais encore dans la suite,
où le charbon de la tour étant allumé par le bas, l'air
reprend son jeu ordinaire? seroit - ce par un méchanisme
approchant de celui du poêle sans fumée? La
chose ne s'y passe de la sorte que parce qu'il a un
tuyau qui est supérieur à son foyer: ainsi il ne seroit
pas étonnant que la même chose arrivât dans l'athanor
de M. Cramer, en supposant que l'une de
ses petites cheminées fût plus haute que la partie supérieure
de la tour, & ouverte aussi, selon les expériences
de Gauger. Si l'on expose un tuyau au feu
horisontalement, il donne une vapeur chaude à chaque
extrémité: si on l'incline, le côté supérieur soufslera
un air chaud capable d'éteindre la flamme d'une
bougie; & cet air le sera d'autant plus, qu'on lélevera
davantage. La chose sera la même, si l'on
change de bout; celui qui étoit supérieur d'abord se
refroidira, & celui qui est devenu le supérieur, d'inférieur
qu'il étoit avant, s'échauffera à son tour; &
quoiqu'on bouche l'extrémité inférieure, l'air ne
laissera pas de sortir, quoiqu'avec moins de vivacité;
par la raison qu'il fait pour lors comme dans un
tuyau d'orgue à vent fermé, où il a une colonne entrante
& une colonne sortante. Ainsi une moufle
d'essai pourra n'avoir point de soupiraux; & l'agitation
de l'air, malgré cela, ne laissera pas d'entraîner
ses vapeurs, quoique plus foiblement. Au reste,
il y a au - moins certainement une vapeur ignée comme
autour des poêles, &c. qui produit le phénomene
qu'on attribue peut - être mal - à - psopos à l'air: d'où
il s'ensuit que l'air le plus chaud est le plus leger &
prend le dessus, & qu'une chambre doit être plus
chaude en - haut qu'en - bas, &c. Mais si au lieu du
tuyau droit dont nous venons de parler, on en employe
un courbé comme un syphon, la chose sera
précisément la même, c'est - à - dire que l'air sortira
pour lors par la plus longue branche. On pourroit
comparer la tour de l'athanor de Cramer avec son
foyer & une de ses cheminées à un syphon.
Mais on observe que la petite flamme que donne
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