ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"244B"> Charas & le Fêvre dont l'athanor est le double de celui - ci. Cet auteur couvre le talud d'une plaque de tôle unie, afin que le charbon coule mieux. La porte du foyer c ne s'ouvre qu'au besoin, mais celle du soupirail doit l'être continuellement, sans quoi le fourneau n'iroit pas. A 4 ou 5 pouces de la premiere plaque de tôle, on en met une autre aussi de tôle ou de fonte, qu'on encastre pareillement dans le mur: celle - ci est destinée à soûtenir le sable; on laisse cependant aux quatre coins la place de quatre regîtres, qui sont quatre tuyaux de tôle d'un pouce de diametre, qu'on diminue si l'on veut avec des bouchons percés de différente grandeur. On éleve ensuite les murs & le massif qui doit porter la tour à la hauteur d'un pié environ; ensuite de quoi on fait la tour en terre, ou en tôle, ou en briques, cela est indifférent: on lui fait aussi un couvercle, qui la ferme bien juste, comme nous l'avons déjà dit du précédent athanor, dont la description ne sera pas inutile pour celui - ci, quoique inapplicable dans bien des cas. La tour & son dôme dans notre figure 61 sont de terre. On conçoit aisément que la porte f de la chambre du feu, & la porte e de l'étuve, do vent être continuellement fermées, & particurierement la porte f, car la porte e s'ouvre de tems en tems pour ce qu'on a à faire sécher à l'étuve.

Quoique l'invention des athanors, dont le feu brûle dans la tour, soit effectivement bien commode, on a inventé après eux une sorte de tour, de laquelle le charbon tombe dans le foyer des fourneaux qui lui sont joints, & qui contiennent les matieres, lesquelles par ce moyen en sont bien plus échauffées qu'elles le seroient par une chaleur qui ne viendroit que de la tour.

Si après avoir allumé le feu dans les foyers des fourneaux de l'athanor de Charas (ce sont ses remarques), on remplit les canaux de la tour de charbon qui ne soit ni trop gros ni trop menu, & si ensuite on bouche les ouvertures de la tour & les portes des foyers des fourneaux, car la tour n'en a point du tout, non plus que de soupirail, on peut être sûr d'avoir un feu égal, qui continuera du - moins pendant vingt - quatre heures; ce feu chauffera très doucement, si on bouche encore les soupiraux des fourneaux adjacens, & qu'il n'y ait d'ouvert que leurs regitres.

Quelquefois on fait quarrée la tour de l'athanor, afin qu'elle communique sa chaleur à un plus grand nombre de fourneaux. On en voit un dans Libavius, dont la tour est hexagone; ensorte qu'elle est environnée de cinq fourneaux, & a ses portes à son sixieme côté. Ces sortes d'athanors se placent pour lors au milieu du laboratoire; mais ils doivent marcher difficilement.

Le Fêvre & Glaser disent que le dôme de la tour de l'athanor peut être converti en un appareil utile, & qu'il suffit pour cela de mettre une terrine à sa place. L'intermede qu'on y mettra, déterminera la nature du bain auquel elle servira; mais je croi que la chaleur de ce bain doit être bien foible: au reste c'est un essai qu'on peut faire aisément d'après le Fêvre qui en parle comme par expérience; & peu importe que le dôme ferme la tour par sa partie convexe ou concave. Voyez - en l'appareil, page 144. de Biringuccio.

Nous pourrions citer ici avec le Fêvre, Glaser & Charas, une foule d'auteurs qui ont toûjours mis quatre regîtres aux quatre coins de leur athanor, comme on le voit dans notre figure 61. mais les deux regîtres voisins de la tour ne me paroissent faits que pour ralentir l'action du feu; & cela doit être évident pour ceux qui auront lû attentivement la description de l'athanor de Cramer, & qui considéreront le jeu du feu dans le grand fourneau anglois, ou dans notre figure 19 - 21. qui est la même chose, ou dans tous ceux qui approchent de leur structure.

Outre la grille du foyer de la tour de l'athanor, fig. 61, il faut qu'il y en ait encore une autre horisontale, comme celle des artistes qui font la cire d'Espagne. Charas n'en a rien dit, & il ne le pouvoit pas; il vouloit que le charbon de sa tour tombât dans le foyer des fourneaux adjacens, & les remplît: mais il n'en est pas de même de notre figure 61, le charbon ne doit pas passer la grille de la tour, mais il la passeroit nécessairement s'il n'étoit pas retenu par une grille horisontale qu'on ne voit pas, mais que la raison supplée aisément. Quand il y a deux fournecaux & qu'il n'y a qu'une tour, il faut nécessairement une plaque à l'une & à l'autre, comme à celui de Cramer, pour gouverner le feu. Cette plaque se trouve dans quantité d'auteurs, & est fort ancienne. Par ce moyen on peut se servir de leurs foyers sans allumer le charbon de la tour; parce qu'on n'a pas toûjours occasion de faire marcher deux fourneaux à - la - fois, & de faire des opérations qui demandent un feu de vingt - quatre heures; mais pour lors les quatre regîtres doivent être ouverts.

La tour de notre athanor, fig. 61, est conique. Cette figure est exigée par la plûpart des auteurs. Voyez Charas, &c. Mais M. Cramer, comme on peut le voir, a cru pouvoir négliger cette précaution qu'on ne prend que pour empêcher que deux charbons se rencontrant par l'une de leurs extrémités, ne viennent à s'arcbouter par l'autre contre les parois de la tour, & à empêcher la chûte de ceux qui se trouveroient par - dessus: mais il est bien aisé de voir que cet inconvénient n'aura jamais lieu dans une tour dont les parois verticales seront bien polies, & qu'il pourroit très - bien arriver même dans une tour de figure conique, dont les parois seroient raboteuses. On peut éviter cet inconvénient, soit que la tour soit conique ou pyramidale, en cassant le charbon comme pour les fourneaux ordinaires, avant que de le mettre dans la tour.

Il suit donc que si M. Cramer n'est pas le premier qui ait senti la nécessité de bien construire un athanor, il est au - moins le premier qui y ait remédié & qui l'ait bien figuré & expliqué. Son athanor va comme il le dit. On en a construit un à Paris d'après sa description, qui le prouve. Le méchanisme de ce fourneau doit être fondé sur ce que le feu veut monter, & non descendre. M. Cramer l'a bien vû, & c'est une remarque qui ne doit pas échapper à ceux qui examineront son fourneau: mais il me semble qu'il y a encore quelque chose à y metire de plus; c'est l'inclinaison dont nous venons de parler au sujet de la figure 61, afin que le charbon de sa tour, au lieu de descendre perpendiculairement comme il fait, descende obliquement pour s'approcher de la premiere chambre, & rende par - là le canal du feu plus droit. Nous appellons ici le canal du feu, la ligne que nous faisons passer par le soûpirail, le cendrier, la grille, le foyer, la fenêtre biaise & la premiere cheminée, ou par la derniere cheminée aussi si l'on veut, & nous remarquons que plus cette ligne sera droite & ira de bas en - haut, mieux l'athanor marchera: mais comme cette premiere chambre a pour regître une plaque de fer, il faudroit de toute nécessité à son fourneau la grille horisontale dont nous avons parlé, pour empêcher que le charbon venant à tomber sous cette plaque, ne s'oppose à la liberté qu'elle doit avoir de joüer dans ses coulisses, & de fermer tout - à - fait la fenêtre biaise de communication. Cette grille & l'inclinaiton dont nous parlons, peuvent même être prises dans l'epaisseur du mur de la tour de M. Cramer.

L'athanor de Gellert ou celui de Ludolf, qui sont presque la même chose, ne sont quant au fond que celui de Cramer, augmenté de plusieurs chambres [p. 245] qui ne doivent pas beaucoup servir, si ce n'est d'étuve, peut - être, ou à empêcher que le fourneau n'aille bien, ou à y faire faire un feu si violent pour qu'il puisse être de quelqu'effet à l'autre bout, que le fourneau ne pourroit manquer de couler. Il y a pourtant cette difference commune entre les athanors de Cramer & de Gellert, & celui de Ludolf, que ce dernier auteur a construit le sien de façon qu'il faut que le feu descende au lieu de monter. Voyez le même défaut, Planche III. de Barchusen, page 77. de Barner, & Planche IV. de Manget. Au reste, on peut bien ne pas regarder les dernieres chambres que Ludolf & Gellert ont ajoûtées au fourneau de Cramer, comme tout - à - fait inutiles; au - moins peuvent - elles n'être pas nuisibles entre les mains d'un bon artiste; la longueur de l'athanor pouvant être considérée ainsi que nous l'avons déjà avancé, comme le canal qui sert à augmenter la vivacité du feu dans les fourneaux de fusion, & par cette raison - là étant dirigé obliquement de bas en - haut: il s'ensuit donc que la chaleur qui regne dans les chambres les plus éloignées, peut servir à quelques opérations, quoiqu'elle y soit foible. Je sens bien qu'en raisonnant sur les principes de la construction de quelques fourneaux en grand, comme du fourneau à l'angloise, on croira que la chaleur dans le canal de l'athanor doit être semblable à celle de la cheminée de ces grands fourneaux, mais on seroit dans l'erreur si l'on se fondoit sur cette idée. Il y a une très - grande différence entre la flamme du bois qu'on brûle dans le fourneau anglois, & la flamme du charbon, qui est peu de chose.

On peut considérer les fourneaux à lampe comme des athanors différens des autres par la forme & la pâture du feu. Il y a une certaine analogie entre la pompe d'une lampe & la tour d'un athanor.

Des fourneaux polychrestes. Ce sont des fourneaux qui, comme on peut le conjecturer par la signification du mot grec composé dont on les qualifie, servent à plusieurs opérations. Il y a même des auteurs qui prétendent qu'avec un pareil fourneau bien construit, on peut se dispenser d'avoir tous les autres, pourvû toutefois qu'on n'ait pas plusieurs opérations à faire à - la - fois. Examinons ces prétentions.

Les Chimistes ont observé que le même fourneau servoit à plusieurs opérations. La nécessité en a étendu l'usage, & est devenu un principe. On a donné des preuves de sa sagacité en mettant les fourneaux à la torture; mais on a fait voir qu'on n'en connoissoit point la méchanique. Ceux qui ont appliqué les fourneaux à plus d'objets, ont été regardés comme les plus habiles; & en effet, il a fallu de l'imagination. De - là est venu l'axiome, qu'un bon artiste avoit besoin de peu d'instrumens. Mais cela ne prouve que de l'analogie dans l'esprit de l'artiste, & de la sagacité si l'on veut, & non point - du - tout que les instrumens soient bons à exécuter son idée; de facon qu'elle ne pourroit l'être en moins de tems, de peine, de dépense, & avec plus de facilité par un autre. Malgré cela les plus habiles se sont exercés à chercher des fourneaux qui pussent servir à toute sorte d'usages, & il faut avoüer qu'ils y ont réussi jusqu'à un certain point. Cependant on ne peut se dissimuler qu'ils sont partis d'après un principe erroné; & quel principe ne l'est pas, ou peut être général? Ils ne se seroient pas donné tant de peine s'ils eussent été bien convaincus que l'art des fourneaux n'étoit & n'est encore que dans son enfance; & que leurs bonnes ou mauvaises qualités dépendent d'un rien qui n'a point été connu, & qui vraissemblablement ne le sera jamais. La connoissance des fourneaux seroit certainement plus avancée, s'ils ne l'eussent pas retardée par leurs idées de vouloir prévenir la nature. Il falloit commencer par faire un fourneau simple parfait pour un seul usa<cb-> ge, avant que de le vouloir appliquer à plusieurs; & sans doute qu'ils eussent été guéris de cette demangeaison. Ce n'est pas que je regarde la chose comme aisée & même comme possible; car il me semble que l'exécution d'un pareil ustensile dépend de la connoissance composée de la nature des matériaux qu'on y employe, du feu qui y exerce son action, des vaisseaux & des corps qu'ils contiennent, & de l'espace à parcourir; comme celle d'une machine dépend de la raison composée de la flexibilité des leviers, de leur poids, densité, frottement, &c. mais on peut au - moins tenter d'approcher de l'une & de l'autre.

Nous avons à donner deux exemples particuliers de fourneaux polychrestes, sans compter que nous considérerons sous ce point de vûe la plûpart de ceux dont nous avons déjà parlé. Il ne faut pourtant pas croire qu'il faille autant de fourneaux que d'opérations, & que le même fourneau ne puisse & ne doive servir à plusieurs du même genre. Il faut donc entendre par polychreste, celui qui pourra servir à plusieurs opérations disparates, comme par exemple, distillation & fusion, &c. Nous avons à parler en premier lieu du fourneau de Dornaeus, fig. 75. & de celui de Beccher, fig. 71. le plus polychreste de tous, si l'on peut parler ainsi, ou celui qui se prête le mieux à la plus grande quantité d'opérations. Nous ferons revenir ensuite comme tels ceux qui nous paroissent plus précaires que ce dernier. Au reste, nous ne voulons point prevenir l'esprit du lecteur. Nous allons le mettre à portée d'examiner.

Les esprits fourmillent quelquefois d'inventions singulieres qu'ils varient sans aucune nécessité jusqu'à l'intempérance. Quelquefois la nécessité ou l'économie cherchent à abréger les travaux, sans faire attention que, quand on veut faire à - la - fois deux choses différentes, on ne fait souvent ni l'une ni l'autre. Un bon artiste ne cherchera point à abréger mal - à - propos, & il évitera avec le même soin de prodiguer ses peines. Il sait employer les fourneaux & les instrurnens nécessaires, quoiqu'il voye qu'il faudra plus de tems & de dépense. Ceux qui voudront essayer de faire plusieurs travaux en même tems & au même feu, peùvent consulter Dornaeus. Ce chimiste donne un fourneau où l'on peut distiller de trois façons: par ascension au bain de sable & de cendres; par le côté à la retorte; & enfin par descension, dans le même tems, avec le même feu, sans beaucoup plus de peine, & dans peu d'espace; car son fourneau est élevé & étroit; & il ne lui étoit pas même difficile d'augmenter son fourneau & ses vaisseaux, au cas que l'élévation de l'endroit le lui eût permis, pour distiller aussi au bain - sec, au bain marie, & à ceux de vapeurs, de cendres, & de sable.

Il éleve deux murs de briques, fig. 75. à un pié & demi l'un de l'autre. Ils ont aussi un pié & demi de haut, & autant de large; ainsi le premier étage du fourneau est ouvert par - devant & par - derriere. Il pose sur ces deux murs deux barres de fer en - avant, & autant en - arriere, pour soûtenir les murailles & le sol du second étage. Ces barres, comme on peut juger, ne paroissent qu'en - dessous. Elles sont à la hauteur de O; on peut toutefois s'en passer en faisant un petit arc de voûte entre les deux murs latéraux, comme on voit dans la partie antérieure du premier corps A. On laisse dans le sol qui sépare le premier du second étage B, un trou circulaire de 4 pouces de diametre, pour passer le col d'un matras descensoire: ensuite on éleve trois murs d'un pié & demi de haut, à angles droits sur les barres O, pour former le second étage. Le devant est ouvert par une grande porte arquée. Sur les murs de ce second étage, on met des barres de fer à un doigt de distance les unes des autres; c'est ce qu'on voit sous la retor<pb->

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