RECHERCHE | Accueil | Mises en garde | Documentation | ATILF | ARTFL | Courriel |
"210">
On distingue deux especes de fossiles, 1°. ceux qui ont été formés dans la terre, & qui lui sont propres; on les appelle fossiles natifs. Tels sont les terres, les pierres, les pierres précieuses, les crystaux, les métaux, &c. 2°. ceux qui ne sont point propres à la terre, que l'on appelle fossiles étrangers à la terre. Ce sont des corps appartenans, soit au regne minéral, soit au regne vegétal: tels que les coquilles, les ossemens de poissons & de quadrupedes, les bois, les plantes, &c. que l'on trouve ensevelis dans les entrailles de la terre où ils ont eté portés accidentellement.
On se sert encore souvent du mot fossile comme d'un adjectif, en le joignant au nom de quelque matiere qui, sans devoir son origine à la terre, se trouve pourtant dans son sein; & alors l'épithete de fossile sert à la distinguer de celle qui est naturelle, & qui se trouve ailleurs que dans la terre. C'est ainsi que l'on dit de l'ivoire fossile, du bois fossile, des coquilles fossiles, &c.
De tous les phénomenes que présente l'Histoire
naturelle, il n'en est point qui ait plus attiré l'attention
des Naturalistes, que la prodigieuse quantité de
corps étrangers à la terre qui se trouvent ensevelis
dans son sein & répandus à sa surface; ils ont donc
fait des hypotheses & hasardé des conjectures, pour
expliquer comment ces substances appartenantes
originairement à d'autres regnes ont été, pour ainsi
dire, dépaysées & transportées dans le regne minéral.
Ce qui les a sur - tout frappés, c'est l'énorme
quantité de coquilles & de corps marins, dont on rencontre
des couches & des amas immenses dans toutes
les parties connues de notre globe, souvent à une distance
très - grande de la mer, depuis le sommet des
plus hautes montagnes jusque dans les lieux les plus
profonds de la terre. En effot, sans sortir de l'Europe, la France, l'Angleterre, l'Allemagne, l'Italie,
&c. nous en fournissent des exemples frappans. Les
environs de Paris même nous preientent des carrieres
inépuisables de pierres propres à bâtir, qui paroissent
uniquement composées de coquilles. En genéral
il y a tout lieu de croire que toutes les terres
& pierres calcaires, c'est - à - dire qui sont propres
à se changer en chaux par l'action du seu, telles
que les marbres, les pierres à chaux, la craie,
&c. doivent leur origine à des coquilles qui ont été
peu à - peu détruites & décomposées dans le sein de
la terre, & à qui un gluten a donné de la liaison, &
fait prendre la dureté & la consistance plus ou moins
grande que nous y remarquons. Voyez l'article
Ces couches immenses de coquilies fossiles sont toûjours paralleles à l'horison; quelquefois il y en a plusieurs couches séparées les unes des autres par des lits intermédiaires de terre ou de sable. Il ne paroît point qu'elles ayent été répandues ni jettées au hasard sur les différentes parties de notre continent; mais il y en a qui se trouvent toûjours ensemble & forment des amas immenses. Il semble que les animaux qui les habitoient ayent vêcu en famille & formé une espece de société. Une chose très - digne de remarque, c'est que suivant les observations des meilleurs naturalistes, les coquilles & corps marins qui se trouvent dans nos pays ne sont point des mers de nos climats; mais leurs analogues vivans ne se rencontrent que dans les mers des Indes & des pays chauds. Quelques individus qui sont de tous les pays, & que l'on trouve avec ces coquilies, ne prouvent rien contre cette observation générale. Il y en a plusieurs dont les analogues vivans nous sont
L'on avoit observé déjà dans l'antiquité la plus reculée, que la terre renfermoit un très - grand nombre de corps marins; cela donna lieu de penser qu'il falloit qu'elle eût autrefois servi de lit à la mer. Il paroît que c'étoit le sentiment de Xénophane sondateur de la secte éléatique; Hérodote observa les coquilies qui se trouvoient dans les montagnes de l'Egypte, & soupçonna que la mer s'en étoit retiree. Tel fut aussi, suivant le rapport de Strabon, le sontiment d'Eratosthene qui vivoit du tems de Ptolemée Philopator & de Ptolemée Epiphane. On croyoit la même chose du tems d'Ovide, qui dans un passage connu de ses metamorphoses, liv. XV. dit: Vidi ego, quod fuerat quondam solidissima tellas, Eise fretum. Vidi factas ex aequore terras, Et procul à pelago conchoe jacuêre marinoe. &c.
Ce sentiment fut aussi celui d'Avicenne & des savans arabes; mais quoiqu'il eût été si universeliement répandu parmi les anciens, il fut oublie par la suite; & les observations d'Histoire naturelle furent entierement negligées parmi nous dans les siecles d'ignorance qui succéderent. Quand on recommença à observer, les savans à qui la philosophie peripatéticienne & les subtilités de l'ecole avoient fait adopter une façon de raisonner fort bisarre, pretendirent que les coquilles, & autres fossiles étrangers à la terre, avoient été formes par une force plastique (vis plasiica) ou par une semence universellement repandue (seminium & vis seminalis). D'où l'on voit qu'ils ne regardoient les corp marins fossiles que comme des jeux de la nature, sans faire attention à la parfaite analogie qui se trouvoit entre ces mêmes corps tires de l'interieur de la terte, > d'autres corps de la mer, ou appartenans au regne animal & au regne végétal; analogie qui eût seule suffi pour les detromper. On sentit cependant qu'il y avoit des corps fossiles auxquels on ne pouvoit point attribuer cette tormation, parce qu'on y remarquoit clairement une structure organique: de - là vint, par exemple, l'opinion de quelques auteurs qui ont regarde les ossemens fossiles que l'on trouve dans plusieurs endrous de la terre, comme ayant appartenu aux géans dont parle la Sainte - Ecliture; cependant un peu de connoistance dans l'Anatomie auroit suffi pour les convamere que ces ossemens, quelquefois d'une grandeur demesurée, avoient appartenu à des poissons ou à des quadrupedes, & non à des hommes. Ces pretendues forces plastiques & ces explications, quelque absurdes & inintelligibles qu'elles fussent, ont trouvé & trouvent encore aujourd'hui des partisans, parmi lesquels on peut compter Lister, Langius, & beaucoup d'autres naturalistes, éclaires d'ailleurs.
Cependant dès le xvj. siecle plusieurs savans, à la tête desquels on peut mettre Fracastor, en considérant les substances fossiles étrangeres à la terre, trouverent qu'elles avoient une ressemblance si parfaite avec d'autres corps de la nature, qu'ils ne douterent plus que ce ne sut la mer qui les eût apportes sur le continent; & comme on ne voyoit point de cause plus vraissemblable de ce phénomene que le deluge universel, on lui attribua tous les corps marins qui se trouvent sur notre globe, que ses eaux avoient entierement inondé. Burnet, en suivant le systeme de Descartes, prétendit expliquer commert cette grande révolution s'etoit faite, & d'où etoit venue l'immense quantité d'eau qui produisit cette [p. 211]
Plusieurs naturalistes, sans adopter les sentimens de Burnet sur la cause du deluge, ni l'hypothese de Woodward, n'ont point laisse que de regarder le déluge de Noé comme la cause qui avoit porte les corps étrangers sur la terre; ils ont ciu que par un changement dans la position de l'axe de la terre, la mer pouvoit avoir ete jettee avec violence sur le continent qu'elle avoit entierement inonde. & que de cette maniere elle y ayoit apporte les productions & les animaux qui lui sont propres.
On ne peut douter de la realite du déluge, de quelque voie que Dieu se soit servi pour operer cette gran le révoiution, mais ii paroit que, sans s'ecarter du respect du au témoignage des aintes Ecritures, il est permis à un naturaliste d'examiner si le déluge a ete reellement cause des phénomenes dont nous parlons, sur - tout attendu que la Genese garde un silence profond sur cet article. D'ailleurs rien n'empéche de conjecturer que la terre n'ait, indépendamment du déluge, encore souffert d'autres revolutions. Cela pose, il y a lieu de croire que ce n'est point au deluge dont parle Moyse, qui n'a été que passager, que sont dus les corps marins que l'on trouve dans le sein de la terre. En effet l'enorme quantite de coquilles & de corps marins dont la terre est remplie, les montagnes entieres qui en sont presque umquement composées, les couches immenses & toujours paralleles de ces coquilles, les carrieres prodigieuses de pierres coquillieres, semblent annoncer un sejour des eauxde la mer tres long & de plusieurs siecles, & non pas une inondation passagere & de quelques mois, telle que fut celle du deluge, suivant la Genese. D'ailleurs si les coquilles fossiles eussent ete apportecs par une inondation subite & violente, comme celle du deluge, ou par des courans d'eaux, comme quelques auteurs l'ont prétendu, tous ces corps auroient eté jettés confusément sur la surface de la terre; ce qui est contraire aux observations, comme nous l'avons dejà remarque. Lnfin s'ils avoient été apportés de
Il seroit trop long d'entrer dans le détail des fossiles étrangers à la terre: les principaux sont, comme on l'a dejà remarqué, les coquilles de toute espece, qui sont quelquefois si bien conservées, que l'on y rem>que un émail aussi brillant & la même vivacité de couleurs, que dans celles qu'on vient de tirer de la mer; d'autres fois elles sont plus ou moins détruites & décomposées: on en trouve qui sont comme rongees des vers & percées d'une infinité de trous; d'autres enfin sont si parfaitement détruites, qu'il est impossible d'y remarquer aucune trace de structure organique. Les ouvrages d'une infinité de naturalistes sont remplis de descriptions de ces corps marins, & plusieurs ont fait l'enumération de ceux qui se rencontroient dans les differens pays qu'ils habitoient. M. Rouelle, de l'académie royale des Sciences, fait esperer un ouvrage sur la matiere dont nous parlons: c'est le fruit de ses recherches & des observations qu'il a éu occasion de faire dans un grand nombre de voyages qu'il a entrepris dans le dessein de vérisier ses soupçons. Cet habile naturaliste ayant remarqué que certains corps marins se trouvent toajours constamment ensemble dans de certains endroits, pense qu'il est plus naturel & plus commode de diviser les coquilles fossiles par familles ou par classes qu'il nomme amas; il compte done dectire les individus qui se trouvent toùjours ensemble dans un même amas, & en donner les figures, & prouver que certains coquillages, quoique de différentes especes, vivent toûjours constamment ensemble dans certains endroits de la mer, & ferment une espece de société semblable à celle que l'on remarque dans quelques animaux terrestres, & dans un grand nombre de plantes qui croisfent dans le voisinage les unes des autres. Cette méthode ne peut qu'être infiniment avantageuse, en ce qu'elle epargnera beaucoup de recherches inutiles, & facilitera la description des fossiles d'un district; puilque, sans entrer dans le détail minutieux de toutes les coquilles qu'on trouvera dans un tel district, & s'exposer par - là à redire ce qui a déjà cent sois été dit par d'autres, il suffira de connoître deux ou trois des individus qui s'y rencontrent, pour savoir quelles sont les autres coquilles qui s'y doivent encore trouver. Si par hasard il en etoit échappé quelques - unes à l'auteur, on pourroit aisément donner par supplement celles qu'il n'auroit point décrites, ou celles qui dans de certains pays feroient des exceptions à la regle générale. Ces avantages joints à un grand nombre d'autres observations interessantes, doivent faire desirer à tous les curieux d'être bien - tôt mis en possession de l'ouvrage de M. Roüelle.
Outre les corps marins, tels que les coquilles,
madrépores, &c. il se trouve encore beaucoup d'autres
fossiles étrangers dans les entrailles de la terre:
tels sont les dents de poisions ou glossopetres, les
ossemens d'animaux, soit pétrifiés, soit dans leur
état naturel, c'est - à - dire sans avoir souffert de décomposition,
des bois, des plantes, &c. Voyez
FOSSOMBRONE (Page 7:211)
FOSSOMBRONE, (Géog.) petite ville d'Italie
dans l'Etat ecclesiastique, au duché d'Urbin, avec
un évêché suffragant d'Urbin. Elle est bâtie des rui<pb->
Next page
The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.