ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"768"> nin dissyllabe; nom, monosyllabe; Antinoüs, quatre syllabes, &c.

V. La contraction ou réunion de deux syllabes en une se fait en deux manieres: 1°. lorsque deux syllabes se réunissent en une sans rien changer dans l'écriture: on appelle cette contraction synérèze; comme lorsqu'au lieu d'aureïs en trois syllabes, Virgile a dit aureis en deux syllabes.

Dependent lychni laquearibus aureis. AEn. l. I. v. 730.

2°. Mais lorsqu'il résulte un nouveau son de la contraction, la figure est appellée crase, XRASIS2, c'est - à - dire mélange, comme en françois Oût pour Août, pan au lieu de paon; & en latin min pour mihi - ne?

Ces diverses altérations, dans le matériel des mots, s'appellent d'un nom général, métaplasme, METAPLASMO\S2, transformatio, de METAPLA/SSW, transformo.

II. La seconde sorte de figures qui regardent les mots, ce sont les figures de construction; quoique nous en ayons parlé au mot Construction, ce que nous en dirons ici ne sera pas inutile.

D'abord il faut observer que lorsque les mots sont rangés selon l'ordre successif de leurs rapports dans le discours, & que le mot qui en détermine un autre est placé immédiatement & sans interruption après le mot qu'il détermine, alors il n'y a point de figure de construction; mais lorsque l'on s'écarte de la simplicité de cet ordre, il y a figure: voici les principales.

1°. L'ellipse, E)/LLEIYIS2, derelictio, proetermissio, defectus, de LEIPW, linquo: ainsi quand l'empressement de l'imagination fait supprimer quelque mot qui seroit exprimé selon la construction pleine, on dit qu'il y a ellipse. Pour rendre raison des phrases elliptiques, il faut les réduire à la construction pleine, en exprimant ce qui est sous - entendu selon l'analogie commune: par exemple, accusare furti, c'est accusare de crimine furti; & dans Virgile, quos ego. AEn. l. I. v. 139. la construction est, vos quos ego in ditione meâ teneo. « Quoi! vous que je tiens sous mon empire; vous, mes sujets, vous que je pourrois punir, vous osez exciter de pareilles tempêtes sans mon aveu »? Ad Castoris, suppléez ad oedem; maneo Romoe, suppléez in urbe comme Ciceron a dit: in oppido Antiochioe; & Virgile, AEn. l. III. v. 293. Celsam Buthroti ascendimus urbem, passage remarquable & bien contraire aux regles communes sur les questions de lieu. Est regis tueri subditos, suppléez officium, &c.

Il y a une sorte d'ellipse qu'on appelle zeugma, mot grec qui signifie connexion, assemblage: c'est lorsqu'un mot qui n'est exprimé qu'une fois, rassemble pour ainsi dire sous lui divers autres mots énoncés en d'autres membres ou incises de la période. Donat en rapporte cet exemple du III. liv. de l'AEneïde, v. 359.

Trojugena interpres divum, qui numina Phoebi, Qui tripodas, Clarii lauros, qui sidera sentis Et volucrum linguas, & proepetis omina pennoe.

Ce troyen, c'est Helenus, fils de Priam & d'Hecube. Dans cet exemple, sentis, qui n'est exprimé qu'une fois, rassemble sous lui cinq incises où il est sous - entendu: qui sentis, id est, qui cognoscis numina Phoebi, qui sentis tripodas, qui sentis lauros Clarii, qui sentis sidera, qui sentis linguas volucrum, qui sentis omina pennoe proepetis. Voyez ce que nous avons dit du zeugma, au mot Construction.

II. Le pléonasme, mot grec qui signifie surabondance, WLEONASMO\S2, abundantia; PLE/OS2, plenus; PLEONA/ZW, plus habeo, abundo. Cette figure est le contraire de l'ellipse; il y a pléonasme lorsqu'il y a dans la phrase quelque mot superflu, ensorte que le sens n'en se<cb-> roit pas moins entendu, quand ce mot ne seroit pas exprimé, comme quand on dit, je l'ai vû de mes yeux, je l'ai entendu de mes oreilles, j'irai moi - même; mes yeux, mes oreilles, moi - même, sont aurant de pléonasmes.

Lorsque ces mots superflus quant au sens, servent à donner au discours, ou plus de grace, ou plus de netteté, ou plus de force & d'énergie, ils font une figure approuvée comme dans les exemples ci - dessus; mais quand le pléonasme ne produit aucun de ces avantages, c'est un défaut du style, ou du moins une négligence qu'on doit éviter.

III. La syllepse ou synthèse sert lorsqu'au lieu de construire les mots selon les regles ordinaires du nombre, des genres, des cas, on en fait la construction relativement à la pensée que l'on a dans l'esprit; en un mot, il y a syllepse, lorsqu'on fait la construction selon le sens, & non pas selon les mots: c'est ainsi qu'Horace l. I. Od. 2. a dit: fatale monstrum quoe, parce que ce monstre fatal c'étoit Cléopatre; ainsi il a dit quoe relativement à Cléopatre qu'il avoit dans l'esprit, & non pas relativement à monstrum. C'est ainsi que nous disons, la plûpart des hommes s'imaginent, parce que nous avons dans l'esprit une pluralité, & non le singulier, la plûpart. C'est par la même figure que le mot de personne, qui grammaticalement est du genre féminin, se trouve souvent suivi de il ou de ils, parce qu'on a dans l'esprit l'homme ou les hommes dont on parle.

IV. La quatrieme sorte de figure c'est l'hyperbate, c'est - à - dire confusion, mélange de mots; c'est lorsque l'on s'écarte de l'ordre successif des rapports des mots, selon la construction simple: en voici un exemple où il n'y a pas un seul mot qui soit placé après son correlatif, & selon la construction simple.

Aret ager; vitio, moriens, sitit, aeris, herba. Virg. Eccl. VII. v. 52.

La construction simple est ager aret; herba moriens prae vitio aëris sitit. L'ellipse & l'hyperbate sont fort en usage dans les langues où les mots changent de terminaisons, parce que ces terminaisons indiquent les rapports des mots, & par - là font appercevoir l'ordre; mais dans les langues qui n'ont point de cas, ces figures ne peuvent être admises que lorsque les mots sous - entendus peuvent être aisément suppléés, & que l'on peut facilement appercevoir l'ordre des mots qui sont transposés: alors les ellipses & les transpositions donnent à l'esprit une occupation qui le flatte: il est facile d'en trouver des exemples dans les dialogues, dans le style soûtenu, & sur - tout dans les poëtes: par exemple, la vérité a besoin des ornemens que lui prête l'imagination, Discours sur Télémaque; on voit aisément que l'imagination est le sujet, & que lui est pour à elle.

Le livre si connu de l'histoire de dom Quichote, commence par une transposition: dans une contrée d'Espagne, qu'on appelle la Manche, vivoit, il n'y a pas long - tems, un gentilhomme, &c. la construction est: un gentilhomme vivoit dans, &c.

V. L'imitation: les relations que les peuples ont les uns avec les autres, soit par le commerce, soit pour d'autres intérêts, introduisent réciproquement parmi eux, non - seulement des mots, mais encore des tours & des façons de parler qui ne sont pas analogues à la langue qui les adopte; c'est ainsi que dans les auteurs latins on observe des phrases greques qu'on appelle des hellénismes, qu'on doit pourtant toûjours réduire à la construction pleine de toutes les langues. Voyez Construction.

VI. L'attraction: le méchanisme des organes de la parole apporte des changemens dans les lettres ou dans les mots qui en suivent ou qui en précedent d'autres: c'est ainsi qu'une lettre forte que l'on a à [p. 769] prononcer, fait changer en forte la douce qui la précede; il y a en grec de fréquens exemples de ces changemens qui sont amenés par le méchanisme des organes: c'est ainsi qu'en latin on dit alloqui au lieu d'ad - loqui; irruere pour in - ruere, &c.

De même la vûe de l'esprit tourné vers un certain mot, fait souvent donner une terminaison semblable à un autre mot qui a relation à celui - là: c'est ainsi qu'Horace, dans l'Art poétique, a dit, mediocribus esse poëtis, où l'on voit que mediocribus est attiré par poëtis.

On peut joindre à ces figures l'archaïsme, A)RXAISMO\S2, façon de parler à l'imitation des anciens; A)RXAIOS2, antiquus: c'est ainsi que Virgile a dit, olli subridens pour illi; & c'est ainsi que nos poëtes, pour plus de naïveté, imitent quelquefois Marot.

Le contraire de l'archaïsme c'est le néologisme, c'est - à - dire façon de parler nouvelle: nous avons un Dictionnaire néologique, composé par un critique connu, contre certains auteurs modernes, qui veulent introduire des mots nouveaux & des façons de parler nouvelles & affectées, qui ne sont pas consacrées par le bon usage, & que nos bons écrivains évitent. Ce mot vient de deux mots grecs, NE/OS2, novus, & LO/GOS2, sermo.

Il y a quelques autres figures qu'il n'est utile de connoître, que parce qu'on en trouve souvent les noms dans les commentateurs; mais on doit les réduire à celles dont nous venons de parler. En voici quelques unes qu'on doit rapporter à l'hyperbate.

L'anastrophe, A)NAS2RWFAN, convertere, S2RI/FW, verto; l'anastrophe est le renversement des mots, comme mecum, tecum, vobiscum; au lieu de cum me, cum te, cum vobis quam ob rem, au lieu de ob quam rem; his accensa super, Virgile, AEneïd. l. I. v. 23. pour accensa super his. Robertson, dans le supplément de son Dictionnaire, lettre A, dit A)NASTROFH\ inversio, proepostera rerum seu verborum collocatio.

2. Tmesis, R. TMH/SW, futur premier du verbe inusité TMA/W, seco, je coupe: il y a tmésis lorsqu'un mot est coupé en deux: c'est ainsi que Virgile, au lieu de dire subjecta septemtrioni, a dit septem subjecta trioni. Georg. l. III. v. 381. & au liv. VIII. de l'AEneïd. v. 74, il a dit quo te cunque pour quocumque te, &c. quando consumet cunque, pour quando quocunque consumet. Il y a plusieurs exemples pareils dans Horace & ailleurs.

3. La parenthèse est aussi considérée comme causant une espece d'hyperbate, parce que la parenthèse est un sens à part, inséré dans un autre dont il interrompt la suite; ce mot vient de WARA\ qui entre en composition, de E)N, in, & de TI/QHMI), pono. Il y a dans l'opéra d'Armide une parenthèse célebre, en ce que le musicien l'a observée aussi dans le chant.

Le vainqueur de Renaud (si quelqu'un le peut être) Sera digne de moi.

On doit éviter les parenthèses trop longues, & les placer de façon qu'elles ne rendent point la phrase louche, & qu'elles n'empêchent pas l'esprit d'appercevoir la suite des correlatifs.

4. Synchysis, c'est lorsque tout l'ordre de la construction est confondu, comme dans ce vers de Virgile, que nous avons déjà cité.

Aret ager; vitio, moriens, sitit, aëris, herba.
Et encore

Saxa, vocant Itali, mediis quoe in fluctibus, aras.
c'est - à - dire, Itali vocant aras illa saxa quoe sunt in mediis fluctibus. Il n'est que trop aisé de trouver des exemples de cette figure. Au reste, synchysis est purement grec, SUGXU/SIS2, & signifie confusion, SUGXO/W, confundo. Faber dit que synchysis est ordo dictionum confusior, & que Donat l'appelle hyperbate: en voici encore un exemple tiré d'Horace, I. sat. 5. v. 49.

Namque pilâ lippis inimicum & ludere crudis.
l'ordre est ludere pilâ est inimicum lippis & crudis, « le jeu de paume est contraire à ceux qui ont mal aux yeux, & à ceux qui ont mal à l'estomac ».

Voici une cinquieme sorte d'hyperbate, qu'on appelle anacholuthon, A)NAKO/LOUQON, quand ce qui suit n'est pas lié avec ce qui précede; c'est plûtôt un vice, dit Erasme, qu'une figure: vitium orationis quando non redditur quod superioribus respondeat. Il doit y avoir entre les parties d'une période, une certaine suite & un certain rapport grammatical qui est nécessaire pour la netteté du style, & une certaine correl pondance que l'esprit du lecteur attend, comme entre tot & quot, tantum & quantum, tel & quei, quoique, cependant, &c. Quand ce rapport ne se trouve point, c'est un anacoluthon; en voici deux exemples tirés de Virgile.

Sed tamen idem olim curru succedere sueti. AEn. l. III. v. 141. C'est un anacoluthon, dit Servius; car tamen n'est pas précédé de quamquàm: anacoluthon, nam quamquam non proemisit; & au l. II. v. 331. on trouve quot sans tot.

Millia quot magnis nunquam venere Mycoenis.
ce qui fait dire encore à Servius que c'est un anacoluthon, & qu'il faut suppléer tot, tot millia.

Ce mot vient 1°. d'A)KO/LOUQOS2, comes, A)KO/LOUQON, consectarium, qui suit, qui accompagne, qui est apparié; 2°. à A)KO/LOUQON on ajoûte l'A) privatif, suivi du N euphonique, qui n'est que pour empêcher le bâillement entre les deux à, A) A)KO/LOUQOS2, comme nous ajoûtons le t entre dira - on, dira - t - on.

Voici deux autres figures qui n'en méritent pas le nom, mais que nous croyons devoir expliquer, parce que les Commentateurs & les Grammairiens en font souvent mention: par exemple, lorsque Virgile fait dire à Didon urbem quam statuo vestra est, I. AEn. v. 573. les Commentateurs disent que cela est un exemple incontestable de la figure qu'ils appellent antiptose, du grec, A)NTI\, pro, qui entre en composition, & de PWSIS2, casus; ensorte que c'est - là un cas pour un autre: Virgile, disent - ils, a dit urbem pour urbs par antiptose; c'est une ancienne figure, dit Servius; c'est ainsi, ajoûte - t - il, que Caton a dit agrum, quem vir habet tollitur; agrum au lieu d'ager; & Terence, eunuchum quem dedisti nobis quas turbas dedit, où eunuchum est visiblement au lieu d'eunuchus. Terent. Eun. act. IV. sc. iij. v. 11.

Les jeunes gens qui apprennent le latin, ne devroient pas ignorer cette belle figure; elle seroit pour eux d'une grande ressource. Quand on les blâmeroit d'avoir mis un cas pour un autre, l'autorité de Despautere qui dit que antiptosis fit per omnes casus, & qui en cite des exemples dans sa Syntaxe, p. 221. cette autorité, dis - je, seroit pour eux une excuse sans replique.

Mais qui ne voit que si ces changemens avoient été permis arbitrairement aux anciens, toutes les regles de la Grammaire seroient devenues inutiles? V. la méthode latine de P. R. page 562.

C'est pourquoi les Grammairiens analogistes, qui font usage de leur raison, rejettent l'antiptose, & expliquent plus raisonnablement les exemples qu'on en donne: ainsi à l'égard de eunuchum quem dedisti, &c. il faut suppléer, dit Donat, is eunuchus; Pythias a dit eunuchum quem, parce qu'elle avoit dans l'esprit dedisti eunuchum; enim ad dedisti verbum retulit, dit Donat. Il y a deux propositions dans tous ces exemples; il doit donc y avoir deux nominatifs: si l'un n'est pas exprimé, il faut le suppléer, parce qu'il est réellement dans le sens; & puisqu'il n'est pas dans la phrase, il faut le tirer du dehors, dit Donat, assumendum extrinsecùs, pour faire la construction pleine: ainsi

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