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Feu (Page 6:636)
M. de la Porterie, mestre de camp de dragons, dans ses institutions militaires, ouvrage qui n'a paru minutieux qu'à des personnes peut - être plus bornées que les petits détails qu'elles méprisent & qu'elles dédaignent, propose des moyens d'autant plus sûrs d'accoûtumer l'animal au feu, que l'expérience a démontré l'excellence de sa méthode.
Il recommande d'abord d'en user avec beaucoup de sagesse & de patience: le succès dépend en effet de ces deux points. Il ne s'agit pas ici de vaincre & de dominer par la force un tempérament naturellement porté à l'effroi; une terreur réitérée ne pourroit que donner aux fibres un nouveau degré de propension à celle qu'elles ont déjà; il ne faut que les obliger insensiblement à céder & à se prêter au pli & aux déterminations qu'il est essentiel de leur suggérer.
La route que tient M. de la Porterie, est entierement conforme à ces vûes. Le bruit qui résulte du jeu des ressorts différens des armes à feu, est le premier auquel il tente d'habituer le cheval. Il fait mouvoir ces ressorts dès le matin à la porte & aux fenêtres de l'écurie, & ensuite dans l'écurie même avant la distribution de l'avoine ou du fourrage, qui est aussi précédée de l'action de flater, de caresser l'animal, & de s'en approcher avec circonspection, de maniere qu'il puisse flairer ou sentir le bassinet. Cette manoeuvre répetée & continuée chaque fois qu'on doit lui présenter la ration de grain qui lui est destinée, appaise & familiarise peu - à - peu ceux qui semblent être les plus farouches, sur - tout si l'on a encore, & tandis qu'ils mangent, le soin de laisser les pistolets devant eux & dans l'auge. Alors on brûle des amorces, en observant les mêmes gradations; & sans oublier qu'il est d'une nécessité indispensable d'accoûtumer le cheval à l'odeur de la poudre, & de le mettre par conséquent à portée de la recevoir. Des amorces on en vient aux coups à poudre; on n'employe que la demi - charge, & les armes ne sont point bourrées. Enfin M. de la Porterie conseille de frapper de grands coups de bâtons sur les portes, pour suppléer au défaut de la quantité de munition dont les régimens auroient besoin à cet effet; & la fréquente répetition du mot feu, pour habituer l'animal à ce commandement, qu'il redoute souvent autant que le feu même.
Telles sont les opérations qui se pratiquent dans l'écurie: celles qu'il prescrit ensuite dans le dehors, concourent au même but, & ne tendent qu'à confirmer le cheval, & à le guérir de toute appréhension. On place & l'on assûre dans un lieu convenable, des especes d'auges volantes, à l'effet d'y dé<cb->
C'est avec de semblables précautions & de tels procédés plus ou moins long - tems mis en usage, que l'on parvient à leur ôter entierement la crainte & l'effroi que peuvent leur inspirer les amorces & le bruit des pistolets, mousquetons ou fusils que l'on décharge. Dans la leçon qui suit immédiatement celle que nous venons de détailler, il faut seulement observer qu'aucun grain de poudre & qu'aucun éclat de la pierre n'atteignent le nez du cheval, ce qui le révolteroit, & le rendroit infiniment plus difficile à réduire & à apprivoiser; & dans la manoeuvre qui consiste à tirer des coups à poudre, les armes étant bourrées, on doit faire attention, 1° de ne point les adresser directement sous les auges, afin de ne chasser ni terre ni gravier contre ses jambes; 2° de tenir en - haut le bout des pistolets lorsqu'on les tirera, les chevaux ayant reculé, pour que les bourres ne les offensent point & ne soient point dirigées vers eux, & à l'effet de les accoûtumer à les voir enflammées, supposé qu'elles tombent sur le chemin qu'ils ont à faire pour se rapprocher de leur avoine.
Dans les exercices, M. de la Porterie ne s'écarte point de cet ordre; mais soit qu'il fasse tirer des pistolets non - amorcés, soit qu'il fasse brûler des amorces, soit qu'il s'agisse d'une véritable décharge de la part de deux troupes vis - à - vis l'une de l'autre, il faut toûjours faire halte pour tirer, & marcher ensuite en - avant, au lieu de faire demi - tour à droite sur le coup; mouvement pernicieux, & auquel les chevaux ne sont que trop disposés au moindre objet qui les épouvante.
Du reste nous avons simplement ici rendu ses idées & développé ses principes, nous ne saurions en proposer de meilleurs; & nous osons assûrer qu'il suffira de les appliquer à - propos, de s'armer de la patience qu'exige la réitération de ces leçons, & de saisir & de suivre exactement l'esprit dans lequel il pratique, pour réussir pleinement dans cette partie essentielle de l'éducation des chevaux. (e)
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