ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"673"> affectent les fibres; c'est celui de l'astriction, qui est l'opposé de la laxité.

On appelle astriction dans les fibres simples, & conséquemment dans les parties composées de fibres, l'état dans lequel elles sont trop denses, trop compactes, flexibles, trop peu susceptibles de distractilité; ensorte qu'elles ne cedent pas suffisamment aux puissances qui font effort pour distendre les organes par l'impulsion des fluides; qu'elles résistent trop à l'action de ceux - ci sur les solides; qu'elles s'opposent à leur cours reglé: deux effets qui sont cependant les conditions nécessaires pour l'entretien de la vie & de la vie saine.

La cause prochaine de l'astriction des parties tant simples que composées, consiste dans la position des corpuscules intégrans qui forment les fibres, & dans la position des fibres elles - mêmes, trop rapprochés entr'eux; ensorte que la force de cohésion qui dépend du contact, ou au moins de la proximité des parties entr'elles, est trop considérable; parce qu'elles se presentent réciproquement des surfaces trop étendues, ce qui en multipliant les points de contact, augmente par conséquent l'adhérence & la résistance à tout ce qui peut disposer à la solution de continuité, ou la procurer; par conséquent à tout ce qui tend à causer des alongemens, des distensions dans les parties: ainsi sous un volume donné de parties solides qui pechent par astriction, il y a plus de corpuscules élémentaires pour la formation des fibres, & plus de fibres pour la composition de ces parties, d'où suit la densité des masses. La force de cohésion décide de la plus ou moins grande élasticité; l'astriction suppose par conséquent celle - ci à un degré proportionné à celle - là; par consequent encore elle rend les parties du corps humain trop élastiques, d'où il suit aussi qu'elles doivent trop résister à tout ce qui peut donner lieu à l'exercice de cette propriété. Elles sont donc trop peu distractiles, trop peu flexibles, ce qui doit encore les rendre très - peu molles; & la faculté qu'ellès ont de soûtenir les efforts de la vie même, lorsqu'ils sont trop violens comme dans la fievre, les convulsions, & de ne leur ceder qu'avec difficulté, devient excessive au point qu'elle ne se prete pas suffisamment, même au jeu ordinaire & le plus nécessaire des organes.

Les causes qui disposent aux différens vices provenans de l'astriction, sont aussi la disposition naturelle, la constitution que l'on reçoit dès la conception; mais ce sont sur - tout l'éducation, le régime opposé à ceux qui contribuent à la laxité (voyez cidevant), la vie laborieuse & trop violemment exercée, le climat froid, l'âge avancé; tout ce qui peut dessécher les parties solides, en dissipant les fluides par le moyen de l'air, du feu, de la chaleur, en tirant ou faisant sortir les molécules aqueules, huileuses, placées entre les élémens des fibres, & entre les fibres elles - mêmes, de maniere à en empêcher le contact; tout ce qui peut l'augmenter par l'intrusion en remplissant les pores intimes des fibres simples & décomposées, comme l'esprit - de - vin, le sel. C'est ainsi qu'en Espagne, en Portugal, on sait borner l'accroissement de certains chiens pour les rendre plus agréables aux dames, en les lavant fréquemment avec des liqueurs spiritueuses: c'est ainsi que le lard se durcit dans la saumure; tout ce qui peut augmenter la force vitale en fortifiant les organes, & la rendre propre à convertir un grand nombre de vaisseaux simples en fibres composées; tout ce qui peut par une vertu plastique, disposer les sucs nourriciers à s'épaissir, se figer dans leurs propres vaisseaux, ensorte que la cavité devienne remplie d'un solide immobile, au lieu du fluide qui y couloit auparavant: tel est l'effet des acides minéraux, mêlés avec les humeurs animales, en un mot le contraire de tout ce qui peut contribuer à la laxité des fibres; d'où on peut tirer des corollaires sur tout ce qui a rapport à l'astriction.

Les effets de ce genre de vice dans les solides, sont, comme il a été dit de ceux du vice opposé, différens selon les différentes parties qui en sont affectées: ainsi dans les fibres musculaires, ce vice produit l'inflexibilité des chairs, la roideur dans le jeu des muscles, tant que les forces subsistent; & des qu'elles s'affoiblissent, le tremblement des membres, leur engourdissement: dans les fibres tendineuses endurcies, le changement en substance osseuse: dans les fibres nerveuses, il produit l'apathie, c'est - à - dire qu'il rend les sens peu susceptibles d'impression, l'esprit pesant: dans les fibres osseuses, il rend les parties qui en sont composées très - fragiles; les vieillards sont plus susceptibles de fractures que les jeunes gens, parce que leurs os ont perdu par la dureté toute leur flexibilité. Dans tous les vaisseaux, l'astriction cause aussi le défaut de flexibilité, d'où résulte la résistance à être dilatés, à recevoir les fluides; d'où l'irrégularité du pouls des vieilles gens, les palpitations auxquelles ils sont sujets. La roideur de la membrane du tambour cause la surdité; la sécheresse de la glotte cause la raucité; l'inflexibilité de l'estomac cause le dégoût; la matrice devenue d'un tissu trop serré, donne lieu à la stérilité, &c.

Les différens vices provenans tant de la laxité que de l'astriction, pouvant être contractés par toutes les parties du corps, ensuite d'une cause commune, ou par quelques unes seulement, ensuite de quelque cause particuliere; il faut, pour juger de ces vices, avoir toûjours égard aux différens degrés de densité, de force, de souplesse, qui sont propres à chaque partie dans l'état naturel, respectivement à la constitution particuliere de chaque individu; à l'âge, au sexe, au climat, à la saison; enfin à tout ce qui peut faire varier la consistence, la solidité, la fermeté des parties, sans que l'économie animale en soit troublée habituellement.

On met mal - à - propos, dans plusieurs pathologies, la grosseur & l'exilité des fibres contre nature, au nombre des défauts que les fibres simples peuvent avoir; parce que, selon qu'il a été dit dans cet article d'après Ruysch, les fibres les plus petites que l'on peut avoir par la division des parties, qui sont encore bien éloignées d'être les fibres élémentaires, sont les mêmes dans tous les animaux: elles ne sont pas plus déliées dans une puce que dans un boeuf; à plus forte raison peut - on dire que les fibres simples sont égales entr'elles en grosseur, ou au moins qu'on peut encore moins appercevoir la différence des unes aux autres: ainsi cette qualité lorsqu'elle peche dans les fibres, doit être attribuée aux plus composées, aux plus sensibles, telles que les fibres charnues, qui sont dites plus grossieres, lorsqu'elles sont moins susceptibles, par l'excès de leur force de cohésion, d'être divisées en plus petites parties; ce qui peut être rapporté à l'astriction.

On n'est pas mieux fondé à faire mention de la tension & du relâchement excessifs parmi les vices des fibres simples, ainsi que le font Boerhaave & bien d'autres. Dans quelque état & de quelle nature que l'on suppose un filet, fût - il d'acier, il ne peut être tendu que par une puissance étrangere au corps: ainsi les vaisseaux sont tendus par les fluides qui en écartent les parois. La vessie, le ventre peuvent être tendus par un plus grand volume des parties qu'ils contiennent: les chairs, les tendons peuvent être tendus par la contraction musculaire, par le spasme; on ne peut pas même dire que le desséchement des fibres qui en procure le raccourcissement, les tende si elles n'ont pas de points fixes auxquels elles soient attachées: c'est plûtôt dans ce cas un resserrement, par [p. 674] le rapprochement des corpuscules élémentaires de cette partie, qu'une tension. On ne peut regarder comme vices propres d'une partie, que ceux qui lui sont inhérens, indépendamment du concours d'aucune autre.

Par l'exposé qui vient d'être fait des différens vices des fibres, il paroît qu'ils peuvent tous être rapportés au relâché & au serré, qui font la base de la doctrine des méthodiques: c'est à quoi l'on peut réduire toutes les causes des différentes maladies des parties similaires. Car si on veut faire des recherches plus précises à cet égard, on tombe inévitablement, dit Boerhaave, dans les vices compliqués des solides & des fluides, ou dans des subtilités que l'on ne peut vérifier ni par le témoignage des sens, ni par celui de la raiton, & qui ne sont d'aucune utilité pour l'art de guérir.

Il reste à traiter des indications que présentent à remplir les maladies des fibres, telles qu'on vient d'en donner l'idée. Les indications ne peuvent être que très - simples, comme les vices à corriger; ils consistent dans l'excès ou le défaut des qualités propres à la fibre simple. Il n'y a pas autre chose dans toutes les différentes combinaisons défectueuses de ses parties intégrantes; c'est trop de resserrement de ces parties entr'elles, ou trop d'écartement: d'où trop ou trop peu de cohésion, de densité, d'élasticité, de force, &c. Il ne peut donc être question que d'employer les moyens propres à resserrer dans la laxité, & de relâcher dans l'astriction; mais il faut le bien assûrer de la nature du vice, & faire attention qu'il n'est souvent pas sans contre - indications. Il s'agit ici du vice sans complication.

Ainsi pour satisfaire à la premiere indication, c'est - à - dire celle qui regarde la laxité, il convient d'employer 1°. les remedes tirés des matieres alimentaires de bon suc & de facile digestion, qui soient aromatisées, très peu humectées, & par conséquent propres à ranimer, à échauffer, à pénétrer. Une nourriture qui réunit ces différentes qualités, & mise en usage avec regle pour la quantité, ne peut que contribuer à raffermir les fibres, en fournissant une plus grande abondance de suc nourricier, avec plus de disposition à être employé à l'ouvrage de la nutrition: tels sont le pain de la fleur de farine de froment bien fermenté, bien cuit; la chair de boeuf ou de mouton; les petits oiseaux; les perdrix; la volaille nourrie de grain; ces différentes viandes rôties, grillées, assaisonnées d'épicerie; les chapons adultes avec d'autres bonnes viandes, pour faire des consommés & autres choses de cette espece; le bon vin pur, bien mûr, de qualité un peu astringente; les liqueurs ardentes spiritueuses; le café, le chocolat, l'un & l'autre au lait ou aux oeufs frais, &c. 2°. Les différentes manieres d'exercer le corps; comme les douces secousses dans les voitures d'eau, de terre, par l'équitation, le jeu de paume, le saut, la course & autres semblables, qui concourent à dessécher les fibres, en dissipant la sérosité dont elles sont abreuvées; à en augmenter la solidité par la force graduée, avec laquelle elles sont rapprochées, resserrées les unes contre les autres, par la répétition des contractions musculaires. 3°. Les longues veilles, que l'on sait être propres à augmenter la secrétion du fluide nerveux, à en accélérer le cours, à exciter les mouvemens musculaires, & à dessécher conséquemment les solides; ce qui doit aussi augmenter par bien des raisons, la fermeté des fibres, pourvû que les veilles ainsi prolongées, ne soient pas excessives, & qu'elles soient proportionnées à la nourriture que l'on a prise auparavant, pour ne pas épuiser les forces. 4°. L'habitude à contracter d'endurer le froid, le chaud, de s'exposer au vent; ce qui contribue beaucoup à raffermir les fibres, en les faisant se resserrer, en les desséchant, en les rendant plus compactes: cet effet a lieu d'autant plus aisément, que l'air chaud ou froid auquel on s'expose, est plus pur & plus sec. 5°. Les embrocations, les bains des eaux minérales chaudes, l'immersion de tout le corps dans le sable de mer bien sec, échauffé & entassé; on augmente par ces différens moyens le ton & l'élasticité des fibres, en les comprimant, en les appliquant plus fortement les unes aux autres, & en multipliant les points de contact entr'elles: d'où doit résulter plus de force de cohésion, &c. 6°. Enfin les remedes propres à fournir des parties intégrantes, qui en s'attachant aux fibres relâchées, peuvent en resserrer les corpuscules élémentaires, & les rendre ainsi plus liées entre eux, & plus disposés à résister à leur écartement, à leur séparation: tels sont en général tous ceux à qui on connoît une vertu astringente, stiptique bien décidée, mais modérée; tels sont, parmi les végétaux, les fleurs de roses rouges, les balaustes, les feuilles de plantain, de sumach, les fruits de mirthe, les coings, les galles, les nefles, les sorbes; les sucs d'acacia, d'hypocistis, la gomme de mastic, le san - dragon, les écorces de grenadier, de tamarisc, de kina, de simarouba; les racines de tormentille, de bistorte, de fougere: parmi les minéraux, l'alun, le vitriol réduit en colchotar, le safran de Mars astringent, le bol d'Arménie. De tous ces médicamens différemment combinés, les Medecins en font faire différentes préparations & compositions pharmaceutiques & chimiques, destinées à être employées pour tout le corps, ou seulement pour quelques - unes de ses parties, extérieurement ou intérieurement, selon que le besoin l'exige.

Passons à la seconde indication, savoir celle que présente à remplir le second genre de vice des parties similaires, l'astriction: il doit être corrigé 1°. par l'usage des alimens émolliens, relâchans, qui fournissent un suc nourricier de bonne qualité, qui assouplisse les fibres, en rende les corpuscules intégrans moins serrés par l'interposition de molécules aqueuses, huileuses; qui corrige en les humectant leur trop grande siccité: tels sont le pain frais de seigle ou d'orge bien préparé, les viandes cuites à l'eau, comme celles de veau, d'agneau, de chevreau, de poulet & des jeunes chapons; toutes celles en un mot qui peuvent fournir un suc fin, mucilagineux, noyé dans des parties aqueuses, tels que les bouillons, les potages, les cremes claires de ris, d'avoine, d'orge, &c. Les herbages tendres, comme la blette, l'endive, la chicorée, la laitue, le pourpier, l'épinar; les fruits propres à la saison bien mûrs, d'un suc abondant, aqueux, doux ou aigre - doux, les cérises douces, les fraises, les poires, les pommes, les raisins, les oranges douces, le concombre, le melon, &c. la boisson d'eau de riviere ou de fontaine préparée par l'ébullition d'une décoction farineuse, comme d'orge & de chiendent; du vin leger en petite quantité bien trempé; de différentes infusions théiformes de fleurs de mauves, de violettes, de bouillon blanc, & autres d'une nature approchante. 2°. Par un genre de vie molle, tranquille, sédentaire, livrée en bonne partie au sommeil; qui ne soit exercée pendant la veille que par un mouvement modéré, de peu de durée, cependant assez fréquent; en un mot, par un genre de vie, qui soit propre à tous égards, à relâcher, à rendre flasques les fibres trop tendues. 3°. Par une chaleur externe, humide, en vivant autant qu'il est possible dans des lieux dont l'air ait cette qualité, naturellement ou par art. Rien n'est plus propre dans ce cas, que d'être exposé de tems en tems à recevoir la vapeur de l'eau tiede, qui pénetre très - intimement le corps animal. (On en a vû très - souvent de bons effets, dit

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