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V. La contraction ou réunion de deux syllabes en une se fait en deux manieres: 1°. lorsque deux syllabes se réunissent en une sans rien changer dans l'écriture: on appelle cette contraction synérèze; comme lorsqu'au lieu d'aureïs en trois syllabes, Virgile a dit aureis en deux syllabes.
Dependent lychni laquearibus aureis. AEn. l. I. v. 730.
2°. Mais lorsqu'il résulte un nouveau son de la
contraction, la figure est appellée crase,
Ces diverses altérations, dans le matériel des
mots, s'appellent d'un nom général, métaplasme,
II. La seconde sorte de figures qui regardent les
mots, ce sont les figures de construction; quoique
nous en ayons parlé au mot
D'abord il faut observer que lorsque les mots sont rangés selon l'ordre successif de leurs rapports dans le discours, & que le mot qui en détermine un autre est placé immédiatement & sans interruption après le mot qu'il détermine, alors il n'y a point de figure de construction; mais lorsque l'on s'écarte de la simplicité de cet ordre, il y a figure: voici les principales.
1°. L'ellipse,
Il y a une sorte d'ellipse qu'on appelle zeugma, mot grec qui signifie connexion, assemblage: c'est lorsqu'un mot qui n'est exprimé qu'une fois, rassemble pour ainsi dire sous lui divers autres mots énoncés en d'autres membres ou incises de la période. Donat en rapporte cet exemple du III. liv. de l'AEneïde, v. 359.
Trojugena interpres divum, qui numina Phoebi, Qui tripodas, Clarii lauros, qui sidera sentis Et volucrum linguas, & proepetis omina pennoe.
Ce troyen, c'est Helenus, fils de Priam & d'Hecube. Dans cet exemple, sentis, qui n'est exprimé
qu'une fois, rassemble sous lui cinq incises où il est
sous - entendu: qui sentis, id est, qui cognoscis numina
Phoebi, qui sentis tripodas, qui sentis lauros Clarii,
qui sentis sidera, qui sentis linguas volucrum, qui sentis
omina pennoe proepetis. Voyez ce que nous avons dit
du zeugma, au mot
II. Le pléonasme, mot grec qui signifie surabondance,
Lorsque ces mots superflus quant au sens, servent à donner au discours, ou plus de grace, ou plus de netteté, ou plus de force & d'énergie, ils font une figure approuvée comme dans les exemples ci - dessus; mais quand le pléonasme ne produit aucun de ces avantages, c'est un défaut du style, ou du moins une négligence qu'on doit éviter.
III. La syllepse ou synthèse sert lorsqu'au lieu de construire les mots selon les regles ordinaires du nombre, des genres, des cas, on en fait la construction relativement à la pensée que l'on a dans l'esprit; en un mot, il y a syllepse, lorsqu'on fait la construction selon le sens, & non pas selon les mots: c'est ainsi qu'Horace l. I. Od. 2. a dit: fatale monstrum quoe, parce que ce monstre fatal c'étoit Cléopatre; ainsi il a dit quoe relativement à Cléopatre qu'il avoit dans l'esprit, & non pas relativement à monstrum. C'est ainsi que nous disons, la plûpart des hommes s'imaginent, parce que nous avons dans l'esprit une pluralité, & non le singulier, la plûpart. C'est par la même figure que le mot de personne, qui grammaticalement est du genre féminin, se trouve souvent suivi de il ou de ils, parce qu'on a dans l'esprit l'homme ou les hommes dont on parle.
IV. La quatrieme sorte de figure c'est l'hyperbate, c'est - à - dire confusion, mélange de mots; c'est lorsque l'on s'écarte de l'ordre successif des rapports des mots, selon la construction simple: en voici un exemple où il n'y a pas un seul mot qui soit placé après son correlatif, & selon la construction simple.
Aret ager; vitio, moriens, sitit, aeris, herba. Virg. Eccl. VII. v. 52.
La construction simple est ager aret; herba moriens prae vitio aëris sitit. L'ellipse & l'hyperbate sont fort en usage dans les langues où les mots changent de terminaisons, parce que ces terminaisons indiquent les rapports des mots, & par - là font appercevoir l'ordre; mais dans les langues qui n'ont point de cas, ces figures ne peuvent être admises que lorsque les mots sous - entendus peuvent être aisément suppléés, & que l'on peut facilement appercevoir l'ordre des mots qui sont transposés: alors les ellipses & les transpositions donnent à l'esprit une occupation qui le flatte: il est facile d'en trouver des exemples dans les dialogues, dans le style soûtenu, & sur - tout dans les poëtes: par exemple, la vérité a besoin des ornemens que lui prête l'imagination, Discours sur Télémaque; on voit aisément que l'imagination est le sujet, & que lui est pour à elle.
Le livre si connu de l'histoire de dom Quichote, commence par une transposition: dans une contrée d'Espagne, qu'on appelle la Manche, vivoit, il n'y a pas long - tems, un gentilhomme, &c. la construction est: un gentilhomme vivoit dans, &c.
V. L'imitation: les relations que les peuples ont
les uns avec les autres, soit par le commerce, soit
pour d'autres intérêts, introduisent réciproquement
parmi eux, non - seulement des mots, mais encore des
tours & des façons de parler qui ne sont pas analogues
à la langue qui les adopte; c'est ainsi que dans
les auteurs latins on observe des phrases greques
qu'on appelle des hellénismes, qu'on doit pourtant
toûjours réduire à la construction pleine de toutes les
langues. Voyez
VI. L'attraction: le méchanisme des organes de la parole apporte des changemens dans les lettres ou dans les mots qui en suivent ou qui en précedent d'autres: c'est ainsi qu'une lettre forte que l'on a à [p. 769]
De même la vûe de l'esprit tourné vers un certain mot, fait souvent donner une terminaison semblable à un autre mot qui a relation à celui - là: c'est ainsi qu'Horace, dans l'Art poétique, a dit, mediocribus esse poëtis, où l'on voit que mediocribus est attiré par poëtis.
On peut joindre à ces figures l'archaïsme,
Le contraire de l'archaïsme c'est le néologisme,
c'est - à - dire façon de parler nouvelle: nous avons un
Dictionnaire néologique, composé par un critique
connu, contre certains auteurs modernes, qui veulent
introduire des mots nouveaux & des façons de
parler nouvelles & affectées, qui ne sont pas consacrées
par le bon usage, & que nos bons écrivains
évitent. Ce mot vient de deux mots grecs,
Il y a quelques autres figures qu'il n'est utile de connoître, que parce qu'on en trouve souvent les noms dans les commentateurs; mais on doit les réduire à celles dont nous venons de parler. En voici quelques unes qu'on doit rapporter à l'hyperbate.
L'anastrophe,
2. Tmesis, R.
3. La parenthèse est aussi considérée comme causant
une espece d'hyperbate, parce que la parenthèse
est un sens à part, inséré dans un autre dont il
interrompt la suite; ce mot vient de
Le vainqueur de Renaud (si quelqu'un le peut être) Sera digne de moi.
On doit éviter les parenthèses trop longues, & les placer de façon qu'elles ne rendent point la phrase louche, & qu'elles n'empêchent pas l'esprit d'appercevoir la suite des correlatifs.
4. Synchysis, c'est lorsque tout l'ordre de la construction est confondu, comme dans ce vers de Virgile, que nous avons déjà cité.
Voici une cinquieme sorte d'hyperbate, qu'on appelle
anacholuthon,
Sed tamen idem olim curru succedere sueti. AEn. l. III. v. 141. C'est un anacoluthon, dit Servius; car tamen n'est pas précédé de quamquàm: anacoluthon, nam quamquam non proemisit; & au l. II. v. 331. on trouve quot sans tot.
Ce mot vient 1°. d'
Voici deux autres figures qui n'en méritent pas le
nom, mais que nous croyons devoir expliquer, parce
que les Commentateurs & les Grammairiens en
font souvent mention: par exemple, lorsque Virgile
fait dire à Didon urbem quam statuo vestra est, I. AEn.
v. 573. les Commentateurs disent que cela est un
exemple incontestable de la figure qu'ils appellent antiptose, du grec,
Les jeunes gens qui apprennent le latin, ne devroient pas ignorer cette belle figure; elle seroit pour eux d'une grande ressource. Quand on les blâmeroit d'avoir mis un cas pour un autre, l'autorité de Despautere qui dit que antiptosis fit per omnes casus, & qui en cite des exemples dans sa Syntaxe, p. 221. cette autorité, dis - je, seroit pour eux une excuse sans replique.
Mais qui ne voit que si ces changemens avoient été permis arbitrairement aux anciens, toutes les regles de la Grammaire seroient devenues inutiles? V. la méthode latine de P. R. page 562.
C'est pourquoi les Grammairiens analogistes, qui
font usage de leur raison, rejettent l'antiptose, & expliquent
plus raisonnablement les exemples qu'on en
donne: ainsi à l'égard de eunuchum quem dedisti, &c.
il faut suppléer, dit Donat, is eunuchus; Pythias a
dit eunuchum quem, parce qu'elle avoit dans l'esprit
dedisti eunuchum; enim ad dedisti verbum retulit, dit Donat. Il y a deux propositions dans tous ces exemples;
il doit donc y avoir deux nominatifs: si l'un n'est pas
exprimé, il faut le suppléer, parce qu'il est réellement
dans le sens; & puisqu'il n'est pas dans la phrase,
il faut le tirer du dehors, dit Donat, assumendum
extrinsecùs, pour faire la construction pleine: ainsi
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