ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"162"> tombe de la grande taque, il est à craindre qu'il n'y ait de l'eau. L'eau comprimée par la chûte & raréfiée par la chaleur, jette le renard en éclats au risque des ouvriers. On obvie à cet inconvénient, en le laissant couler doucement à l'aide d'un ringard. Le renard sur le refouloir est battu à coups de masse pour l'affermir, & faire la place de la tenaille à cingler.

Cingler est porter le renard sous le gros marteau: cette opération demande de l'adresse & de la promptitude, & le réduit en un quarré long d'environ quatre pouces d'épaisseur, ayant soin de faire battre les angles. Le renard change de nom, & s'appelle alors la piece. Pendant qu'un chauffeur cingle son renard, l'autre a fait avancer la gueuse pour en obtenir un autre. La piece se porte sur la grande taque; le second chauffeur la serre dans les tenailles à chauffer, & la fourre dans le foyer. Quand elle est chaude au fondant, elle est reprise par des tenailles à coquille, portée au marteau, auquel on fait battre le milieu pour la réduire dans les dimensions qu'on donnera au reste; c'est alors une encrenée. Chaussée du bout opposé à la tenaille, & battue comme l'encrenée, elle devient maquette, qu'on refroidit dans le basche pour faire chauffer la tête, qui acheve de se forger à une, deux, trois chaudes, pour enfin prendre le nom de bande ou barreau. Dans un feu bien servi, quatre ouvriers peuvent faire douze à quinze cents de fer en vingt - quatre heures. Un seul marteau peut desservir deux renardieres.

Le sond, dans les affineries, de la premiere espece est éloigné de la thuyere de neuf à dix pouces. On ne se sert point de contrevent de dessus: quand il est question d'y faire du feu, on avance la gueuse, on garnit le fond de fasins; & quand la gueuse est en dissolution, on ramasse & presse la matiere, en tirant le ringard appuyé aux angles de l'aire. Le travail se fait à plus de quatre pouces de hauteur du fond. Les scories coulent sur le fond; & à mesure que les fasins se consomment, elles en occupent la place; ce qui en refroidissant s'appelle sorne, sur laquelle le travail se fait. Quand il y a trop de laictiers, on leve des morceaux de la sorne dans les coins pour leur faire place. Dans les renardieres il y a aussi des scories en fusion qui forment une sorne, quand on arrête le vent & qu'on met hors, quand on recommence le travail. La matiere pétrie & ramassée sur la sorne, s'appelle loupe, qu'on tire, refoule, cingle comme les renards, & porté à la chaufferie pour être chauffées & battues.

Les affineurs n'ont d'autre occupation que de faire des loupes & les cingler. Pour servir une chaufferie, il faut au moins deux assineries: quand on n'en a qu'une, on fait aller la chaufferie en affinerie, & on amasse un nombre suffisant de pieces pour monter une chaufferie. Pour voir l'avantage des renardieres ou affineries, il n'y a qu'à en considérer les opérations; l'une & l'autre en travail dépense autant de charbon. Dans la renardiere, tout l'ouvrage se fait dans un même foyer; dans une affinerie, on ne fait que des pieces; il faut un second foyer pour les achever, d'autant dispendieux, qu'il faut réchauffer tout ce qui ne vient pas de dessous le marteau. Il est vrai que les pieces sont plûtôt faites aux affineries qu'aux renardieres, parce que le foyer & l'ouvrier n'ont qu'une occupation: mais dans une manufacture y at - il à balancer entre l'abondance & l'épargne? Vous aurez un quart d'ouvrage de plus (c'est porter la chose trop loin), & sur le total vous dépenserez un quart de charbon de plus. Entrant dans l'intérieur des deux foyers, la sorne ne fait - elle pas vraiment l'office du fond? A l'élévation de la sorne, pourquoi ne pas substituer un fond? la sorne n'absorbe - t - elle pas elle - même beaucoup de parties de fer? Passez au bocard les scories des renardieres & les sornes des affineries, pour en être convaincu. Le fer, dit - on, s'engraisse, s'adoucit dans les laictiers: cela est vrai quand le fer en a manqué; mais dans tous les cas y en ayant toûjours en fusion sur le fond des renardieres, le fer est plus à portée de s'en abreuver que sur la sorne des affineries: l'expérience ne nous dit - elle pas que le fer des renardieres, à fontes égales, est le meilleur?

Les affineries ont été en vigueur tant que dans certains cantons on n'a point connu les renardieres, dans des tems où les bois étoient en abondance, & consequemment de peu de valeur. Qu'importoit la dépense d'un quart de plus de charbon, pour avoir plus d'ouvrage? La coûtume pour des gens qui en respectent jusqu'aux abus, la prévention, le manque de fermeté, sont aujourd'hui le soûtien des affineries. D'honnêtes manufacturiers de dessus la Marne m'ont dit qu'ils n'avoient pû déterminer les ouvriers à les quitter, qu'il y auroit même du danger à les vouloir forcer.

Le travail, dans les affineries de la seconde espece, se fait comme dans les renardieres, sur le fond à cinq pouces, sous la thuyere. La multiplicité des pieces ou la qualité des fontes oblige dans les renardieres à mettre le fond à six & quelquefois à sept sous la thuyere, ayant chio pour vuider les laictiers, contre - vent pour conserver les charbons, &c. le bien qui résulte de cette façon de travailler, c'est de faire plus d'ouvrage; & que le fer porté à la chaufferie soit moins exposé à brûler que dans les renardieres, le forgeage étant la seule occupation des chauffeurs. On peut donc travailler utilement dans les renardieres & affineries de la seconde espece, avec chaufferie. Pour les affineries de la premiere espece, il faut les abandonner.

Bien des gens voudroient trouver ici le moyen de faire des fers doux ou cassans avec les mêmes fontes, par le seul moyen des foyers. Je le répete encore, les qualités essentielles du fer viennent de l'espece de la mine; les qualités relatives viennent du travail, qui peut purifier, rectifier, diminuer, ajouter, altérer, mais ne peuvent jamais changer la nature. Ne pouvant parler qu'en général d'une matiere si diversifiée, possédant la position des soufflets, de la thuyere, la distribution du vent entre la gueuse & le travail, son égalité dans tout l'ouvrage, est - il si difficile de faire, suivant le besoin, des mutations dans le foyer? Eloigner, rapprocher, aggrandir, retrécir, &c. sont des choses auxquelles un maître devroit présider, & avec lesquelles il trouveroit aisément le degré convenable à ses matériaux. Un maître devroit dire aux ouvriers les raisons de leur travail; par exemple, que les coups de ringard des côtés sont pour ramasser la fonte en dissolution sur le fond, pour la soûlever à un certain degré, pour la serrer & pétrir; que trop soûlevée, elle se remet en dissoiution comme la fonte; que le charbon bien ramassé & arrosé, concentre la chaleur; que le plus grand degré de chaleur est au milieu de l'ouvrage sur le vent, &c.

Il y a des fontes cuivreuses dont le fer, à cause de ce mauvais alliage, est d'un très - mauvais usage. On le corrige par la macération.

La macération est la dissolution & fusion de la fonte dans un foyer, qu'on lâche sans travail par le trou du chio qui est contre le fond; de - là elle est portée dans un second foyer pour y être travaillée en fer. Cette opération brûle les parties cuivreuses qui résistent moins à un grand degré de chaleur, sur - tout quand il est multiplié.

On se sert encore de la macération pour les gros blocs de fontes, comme les enclumes, quand on veut les réduire en fer. Les parties fondues se mettent dans les renardieres, à côté de la gueuse, proche le con<pb-> [p. 163] trevent, & se mêlent & travaillent avec les parties de la gueuse en dissolution.

On employe de même les vieilles ferrailles, abandonnant celles où on a employé du cuivre; les morceaux de fontes ou fers tirés des scories par les boccards; la vieille poterie, &c.

Forger le fer est quand il est chaud le porter entre l'enclume & le marteau dans leur sens étroit; le remuer & tourner à - propos pour le souder; ramasser, alonger & le mettre à - peu - près de l'échantillon qu'on veut donner à la barre. Le parer est placer ce même fer ainsi battu, sur la longueur des aires de l'enclume & du marteau, en commençant par l'extrémité; ce qui abat les inégalités & les empreintes du marteau. En retour on acheve de le polir, en y jettant de l'eau.

Les fers doivent être bien travaillés, également battus, sans pailles; ce qui dépend du degré de chaleur, de la justesse du marteau & de l'enclume, & de l'adresse des ouvriers. Quand il reste quelques pailles, le goujat les coupe avec l'acherot, & le marteau en efface les marques. Le fer en forgeant se couvre d'une espece de peau, provenant des matieres que le coup du marteau en fait sortir. L'eau jettée sur le fer quand on le pare, fait sauter avec éclat cette sueur & les petites pailles.

Quand dans une piece il se trouve quelque corps étranger d'enfermé, le fer se crevasse & ne soudra jamais: alors si vous prévoyez qu'une chaude donnée à cet endroit ne puisse fondre ce corps; quand la barre d'ailleurs sera finie, vous la coupez à cet endroit & chauffez les deux bouts, les rengraissant d'un peu de fer dans le foyer, les appliquant l'un sur l'autre sous le marteau; la soudure est faite au premier coup; vous achevez de battre & parer. Il ne faut faire cette opération que quand le fer du foyer est travaillé. On en fait de même pour ajoûter du fer nouveau à un ringard, &c.

Les fers se distinguent en fers fins, channins, & cassans. Les especes intermédiaires sont appellées fers bâtards. Les fers se fabriquent en marchands, de fanderie, de batterie; les marchands sont en lames, en barreaux. Les lames sont depuis 14 à 15 lignes de largeur, jusqu'à 40 & 45; de 15 à 20 lignes s'appellent petits fers; de 20 à 30, fers larges; de 30 & au - delà, petits & grands larges. Les barreaux ordinaires sont depuis 9 lignes jusqu'à 12. On en peut faire jusqu'à 4 pouces d'épaisseur; mais passé deux pouces, c'est un prix différent du courant. On fait aussi des demi - barreaux, qu'on appelle mi - plats. Les barreaux au - dessous de neuf lignes, & les barres au - dessous de 15, se battent au martinet, dont on donnera un petit détail à la fin de cet article.

Les fers de senderie se fabriquent de 25 à 30 lignes de largeur, sur 6 à 9 lignes d'épaisseur, & se transportent aussi dans les fenderies.

Ceux des batteries se divisent en barres & souchons; les barres sont d'un pouce sur un & demi; les souchons d'un pouce & demi sur quatre.

Le déchet ordinaire de la fonte réduite en fer, est au moins d'un tiers, quinze cents de fonte pour un mille de fer. Le poids diminuant au prorata du nombre des chaudes & des coups de marteau, il n'est pas étonnant que la diminution soit plus grande dans les fers marchands, que dans les autres. Une piece pour être mise en barre de fer marchand, se bat à quatre ou cinq chaudes, en fenderie & batterie à trois chaudes, en souchons à deux; ainsi quelquefois il faudra plus de 1500 de fonte au fer marchand, & moins aux autres especes. Le poids de forge est de quarante livres par mille.

Les fers sins que fournissent plus abondamment le Berri & la Comté, sont spécialement destinés pour la marine & les armes; les fers approchant du fin, se fondent pour les clous des chevaux; les cassans, pour les clous à ardoise.

Les fers fins composés de beaucoup de nerfs longs, forts & déliés, se battent & polissent bien; ceux qui s'en éloignent, ayant les nerfs plus gros & moins longs, sont sujets à être pailleux; les cassans ne sont point sujets aux pailles, étant composés de molécules qui se prêtent & s'arrangent suivant les coups de marteau.

Le grand débit des fers se fait à Paris & à Lyon, d'où ils se distribuent aux autres provinces. Lyon fournit les manufactures de Saint Etienne & la foire de Beaucaire.

La France étant fournie de manufactures de fer bien au - delà de sa consommation, & comme il est vrai d'ailleurs que la multiplicité des forges est une des causes de la diminution des bois de chauffage & d'autres services; cette diminution étant la cause de leur cherté, & relativement de celle du fer, ne seroit - ce pas rendre service au public de faire détruire les usines qui n'ont point d'affoüages par elles - mêmes, puisque c'est un moyen d'épargner les bois, de le vendre à un moindre prix, & conséquement le fer? Quelques propriétaires de forges pourroient perdre à cet arrangement. Ceux qui pensent bien, sacrifieroient volontiers une petite partie de leur revenit en faveur du public: il ne faut guere s'inquieter de ceux qui pensent mal.

Des martinets. Les martinets sont composés d'un foyer & d'un ou piusieurs marteaux mis en mouvement par l'eau.

Le foyer d'un martinet est élevé pour l'aisance de l'ouvrier; l'aire est de terre battue comme un foyer d'une forge de maréchal; le devant garni d'une grande taque, sous laquelle on place en pente un chio, dont le trou est à fleur du foyer; la thuyere est aussi à fleur du fcyer. Il n'y a qu'un soufflet double de cuir ou de bois, pour communiquer le vent; le soufflet est mis en mouvement par ses cammes ou une manivelle, répondant de l'arbre au soufflet par des leviers multipliés, ce qui fait lever le soufflet; il est rabaissé par un contre - poids. Devant le foyer il y a un chevalet de bois pour soûtenir le bout des bandes.

Le marteau pese depuis 50 jusqu'à 150 livres. La hurasse est au tiers du manche. Les branches de la hurasse sont d'égale longueur. Les boîtes sont dans de fortes jumelles de bois, arrêtées en - dessous dans un fort chassis & au - dessus, par une traverse. L'ouverture pour placer les boîtes est à jour, & elles se montent, baissent, reculent, ou avancent par des coins qu'on chasse en - dehors. L'arbre du martinet doit être le plus gros qu'il est possible, pour y loger beaucoup de cammes, qui doivent répondre à la queue du manche. Quand une camme vient à appuyer sur sa queue, le marteau leve; pour qu'il soit leve & rabaissé également, sous la queue on place une taque de fonte à assez de distance pour laisser échapper la camme. Cette taque renvoye le manche; il est rabaissé par une autre camme, &c. L'arbre peut porter de douze jusqu'a vingt cammes, & conséquemment dans un tour, le marteau frappera de douze jusqu'à vingt coups. Un même arbre peut faire marcher plusieurs martinets. Le marteau est de fer; l'enclume est aussi un morceau de fer enchâssé dans un bloc de fonte servant de stoc, dans lequel elle est serrée par des coins. L'enclume & le marteau se dressent à la lime. L'objet du martinet est d'étirer le fer de forges, & de le réduire en plus petits volumes, bien dresse & poli pour différens ouvrages de serrurerie. Pour servir un martinet, il faut deux ou quatre ouvriers; ordinairement ils ne sont que deux, le martineur & le chauffeur. On coupe le fer de forge de deux à trois piés de longueur; on en met dix, douze morceaux à la - fois au feu: on commence par faire chauffer le mi<pb->

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