ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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Feu électrique, Fluide électrique (Page 6:616)

Feu électrique, Fluide électrique, ou Matiere électrique; on entend sous ces différentes dénominations, ce fluide très - subtil, très - mobile, qui se trouve répandu dans tous les corps, qui pénetre avec la plus grande facilité la plûpart des milieux; enfin qui cause immédiatement tous les phénomenes de l'électricité, comme l'attraction & la répulsion des corps legers, l'explosion de l'étincelle, les émanations lumineuses, &c.

Les Physiciens sont partagés sur la nature du fluide électrique: les uns considérant ses propriétés singulieres & différentes de celles de tous les autres fluides connus, le distinguent absolument des autres, & en font une espece particuliere; ainsi que les propriétés de l'aimant, qui paroissent bornées à cette pierre & aux corps aimantés, ont fait donner le nom de magnétique au fluide subtil qui les produit: d'autres trouvent dans le feu électrique beaucoup des propriétés du feu élémentaire, dont la présence échauffe, agite, & raréfie les corps, qui les pénetre tous par sa grande subtilité, dans lesquels il éprouve cependant différens degrés de résistance; qui se fixe & se concentre dans quelques - uns, d'où il ne cesse de lancer pendant quelque tems des émanations lumineuses: d'autres enfin veulent que le feu électrique soit l'éther des anciens; cet agent universel, que les philosophes grecs regardoient comme l'instrument de toutes les opérations de la nature, & dont le mouvement variable à l'infini leur paroissoit agiter tout le reste de la matiere. Ces derniers commencent donc par établir l'existence d'un fluide subtil & répandu partout, qui reçoit le mouvement immédiatement des mains de Dieu, & le communique à tous les corps solides & fluides, suivant des lois que sa Sagesse infinie a établies pour entretenir l'ordre dans l'Univers; & ils rapportent à la diversité de ces lois, la variété des opérations de la nature. Ainsi les effets de gravité, de ressort, de dureté, de chaleur, de magnétisme, & d'électricité, leur paroissent produits par les mouvemens de cet éther, dirigés par le Créateur suivant de certaines lois, qui suffisent pour différencier tous ces effets d'une même cause. Voyez Ether, &c.

Il est vrai qu'il n'est pas facile de comprendre au premier abord, comment les mouvemens de l'éther peuvent être assez variés dans un même corps, par exemple dans une barre d'acier, pour produire à la fois & sans le moindre trouble, les effets de gravité, de ressort, de magnétisme, & d'électricité. Car pour nous borner seulement aux effets de chaleur & d'électricité, il est incontestable qu'ils existent souvent ensemble dans les mêmes corps, & qu'ils y sont susceptibles d'accroissement & de diminution indépendamment l'un de l'autre.

On sait, par exemple, qu'une barre de fer peut être échauffée jusqu'au blanc dans une de ses parties, ou refroidie par le plus grand froid, agitée, dilatée, ou condensée aux plus grands degrés auxquels nous puissions parvenir, sans que tous ces différens effets apportent de changement sensible à son état d'électricité; & réciproquement un corps rempli de matiere électrique, attire & repousse de très - loin les corps legers, contracte une atmosphere très - sensible, étincelle même de toute part, sans qu'il en paroisse plus échauffé, ni le moindrement augmenté de volume. Or on peut demander comment l'éther appliqué en si grande abondance à des corps très - échauffés ou très - électrisés, ne produit - il pas quelque chaleur, quelque dilatation sensible dans ceux - ci, ou quelques effets d'attraction & de répulsion dans ceuxla? comment le milieu de cette barre, entouré ou pénétré de l'éther igné, n'arrête - t - il pas, n'absorbe - t - il pas, ne dissipe, ne raréfie - t - il pas l'éther électrique que l'on a communiqué à la barre? enfin comment la matiere électrique, loin de se confondre avec l'atmosphere du fer embrasé, la pénetre - t - elle, s'étendelle, se conserve - t - elle dans une densité uniforme, aussi bien sur la partie la plus échauffée de la barre, que sur celles qui sont demeurées froides?

Il faut avoüer que ces différens mouvemens d'un même fluide qui s'exécutent à - la - fois dans un corps, ne se présentent pas bien clairement à l'esprit; cependant ce systeme est encore le plus simple: car si on faisoit dépendre ces mêmes effets de chaleur & d'électricité, de deux différens fluides qui exerçassent en même tems & sans confusion chacun leurs mouvemens particuliers, il est clair que cette explication ne seroit pas plus heureuse, & deviendroit sujette à des difficultés d'autant plus grandes, qu'on auroit à rendre raison d'un plus grand nombre d'effets, comme dans l'exemple d'une barre d'acier, dans laquelle on considéreroit les effets de pesanteur, de ressort, de dureté, d'électricité, de magnétisme, de chaleur, &c.

On peut citer en faveur de ceux qui n'admettent que l'éther pour cause de la plûpart des phénomenes, des exemples de plusieurs effets différens qui sont produits par des movemens variés d'un même fluide. Par exemple, le vent & le son sont deux effets très différens, qui dépendent certainement de deux mouvemens bien distincts excités dans l'air; & l'on est très - assûré que ces deux sortes de mouvemens peuvent exister ensemble ou séparément dans ce fluide, sans que la violence de l'un puisse jamais nuire à l'uniformité de l'autre.

Le feu différemment modifié dans un même corps, produit les effets de chaleur, de dilatation, de coruscation. La lumiere du soleil réfléchie par un miroir concave, échauffe des particules de sable exposées au foyer, & les dissipe par une répulsion semblable à celle qu'elles éprouveroient, si elles étoient placées sur l'extrémité d'une barre de fer électrisée. Or, pour nous rapprocher de notre objet, le fluide électrique produit, quand nous voulons, des effets d'attraction, des étincelles & du magnétisme. En effet, l'explosion d'une violente étincelle électrique altere quelquefois la boussole ou aimante de petites aiguilles, suivant la direction que l'on donne à cette etincelle: or il y a long - tems que l'on a observé qu'un éclat de tonnerre (qui n'est qu'une grosse étincelle électrique) est capable d'aimanter toute sorte d'outils de fer & d'acier enfermés dans des caisses; de donner aux clous d'un vaisseau assez de vertu magnétique pour faire varier d'assez loin les boussoles; en un mot, de changer en véritables aimans les croix de fer des anciens clochers, qui ont été plusieurs fois exposés aux vives impressions de ce terrible fluide. Voyez Magnétique, où nous détaillerons plus amplement ces effets.

Ces exemples, & plusieurs autres qu'il seroit facile de rapporter, prouvent qu'il n'est pas impossible qu'un fluide dont les parties sont agitées par différentes sortes demouvemens, ne puisse produire des effets qui nous paroissent si peu tenir ensemble, que noussommes portés à les attribuer à des causes absolument différentes; que si nous découvrions les lois suivant lesquelles le Créateur a réglé ces sortes de mouvemens, nous serions en état d'expliquer beaucoup de phénomenes qui nous paroissent incompréhensibles. C'est à la recherche que d'habiles physiciens ont faite de ces lois, que nous devons les explications les plus satisfaisantes que nous ayons des phénomenes de l'électricité; & l'on peut dire que si ces explications ne sont pas entierement conformes à la nature, ou nous paroissent insuffisantes pour expliquer certains phénomenes, elles n'ont pas moins servi à étendre [p. 617] infiniment nos connoissances sur cette matiere.

M. Willon a fait une heureuse application des propriétés de l'éther, découvertes par M. Newton, pour expliquer les phénomenes de l'électricité; par la conformité qu'il trouve entre les propriétés connues de ce fluide & celles du fluide électrique, qu'il a déduites d'une infinité d'expériences. Il ne doute pas que le fluide électrique ne soit le même que celui qui cause la réfraction & la réflexion de la lumiere, la gravitation & toutes les grandes opérations de la nature. Nous allons exposer d'abord les propriétés générales du fluide électrique établies sur des expériences, & nous verrons ensuite quel usage il fait de l'éther pour rendre raison de tous ces phénomenes.

Lorsqu'on fait tourner rapidement par le moyen d'une roue, & que l'on frote un globe de verre dans le voisinage duquel est une barre de fer suspendue par des cordons de soie, on excite aussitôt le fluide électrique; & on peut reconnoître sa présence par une étincelle qui sort de cette barre quand on en approche le doigt, par le bruit qu'elle fait entendre, & par la douleur qu'elle fait ressentir au bout du doigt; enfin par les mouvemens d'attraction & de répulsion qu'on apperçoit dans tous les corps legers qui sont proche de la barre ou du globe.

Comme aucun de ces effets n'arriveroit si on n'avoit pas froté le globe, il est naturel de conclure que le frotement est nécessaire pour exciter le fluide électrique, & nous faire appercevoir ses effets.

Quand la barre est ainsi électrisée, si on y porte le doigt, un morceau de métal, ou tout autre corps non - electrique, on tire par l'explosion de l'étincelle presque tout le fluide dont elle a été chargée; car on ne sauroit réitérer cette expérience sans froter de nouveau le globe: au lieu qu'en touchant à la barre avec du verre, de l'ambre, de la cire d'Espagne, de la résine ou de la soie, il ne se fait ancune explofion, qui cependant arrive ensuite, dès qu'on y porte le doigt.

De même une ou plusieurs personnes étant montées sur des gâteaux de résine, & communiquant avec des métaux d'une grande étendue en surface, suspendus par des cordons de soie; si une de ces personnes touche & tient la barre dans sa main, tous ces corps recevront, comme la barre, le fluide électrique qu'élance le globe, & acquerront autour d'eux une atmosphere d'une densité uniforme; elles attireront d'une égale distance des corps legers, & on pourra tirer des étincelles également fortes de tous les points de leur surface. Si les gâteaux de résine sont très - minces, les effets seront moins sensibles; & il n'en arrivera aucun, s'il n'y a pas quelque corps naturellement électrique entre leurs piés & le plancher: d'ou il est naturel de conclure que la matiere qui s'étend si uniformement sur tous ces corps, est vraiment fluide; qu'elle passe bien plus difficilement au - travers du verre, de la résine & de la soie, quand ces corps ont une certaine épaisseur, que quand ils sont très - minces; mais que ce fluide passe avec la plus grande facilité dans les métaux, dans les animaux, &c. & que par leur moyen il se répand dans la terre, à moins qu'il ne soit arrêté par quelque corps naturellement électrique.

Quand tout l'appareil, ainsi que l'homme qui tourne la roue, sont placés sur des gâteaux de résine, ou bien quand on met une plaque de verre bien épaisse entre le coussin & la table, les effets d'électricité sont presqu'insensibles, quoique l'on continue de tourner le globe & de le froter vivement; au contraire ils ont lieu quand l'homme qui tourne pose seulement le bout du pié par terre: d'où l'on conclut facilement que le fluide électrique n'est pas produit par la machine ni par le globe, mais qu'il est pompé de la terre, & répandu dans la barre par le moyen de ces instrumens.

L'expérience a fait connoitre qu'il se trouve naturellement dans tous les corps une quantité determinée de fluide électrique, laquelle nous sommes les maîtres d'augmenter ou de diminuer à volonté. Ce n'est même que lorsque nous avons augmenté ou diminué dans un corps sa quantité naturelle de fluide électrique, que nous le jugeons électrisé; & sans ces changemens, il n'attire ni ne repousse point les corps legers. On a une preuve de cette accumulation dans l'écartement qui arrive entre deux fils d'argent égaux, & suspendus à une barre de fer électrisée. Si le fluide que ces fils reçoivent de la barre, en sortoit à mesure qu'il y est apporté, ils devroient rester immobiles & ne jamais s'écarter; & si ce fluide entre dans ces fils plus facilement qu'il n'en sort, il doit s'y accumuler: or on observe que ces fils s'écartent des qu'ils ont reçû le fluide électrique; & que cet écartement est plus ou moins considérable, suivant que le fluide est plus ou moins condensé dans la barre, & par conséquent dans les fils: ensorte que cet écartement peut assez bien nous représenter la densité du fluide électrique dans la barre & dans les corps qui lui communiquent. Car il faut remarquer que les effets d'attraction & de répulsion dépendent plus de la densité du fluide électrique, que de la quantité de ce même fluide: en voici la preuve. Soient deux globes de métal A & B, dont A ait trois piés de diametre, & B seulement trois pouces; qu'ils soient posés chacun sur un gâteau de cire d'une épaisseur suffisante, & qu'ils reçoivent en même tems l'électricité d'une barre de fer suspendue par des soies, & que l'on puisse hausser ou baisser par le moyen des poulies; la barre étant posée sur les globes, & ayant été electrisée, ces deux globes & la barre attireront les corps legers à - peu - près d'une égale distance. Enlevez promptement la barre, cette égalité de force attractive paroîtra encore en cet instant dans les deux globes, qui n'ont plus maintenant de communication; mais peu - à - peu elle s'affoiblit dans le globe de trois pouces, tandis qu'elle reste long - tems sensible dans celui de trois piés: or au moment que la barre est enlevée, le fluide électrique se trouve d'une égale densité dans les deux globes, aussi opere - t - il des éffets égaux; cependant les quantités de matiere électrique répandues dans ces deux corps, sont bien inégales.

Quand on électrise le globe de métal de trois piés de diametre, suspendu à des cordons de soie, on éprouve que plus on introduit de fluide électrique dans ce corps, plus il résiste à en recevoir une nouvelle quantité, plus il s'échappe de ce corps avec impétuosité, lorsqu'on en approche le doigt ou tout autre corps non - électrique; au lieu que cette quantité surabondante sort & se dissipe dans l'air d'une maniere insensible, & dans un espace de tems assez long, lorsque ce corps reste parfaitement isolé.

Le même globe étant électrisé & amené en contact avec un autre de même nature, de telle grandeur qu'on voudra, & qui ne soit point électrisé, partagera avec celui - ci le fluide électrique qu'il contient, de maniere qu'il se trouve d'une égale densité dans l'un & dans l'autre; ensorte que si ce nouveau corps est infiniment grand par rapport au premier, les effets d'électricité seront presqu'insensibles dans tous les deux: c'est le cas des corps électrisés qu'on fait communiquer avec la terre.

Lorsqu'on électrise un fil - de - fer très - long, supporté par des cordons de soie, le fluide électrique s'élance d'une extrémité à l'autre avec une vîtesse si grande, qu'elle n'a point encore de mesure. En touchant à ce fil - de - fer avec le doigt aussi - tôt qu'il vient d'etre électrisé, on retire avec la même vîtesse le fluide électrique accumulé dans toute son étendue; & plus le filde - fer est long, plus l'explosion qui accompagne l'étincelle paroit forte. [p. 618]

A tous ces caracteres on ne sauroit douter que le fluide de l'électricité ne soit très - élastique; & si sa prodigieuse propagation le long d'un fil - de - fer, est, comme il est vraissemblable, un effet de son ressort, on peut dire que ce fluide est le plus élastique que nous connoissions. C'est une suite nécessaire de l'élasticité de ce fluide, qu'il puisse se raréfier dans les corps, ainsi qu'il y est quelquefois condensé. On parvient en effet à le raréfier, soit qu'il ait été condensé précédemment dans un corps, soit qu'il n'y ait que sa densité ordinaire; mais en quelqu'état qu'il se trouve de raréfaction ou de condensation par rapport à son état ordinaire, ses effets d'attraction & de répulsion sont sensiblement les mêmes. Dans le dernier cas, les corps legers gagnent & partagent avec le corps électrisé, le fluide condensé dans celui - ci; dans le premier, ils perdent & partagent avec ce même corps, la petite portion du fluide qu'ils contiennent naturellement.

Si la machine & l'homme qui tourne la roue sont posés sur de bons gâteaux de résine, & qu'on établisse au bout du conducteur une communication avec la terre par le moyen d'une chaîne; après quelques tours de roue, l'homme & la machine attireront des corps legers, & donneront des étincelles, lorsqu'une autre personne posée sur le plancher en approchera le doigt. Dans ce cas le fluide naturellement répandu dans l'homme & dans la machine, est pompé par le globe, transmis à la barre, & dissipé dans la terre par le moyen de la chaîne; car si on approche de l'homme ou de la machine un vaste conducteur de métal bien électrisé par un autre globe, & suspendu par des soies, l'homme qui tourne la roue en tirera une étincelle très - vive, & dissipera presque tout - à - fait la vertu électrique de ce conducteur, sans paroître après cela davantage électrique; effet qui ne devroit pas arriver, si ce fluide étoit condensé dans cet homme, comme il l'est sur le conducteur.

L'homme qui tourne restant toûjours sur des gâteaux de résine, & ayant ôté la chaine qui pendoit de l'extrémité de la barre jusqu'à terre; après quelques tours de roue, la machine, l'homme & la barre paroissent électriques, & une personne posée sur le plancher en peut tirer des étincelles; mais bientôt elle cessera d'en tirer de la barre, quelque long - tems qu'on tourne la roue: alors si l'homme qui tourne touche d'une main le grand conducteur métallique, qui dans ce cas ne doit point être électrisé, on pourra encore tirer de la barre quelques legeres étincelles, mais qui s'affoibliront & s'évanoüiront bientôt. Enfin si on attache la chaîne à ce large conducteur, pour qu'il puisse communiquer avec la terre, & que l'homme qui tourne ne cesse d'y avoir la main, on tirera sans fin des étincelles de la barre, la barre fournissant continuellement à ce que le globe pompe de la machine, de l'homme & du conducteur, & qu'il transmet à la barre. Dans ce dernier cas, lorsque la machine, l'homme qui tourne, & la barre, sont parfaitement isolés, & paroissent électriques à une personne posée sur le plancher, quoique l'effet soit le même, la condition du fluide électrique est cependant bien différente; car il est raréfié dans l'homme qui tourne, ainsi que dans la machine, & la personne leur rend ce qu'ils ont perdu, & qui a été transmis à la barre: au lieu que dans celle - ci le fluide électrique est condensé aux dépens de celui de l'homme & de la machine, & cette quantité surabondante passe dans la personne qui en approche le doigt. Il est très facile de s'assurer de cette vérité, si la personne, au lieu de toucher à ces corps avec son doigt, tient à sa main une canne de verre à laquelle soit fixé un filde - fer en demi - cercle, & forme avec ce fil - de - fer une communication entre la barre & la machine; car après une explosion assez forte, le fluide accumulé dans la barre repassera dans la machine & dans l'hom me d'où il est sorti; & chacun ayant repris sa quantité naturelle de fluide électrique, tout paroitra comme s'il fût toûjours demeuré dans un parfait repos, sans donner davantage de signes d'électricité.

Il y a dans tous les corps un terme au - delà duquel on ne sauroit accumuler ni raréfier le fluide électrique: après un certain nombre de tours de roue, les corps sont attirés par la machine ou par la baire d'une certaine distance qui n'augmente point, quelque long - tems que l'on continue de tourner. Ce terme dépend non - seulement de la nature des corps dans lesquels on accumule ou on raréfie ce fluide, mais principalement de leur figure; car ayant remis la machine & l'homme qui tourne, sur le plancher, si on attache un poinçon bien aigu à chaque extrémité de la barre, de maniere que ces pointes débordent d'un pouce ou deux, dès qu'on aura froté le globe, le fluide électrique sortira sous la forme d'une aigrette lumineuse par chacun de ces poinçons, & la barre sera très - peu électrique, comme on pourra s'en assûrer en présentant une balle de liége suspendue à un fil.

Si on répete l'expérience en ne mettant qu'un seul poinçon, l'autre extrémité de la barre étant bien arrondie, l'aigrette paroitra seulement au poinçon, & l'électricité de la barre sera plus forte. Enfin si la barre est arrondie par les deux extrémités, il ne paroîtra aucune aigrette: l'électricité sera la plus forte, & continuera d'attirer la balle de liége, même assez long - tems après qu'on aura cessé de froter le globe; mais elle ne deviendra jamais plus forte, quelque tems qu'on employe à froter le globe & à tourner la roue.

Il paroît donc par ces expériences, que les pointes résistent moins que les surfaces arrondies à la sortie du fluide électrique; & que dans les différentes circonstances de ces expériences, la barre n'a jamais pû recevoir ni garder qu'une quantité déterminée de ce fluide, après un certain nombre de tours de roue: d'où l'on voit que les quantités de fluide électrique qui peuvent s'accumuler sur les corps électriques, sont extrèmement variables à proportion de la figure & des angles.

Cette accumulation du fluide électrique dans la barre, varie encore infiniment, suivant qu'on en approche de plus ou moins près une aiguille bien pointue; ensorte que cette aiguille présentée à une petite distance, enleve presque tout le fluide que la barre reçoit du globe, & le transmettant aussi promptement à la terre, empêche qu'il ne s'accumule. Entre deux corps pointus que l'on approche de la barre à une égale distance, celui qui est le plus aigu enleve davantage de matiere électrique; & si ce corps est émoussé au point d'être terminé par une large surface bien arrondie, on pourra l'approcher de très près, sans que la barre paroisse perdre sensiblement de son électricité.

Tout ceci prouve que le fluide électrique éprouve moins de résistance, tant à entrer qu'à sortir, dans des corps terminés en pointe, que dans ceux dont les angles sont émoussés, & qui présentent de larges surfaces; par conséquent que l'accumulation du fluide électrique est, dans ces circonstances, en raison directe de la résistance que ce fiuide éprouve à s'échapper des corps dans lesquels on l'accumule. Dans d'autres circonstances l'accumulation du fluide électrique se fait en raison réciproque de la résistance qu'il trouve à sortir du corps dans lequel on l'introduit, comme on va le voir par les expériences suivantes.

Quand on suspend à la barre la bouteille de Levde par le moyen de son crochet, quelque tems qu'on tourne la roue, il ne s'accumule presque pas de fluide électrique dans l'intérieur de cette bouteille, tant [p. 619] qu'elle reste ainsi isolée; au lieu que si on la tient à la main tandis qu'elle pend à la barre par son crochet, elle se charge intérieurement de beaucoup de fluide électrique: or ce fluide éprouve moins de résistance pour s'échapper de la bouteille lorsqu'une personne la tient dans sa main, que lorsqu'elle est suspendue à la barre, ou posée sur un gâteau de cire; car quand elle est électrisée par la barre lorsqu'elle est absolument isolée, elle prend au premier tour de roue toute la quantité de fluide qu'elle peut retenir, & sa surface extérieure attire les corps legers, mais bien plus foiblement que ne fait la barre; & cette différence d'attraction ne change point, pour quelque tems qu'on tourne la roue: d'où il paroît que la matiere électrique sort plus librement de la bouteille que de la barre, & par conséquent que la résistance est moins grande à l'extérieur de la bouteille qu'à la surface de la barre.

Si on présente à la bouteille suspendue à la barre, une aiguille bien pointue à la distance d'un pié, la bouteille deviendra plus électrique que la barre; mais elle le sera encore moins que lorsqu'on la tient dans la main: en approchant l'aiguille de plus près, elle le deviendra davantage; enfin en la touchant avec la pointe de l'aiguille, elle devient peu - à - peu aussi électrique que lorsqu'on la tient dans la main: d'où il paroît qu'il entre plus de matiere électrique dans la bouteille, qu'il n'en sort dans un tems donné; & que les trois différens degrés de condensation du fluide électrique répondent aux trois différens degrés de résistance que ce fluide éprouve à sortir de la bouteille, mais que la moindre résistance produit la plus grande condensation.

La même chose arrive dans des corps émoussés, ou terminés par de larges surfaces arrondies, avec cette différence, qu'étant approchés de la bouteille aux mêmes distances que l'aiguille, ils produisent dans cette bouteille différens degrés de condensation, d'autant moindre, que les surfaces sont plus larges & plus sphériques. Cependant lorsque tous ces corps viennent à toucher la bouteille, ils produisent tous un égal degré de condensation, c'est - à - dire le plus grand que la bouteille puisse acquérir: or puisqu'en présentant à une égale distance de la bouteille une aiguille bien pointue, un fer émoussé, ou une large surface bien polie & bien arrondie, on accumule dans cette bouteille le fluide électrique à différens degrés, l'air qui réfiste dans tous ces cas par différentes épaisseurs à la sortie du fluide, ne seroit - il pas la cause de toutes ces différences?

Lorsqu'une bouteille est suspendue à la barre par son crochet, tandis qu'une personne qui communique avec la terre la tient dans sa main, si l'on examine les mouvemens d'une balle de liége suspendue auprès de la barre, on verra qu'elle n'est attirée qu'au bout de cinq ou six tours de roue, c'est - à - dire quand la bouteille est chargée; au lieu que si rien ne touche à la bouteille, la balle est attirée dès le premier tour de roue: d'où l'on voit que la résistance est moindre dans la barre vers la bouteille, que vers l'air qui environne la barre, jusqu'à ce que la bouteille soit pleinement chargée; au lieu qu'elle est à - peu - près égale, quand une fois la bouteille est chargée.

Lorsque la bouteille est trop épaisse ou trop mince, elle ne se charge pas: dans le premier cas, la résistance que le fluide éprouve est trop grande, & trop petite dans le second. Il paroît donc que pour qu'il se fasse la plus grande condensation possible dans la bouteille, il faut que le fluide trouve un certain degré de résistance, & sur - tout qu'elle soit égale & uniforme.

Voici donc à quoi se réduisent toutes les vérités qui résultent des expériences précédentes, pour ce qui concerne la résistance qu'éprouve le fluide élec<cb-> trique, soit en entrant, soit en sortant; dans les corps.

I. Le verre, l'ambre, la cire, la résine, le soufre, &c. s'opposent plus que tous les autres corps aux écoulemens du fluide électrique, & même plus que l'air, pourvû que ces corps ne soient pas trop minces.

II. Une couche d'air d'un pouce d'épaisseur, résiste moins qu'une autre d'un pié d'épaisseur, & celle - ci moins qu'une de trois piés, &c.

III. L'air en général résiste plus que les surfaces des corps non - électriques.

IV. De larges surfaces arrondies des substances métalliques, résistent plus que les pointes émoussées, & que les angles obtus.

V. Ces derniers résistent plus que les angles aigus, les tranchans & les pointes, & que celles - ci résistent le moins de toutes.

Les plus célebres physiciens, entr'autres l'illustre M. Newton, s'accordent à regarder l'éther comme un fluide très - subtil & très - élastique, qui pénetre promptement tous les corps, & qui par la force de son ressort remplit presque tout l'espace de l'Univers. Sa force élastique est immense en proportion de sa densité, & dans une bien plus grande proportion que celle de l'air: ce fluide est inégalement distribué dans les différens corps à proportion de leur densité: plus ils sont denses, moins ils ont de pores, & plus l'éther qu'ils contiennent est rare; plus ils sont rares au contraire, plus il est condensé. Ensorte qu'il est le plus dense qu'il puisse être dans l'espace le plus approchant du vuide, & le plus rare dans l'or qui est le corps le plus dense que nous connoissions.

M. Newton a découvert qu'il existe autour de tous les corps une atmosphere très - dense, qui s'étend à une très - petite distance de leur surface: elle est formée par l'action réciproque de l'éther, répandu autour de ces corps sur celui qu'ils contiennent dans leurs pores, & sur la lumiere qui entre dans leur composition. La densité de cette atmosphere varie suivant la nature des corps; elle dépend de la densité de ces mêmes corps, & de la quantité de lumiere qui entre dans leur composition: en général les corps qui ont le plus de densité sont ceux qui ont les atmospheres les plus denses. On excepte les corps résineux & sulphureux, & tous ceux qui contiennent beaucoup de lumiere, qui ont des atmospheres très denses, quoiqu'ils soient eux - mêmes la plûpart assez rares. C'est à ce milieu éthéré que M. Newton attribue les effets de réflexion, de réfraction, & de l'inflexion de la lumiere (Voyez les preuves de son existence à l'article Réfraction) & c'est ce même milieu qui paroît aussi opérer les effets de l'électricité.

A mesure donc qu'un corps se raréfie, l'éther qu'il contient dans ses pores doit devenir plus dense & plus rate à mesure que le corps se resserre: or le frotement & la chaleur raréfient les corps, tant que leur action continne; & dès que ces actions cessent, les corps se remettent en leur premier état: donc par l'effet de la chaleur & du frotement, l'éther doit s'accumuler dans leur intérieur, y affluer des autres corps qui les environnent; & le contraire doit arriver par le froid ou quand le frotement cesse. Ces propriétés de l'éther sont conformes à celles du fluide électrique; rien n'empêche de croire que ce fluide ne soit l'éther lui - même, chargé quelquefois des particules grossieres des corps par lesquels il passe.

Tous les corps ayant autour d'eux des atmospheres de différente densité, il est facile de concevoir comment l'éther introduit dans leur intérieur, y est retenu plus ou moins fortement, suivant la densité de cette atmosphere: on conçoit aussi quelle disposition ces mêmes corps ont à admettre un éther [p. 620] étranger, qui doit traverser leurs atmospheres: ainsi les corps les plus denses, & qui ont le plus de lumiere dans leur composition, ayant des atmospheres de la plus grande densité, tels que les diamans, le verre, l'ambre, la cire, &c. doivent retenir bien plus fortement l'éther admis dans leur intérieur, le laisser échapper avec plus de résistance, enfin l'admettre plus difficilement que les métaux, les animaux & les autres corps non électriques qui n'ont pas tant de densité. Ainsi done, le verre, l'ambre, la cire, la résine, &c. étant une fois remplis d'éther électrique, agissent bien plus long - tems sur les corps legers, que le fer & les autres métaux, rendus électriques par communication; & par la même raison, ceux - ci, dont les atmospheres résistent peu, reçoivent mieux l'électricité par communication, que le verre, la cire, la résine, l'ambre, &c. Or, voici comment l'éther extérieur pénetre l'atmosphere très - dense d'un corps électrique, par exemple d'un cylindre de verre, pour se condenser dans son intérieur.

Quand les parties de sa surface. sont raréfiées par le frotement, les particules d'éther qui les environnent sont aussi raréfiées: la résistance de cette atmosphere diminue donc sur la partie frotée; & si l'éther extérieur tend à s'introduire dans le cylindre par cet endroit, il est évident que son passage en sera plus facile. Voyons maintenant ce qui cause ce flux d'éther qui arrive des corps du voisinage, comment il s'échappe du globe pour passer dans les corps qu'on électrise par communication, & pourquoi le frotement seul peut produire tous ces effets. Supposons que la machine & tout ce qui tient au coussin soient d'une densité uniforme, d'une grandeur déterminée, & que l'éther s'y trouve répandu uniformément; enfin que ces corps soient parfaitement isolés sur des gâteaux de résine: lorsqu'on raréfie par le frotement une partie du coussin & du verre, l'éther doit devenir plus dense dans ces parties qui viennent d'être raréfiées: il doit donc se faire un flux d'éther des parties qui ne sont pas raréfiées, vers celles qui l'ont été; & la machine contenant beaucoup plus de matiere que le cylindre de verre, doit fournir plus d'éther que ce cylindre, pour que ce fluide reste également raréfié dans la machine & dans le cylindre après l'opération: par conséquent il y aura un flux du coussin & de la machine ensemble vers le verre. Quoique l'éther soit plus dense dans les parties rarefiées du cylindre & du coussin, qu'il n'étoit dans ces parties avant le frotement; cependant la résistance que lui oppose l'atinosphere qui environne ces parties raréfiées, est diminuée par la raréfaction qu'elle éprouve aussi par le frotement; c'est pourquoi l'éther peut s'échapper par cette voie, & passer dans une barre de fer isolée, qui sera proche du cylindre, & diminue d'autant la quantité du fluide éthéré qui étoit contenu d'abord dans tout l'appareil. Cette diminution au reste est bornée; & quand la machine est sur de la cire, on ne peut faire passer qu'une très - petite quantité d'éther dans la barre, quelque long - tems que l'on continue le frotement.

En faisant communiquer à la machine d'autres corps non électriques aussi posés sur des gâteaux de cire, la quantité d'éther contenue dans tout ce rassemblage de la machine & du coussin sera augmentée; il en coulera donc vers le globe une plus grande quantité, qui sera transmise à la barre: c'est aussi ce que l'expérience confirme.

De - là on voit pourquoi quand la machine communique avec la terre, vû l'immensité de cette masse, nous ne saurions parvenir à raréfier sensiblement l'éther dans la machine: c'est aussi le cas où il en passe davantage dans la barre, où les effets d'électricité sont les plus sensibles, & dans lequel le frotement continué, aussi long - tems qu'on voudra, produira toûjours les mêmes effets.

Le flux d'éther doit continuer aussi long - tems que le frotement; car la surface du verre en l'éloignant à chaque instant du coussin, se refroidit & se resserre, de sorte que l'éther qui a passé du coussin dans les parties raréfiées du verre, y trouvant maintenant de la résistance, sortira par la barre où il en rencontre moins: car l'intérieur du cylindre avec l'air qu'il renferme, résiste plus à la sortie de l'éther, que la barre qui touche à sa surface extérieure: le fluide ne sauroit retourner par le coussin, parce que les parties du verre les plus proches du coussin sont toûjours plus raréfiées que celles qui en sont les plus éloignées; enfin une infinité d'expériences prouvent que ce fluide a plus de facilité à passer dans les corps métalliques posés proche du cylindre, qu'à s'échapper dans l'air extérieur. D'où l'on voit qu'il n'y a que le frotement qui puisse produire ces effets, la chaleur du feu ni celle du soleil ne produisant point cette alternative de raréfaction & de condensation dans les mêmes parties: on voit encore pourquoi le flux d'éther diminue sensiblement, & cesse enfin quand on a fini de froter; pourquoi les effets électriques du verre s'affoiblissent à mesure qu'il se refroidit & qu'il reprend son premier état; pourquoi deux corps électriques épais & frotés l'un contre l'autre, ne produisent que de foibles effets; pourquoi quand la machine est posée sur des corps non électriques, & le coussin couvert d'un cuir doré, le cylindre produit les plus grands effets; pourquoi le verre, l'ambre, la résine, la soie, &c. qui s'opposent à l'entrée ou à la sortie de l'éther plus que ne font les métaux, les animaux & les autres corps non électriques, sont absolument nécessaires pour supporter ceux que nous voulons électriser par communication; enfin pourquoi ces corps doivent être exempts de toute vapeur & de toute humidité.

M. l'abbé Nollet pense que la matiere électrique est la même que celle du feu élementaire, qu'elle est très - subtile, capable de se mettre en mouvement avec la plus grandefacilité: qu'elle est répandue partout, dans l'air qui nous environne, dans nous - mêmes, & dans tous les corps liquides & solides quelque durs qu'ils soient, qu'elle les pénetre en tous sens, la plûpart avec une grande facilité, les autres plus difficilement: enfin, qu'elle entraîne avec elle des particules des corps au - travers desquels elle passe.

Electriser un corps, c'est, selon lui, mettre en mouvement le fluide électrique qui en remplit les pores, ce fluide reçoit le mouvement des parties propres, qui sont agitées par l'effet du frotement; & les parties propres des corps, que nous nommons électriques, sont plus susceptibles que les autres de ce mouvement de vibration qu'inspire le frotement, & par conséquent plus capables d'agiter le fluide électrique. Ce fluide une fois mis en mouvement dans les corps électriques peut agiter de même un pareil fluide lorsqu'il se rencontrera, nommément celui qui se trouve dans les pores des corps métalliques; qui ne s'électrisent que par cette communication. Or, comme cette matiere, toute subtile qu'elle est, ne pénetre pas tous les corps indistinctement avec la même facilité, il en résulte qu'il y en a quelques - uns qui doivent s'électriser plus facilement que les autres.

Les corps gras, résineux, sulphureux, & en général ceux qui peuvent acquérir de l'electricité par. le simple frotement, contiennent dans leurs pores moins de matiere électrique, que les métaux, les animaux, &c; mais leurs parties propres sont plus susceptibles du mouvement central pour agiter le fluide electrique, que celles des métaux, des ani<pb-> [p. 621] maux & des autres corps, qui ne sauroient devenir électriques par la voie du frotement: une des conséquences de ce mouvement, est que la matiere électrique s'élance sensiblement du dedans au - dehors des corps jusqu'à une certaine distance; & les taits prouvent que ces emanations se font en forme d'aigrettes, ou de rayons divergens. Mais le corps ne s'epuise point par cette opération, parce que ce fluide est continuellement remplacé par un autre de même nature qui arrive non - seulement de l'air environnant, mais aussi de tous les corps du voisinage: ensorte que ces deux courans de matiere électrique exercent leurs mouvemens en sens contraire & pendant le même rems: cette circulation continue quelquefois pendant plusieurs heures après que le corps a cesse d'être froté.

M. l'abbé Nollet définit donc l'électricité, l'état d'un corps qui reçoit continuellement de dehors les rayons d'une matiere subtile, tandis qu'il élance au - dehors des rayons divergens d'une semblable matiere. L'auteur appelle effiuente la matiere qui s'elance des corps électrisés, & affluente celle qui vient de l'air & de la plûpart des corps du voisinage.

Ce principe des effluences & affluences simultanées, que M. l'abbé Nollet appuie sur quantité d'expériences, est le principal fondement de son systeme sur l'électricite. Voici comme il l'applique à quelques - uns des principaux phénomenes.

Lorsqu'une feuille de métal, ou tout autre corps leger, se trouve plongée dans la sphere d'activité d'un corps actuellement électrique, on doit la considérer comme agitée par deux puissances directement opposées l'une à l'autre; savoir la matiere effluente qui tend à l'éloigner du corps électrique, & la matiere affluente qui l'entraîne vers ce corps: elle reste quelquefois immobile quand ces deux forces opposées sont en équilibre, mais elle cede ordinairement à la matiere affluente, dont l'activité est presque toujours supérieure. Cette supériorité de la matiere affluente depend principalement de la convergence de ses rayons vers le corps électrisé; au lieu que les rayons effluens qui tendent à l'écarter de ce corps, sont très - divergens. D'ailleurs, plusieurs expériences autorisent à croire que les peres par où s'échappent les rayons effluens, sont en bien plus petit nombre que ceux qui admettent la matiere affluente, ainsi cette derniere matiere par sa force supérieure, doit emporter la feuille d'or vers le corps, electriser & produire le phénomene de l'attraction. Cependant comme ce n'est pas sans obstacle de la part des rayons effluens, que la feuille d'or est emportée vers le corps électrisé, il n'est pas surprenant qu'elle n'aille pas directement au corps électrique, sur - tout si elle a une certaine largeur; c'est aussi ce qui arrive le plus souvent.

La répulsion se fait, parce que la feuille d'or parvenue jusqu'au corps électrique s'électrise par communication, & se forme autour d'elle une atmosphere d'aigrettes, qui augmentant considérablement son volume, la rend plus en prise aux rayons de la matiere effluente, dont l'action l'écarte du corps électrisé, autant de tems que l'électricité subsiste dans l'un & dans l'autre. Mais comme la feuille d'or perd en un instant son atmosphere, dès qu'elle a touché à un corps non électrique, elle suit comme auparavant l'effort de la matiere affluente, & se précipite sur le corps électrisé. Le verre rendu électrique par le frotement, continue de represser une feuille d'or suspendue par un fil de soie, tant que celle - ci conserve l'atmosphere qui lui a été communiquée; il n'en est pas de même d'un bâton de cire d'Espagne, d'un morceau d'ambre, d'un canon de soufre, &c. qu'on présente à cette feuille mise en répulsion, après avoir excité leur vertu par un vigoureux frotement: les pores par où s'échappent les rayons effluens étant plus rares dans ces corps résineux que dans le verre, la matiere affluente agit sur la feuille d'or repoussée avec toute sa force, & l'entraine vers ces corps resineux malgré l'effet de leurs rayons effluens.

Pour communiquer de l'électricité à un corps, par exemple à une barre de fer, il ne s'agit, comme nous avons dit, que de mettre en mouvement par le moyen de quelque corps déja électrisé, le fluide électrique qu'il contient naturellement dans ses pores: or comme un premier choc ne peut agiter sensiblement qu'une certaine quantité de matiere, il est nécessaire de limiter celle que peuvent mouvoir les rayons qui émanent du corps électrisé, c'est ce que l'on fait en isolant cette barre, sur de la soie, de la résine, de la cire, &c. & en séparant par le moyen de ces corps qui n'admettent pas facilement la matiere électrique, la masse du fluide que contient cette barre d'avec cette masse immense qui est répandue dans le globe de la terre.

Ce mouvement imprimé au fluide électrique qui réside naturellement dans chaque corps, & plus abondamment dans ceux qui ne sont pas réputés électriques, doit être très - prompt, & se faire appercevoir en un instant à une très - grande distance, si ce corps qu'on électrise par communication a une longueur suffisante; & comme le fluide électrique trouve moins d'obstacle dans ces sortes de corps que dans l'air, il les parcourt très - promptement sans résistance, & suit dans sa propagation toutes les sinuosités & tous les replis de ces corps électrises.

Chaque particule de matiere électrique est comme une petite portion du feu élementaire, enveloppée de quelque matiere grasse, saline ou sulphureuse, qui la contient & qui s'oppose à son expansion: lors donc que la matiere effluente qui s'élance d'un corps électrisé, rencontre l'affluente qui se présente pour entrer; si la vîtesse respective de ces deux courans est assez grande, le choc brise les enveloppes de ces particules, & le feu qu'elles renferment devenu libre, éclate, brille, & anime du même mouvement les parties semblables qui sont contiguës, comme pourroit un grain de poudre à canon enflammé en embraser une infinité d'autres placés de suite. Or comme la matiere effluente s'élance en forme d'aigrettes, ces rayons lumineux conservent la même forme: il résulte de ce choc subit un bruit ou siflement qu'on entend quand les aigrettes sortent, & qui est d'autant plus sensible que le corps est plus fortement électrisé.

L'étincelle qu'on apperçoit lorsqu'on approche le doigt ou quelque morceau de métal du corps électrisé, vient de ce que les rayons effluens de celui - ci acquierent par la proximité du doigt une plus grande force. 1°. Parce qu'ils coulent alors avec plus de vîtesse; 2°. parce que la divergence naturelle de ces rayons diminue, & qu'ils se condensent; ce n'est plus alors une matiere effluente, rare & dispersée, qui frappe avec plus d'efforts une autre matiere venant de l'air: c'est un fluide condensé & accéléré qui en rencontre un autre presqu'aussi animé que lui; ainsi le choc doit être plus violent, le bruit plus fort, l'embrasement plus considérable, enfin l'étincelle doit paroître.

L'étincelle qui naît du choc de ces deux matieres effluentes & affluentes, peut devenir assez forte pour causer l'inflammation d'une liqueur spiritueuse, surtout si on l'y a disposée en la faisant un peu tiédir, & si cette liqueur est contenue dans le creux de la main, dans un vase de métal, ou dans tout autre corps que la matiere électrique puisse pénétrer avec facilité; car la matiere affluente qui viendra de la cueillere ou de la main, pénétrera facilement la liqueur, donnera lieu à un choc plus violent & à une étincelle plus brûlante, [p. 622]

A l'égard de l'expérience de Leyde, M. l'abbé Nollet observe que la bouteille remplie d'eau, est très susceptible d'électricité par communication; que l'électricité que l'eau reçoit, se transmet au verre, qu'elle le pénetre & se répand sur sa surface extérieure; que dans cette expérience, la bouteille ne laisse pas que de continuer long - tems dans son état d'électricité, soit qu'elle soit posée sur une table ou sur d'autres corps non électriques. Maintenant la violence avec laquelle l'étincelle éclate & frappe dans l'expérience de Leyde, dépend de ce que le choc est double & qu'il se fait en même tems en deux endroits différens. Le premier se fait à l'extrémité du doigt que l'on présente au conducteur entre la matiere effluente de ce conducteur, & la matiere affluente qui sort du doigt; il s'en fait un autre à la main gauche qui tient la bouteille, entre le fluide qui sort du verre électrisé par communication, & celui qui arrive de cette même main vers la bouteille. Or comme par l'effet de ce double choc, la matiere affluente rétrograde avec force de chaque côté, elle produit aux deux poignets & dans l'intérieur du corps une commotion subite & très - violente, plus sensible dans les bras & dans la poitrine qui se trouvent placés dans sa direction.

M. l'abbé Nollet applique de même son principe des effluences & affluences simultanées, pour expliquer les autres phénomenes de l'électricité; mais nous renvoyons à ses ouvrages, où l'on trouvera toutes les preuves qu'il a réunies pour établir la vérité de ce principe.

M. Franklin pense que la matiere électrique est un véritable feu qui traverse & pénetre la matiere commune avec tant de liberté, qu'elle n'éprouve aucune résistance sensible; il prouve cette pénétration intérieure des corps par l'expérience de Leyde, dans laquelle on sent une commotion intérieure, qui ne devroit pas arriver si la matiere électrique ne faisoit que glisser le long des surfaces. Ce feu & le feu commun ne sort peut - être que des modifications du même élément, quoiqu'ils paroissent avoir des propriétés différentes: ces deux matieres fluides, si on veut les distinguer, existent souvent ensemble dans les mêmes corps, en remplissent les pores, s'y meuvent avec une entiere liberté sans aucune confusion dans leurs effets.

Au reste le feu électrique est universellement répandu par - tout; on le trouve dans l'air & dans tous les corps qui nous environnent: ainsi nos machines électriques ne le produisent point, mais elles le dirigent, le rassemblent, le condensent & le raréfient à notre volonté dans les différens corps. M. Franklin croit que ce fluide remplit à - peu - près les pores des corps ordinaires, & que quand au moyen de nos machines, on leur en ajoûte une quantité, cette quantité ajoûtée n'entre pas dans leur intérieur, mais forme autour d'eux une atmosphere plus ou moins dense, suivant la quantité que l'on a ajoûtée. Il suppose que les particules de matiere électrique se repoussent mutuellement, au contraire des particules de matiere commune, qui tendent toutes à s'attirer: & c'est à cette qualité répulsive qu'il attribue la divergence des rayons électriques, l'écartement de deux fils électrisés, la divergence des rayons des aigrettes lumineuses, l'évaporation accélerée des liqueurs électrisées, & plusieurs autres effets. Ces mêmes particules se repoussent entr'elles, sont très - bien attirées par la matiere commune avec une force plus ou moins grande, suivant les différentes sortes de matiere: car le verre, la cire, l'ambre & les autres corps appellés électriques, l'attirent & la retiennent plus fortement que les autres, & en contiennent aussi une plus grande quantité. C'est pourquoi admettant la subtilité des parricules de la matiere électrique, leur répulsion mutuelle & l'attraction réciproque entr'elles & les parties de la matiere commune, il résulte que quand une quantité de matiere électrique est appliquée à une certaine quantité de matiere commune qui n'en contient pas déjà, le fluide electrique se répand aussi - tôt également & uniformément dans toute l'étendue de cette quantité de matiere: mais dans la matiere commune il y a ordinairement autant de matiere électrique qu'elle en peut contenir; si l'on en ajoûte davantage, le surplus se distribue encore également & unitormément dans toute l'étendue de sa surface, & forme une atmosphere. L'attraction entre le fluide électrique & la matiere commune est réciproque; c'est pourquoi les corps dans lesquels le fluide électrique est condensé, attirent les petits corps legers qui se trouvent dans leur sphere d'activité; c'est en vertu de cette propriété que le fluide électrique passe du corps électrisé dans celui qui ne l'est pas, & lui fait exercer tous les effets des corps électriques; que l'électricité communiquée à une barre de fer isolée, se dissipe en un instant des qu'on approche de cette barre un corps non électrique, tel que le bout du doigt.

M. Franklin explique l'expérience de Leyde d'une maniere différente de celle de tous les autres physiciens: il observe d'abord que le verre est absolument impenétrable au fluide électrique; car il ne conçoit pas comment on pourroit charger la bouteille si le fluide électrique passoit au - travers du verre, & s'il pouvoit s'échapper par la main de celui qui tient la bouteille: en effet la bouteille ne se charge pas si elle a la moindre félure ou le moindre petit trou dans sa surface. Il prétend que dans cette merveilleuse expérience le fluide n'entre du conducteur dans la bouteille, qu'autant qu'il en sort de celui qui existe naturellement sur sa surface extérieure: que cette matiere n'est pas condensée dans l'eau ou dans le corps non électrique qui est dans la bouteille, mais uniquement sur la surface intérieure du verre: que l'explosion violente qui se fait lorsque tenant la bouteille d'une main, on touche de l'autre au fil d'archal, n'est que le remplacement du fluide épuisé & chassé de la surface extérieure par le fluide accumulé sur la surface intérieure de la bouteille; ce qu'il prouve parce qu'un homme posé sur un gâteau de cire & qui fait l'expérience de Leyde, n'est ni plus ni moins électrisé après l'expérience, qu'il l'étoit auparavant.

Cependant comme la surface extérieure d'une bouteille chargée qui est privée selon lui, de sa quantité de fluide électrique ordinaire, attire, repousse & communique de l'électricité aux autres corps, aussi bien que le fil - d'archal qui est électrisé par le fluide condensé & introduit dans la bouteille, il est obligé de distinguer deux sortes d'électricité.

Il appelle positive, celle de l'intérieur de la bouteille; & négative, celle de sa surface intérieure: or tous les corps électrisés positivement se repoussent entr'eux, comme font aussi tous ceux qui le sont négativement: les uns & les autres attirent les corps legers à - peu - près avec la même force; mais toutes choses égales, les corps électrisés positivement, attirent ceux qui le sont négativement avec une plus grande force que les uns & les autres n'attirent ceux qui ne sont point du tout électrisés. Nous donnerons aux articles Météores & Tonnerre un extrait du sentiment de M. Franklin, sur la formation des orages, dont il rapporte l'origine aux effets du feu électrique. Ces deux articles sur le feu électrique sont de M. le Monnier, de C Académie royale des Sciences, & Médecin ordinaire de S. M. à S. Germain en - Laye, auteur de l'article Electricité. Voyez ce dernier mot: voy. aussi Coup foudroyant, Conducteur , &c.

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