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Feu (Page 6:609)
Premierement, comme un des matériaux ou principes
de la composition des corps; car, selon la doctrine
de Stahl bien résumée, le principe que les Chimistes ont designé par les noms de soufre, principe
sulphureux, soufre principe, principe huileux, principe
inflammable, terre inflammable & colorante, & par
quelques autres noms moins connus, que nous rapporterons
ailleurs, voyez
Stahl a designé cette matiere par le mot grec phlogiston, qui signifie combustible, inflammable; expression
que nous avons traduite par celle de phlogistique, qui est devenue technique, & qui n'est pour
nous, malgré sa signification littérale, qu'une de ces
dénominations indéterminées qu'on doit toûjours sagement
donner aux substances, sur l'essence desquelles
regnent diverses opinions très - opposées: or les
dogmes de Becher & de Stahl, sur le principe du
feu, qui paroissent démontiables à quelques chimistes,
sont au contraire, pour quelques autres & pour
un certain ordre de physiciens, incompréhensibles
& absolument paradoxes, & par conséquent faux;
conséquence que les premiers trouveront, pour l'observer
en passant, aussi peu modeste que légitime.
Quoi qu'il en soit, ce sera sous ce nom de phlogistique que nous traiterons du principe de la composition
des corps, que nous croyons être le feu. Voyez
Les phenomenes de la combustion, de la calcination,
de la réduction, de la détonation, en un mot,
de tous les moyens chimiques, dans lesquels le feu
combiné éprouve quelque changement chimique;
tous ces phénomenes, dis - je, appartiennent au feu,
considéré sous ce premier point de vûe. Voyez
Secondement, les Chimistes considerent le feu comme principe de la chaleur. Le mot feu, pris dans ce sens, est absolument synonyme dans le langage chimique, à celui de chaleur. Ainsi nous disons indifféremment le degré de chaleur de l'eau bouillante, ou le degré de feu de l'eau bouillante.
Nous avons dit ailleurs (article
Toutes les opérations chimiques s'exécutent par
deux agens généraux, la chaleur & les menstrues.
Mais cette derniere cause elle - même, quelque générale
& essentielle que soit son influence dans les
changemens chimiques, est entierement subordonnée
à la chaleur, puisque le feu produit absolument
& indépendamment du concours de tout autre agent,
un grand nombre de changemens chimiques, au lieu
que l'action des menstrues suppose nécessairement la
chaleur (voyez l'article
Les Chimistes ont exalté les propriétés du feu avec
un enthousiasme également digne du sujet & de l'art.
Le passage de Vigenere, cité à l'article
Un célebre chimiste de nos jours, l'illustre M.
Pott, fait cet éloge magnifique du feu, dans son
traité du feu & de la lumiere.
D'un autre côté, c'est principalement sur les changemens
opérés par le feu dans les sujets chimiques,
que les détracteurs de la Chimie, soit philosophes,
soit medecins, ont fondé leurs déclamations contre
cette science. Ils ont prétendu que le feu bouleversoit,
confondoit, dénaturoit la composition intérieure
dans les corps; qu'il dissipoit, détruisoit, anéantissoit
leurs principes naturels ou hypostatiques; que
ceux qu'il manifestoit étoient ses ouvrages, ses créatures,
&c. &c. &c. Ces imputations sont exactement
évaluées dans plusieurs articles de ce Dictionnaire,
& nous les croyons sur - tout solidement réfutées par
les notions claires & positives sur l'action du feu,
que nous croyons avoir exposée dans les différens
articles où il s'agit des effets de ce premier agent,
voy.
Usage chimique du feu ou de la chaleur. Le feu est employé par le chimiste dans les distillations, les sublimations, les évaporations, les dessications, l'espece de grillage que nous appellons en latin difflatio, les liquefactions, les fusions, les précipitations par la fonte, les liquations, les dissolutions, les digestions, les cémentations, & même les fermentations. Il faut remarquer que le principe igné, le phlogistique n'éprouve dans aucune de ces opérations ni combinaison ni précipitation.
La façon d'appliquer le feu aux différens sujets de toutes ces opérations, & la théorie de son action [p. 610]
Effets généraux du feu. Les effets chimiques du feu
dans toutes ces opérations, se réduisent à trois; ou
le feu relâche, laxat, l'aggrégation de certaines substances
jusqu'à les réduire en liqueur & même en
vapeur, sans altérer en aucune façon la constitution
intérieure du sujet ainsi disposé (voyez l'article
Les divers effets généraux que nous venons de rapporter sont dûs à une seule & même cause, savoir à la propriété de raréfier du feu, exercée dans une très - grande latitude, depuis le terme où commence la liquidité de l'eau jusqu'à celui que l'on a crû suffisant pour volatiliser les métaux parfaits, selon les fameuses expériences exécutées au foyer de la lentille du palais - royal, & rapportées dans les Mém. de l'académie royale des Sciences, année 1702.
Sources & application du feu. Nous trouvons ce
principe de chaleur dans la température même de
notre atmosphere: nous nous le procurons en exposant
les sujets de nos opérations aux rayons directs
du soleil. Nous mettons à profit quelquefois la
chaleur excitée dans certaines matieres fermentantes
ou pourrissantes, telles que le marc de raisin &
le fumier; ou enfin, ce qui est notre ressource la
plus ordinaire & la plus commode, nous appliquons
aux matieres que nous voulons échauffer, des corps
inflammables actuellement brûlans, tels que le charbon,
le bois, la tourbe, le charbon de terre, l'esprit - de - vin, les huiles par expression dans le fourneau
à lampe, &c. de tous ces alimens du feu, celui
que nous employons généralement & avec le plus
d'avantage, c'est le charbon. Voyez
Cette application du feu varie selon qu'elle est plus ou moins immédiate; car ou on expose la matiere à traiter au contact immédiat du corps dont on employe la chaleur, comme dans la dessication au soleil, la distillation par le premier fourneau de Glauber, la sublimation gébériene, la réverbération de
Degrés du feu. La latitude entiere de la chaleur
employée aux usages chimiques, a été divisée en
différentes portions ou degrés déterminés par divers
moyens; premierement par espece de matiere
échauffée ou brûlante qui fournissoit la chaleur:
ainsi le feu chimique a été distingué en insolation,
ventre de cheval, bain de marc de raisin, feu de
lampe, feu de bois, feu de charbon, &c. secondement
par la circonstance de l'application plus ou
moins immédiate, & par les différens milieux interposés
entre le corps & le feu: le feu a été divisé sous
ce point de vûe en feu nud, bain - marie, bain de sable,
de cendres, de limaille, &c. Voyez
Les chimistes modernes ont rectifié toutes ces divisions, & les ont réduites à la plus grande simplicité, en ne retenant qu'un petit nombre de termes fixes, établis sur la connoissance réfléchie des effets du feu, & très - suffisans dans la pratique.
Ces chimistes ont observé premierement que l'analyse ou solution réelle de la combinaison chimique, ne s'opéroit dans tous les sujets que par le secours d'une chaleur supérieure à celle qui faisoit bouillir l'eau commune; secondement que plusieurs unions beaucoup moins intimes, celles dont j'ai fait la premiere classe des sujets de la distillation, voyez cet article, cédoient à l'action d'une chaleur capable de faire bouillir l'eau, & quelques - unes même à une chaleur plus foible; troisiemement que la plûpart des menstrues appellés communément liquides, du nom de leur état ordinaire, agissoient sous un degré de chaleur inférieur à celui de l'eau bouillante; quatriemement que quelques évaporations, dessications, & un très - grand nombre de combinaisons, s'opéroient sous la température ordinaire de l'air qui nous environne, lors même qu'il n'est échauffé que par les rayons réfléchis du soleil, c'est - à - dire sans feu & à l'ombre.
Ils ont, en conséquence de ces observations, divisé le feu chimique en quatre degrés; le premier ou le plus foible commence à la liquidité de l'eau, & s'étend jusqu'au degré qui nous fait éprouver un sentiment de chaleur; nous appellons ce degré froid. C'est à ce degré que s'exécutent un très - grand nombre d'opérations telles que les dissolutions à froid, les macérations ou extractions à froid, les calcinations à l'air, les dessications à l'ombre, les évaporations insensibles, la plûpart des fermentations, &c. Voyez ces articles particuliers.
Rien n'est si aisé que de se procurer exactement ce degré de feu dans la pratique, puisqu'il ne s'agit que d'éloigner les substances traitées, de toute source de chaleur sensible. Quant au plus ou au moins de chaleur dans la latitude qu'embrasse ce degré, [p. 611]
Le second degré commence à la chaleur sensible pour nos corps, & s'étend jusqu'à la chaleur presque suffisante pour faire bouillir l'eau: c'est à ce degrè que s'exécutent les digestions, les infusions, la plûpart des dissolutions aidées par un feu sensible, les dessications des plantes & des substances animales, les évaporations, distillations, & toutes les cuites pharmaccutiques exécutées au bain - marie, les fermentations faites à l'étuve, quelques distillations à feu nud, telle que celle du vinaigre, &c. voyez ces articles.
Le bain - marie fournit un moyen aussi sûr que commode d'obtenir ce degré de feu, dont le plus ou le moins d'intensité n'est pas d'une plus grande conséquence que les variations du même genre du degré précédent.
Le troisieme degré est celui de l'eau bouillante; celui - ci est fixe & invariable: on exécute à ce degré toutes les decoctions des substances végétales & animales, la distillation des plantes avec l'eau, la cuite des emplâtres dans lesquelles entrent des chaux de plomb qu'on ne veut pas brûler. On peut compter encore parmi les opérations exécutées à ce degré, la distillation du lait, & celle du vin; parce que la chaleur qui fait bouillir le lait & le vin, ne differe pas beaucoup de celle qui fait bouillir l'eau.
L'application de l'eau bouillante ou de la vapeur de l'eau bouillante à un vaisseau, ne communique jamais aux matieres contenues dans ce vaisse au une chaleur égale à celle de cette cau ou de cette vapeur; c'est un fait observé, & dont la raison se déduit bien simplement des lois de la communication de la chaleur généralement connues: c'est en consequence de ces observations que nous avons rangé le bain - marie parmi les moyens d'appliquer aux sujets chimiques un degré de chaleur inférieur à celui de l'eau bouillante. Ce n'est pas ici une observation de pure précision; elle est au contraire immédiatement applicable à la pratique, & d'autant plus nécessaire que les auteurs ne s'expliquent pas assez clairement sur la détermination de ce degré. La chaleur du bain - marie bouillant est communement désignée par le nom de chaleur de l'eau pouillante.
Cependant si quelqu'un, après avoir vû dans un livre qu'au degré de l'eau bouillante les huiles essentielles s'élevent, que les sucs des viandes en sont extraits par l'eau, &t. si cet homme, dis - je, s'avisoit en conséquence de ces connoissances, de distiller au bain - marie une plante aromatique, pour en séparer l'huile essentielle, ou de mettre son pot au bain - marie, & non pas au feu, il n'obtiendroit point d'huile, & il feroit un très - mauvais bouillon.
Nous avons déjà observé que ce troisieme degré étoit fixe & invariable; il devient par - là extrèmement commode dans la pratique, comme nous l'avons déjà dit du bain - marie; & il l'est d'autant plus que c'est heureusement à ce degré de chaleur que se fait la séparation & la combinaison de certaines substances que leurs usages pharmaceutiques ou économiques nous obligent de traiter en grand; & qu'un feu moins constant, & qui pourroit devenir quelquefois trop fort, altereroit la perfection de ces matieres, procureroit, par exemple, des eaux distillées qui sentiroient l'empyreume, des emplâtres brûlées, &c.
Le quatrieme degré de feu chimique est plus étendu; il comprend tout le reste de sa latitude depuis
Ce que nous venons de dire de l'inutilité pratique des mesures physiques de la chaleur, n'empêche point qu'on ne fût très - sage d'y avoir recours, si dans un procédé nouveau & extrèmement délicat, la nécessité d'avoir des degrés de feu déterminés rigoureusement, constans, invariables, l'emportoit sur l'incommodité de ces mesures. Les bains bouillans d'huile, de lessive plus ou moins chargée, de mercure, & même de diverses substances métalliques tenues en fusion par l'application de la plus grande chaleur dont elles seroient susceptibles; ces bains, dis - je, fourniroient un grand nombre de divers degrés fixes & constans, & qu'on pourroit varier avec la plus grande précision: mais les cas où il seroit nécessaire de recourir à ces expédiens sont très - rares, si même ils ne sont pas de pure spéculation, & par conséquent ils ne constituent pas le fond de l'art, rara non sunt artis.
Gouvernement du feu. Le gouvernement ou le régime du feu, qui fait le grand art du chimiste praticien, porte sur deux points généraux: savoir le choix du degré ou des diverses variations méthodiques des degrés propres à chaque opération, & au traitement de chaque substance particuliere; & la connoissance des moyens de produire ces divers degrés.
Nous avons répandu dans divers articles chimiques
de ce Dictionnaire, les connoissances de détail que
l'expérience a fournies sur le premier point. On trouvera,
par ex. au mot
D'ailleurs il n'existe dans l'art que peu de préceptes
généraux sur cette matiere: celui qui prescrit,
par ex. de commencer toûjours par le degré le plus
foible, d'élever le feu insensiblement, de le soûtenir
pendant un certain tems à un degré uniforme,
& de le laisser ensuite tomber peu - à - peu; celui - là,
dis - je, souffre un grand nombre d'exceptions, quoiqu'il soit établi dans la plûpart des livres de Chimie comme la premiere loi de manuel, & qu'il soit
en effet nécessaire de l'observer dans les cas les plus
ordinaires, & sur - tout dans toute analyse, par la
chaleur seule des substances végétales ou animales.
Voyez
Quant aux moyens de produire & de varier les degrés du feu, ils se réduisent à ces quatre chefs généraux: on fait essuyer à un sujet chimique une chaleur plus ou moins grande; 1°. en variant la qualité de l'aliment du feu; car les divers corps brûlans fournissent, tout étant d'ailleurs égal, des degrés de feu bien différens: ainsi un bon charbon dur & pesant donne bien plus de chaleur que le charbon rare & léger qui est connu à Paris sous le nom de braise; la flamme d'un bon bois plus que celle de la paille ou de l'esprit de vin; une flamme vive & claire plus que le brasier le plus ardent: 2°. en en variant la quantité; personne n'ignore qu'on fait un meilleur feu avec beaucoup de bois ou de charbon qu'avec peu: 3°. en excitant le feu par un courant plus ou moins rapide d'air plus ou moins dense ou froid, plus ou moins humide: 4°. enfin en plaçant le vaisseau ou le corps à traiter dans un lieu tellement disposé, que l'artiste puisse à volonté diriger, autant qu'il est possible, sur sa matiere, la chaleur entiere du corps brûlant, sans la laisser dissiper par une communication trop libre avec l'atmosphere; ou au contraire de ménager ou de favoriser cette dissipation.
La machine (s'il est permis d'appeller ainsi avec
Boerhaave la chose dont il s'agit), à l'aide de laquelle
nous graduons le feu avec le plus grand avantage
par ces divers moyens, & sur - tout par le dernier,
est généralement connue sous le nom de fourneau. Voyez
C'est dans les diverses combinaisons de tous ces moyens, que consiste l'art du feu chimique, sur les quel les préceptes écrits sont absolument insuffisans. Les véritables livres de cette science sont les laboratoires des Chimistes, les différentes usines où l'on travaille les mines, les métaux, les sels, les pierres, les terres, &c. par le moyen du feu; les boutiques de tous les ouvriers qui exercent des arts chimiques, comme teinturier, émailleur, distillateur, &c. l'office & la cuisine peuvent fournir sur ce point plusieurs leçons utiles. On trouvera cependant dans les articles de ce Dictionnaire, où il est expressément traité des diverses opérations qui s'exécutent par le moyen du feu, les regles fondamentales propres à chacune.
L'artiste, & sur - tout l'artiste peu expérimenté, qui traite par le secours du feu certaines matieres inflammables, singulierement rarescibles ou fulminantes, doit procéder avec beaucoup de circonspection; ou même il ne doit entreprendre aucune opération sans s'être fait instruire auparavant de tous les dangers auxquels il peut s'exposer, & même exposer les assistans, en maniant certaines matieres.
Les substances inflammables réduites en vapeur, prennent feu avec une facilité singuliere; ainsi on risque d'allumer ces vapeurs, si l'on approche imprudemment la flamme d'une bougie du petit trou d'un balon, ou des jointures mal lutées d'un appareil de distillation, fournissant actuellement des produits huileux, comme dans la distillation à la violence du feu des substances végétales & animales; dans celle du vin, des eaux spiritueuses.
Les plantes mucilagineuses & aqueuses, les corps
doux proprement dits, peuvent, comme sujets à
être singulierement gonflés par le feu, faire sauter
en éclats les vaisseaux dans lesquels on les chausse
trop brusquement; les précautions à prendre contre
cet inconvénient, sont de traiter ces matieres dans
des vaisseaux hauts, & qu'on laisse vuides aux trois
quarts, & d'augmenter le feu insensiblement. Le résidu
du mélange qui a fourni l'éther vitriolique lorsqu'il commence à s'épaissir, est singulierement sujet
à cet accident. Voyez
Enfin, non - seulement les pondres explosives généralement
connues, telles que la poudre à canon, la
poudre fulminante & l'or fulminant, mais même plusieurs
mélanges liquides, tels que celui de l'espritde - vin & de l'acide nitreux, le baume de soufre, &c.
peuvent produire, lorsque leur action est excitée
dans des vaisseaux fermés, la plûpart même en plein
air, peuvent produire, dis - je, dans l'air qui les environne,
une commotion dont les redoutables effets
ne sont connus que par trop d'exemples. Voyez
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