ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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Feu, Cautere (Page 6:631)

Feu, Cautere, (Manége & Maréchal.) termes synonymes. Le premier est particulierement usité parmi les Maréchaux dans le sens des cauteres actuels: quelques - uns de nos auteurs l'ont aussi employé dans le sens des cauteres potentiels qu'ils ont appellés féux morts, & quelquefois rétoires, du mot italien retorio, cautere. Voyez Cautere.

Le feu actuel ou le cautere actuel n'est à proprement parler que le feu même uni & communiqué à tels corps ou à telles matiere, solides capables de le retenir en plus ou moins grande quantité, & pendant un espace de tems plus ou moins long.

Ses effets sur le corps de l'animal varient selon la différence de ses degrés.

1°. L'irritation des solides, la raréfaction des humeurs, sont le résultat d'une legere brûlure.

2°. Cette brûlure est - elle moins foible? La sérosité s'extravase; les liens qui unissoient l'épiderme à la peau sont détruits; & cette cuticule soûlevée, nous appercevons des phlictenes.

3°. Une impression plus violente altere & consume le tissu des solides: par elle les fluides sont absorbés; leurs particules les plus subtiles s'exaltent & s'évaporent; de maniere que dans le lieu qui a subi le contact du feu, on n'entrevoit qu'une masse noirâtre que nous nommons escarre, & qui n'est autre chose qu'un débris informe des solides brûlés & des liquides dessechés ou concrets.

C'est cette escarre que nous nous proposons toûjours de solliciter dans l'usage & dans l'emploi que nous faisons du cautere. On doit l'envisager comme une portion qui privée de la vie est devenue totalement étrangere: elle est de plus nuisible en ce qu'elle s'oppose à la circulation; mais bientôt la nature elle - même fait ses efforts pour s'en délivrer. Les liqueurs contenues dans les tuyaux dont les extrémités ont cédé à l'action du fer brûlant, arrivent jusqu'à l'obstacle que leur présente ce corps dur & pour ainsi dire isolé; elles le heurtent conséquemment a chaque pulsation, soit du coeur, soit des arteres; elles s'y accumulent, elles produitent dans les canaux voisins un engorgement tel que leurs fibres distendues & irritées donnent lieu à un gonflement, à une douleur pulsative; & les oscillations redoublées des vaisseaux operent enfin un déchirement. Un suintement des sucs que renfermoient ces mêmes vaisseaux oblitérés annonce cette rupture; & ce suintement est insensiblement suivi d'une dissolution véritable des liqueurs mêlées avec une portion des canaux qui ont souffert; dissolution qui anéantissant toute communication, & détruisant absolument tous points d'union entre le vif & le mort, provoque la chûte entiere du sequestre, & ne nous montre dans la partie cautérisée qu'un ulcere dans lequel la suppuration est plus ou moins abondante, selon le nombre des canaux ouverts.

De la nature des sucs qui s'écoulent & qui forment la matiere suppurée, dépen lent une heureuse réunion & une prompte cicatrice: des liqueurs qui sont le fruit d'une fermentation tumultueuse, & dont l'acreté, ainsi que l'exaltation de leurs principes, démontrent plûtôt en elles une faculté destructive qu'une faculté régénérante, ne nous prouvent que le retardement de l'accroissement que nous desirons; elles le favorisent, il est vrai, mais indirectement, c'est - à - dire en dissipant les engorgemens qui s'opposent à l'épanchement de cette lymphe douce & balsamique, qui, parfaitement analogue à toutes les parties du corps de l'animal, & répandue sur les chairs, en hâte la reproduction par une assimüation inévitable. Tant que ces matieres qui ont leur source dans les humeurs qui gorgent les cavités & les interstices des vaisseaux, subsistent & fluent: toute régénération est donc impossible. Dès qu'elles font place à ce suc, dont toutes les qualités extérieures nous attestent l'étroite affinité qui regne entre ses molécules & les parties qui constituent le fond même sur lequel il doit être versé, & que ce même suc peut suinter des tuyaux lymphatiques dans la plaie, sans aucune contrainte & sans aucun mélange d'un fluide étranger capable de le vicier & de combattre ses effets, la réunion que nous attendons est prochaine.

Elle sera dûe non - seulement à la juxta - position & à l'exsication de la seve nourriciere charriée vers les extrémités des capillaires dégagés, conséquemment aux mêmes mouvemens des solides & des fluides, qui dans la substance engorgée formoient le pus, mais encore à un leger prolongement des canaux. J'observe d'une part que le jour que les liquides se sont frayés n'est pas tel que le diametre des vaisseaux dilacérés soit dans un état naturel: l'issue des liqueurs n'est donc pas absolument libre. Or la résistance qu'elles épiouvent, quelque foible qu'elle puisse être, les oblige de heurter contre les parois de ces mêmes vaisseaux, qui, vû la déperdition de substance, ont cessé d'être gênés, comprimés, & soûtenus par les parties qui les avoisinoient: ainsi leurs fibres cédant aux chocs & aux coups multipliés & réitérés qu'elles essuient, se trouvent nécessairement & facilement distendues dans le vuide: cette augmentation de longueur ne peut être telle néanmoins qu'elle procure l'entiere réunion; aussi je remarque d'un autre côté que les liquides consomment l'ouvra<pb-> [p. 632] ge. La plus grande partie de ceux qui s'évacuent par les orifices des vaisseaux legerement ouverts, fournit la matiere suppurée: mais la portion la plus onctueuse de la lymphe poussée vers l'extrémité des canaux des bords de l'ulcere, en suinte goutte - à - goutte. Chaque molécule qui excede l'aire du calibre tronqué, s'arrête à l'embouchure, s'y congele, s'y épaissit, & s'y range circulairement, de maniere qu'elle offre un passage à celles qui la suivent, & qui se figent & se placent de même, jusqu'à ce que le progrès des couches soit à un tel degré que les capillaires n'admettant que les parties vaporeuses, & contraignant les liqueurs qui se présentent & qu'ils rejettent, d'enfiler les veines qui les rapportent à la masse, la cavité de l'ulcere soit remplie & la cicatrice parfaite.

Les moyens de cette reproduction nous indiquent 1°. comment les cicatrices, sur - tout celles qui sont considérables, forment toûjours des brides; ils nous apprennent 2°. pourquoi elles sont plus basses que le niveau de la peau; 3°. par eux nous pouvons expliquer comment, dans cette substance régénérée, on ne voit au lieu d'un ensemble de tuyaux exactement cylindriques & parfaitement distincts, qu'un amas de petites cavités dont les parois, irrégulierement adhérentes les unes aux autres, ne présentent, pour ainsi dire, qu'un corps spongieux, mais assez dense, dont la solidité accroît à mesure qu'il s'éloigne du fond, & que les fluides y sont plus rares, ce qui rend la cicatrice extérieurement plus dure & plus compacte; 4°. enfin ils nous dévoilent sensiblement les effets des cicatrices multipliées.

Les suites de la cautérisation des parties dures sont à peu - près les mêmes que celles qui ont fixé notre attention relativement aux parties molles.

Le feu appliqué sur les os, desseche en un instant les fibres osseuses, il crispe, il oblitere les vaisseaux qui rampent entr'elles; les sucs nécessaires que ces vaisseaux charrient, sont aussi - tôt exaltés & dissipés, & toute la portion soûmise à l'instrument brûlant, jaunit, noircit; elle cesse d'être vivante, & répond precisément à ce que nous venons de nommer escarre. Ici elle n'est jamais aussi profonde. La chûte en est plus lente & plus tardive, parce que les vaisseaux de la substance osseuse ne sont point en aussi grande quantité, & que les sucs y sont moins abondans. Quoi qu'il en soit, les bornes de l'exsication sont celles de la partie ruinée qui doit être détachée de la partie saine, & non morte. C'est à la surface de celle - ci que les oscillations redoublées qui commencent à ébranler la premiere, se font sentir. Ces oscillations sont suivies de la rupture des canaux à leurs extrémités, la séparation desirée se trouve alors ébauchée; mais ces canaux dilacérés, qui laissent échapper une humeur qui s'extravase, végétant, pullulant eux - mêmes, se propageant & s'unissant insensiblement, fournissent - ils une chair véritable? l'exfoliation sera bien - tôt accomplie, vû l'accroissement de cette même chair qui soûlevera & détachera entierement enfin le corps étranger, & qui acquierra une consistance aussi ferme & aussi solide que celle dont joüissoit le corps auquel elle succede.

Ces effets divers que je ne pouvois me dispenser de détailler, parce qu'ils ont été jusqu'ici également inconnus aux écuyers qui ont écrit, aux maréchaux qui pratiquent, & aux demi - savans qui dogmatisent, sont la base sur laquelle nous devons asseoir tous les principes en matiere de cautérisation.

Il est des cas où elle est salutaire, il en est où elle est nuisible, il en est où elle est inutile.

Ceux dans lesquels l'énergie du feu est évidente, sont, quant aux parties dures, les caries, puisque l'exfoliation qu'il procure n'est autre chose que la chûte de la portion viciée de l'os; & quant aux par<cb-> ties molles, les bubons pestilentiels; les ulceres chancreux qui n'avoisinent point, ainsi que le fic, connu sous le nom de crapaud, des parties délicates, telles, par exemple, que l'expansion aponévrotique sur laquelle il est quelquefois situé; les morsures des animaux venimeux; celles des animaux enragés; les gangrenes humides, qui sans être précédées d'inflammation, font tomber les parties en fonte; les gangrenes avancées; les ulceres avec hyporsarcose; les engorgemens aedémateux accidentels, & même les engorgemens tendans au skirrhe, qui occupent une grande étendue; les tumeurs dures, skirrheuses, circonscrites; les hémorrhagies qui n'ont pas lieu par des vaisseaux d'un diametre ablolument considérable, pourvû que les vaisseaux puissent être atteints sans danger; les solutions de continuité de l'ongle, telles que les seymes, les legeres excroissances que nous appellons fic, verrues ou poireaux, &c. en un mot, dans toutes les circonstances où il importe de frayer une issue à une matiere ennemie, dont le séjour dans la partie, ou dont le retour dans les routes circulaires seroit funeste, & qu'il seroit extrèmement dangereux de laisser pénétrer dans la masse des liqueurs; de constituer une humeur morbifique & maligne dans une entiere impuissance, soit par l'évaporation de ses parties les plus subtiles, soit par la fixation ou la coagulation de ses parties les plus grossieres; de dessécher puissamment, & de produire dans les vaisseaux dont l'affaissement ne s'étend pas au - delà de la partie affectée, une irritation absolument nécessaire; d'interrompre toute communication entre des parties saines & une partie mortifiée; d'en hâter la séparation; de dissiper une humidité surabondante, & de procurer à des fibres dont le relâchement donne lieu à des chairs fongueuses & superflues, la fermeté & la solidité dont elles ont besoin; d'absorber la sérosité arrêtée & infiltrée dans les tégumens, lorsque nul topique n'a pû l'atténuer & la résoudre; de l'évacuer & de faire rentrer par une suppuration convenable les vaisseaux dans leur ton & dans leur état naturel, ce qui demande beaucoup de sagacité & de prudence; de mettre en mouvement une humeur stagnante & endurcie, & d'en faciliter le dégorgement; d'accélerer par l'explosion une dissolution & une fonte heureuse de la matiere épaissie qui forme les tumeurs skirrheuses, ce qui se pratique plus communément que dans le cas précédent, pourvû que l'on n'apperçoive aucune disposition inflammatoire; de crisper & de contracter dans l'instant l'orifice d'un vaisseau coupé, & de réduire le sang en une masse épaisse qui bouche ce même orifice; de faire une plaie à l'effet de solliciter la végétation de plusieurs petits vaisseaux qui par leur régénération procureront la réunion de l'ongle dont ils acquierront la consistance; de détruire & de consumer en entier des tubercules legers ou des corps végétaux contre nature, qui s'élevent sur la superficie de la peau; de prévenir les enflures & les engorgemens auxquels les parties déclives peuvent paroître disposées, en soûtenant par des cicatrices fortes & multipliées, la foiblesse & l'inertie des vaisseaux: dans toutes ces circonstances, dis - je, l'application du cautere ardent est d'une efficacité véritable.

Elle est incontestablement nuisible, lorsque l'oedeme reconnoît pour cause une cachexie ou une mauvaise disposition intérieure; elle est toûjours pernicieuse dans tous les cas où l'inflammation est marquée sensiblement. Tout habile praticien la rejette, quand il prévoit qu'elle peut offenser des vaisseaux considérables; & il la bannit à jamais relativement aux parties tendineuses, aponévrotiques & nerveuses, attendu les accidens mortels qui peuvent en être les suites. [p. 633]

Son insussisance enfin est réelle, & son inutilité manifeste, dès que l'action du feu n'a pas lieu immédiatement sur la partie malade. Elle ne produit & ne peut donc rien produire d'avantageux, par exemple, dans les luxations, dans les entorses, dans toutès les extensions forcées des tendons, des muscles, des ligamens, & des fibres nerveuses, dans les courbes, dans les éparvins, dans les suros, dans les fusées, dans les osselets, &c. dans de semblables occasions en effet, nous ne portons jamais le cautere sur le siége du mal. J'ajoûterai que dans la plûpart d'entr'elles nous ne pourrions outre - percer le cuir & parvenir à ce siége, sans un péril certain & éminent, & sans rendre l'animal la victime d'une opération non moins préjudiciable & non moins superflue dans une multitude d'autres cas que je ne spécifierai point, la doctrine que j'ai établie & les vérités que je consacre ici, suffisant sans doute à la révélation de toutes les erreurs de la Chirurgie vétérinaire à cet égard.

Parmi les matieres propres à l'oeuvre de la cautérisation, les métaux nous ont parû mériter la préférence. Nos instrumens sont ou de fer, ou de cuivre, ou d'argent. Les escarres qui résultent de l'application des cauteres formés de ce dernier métal, sont moins considérables: mais la dépense que ces cauteres occasionneroient, oblige nos maréchaux à employer plus généralement le cuivre & le fer. Nous donnons à ces métaux des formes diverses. Il est des cauteres plats; il en est à noeud ou à bouton; il en est de cutellaires; il en est dont l'extrémité se termine en S, &c. Ceux dont on fait fréquemment usage, sont les cutellaires, les essiformes, & les cauteres à boutons.

Le cautere cutellaire est un demi - croissant, dont le contour intérieur tient lieu de côte au tranchant non assilé, formé par le contour extérieur. Cette portion de métal est toûjours emmanchée par sa partie la plus large & près de la côte, d'une tige, ou postiche, ou de même métal, à laquelle on donne plus ou moins de longueur. Ce manche est dans le même plan que la lame, & dans la même direction que le commencement de la courbure au départ du manche.

Le cautere essiforme est fait d'une lame de métal contournée & enroulée de telle sorte, qu'en la présentant de champ sur une surface, elle y imprime le caractere S. Cette lame enroulée a environ une demi - ligne d'épaisseur, & l'S qu'elle trace est d'environ huit ou neuf lignes. Elle est ordinairement tirée d'une longue tige qui lui sert de manche, & dans le cas où elle seroit d'un autre métal, on lui en adapteroit une d'environ un pié de longueur.

Le cautere à bouton n'est proprement qu'une tige de fer terminée en une pointe courte, à quatre pans à - peu - près égaux: quelquefois ce bouton est de figure conoïde, & tel que celui que les Chirurgiens appellent bouton à olive.

Il est encore des cauteres destinés à passer des sétons. Voyez Séton.

Les Maréchaux se servent du couteau pour donner le feu en croix, en étoile, en maniere de raies plus ou moins étendues, différemment disposées, & qui représentent tantôt une patte d'oie, tantôt des feuilles de fougere ou de palme, tantôt la barbe d'une plume. Quelquefois ils l'appliquent en forme de roue, ils impriment alors très - léeerement des especes de raies dans l'intérieur du cercle qu'ils ont marqué. Il en est qui au lieu de ces raies, y dessinent avec un cautere terminé en pointe, un'pot de fleur: les armoiries du maître auquel appartiennent l'animal, une couronne, un oiseau, une rose ou autres fleurs quelconques, &c. soins inutiles, qui ne suffisent que trop souvent pour élever un aspirant au grade de maître, & qui, relativement à l'art, seront toûjours envisagés par ceux qui en connoîtront les vrais prin<cb-> cipes, comme le chef - d'oeuvre de l'ignorance.

Les cauteres à bouton sont employés dans les cas où le maréchal veut donner quelques grains d'orge, ou semences de feu, c'est - à - dire, quand il se propose d'en introduire, par exemple, quelques pointes sur des lignes déjà tracées avec le cautere cutellaire. Ces boutons lui sont encore d'un grand secours, lorsqu'il s'agit d'ouvrir un abcès, de percer une tumeur, mais il est blâmable de ne pas considérer avec assez d'attention les circonstances dans lesquelles l'instrument tranchant seroit préférable. Voyez Tumeur.

Quant aux cauteres essiformes, ils sont véritablement efficaces, eu égard aux seymes, en les appliquant transversalement, & de façon que l'S placée à l'origine de la solution de continuite, y réponde par son milieu; ses deux extrémités s'étendent également sur chaque portion de l'ongle disjoint & séparé. Voyez Seyme.

Je ne peux me refuser ici à l'obligation de ne pas omettre quelques maximes qui ont rapport au manuel de la cautérisation.

La nécessité de s'assûrer parfaitement du cheval sur lequel on doit opérer, ne peut être révoquée en doute. Les uns le renversent & le couchent à terre, les autres l'assujettissent dans le travail; il en est qui se contentent de se mettre, par le moyen des entraves & des longes, à l'abri des atteintes qu'ils pourroient en recevoir. Toutes ces précautions différentes dépendent du plus ou du moins de sensibilité & de docilité de l'animal, du tems que demande l'opération, & des douleurs plus ou moins vives qu'elle peut susciter. C'est aussi par la grandeur, la figure, la nature & le siége du mal, que nous devons nous regler & nous décider sur le choix des cauteres, qui d'ailleurs ne doivent point être chauffés au feu de la forge, mais à un feu de charbon de bois, toûjours moins acre que celui des charbons fossiles. S'il s'agit de cautériser à l'effet de procurer une exfoliation, il faut garantir avec soin les parties qui avoisinent lorsque nous nous disposons à brûler: nous méditons, par exemple, de porter un bouton de feu sur l'os angulaire, voyez Fistule lacrymale; alors par le moyen de l'entonnoir ou de la cannule, instrumens accessoires au cautere, nous remplissons cette intention. Dans d'autres cas où ces instrumens ne sauroient être d'usage, nous garnissons les chairs de compresses ou plumaceaux imbibés de quelque liqueur froide, & nous les préservons ainsi de l'impression de la chaleur & du feu. Il doit être en un degré plus ou moins considérable dans le cautere, & le cautere doit être plus ou moins fortement & long - tems appliqué, selon l'effet que nous en attendons, selon la profondeur de la carie, selon que l'os est spongieux ou compact, selon enfin que l'animal est plus ou moins avancé en âge; on peut dire néanmoins en général, que relativement à la cautérisation des parties dures, l'instrument brûlant doit être plus chaud que relativement à la cautérisation des parties molles. Est - il question, où égard à celles - ci, de remédier à une enflûre accidentelle aedémateuse, ou à un engorgement des jambes de la nature de celui qui tend au skirrhe? le maréchal doit s'armer de cautere cutellaire chauffé, & tracer de haut en - bas sur les faces latérales de la partie engorgée, une ligne verticale directement posée sur l'intervalle qui sépare l'os & le tendon, & des lignes obliques qui partent de la premiere qui a été imprimée, & qui se répondent par leurs extrémités supérieures. Ici le cautere ne doit point outre - percer le cuir, la main qui opere doit être extrèmement legere; il suffit d'abord d'indiquer seulement par une premiere application la direction de ces lignes ou de ces raies; on y introduit ensuite d'autres couteaux de la même forme & de la même épaisseur, disposés exprès dans le feu & [p. 634] rougis de maniere qu'ils n'enflamment point le bois sur lequel on les passe, soit pour juger du degré de chaleur, soit pour en enlever la crasse ou les especes de scories que l'on y observe; & la cautérisation doit être réiterée jusqu'à ce que le fond des raies marquées ait acquis & présente une couleur vive, qui approche de celle que nous nommons couleur de cerise. Une des conditions de cette opération, est d'appuyer sans force, mais également, le cautere dans toute l'étendue qu'il parcourt; les couteaux dont se servent ordinairement les maréchaux, sont moins commodes & moins propres à cet effet que les couteaux à roulette, avec lesquels je pratique. Ceuxci sont formés d'une plaque circulaire d'environ un pouce & demi de diametre, & de trois quarts de ligne d'épaisseur, percée dans son centre pour recevoir un clou rond qui l'assemble mobilement dans sa tige refendue par le bout, & en chappe. L'impression de cette plaque rougie & qui roule sur la partie que je cautérise, par le seul mouvement & par la seule action de ma main & de mon poignet, est toûjours plus douce, moins vive & plus égale. Les cicatrices sont encore très - apparentes lorsque l'opérateur n'a pas eu attention à la direction des poils, il ne peut donc se dispenser de la suivre, pour ne pas détruire entierement ceux qui bordent l'endroit cautérisé, & qui peuvent le recouvrir après la réunion de la plaie. J'en ménage les oignons ou les bulbes, au moyen d'une incision que je fais à la superficie de la peau, incision qui précede l'application du cautere, & par laquelle je fais avec le bistouri le chemin que doit décrire l'instrument brûlant que j'infinue dans les ouvertures longitudinales que j'ai pratiquées, & dont l'activité est telle alors, que je suis rarement obligé de cautériser à plusieurs reprises. Cette maniere d'opérer semble exiger plus de soins, vû l'emploi du fer tranchant; mais les cicatrices qui en résultent, sont à peine sensibles au tact, & ne sont en aucune façon visibles. Leur difformité est moins souvent occasionnée par le feu, que par la négligence des palefreniers ou du maréchal, qui ont abandonné l'animal à lui - même, sans penser aux moyens de l'empêcher de mordre, de lécher, d'écorcher, de déchirer avec les dents les endroits sur lesquels on a mis le cautere, ou de froter avec le pied voisin ces mêmes endroits brûlés; ils pouvoient facilement y obvier par le secours du chapelet, voyez Farcin, ou par celui des entraves dégagées de leurs entravons, auxquels on substitue alors un bâton d'une longueur proportionnée, qui ne permettant pas l'approche de la jambe saine, met celle qui a été cautérisée à l'abri de tout contact, de toute insulte & de tout frotement pernicieux.

M. de Soleysel fixe à vingt - sept jours la durée de l'effet du feu; il en compte neuf pour l'augmentation, neuf pour l'état, & neuf pour le déclin. On pourroit demander à ses sectateurs, ou à ceux de ses copistes qui existent encore, ce qu'ils entendent véritablement par ce terme d'effet, & ce à quoi ils le bornent. Le restreignent - ils, comme ils le devroient, à la simple brûlure, c'est - à - dire à la simple production de l'escarre? l'étendent - ils à tous les accidens qui doivent précéder la suppuration qui occasionne la chûte du sequestre? comprennent - ils dans ces mêmes effets, l'établissement de cette suppuration loüable qui nous annonce une prompte régénération, & la terminaison de la cure? Dans les uns ou dans les autres de ces sens, ils ne peuvent raisonnablement rien déterminer de certain. Le feu est appliqué sur des parties malades, tuméfiées, dont l'état differe toûjours; les dispositions intérieures de chaque cheval sur lequel on opere, varient à l'infini: or comment assigner un terme précis aux changemens qui doivent arriver, & décider positivement du tems du rétablissement entier de l'animal? Ce n'est, au reste, que quelques jours après que l'escarre est tombée, qu'on doit le promener au pas & en main, pourvû que la situation actuelle de la plaie prudemment examinée avant de le solliciter à cet exercice, ne nous fournisse aucune indication contraire.

Quant à l'usage des cauteres à bouton, relativement aux tumeurs, nous devons, dans les circonstances où nous le croyons nécessaire, l'appliquer de maniere que nous puissions faire évanoüir toute dureté, tout engorgement, & que rien ne puisse s'opposer à la suppuration régénérante qui part des tuyaux sains, & de laquelle nous attendons de bonnes chairs, & une cicatrice solide & parfaite. Il est essentiel néanmoins de ne pénétrer jusqu'à la base de la tumeur, que lorsque cette même tumeur n'est pas située sur des parties auxquelles on doit redouter de porter atteinte. S'il en étoit autrement, je ne cautériserois point aussi profondément; & dans le cas, par exemple, d'une tumeur skirrheuse placée sur une partie tendineuse, osseuse, &c. je me contenterois d'introduire le bouton de feu moins avant, sauf, lorsque le séquestre seroit absolument détaché, à détruire le reste des duretés, si j'en apperçevois, par des pansemens méthodiques & avec des cathérétiques convenables, c'est - à - dire avec des médicamens du genre de ceux dont je vais parler.

Feu mort, rétoire, cautere potentiel, caustiques, termes synonymes. Nous appellons en général des uns & des autres de ces noms, toute substance qui appliquée en maniere de topique sur le corps vivant, & fondue par la lymphe dont elle s'imbibe, ronge, brûle, consume, détruit les solides & les fluides, & les change, ainsi que le feu même, en une matiere noirâtre, qui n'est autre chose qu'une véritable escarre.

C'est par les divers degrés d'activité de ces mixtes, que nous en distinguons les especes.

Les uns agissent seulement sur la peau, les autres n'agissent que sur les chairs dépouillées des tégumens; il en est enfin qui operent sur la peau & sur les chairs ensemble.

Les premiers de ces topiques comprennent les médicamens que nous appellons proprement rétoires, & qui dans la Chirurgie sont particulierement désignés par le terme de vésicatoires. Les seconds renferment les cathéretiques; & ceux de la troisieme espece, les escarrotiques ou les ruptoires.

Le pouvoir des unes & des autres de ces substances résulte uniquement, quand elles sont simples, des sels acres qu'elles contiennent; & quand elles sont composées, des particules ignées qui les ont pénétrées, ou de ces particules ignées & de leurs particules salines en même tems.

Les suites de l'application des caustiques naturels & non - préparés, doivent donc se rapporter à l'action stimulante de ces remedes, c'est - à - dire à l'irritation qu'ils suscitent dans les solides, & à la violence des mouvemens oscillatoires qu'ils provoquent; mouvemens en conséquence desquels les fibres agacées sollicitent & hâtent elles - mêmes leur propre destruction, en heurtant avec force & à coups redoublés contre les angles & les pointes des sels dont ces mixtes sont pourvûs, & qui ont été dissous par l'humidité de la partie vivante.

A l'égard des caustiques composés, c'est - à - dire de ceux qui, par le moyen des préparations galéniques & chimiques, ont subi quelqu'altération, non - seulement ils occasionneront les mêmes dilacérations & les mêmes ruptures ensuite de la dissolution de leurs sels, s'il en est en eux, mais ils consumeront le tissu des corps sur lesquels on leur proposera de s'exercer immédiatement; leurs particules ignées suffisamment développées, & d'ailleurs raréfiées par la cha<pb-> [p. 635] leur, joüissant de toute l'activité du feu, & se manifestant par les mêmes troubles & par les mêmes effets.

Les vésicatoires, de la classe de ceux que l'on distingue par la dénomination de rubéfians ou de phénigmes, n'excitant qu'une legere inflammation dans les tégumens du corps humain, seroient totalement impuissans sur le cuir du cheval; mais l'impression des épispastiques, auxquels on accorderoit un certain intervalle de tems pour agir, seroit très - sensible. Les particules acres & salines de ceux - ci sont doüées d'une telle subtilité, qu'elles enfilent sans peine les pores, quelle que soit leur ténuité: elles s'insinuent dans les vaisseaux sudorifiques, elles y fermentent avec la sérosité qu'ils contiennent; & les tuniques de ces canaux cedant enfin à leurs efforts, & à un engorgement qui augmente sans cesse par la raréfaction & par le nouvel abord des liqueurs, laissent échapper une humeur lymphatique qui soûleve l'épiderme, & forme un plus ou moins grand nombre de vessies qui se montrent à la superficie de la peau. Les alongemens par lesquels cette membrane déliée se trouvoit unie aux vaisseaux qui ont été dilacérés, demeurent flottans, & s'opposent à la sortie de la sérosité dans laquelle ils nagent; mais cette humeur triomphe néanmoins de ces obstacles après un certain tems, puisqu'elle se fait jour, & qu'elle suinte sous la forme d'une eau rousse & plus ou moins limpide.

A la vûe de l'inertie des cathérétiques appliqués sur les tégumens, & de leur activité sur les chairs vives, on ne sauroit douter de la difficulté que leurs principes salins ont de se dégager, puisqu'il ne faut pas moins qu'une humidité aussi considérable que celle dont les chairs sont abreuvées, pour les mettre en fonte, pour briser leurs entraves, pour les extraire, & pour les faire joüir de cette liberté sans laquelle ils ne peuvent consumer & détruire toutes les fangosités qui leur sont offertes.

Ceux qui composent une partie de la substance des ruptoires, sont sans doute moins enveloppés, plus acres, plus greffiers, plus divisés & plus susceptibles de dissolution, dès qu'ils corrodent la peau même, & que de concert avec les particules ignées qu'ils renferment, ils privent de la vie la partie sur laquelle leur action est imprimée; ce que nous observons aussi dans les cathérétiques, qui, de même que les ruptoires, ne peuvent jamais être envisagés comme des caustiques simples, & qui brûlent plus ou moins vivement toutes celles que la peau ne garantit pas de leurs atteintes.

Les ouvrages qui ont eu pour objet la medecine des chevaux, contiennent plusieurs formules des médicamens rétoires: celui qui a été le plus usité, est un onguent décrit par M. de Soleysel. L'insecte qui en fait la base, est le méloé; il est désigné dans le système de la Nature, par ces mots, antennoe filiformes, elytra dimidiata, aloe nulloe. Linnaeus, Fauna suecica, n°. 596. l'appelle encore scaraboeus majalis unctuosus. Quelques auteurs le nomment proscaraboeus, cantharus unctuosus; le scarabé des Maréchaux. Il est mou, & d'un noir - foncé; il a les piés, les antennes, le ventre, un peu violets, & les fourreaux coriaces. On le trouve dans les mois d'Avril & de Mai, dans les terreins humides & labourés, ou dans les blés. On en prend un certain nombre que l'on broye dans suffisante quantité d'huile de laurier, & au bout de trois mois on fait fondre le tout: on coule, on jette le marc, & on garde le reste comme un remede très - précieux, & qui doit, selon Soleysel, dissiper des suros, des molettes, des vessigons, &c. mais qui est très - inutile & très - impuissant, selon moi, dans de pareilles circonstances.

Il est encore d'autres rétoires faits avec le soufre en poudre, du beurre vieux, de l'huile de laurier, des poudres d'euphorbe & de cantharides. J'ai reconnu que la qualité drastique de ces insectes n'est pas moins nuisible à l'animal qu'à l'homme, & qu'ils ne font pas en lui des impressions moins fâcheuses sur la vessie & sur les conduits urinaires; mais quoique ces vésicatoires m'ayent réussi dans une paralysie subite de la cuisse, il faut convenir que dans la pratique nous pouvons nous dispenser en général d'en faire usage; le séton brûlant opérant avec beaucoup plus de succès dans les cas où ils semblent indiqués, c'est - à - dire dans l'épilepsie, l'apoplexie, la léthargie, la paralysie, les affections soporeuses, les maladies des yeux, en un mot dans toutes celles où il s'agit d'ébranler fortement le genre nerveux, d'exciter des secousses favorables, & de produire des révulsions salutaires.

Les cathérétiques que nous employons le plus communément, sont l'alun brûlé, le cuivre brûlé, le verdet, l'iris de Florence, la sabine, l'arsenic blanc, le sublimé corrosif, l'arsenic caustique, le précipité blanc, l'onguent brun, l'onguent égyptiac, le baume d'acier ou le baume d'aiguille, &c.

Les ruptoires, que nous ne mettons presque toûjours en oeuvre que comme cathérétiques, sont l'eau ou la dissolution mercurielle, l'esprit de vitriol, l'esprit de sel, l'esprit de nitre, le beurre d'antimoine, l'huile de vitriol, l'eau - forte, la pierre infernale. Je dis que nous ne les appliquons communément que sur les chairs découvertes de la peau: il est rare en effet que dans les cas où il est question d'ouvrir des tumeurs, nous ne préférions pas le cautere actuel, dont les opérations sont toûjours plus promptes, & dont les malades que nous traitons ne font point effrayés, à ces médicamens potentiels, qui peuvent d'ailleurs perter le poison dans le sang par l'introduction de leurs corpuscules, & qui demandent, eu égard à ce danger, beaucoup de circonspection & de sagacité dans le choix, dans les préparations, & dans l'application que l'on en fait. (e)

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