ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"62"> y avoir de problématique dans la question, si la mélodie est suggérée par l'harmonie?

Que dirons - nous de ce qu'on a avancé dans ces derniers tems, que la Géométrie est fondée sur la résonnance du corps sonore; parce que la Géométrie est, dit - on, fondée sur les proportions, & que le corps sonore les engendre toutes? Les Géometres nous sauroient mauvais gré de refuter sérieusement de pareilles assertions: nous nous permettrons seulement de dire ici, que la considération des proportions & des progressions est entierement inutile à la théorie de l'art musical: je pense l'avoir suffisamment prouvé par mes élémens même de Musique, où j'ai donné, ce me semble, une theorie de l'harmonie assez bien déduite, suivant les principes de M. Rameau, sans y avoir fait aucun usage des proportions ni des progressions. En effet, quand les rapports de l'octave, de la quinte, de la tierce, &c. seroient tout autres qu'ils ne sont; quand ces rapports ne formeroient aucune progression; quand on n'y remarqueroit aucune loi; quand ils seroient incommensurables, soit en eux - mêmes, soit entre eux, la résonnance du corps sonore, qui produit la douzieme & la dix - septieme majeures, & qui fait frémir la douzieme & la dix - septieme majeures au - dessous de lui, suffiroit pour fonder tout le systeme de l'harmonie. M Rousseau a très - bien prouvé, au mot Consonance, que la considération des rapports est tout - à - fait illusoire pour rendre raison du plaisir que nous font les accords consonans; la considération des proportions n'est pas moins inutile dans la théorie de la Musique. Les géometres qui ont voulu introduire le calcul dans cette derniere science, ont eu grand tort de chercher dans une source tout - à - fait étrangere, la cause du plaisir que la Musique nous procure; le calcul peut à la vérité faciliter l'intelligence de certains points de la théorie, comme des rapports entre les tons de la gamme, & du tempérament; mais ce qu'il faut de calcul pour traiter ces deux points est si simple &, pour tout dire, si peu de chose, que rien ne mérite moins d'étalage. Combien donc doit - on desapprouver quelques musiciens qui entassent dans leurs écrits chiffres sur chiffres, & croyent tout cet appareil nécessaire à l'art? La fureur de donner à leurs productions un faux air scientifique, qui n'en impose qu'aux ignorans, les a fait tomber dans ce défaut, qui ne sert qu'à rendre leurs traités beaucoup moins bons & beaucoup plus obscurs. Je crois qu'en qualité de géometre, on me pardonnera de protester ici (si je puis m'exprimer de la sorte) contre cet abus ridicule de la Géométrie dans la Musique, comme j'ai déjà reclamé ailleurs contre l'abus de la même science dans la Physique, dans la Métaphysique, &c. Voyez Application, &c.

Qu'il me soit encore permis d'ajoûter (car une vérité qu'on a dite, conduit bien - tôt & comme nécessairement à une autre) que les explications & les raisonnemens physiques ne sont pas plus utiles à la théorie de l'art musical, ou plûtôt le sont encore moins que les calculs géométriques. Nous savons, par exemple, & nous le disons ici par l'intérêt que nous prenons aux ouvrages de M. Rameau, que cet artiste célebre se reproche avec raison d'avoir mêlé dans le premier chapitre de sa Génération harmonique, aux expériences lumineuses qui font la base de son système, l'hypothèse physique dont nous avons parlé sur la differente élasticité des parties de l'air, par le moyen de laquelle il prétend expliquer ces expériences; hypothèse purement conjecturale, & d'ailleurs insuffisante pour rendre raison des phénomenes. Ceux qui ont les premiers proposé cette hypothèse (car M. Rameau convient qu'il n'en est pas l'auteur), ont pû la donner comme une opinion; mais jamais on n'a dû en faire la base d'un traité de l'harmonie. Des faits, & point de verbiage; voilà la grande regle en Physique comme en Histoire.

Tenons - nous - en donc aux faits; & pour finir ce long article par quelque chose qui intéresse véritablement les artistes & les amateurs, entretenons ici nos lecteurs d'une belle expérience du célebre M. Tartini, qui a rapport à la basse fondamentale.

Voici cette experience telle qu'elle est rapportée par l'auteur même, dans son ouvrage qui a pour titre, Trattato di Musica, secundo la vera scienza dell'<-> armonia, imprimé à Padoue 1754; ouvrage qui n'est pas également lumineux par - tout, mais qui contient d'excellentes choses, & dont nous pourrons faire usage dans la suite pour enrichir plusieurs articles de l'Encyclopédie.

Etant donnés à - la - fois (c'est M. Tartini qui parle) deux sons produits par un même instrument capable de tenue, c'est - à - dire qui puisse faire durer & soûtenir le son, comme trompette, hautbois, violon, cor - de - chasse, &c. ces deux sons en produiront un troisieme tres - sensible. Ainsi, qu'on tire en même tems d'un violon deux sons forts & soûtenus en tel rapport l'un à l'autre qu'on voudra, ces deux sons en produiront un troisieme, que nous assignerons tout - à - l'heure. La même chose aura lieu, si au lieu de tirer les deux sons à - la - fois d'un même violon, on les tire séparément de deux violons éloignés l'un de l'autre de cinq ou six pas; placé dans l'intervalle des deux violons, on entendra le troisieme son, & on l'entendra d'autant mieux, qu'on sera plus près du milieu de cet intervalle, & d'autant moins, qu'on se rapprochera davantage d'un des deux violons. La même expérience aura lieu, & même plus sensiblement encore, si on se sert de hautbois au lieu de violons. Voici maintenant quel est ce troisieme son dans tous les cas.

Deux sons à l'unisson ou à l'octave, ne donnent point de troisieme son.

Deux sons à la quinte, comme ut sol, donnent pour troisieme son l'unisson ut du son le plus grave. Cet unisson se distingue difficilement, mais il se distingue.

Deux sons à la quarte, comme ut, fa, donnent la quinte fa au - dessous du son le plus grave ut.

Deux sons à la tierce majeure, comme ut, mi, donnent l'octave ut au - dessous du son le plus grave ut.

Deux sons à la tierce mineure, comme ut #, mi, donnent la dixieme majeure la, au - dessous du son le plus grave ut #.

Deux sons à l'intervalle d'un ton majeur, ut ré, donnent la double octave au - dessous du son le plus grave ut.

Deux sons à l'intervalle d'un ton mineur, ré, mi, donnent l'ut qui est à la seizieme au - dessous du son le plus grave .

Deux sons à l'intervalle d'un semi - ton majeur, si, ut, donnent l'ut à la triple octave au - dessous du son le plus aigu ut.

Deux sons à l'intervalle d'un demi - ton mineur, sol, sol #, donnent l'ut qui est à la vingt - sixieme au - dessous du son le plus grave sol.

La tierce majeure renversée en sixte mineure, donne le même troisieme son qu'auparavant. Ainsi on a vû ci - dessus que la tierce majeure ut mi donnoit l'octave au - dessous d'ut. La sixte mineure mi ut, dans laquelle ut est monté à l'octave, mi restant sur le même degré, donnera donc la double octave au - dessous de ce dernier ut.

La tierce mineure renversée en sixte majeure, donne le même son qu'auparavant, mais une octave plus haut: la tierce mineure ut # mi donne, comme on l'a vû, le la qui est à la douzieme au - des<pb-> [p. 63] sous de mi; laissez mi sur le même degré, & substituez à l'ut # son octave à l'aigu pour avoir la sixte majeure mi ut #; le troisieme son sera la, quinte au - dessous de mi, c'est - à - dire une octave plus haut que le la du premier cas.

M. Tartini ajoûte que le troisieme son résultant de la quarte, des deux tierces, des deux sixtes, soit majeures, soit mineures, est le plus facile à distinguer; parce que ce son est toûjours plus grave qu'aucun des deux qui le produisent: que le troisieme son produit par la quinte se distingue plus difficilement, parce qu'il est à l'unisson du son le plus grave; qu'il se distingue plus difficilement dans les tons majeurs & mineurs, parce que ces tons différant peu l'un de l'autre, l'intonation les confond aisément, & très difficilement dans les demi - tons majeurs & mineurs, à cause de la grande difficulté de les distinguer dans l'intonation. Cependant la petite différence de 80 à 81 qui est entre le ton majeur & le ton mineur (Voyez Comma), & celle de 125 à 128 qui est entre le demi - ton majeur & le mineur (Voyez Apotome & Enharmonique), produisent, comme on l'a vû, un troisieme son fort différent dans les deux cas.

M. Tartini ne nous apprend point quel son résulte du triton & de la tausse quinte. Nous invitons les Musiciens à le chercher. Mais l'auteur observe qu'à l'exception de l'unisson & de l'octave, il n'est point d'intervalle commensurable ou non, appréciable ou non, réductible ou non aux intervalles connus, qui ne produise un troisieme son, lequel sera aussi commensurable ou non, appréciable ou non. réductible ou non aux intervalles connus, mais qui sera toûjours très - aisé à distinguer des deux autres.

Il faut de plus que les intervalles dont on a parlé ci - dessus, soient parfaitement justes pour produire le troisieme son qui leur a été assigné; car pour peu qu'on altere l'intervalle, le troisieme son change: par exemple, l'intervalle de sol à si b n'étant point une tierce mineure juste, ne produira point pour troisieme son la douzieme mi b, au - dessous de si b, mais la quatorzieme ut au - dessous; & ainsi des autres.

M. Tartini, après avoir rapporté ces différentes expériences, suppose un chant compose de deux parties; il trouve par le moyen des deux sons qui se répondent en même tems, le troisieme son qui en resulte: ce troisieme son, dit - il, est la vraie basse du chant, & toute autre basse sera un paralogisme; expression énergique & remarquable.

Il remarque aussi une conséquence assez singuliere qui suit de ses expériences: soient les sons ut, sol, ut, mi, sol, en cette progression, 1/2, 1/3, 1/4, 1/5, 1/6, le son troisieme résultant de deux sons consécutifs quelconques de cette progression, sera toûjours le son le plus bas, ut ou 1/2: c'est une suite des expériences qu'on vient de rapporter. Si on continue la progression 1/6, 1/7, 1/8, 1/9, 1/10, on verra par ces mêmes expériences que 1/8, 1/9 qui forment le ton majeur, & 1/9, 1/10 qui forment le ton mineur (Voyez Ton & mes Elémens de Musique), donnent aussi le même ut ou 1/2 que les sont précédens ont donné. Par les mêmes expériences, 1/15, 1/16 qui forment le demi - ton majeur, donnent 1/2 ou le son ut; & enfin 1/24, 1/25 qui forment le demi - ton mineur, donnent encore 1/2 ou le son ut. En général soit imaginée cette suite de sons en montant, & soit mise au - dessous de chaque son sa valeur par rapport au premier que je nommerai 1/2, [omission: musical score; to see, consult fac-similé version] Ut sol ut mi sol ut ré mi sol si ut sol sol # 1/2 1/3 1/4 1/5 1/6 1/8 1/9 1/10 1/12 1/13 1/16 1/24 1/25; Deux sons voisins quelconques de cette suite, dont le dénominateur ne différera que de l'unité, ren<cb-> dront toûjours pour troisieme son le son grave 1/2, suivant les expériences de M. Tartini.

Or de - là ce grand musicien conclut, soit par pure analogie, soit qu'en effet (ce qu'il ne nous dit pas) il ait poussé sur ce sujet l'expérience plus loin; il conclut, dis - je, que si on complete cette suite & qu'on l'étende à l'infini en cette sorte, 1/2, 1/3, 1/4, 1/5, 1/6, 1/7, 1/8, 1/9, 1/10, 1/11, 1/12, 1/13, &c. 1/100 &c. deux sons voisins quelconques de cette suite rendront toûjours le son ut; ce qui paroît en effet assez probable.

Nous avons crû devoir nous presser de faire part à nos lecteurs d'une si belle expérience, qui jusqu'à présent est à - peu - près tout ce que nous connoissons de l'ouvrage de M. Tartini. Nous tâcherons d'extraire du reste de son livre pour les mots Harmonie, Mélodie, Mode , &c. & autres semblables, ce que nous y trouverons de plus remarquable & de plus utile. Nous nous bornerons ici à une observation.

L'expérience qu'on vient de voir, donne la basse qui doit résulter de deux dessus quelconques; mais elle ne donne pas, du - moins directement, celle qu'il faut joindre à un dessus seul: cependant ne pourroit - on pas en tirer quelque parti pour la solution de ce dernier problème? Il s'ensuit d'abord, ce me semble, de l'expérience qu'on vient de rapporter, que si on a fait un second dessus à un chant quelconque, & que la basse jointe à ces deux dessus, suivant les regles de M. Tartini, produise un tout desagréable à l'oreille, c'est une marque évidente que le second dessus a été mal fait. Cela posé, quand on aura fait un premier dessus quelconque, & qu'on lui aura donné une basse, cette basse doit nécessairement par les regles de M. Tartini, donner le second dessus, qu'il faut joindre au premier. Or ce second dessus étant ainsi fait, si les trois parties forment un ensemble desagréable, c'est une marque que la basse étoit mal faite.

Au reste nous devons avertir ici que dans l'ouvrage de M. Serre, intitulé Essai sur les principes de l'harmonie, Paris 1753, il est fait mention de cette expérience de M. Tartini, comme d'une chose dont plusieurs musiciens reconnoissent la vérité: l'auteur ajoûte même qu'on peut faire avec deux belles voix de femme, cette expérience que M. Tartini dit n'avoir faite que sur des instrumens; mais M. Serre ne parle que du troisieme son produit par la tierce majeure, & de celui que produit la tierce mineure. Il y a même cette différence entre M. Tartini & M. Serre, que selon le premier les deux sons d'une tierce majeure, comme ut mi, produisent l'octave ut au - dessous de ut; & selon le second, c'est la double octave: de même selon le premier, les deux sons d'une tierce mineure la ut, produisent la dixieme majeure fa au - dessous de la; & selon le second, c'est la dix - septieme majeure au - dessous de la, ou l'octave au - dessous de la dixieme fa. M. Serre ne parle point du troisieme son produit par deux autres sons quelconques, & paroît d'ailleurs n'avoir fait aucun usage de cette expérience.

Je finirai ici cet article, que je prie les artistes de lire & de juger dans le même esprit dans lequel je l'ai composé. Je serois très - flaté qu'ils y trouvassent des vûes utiles pour le progrès de la théorie & de la pratique de l'art. (O)

FONDAMENTAUX (Page 7:63)

FONDAMENTAUX, (Articles) Théolog. ce mot reçoit dans la Théologie catholique, un sens différent de celui qu'on lui donne parmi les Hétérodoxes. Les théologiens catholiques ont entendu sous le nom d'articles fondamentaux, ceux dont la foi explicite est nécessaire au salut; ensorte qu'on ne peut pas même les ignorer sans être hors de l'E<pb->

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