ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"786"> le fuseau, les brins se plieront les uns sur les autres, feront des spires, & formeront une petite corde.

2°. Qu'en faisant tourner le fuseau en sens contraire de celui où il tournoit quand on a mis la filasse en sil, tous ces brins de fil faisant effort pour reprendre leur premier tors, auquel ce second mouvement est contraire, chercheront à tourner sur eux - mêmes, se serreront fortement les uns contre les autres, & donneront un tissu d'autant plus ferme à la petite corde qu'ils composeront.

3°. Que ce serrement n'auroit point eu lieu, si on eût fait tourner le fuseau & les brins dans le sens dont ils avoient été filés, & que la petite corde eût été lâche, sans consistence, & ses brins toûjours prêts à se séparer. En effet, dans ce cas les brins portés au - delà de leur premier tors par un retors fait dans le même sens, auroient cherché à revenir à ce premier tors, & par conséquent à tourner sur eux - mêmes dans le sens contraire à ce retors, à se séparer & à ouvrir la corde.

J'ai vû beaucoup de personnes qui ne pouvoient se faire des idées nettes de la raison de cette manoeuvre, & qui s'opiniàtroient à prétendre qu'il falloit retordre les brins dans le sens où le fil avoit été tordu.

Quand on retord les brins en sens contraire à celui selon lequel ils ont été filés, l'effort qu'ils font pour se restituer à leur premier tors, pour tourner sur eux - mêmes, & pour serrer la petite corde, est si considérable, que le fil retors se tortilleroit, & formeroit des boucles & des noeuds, si le fuseau n'étoit chargé à son extrémité d'un anneau de plomb, & si la fileuse ne le tenoit tendu à chaque fois qu'elle veut envider sur son fuseau la portion de fil qu'elle a retorse.

Mais on ne tarda pas à s'appercevoir que cette maniere de retordre étoit trop longue, & l'on imagina la machine dont nous allons parler.

Les différentes figures qui sont contenues dans cette Planche, ne sont que des détails de cette machine vûe par parties & sous différens points de vûe: on a donné à leur ensemble le nom de roüet. Ce roüet qui est très - simple en comparaison de ceux qui servent à filer l'or & l'argent, a été le premier instrument dont on s'est servi pour retordre les laines & fils servant à coudre, à faire la dentelle, & à faire des toiles brochées de laine ou soie, telles qu'on les fabrique depuis quelques années à Roüen, & depuis une année à Pont - de - Vele en Bresse; il est indiqué par la figure 1. de la vignette. La figure 2. de la vignette représente une fille qui fait une bobine composee de deux fils qu'elle joint ensemble; ces deux fils sont tirés de deux échevaux séparés, & posés sur deux tournettes ou guindres indiqués par les lettres b, b. Ce sont ces mêmes bobines qui chargées de ce fil double, sont posées comme il est démontré dans la fig. 5. Elles sont traversées d'un petit arbre ou d'une branche de fer très - polie qui les soûtient; & au moyen d'une poulie qui adhere à chaque bobine ou fusée, & sur laquelle passe une corde qui le fait tourner très - vîte, les deux brins de fil se tordent par le mouvement que reçoit la bobine, n'en composent plus qu'un, & forment un parfait fil retors, soit fil, soit laine ou soie.

Il est d'une conséquence infinie de faire attention de quelle façon le fil doit être retordu, parce que si on vouloit retordre à droite un fil qui auroit été filé de même, il ne seroit pas possible d'en faire usage, attendu que ce second tors forçant le premier, sans néanmoins qu'il fût bien tordu, le fil s'ouvriroit de façon qu'il seroit impossible de l'employer, attendu qu'il ne pourroit absolument se tenir retordu. Il faut donc avoir la précaution d'observer que lorsqu'un brin de fil ou laine est filé ou tordu à droite, il doit être re<cb-> tordu à gauche: il en est de même pour la soie.

Le fil préparé de cette façon recevant plus de tors, ne s'ouvre point pour cela, & ne se raccourcit pas; au contraire il acquiert plus de consistance par cette seconde opération, qui le met en état d'être employé à tous les usages, tels que la couture, fabrique, &c.

La figure 3. n'est qu'une représentation en grand de la figure 1. de la vignette, où l'on peut distinguer toutes les parties du roüet avec plus de facilité.

A, figure 3. est la manette ou manivelle ajustée à l'arbre de fer B qui traverse la grande roue C qui donne le mouvement à toute la machine. Cette grande roue est cavée sur sa circonférence, & dans sa cavité il entre une corde un peu grosse, laquelle enveloppant la petite roue D placée sur l'arbre qui supporte la roue de piece E, cavée aussi très - legerement, & recevant la corde fine F qui passe sur les poulies G & N adhérantes aux bobines ou fusées, elle leur donne le mouvement pour retordre le fil double qu'elles soûtiennent.

H, même figure, est une entaille faite dans une piece de bois K L, nommée le sommier. Dans cette entaille entre une piece mobile de bois ou de fer M, à laquelle est attachée une petite poulie I sous laquelle passe la corde fine F qui donne le mouvement aux bobines. Cette piece M, & les deux autres qui ne sont pas marquées, s'élevent & se baissent selon le besoin, & servent à donner l'extension ou le relâchement nécessaire à la corde passée sous la poulie I, & conduisent cette corde comme on la voit; c'est - à - dire des deux premieres bobines en - dessus, sous la premiere poulie; de la premiere poulie en - dessous, dessus les deux secondes bobines; des deux secondes bobines en - dessus, sous la seconde poulie; de la seconde poulie en - dessous, dessus les deux troisiemes bobines, & ainsi de suite: d'où il arrive que toutes les bobines tournent dans le même sens.

O, même figure, est une fusée cavée, adhérante à la grande roue C, à laquelle elle est attachée; elle sert à placer dans ses cavités la corde nommée d'attirage, qui passée en recoude sur deux poulies longues P & Q, & croisée à une poulie semblable R, fig. 4. enveloppe la roue marquée S, qui fait partie de l'aspe X, dont l'arbre passé dans les deux piliers T qui le soûtiennent, & lui donnent la liberté de tourner & recevoir la soie des huit bobines qui composent huit écheveaux. On a pratiqué au montant où sont attachées les poulies P R, des trous, afin de déplacer à discrétion les poulies, & rendre la corde qui passe sur elles plus ou moins tendue. Cette fusée composée de huit cavités dont les diametres sont différens, sert encore à donner à l'aspe un mouvement plus lent ou plus prompt, selon qu'on veut un tors plus ou moins grand au fil travaillé; ce qui est opéré en plaçant la corde d'attirage dans les cavités plus ou moins grandes, & selon que le besoin l'exige. Y est une des grosses pieces du bâtiment du roüet.

Z, même figure, est une verge de bois bien polie, sous laquelle passent les huit fils tordus, & qui se tordent encore jusqu'à ce qu'ils soient sur l'aspe ou dévidoir.

La fig. 4. montre une partie du roüet vûe de côté, la fusee O, la roue de piece E, & la petite roue D, sur laquelle est passée la corde de la grande roue qui donne le mouvement aux huit bobines ou fusées: elle indique encore de quelle façon est passée la corde qui donne le mouvement à l'aspe ou devidoir X.

La figure 5. représente le sommier marqué K & L, & la figure 6. la forme de l'aspe ou devidoir.

Les autres figures sont des détails qu'il est facile de comprendre; ainsi on voit au - dessus de la figure 5. une poulie séparée avec son soûtien; & dans la fig. 5. l'entaille qui la reçoit. [p. 787]

A côté de cette figure 5. on voit les parties d'assemblage de la verge de bois; au - dessous de la figure 6. le canon b c de la bobine e; & en d, une des poulies vuides qui servent à conduire la corde de bobines en bobines. Voici donc le mouvement de cette machine. La manivelle A fait tourner la grande roue C C, les roues D & E, & la fusée O; la fusée O, les poulies P Q; les poulies P Q, la poulie R; la poulie R, l'aspe S T, qui tire les fils de dessus les bobines. Quant à la roue E, elle fait mouvoir toutes les bobines. Quant aux directions de ces mouvemens, elles sont données par les cordes ouvertes ou croisées. Quand les cordes sont ouvertes, les mouvemens sont dans le même sens; & en sens contraire, quand les cordes sont croisées.

Après l'invention du roüet représenté dans la Planche précédente, succéda celle des moulins, qu'on voit dans celle ci. Ce n'est pas que les roüets ne perfectionnassent les matieres qui étoient préparées par leur secours, mais ils n'en fournissoient pas encore assez: il fallut donc trouver le moyen de faire plus d'ouvrage. Pour y parvenir on employa la seconde machine sous le nom de moulin; & au lieu de huit bobines ou fusées que le roüet faisoit tourner, le nouveau moulin en fit mouvoir 48, ce qui expédioit [omission: formula; to see, consult fac-similé version] d'ouvrage plus que le roüet. Cette machine est plus simple que le roüet. Nous allons donner la description de toutes les parties qui la composent, en observant néanmoins qu'il arrive très - souvent que le fil n'étant pas aussi tordu qu'il devroit l'être dans son premier filage, ou suivant l'ouvrage dans lequel il doit entrer, on le remet sans le doubler sur les moulins à retordre, afin de lui donner la préparation qui lui est nécessaire, observant toûjours de le faire tourner dans la seconde préparation & quand il est doublé, d'une façon différente de la premiere.

La figure 1. de la vignette est composée d'une grande roue A, garnie en - dedans d'une croisée B, B, C, C, au - travers de laquelle passe un arbre D. Cette croisée est soûtenue par quatre pieces E. Dans le bas de l'arbre est un tourillon F, qui entre dans une grenouille G. Le haut de l'arbre H entre dans un trou rond I, pour qu'il soit arrêté droit.

La grande roue A engrene dans une lanterne K, appuyée par son arbre sur une piece de bois L, & passée dans une piece de bois M, au - dessus de laquelle, & au même arbre, est une seconde lanterne N qui engrene avec une roue O faite comme une roue de champ, laquelle a son arbre. De l'autre côté du pilier 15, qui en est traversé est un pignon S qui donne le mouvement à la roue Y, attachée à l'aspe ou devidoir V, qui devide & ramasse le fil à mesure qu'il se tord.

Au pignon S est attachée une piece de bois P appuyée sur la partie Q, au bout de laquelle est un second pignon T, soûtenu par une seconde piece de bois R, appuyé sur une piece de bois 15. Ce second pignon donne le mouvement à une seconde roue Y, attachée à un second aspe ou devidoir X, qui devide & ramasse le fil dont les écheveaux sont composés.

Les lettres a a, figure 2. sont des fuseaux de fer qui entrent quarrément dans les bobines sur lesquelles le fil est devidé; & ce fil passe par des trous très - polis marqués d & e, afin de se trouver juste & en droite ligne sur l'aspe ou devidoir. Tous les fuseaux sont pointus, & entrent dans des especes de grenouilles de verre enchâssées dans les pieces marquées i, fig. 4. qui sont entaillées dans la piece longue marquée f, figure 3. Chaque fuseau est garni d'une plaque de plomb qui est placée au - dessous de la bobine dans la partie quarrée de ce même fuseau, pour lui donner plus de poids & de facilité à tourner sur lui - même.

Le haut de chaque fuseau est rond & poli; il est garni d'une petite piece de bois mobile appellée couronne, marquée u, fig. 4. autour de laquelle est un fil - de - fer, dont une extrémité qui est relevée étant courbée, forme une petite boucle marquée y, dans laquelle est passé le fil qui a déjà passé dans une autre boucle marquée x, qui se trouve à l'autre extrémité du fil - de - fer qui vient répondre au milieu de la bobine, comme il est représenté dans la figure 4.

La lisiere 2, 2, même figure, est une courroie sans fin, laquelle passant d'un côté sur le tambour 3, figure 2. & venant sur un autre tambour tournant 4, même figure, attaché à une piece 8 & 9, au moyen d'un pilier solide 10, au haut duquel est un trou où passe une vis avec son écrou 11: en tournant la piece écroüée, on fait lâcher ou tirer la courroie 2 autant que le besoin l'exige; & au moyen du mouvement que la grande roue A donne à la lanterne K, le tambour qui lui est adhérant tournant de même, le mouvement qu'il donne à la courroie qui frote sur chaque fuseau, & qui fait le tour du moulin, fait qu'ils tournent tous ensemble avec une si grande célérité, que le fil se trouve retordu lorsqu'il arrive sur l'aspe ou devidoir, quoiqu'il ne tourne pas doucement.

La courroie est soûtenue par des bobines tournantes 5, 5, fig. 4. Les bobines sont placées entre les fuseaux de deux en deux, & servent à deux fins: la premiere est que les bobines étant cavées quarrément, & placées de façon qu'elles pressent la courroie, leur cavité soûtient cette même courroie, laquelle, sans cette précaution, tomberoit insensiblement au bas des fuseaux. La seconde est que les bobines placées avec une justesse convenable, tiennent la courroie appuyée legerement contre le bas des fuseaux, sans quoi elle ne pourroit pas les faire tourner avec cette régularité qu'exige la préparation de cette matiere.

La figure 3. est le moulin vû de face, le bâtiment du moulin qui est un quarré long de 16 piés sur 4 de large, ajusté & mortoisé comme la figure le démontre; arrêté par le haut avec deux pieces cintrées, 16. Les moulins de cette espece n'ont pas eu autant de succes qu'on s'en promettoit, parce que la courroie qui donne le mouvement aux fuseaux qui portent les bobines remplies de fil, tirant sur une même ligne, il falloit une extrème justesse pour qu'elle appuyât également sur chacun de ces mêmes fuseaux, auxquels elle ne donne le mouvement que par le frotement qu'elle fait sur la partie élevée qui se trouve dans le bas de ces pieces, qui toutes doivent être passées au tour, pour être de la justesse requise.

La figure 2. est le moulin vû de côté. La fig. 3. est celle du mouvement, composé des roüages dont il a été fait mention dans la figure 1. La figure 4. indique la façon dont les fuseaux sont placés: les autres pieces séparées démontrent la façon dont elles doivent être composées en grand.

Les moulins quarrés n'ayant pas paru propres à donner toute la perfection dont les fils & les laines étoient susceptibles, attendu l'irrégularité qui se trouvoit dans la courroie, qui, comme on l'a démontré, tournant sur une ligne droite, causoit des mouvemens irréguliers & indispensables dans quelques fuseaux, il fut question de remédier à ce défaut; & pour y parvenir on inventa des moulins ronds, tels qu'ils sont représentés Planche III. Ce moulin, dont le mouvement est à - peu - près égal à celui de ceux qui sont quarrés, a cette propriété différente de ces derniers, que la courroie suivant les fuseaux sur la circonférence d'un cercle, & se resserrant sur le tambour, il n'est pas possible qu'elle ne porte juste par - tout; & au moyen de cette justesse, les fuseaux tournant avec une parfaite égalité, la matiere se trouvoit mieux préparée: le mouvement étant d'ailleurs plus simple, il falloit moins de peine

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