ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"629"> placer les meilleurs tireurs au premier rang, & leur ordonner de tirer sur les officiers; parce que lorsqu'une troupe est une fois privée de ses commandans, il est ordinairement fort aisé de la rompre.

Lorsqu'il s'agit de faire feu, les officiers doivent « s'incorporer dans le premier rang, & mettre un genou à terre lorsque ce rang le met; autrement dans peu de minutes, il n'y aura plus d'officiers, soit par leurs propres soldats qui involontairement tireront sur eux, soit par les ennemis qui ajusteront leurs coups contre ceux qu'ils distingueroient ainsi pour officiers ». Réflex. militaires de M. de Santa - Crux.

C'est pour éviter cet inconvénient, que les rangs pour tirer doivent s'emboîter, pour ainsi dire, les uns dans les autres. Voyez Emboîtement.

Le savant militaire que nous venons de citer, propose pour rendre le feu des ennemis moins dangereux, de faire mettre genou à terre à toute la troupe qui est à portée de l'essuyer, & cela lorsqu'on voit qu'ils mettent en joue. Cet expédient peut rendre inutile un grand nombre de leurs coups, parce qu'il n'y a plus guere que la moitié du corps qui y soit exposée, & que d'ailleurs le défaut des soldats est de tirer presque toûjours trop haut. Il est clair que pour se placer ainsi, il faut que les ennemis soient assez éloignés, pour qu'on ait le tems de se relever avant de pouvoir en être joint. Cet auteur rapporte à ce sujet, que le chevalier d'Alsfeld ayant attaqué auprès de Saint - Etienne de Liter « un détachement d'infanterie angloise, qui mit genou à terre au moment qu'elle vit les François en posture de faire leur décharge, elle se releva aussi - tôt sans en avoir reçu aucun mal ».

Ce même expédient a été pratiqué dans plusieurs autres occasions, avec le même succès.

Au lieu de faire mettre genou en terre aux troupes, on pourroit les garantir encore davancage du feu de l'ennemi, en leur faisant mettre ventre à terre: mais il ne seroit pas sûr de l'ordonner à celles dont la bravoure ne seroit pas parfaitement reconnue; parce qu'il pourroit arriver qu'on eût ensuite quelque difficulté à les faire relever.

Lorsqu'un bataillon fait usage de son feu sur un bataillon ennemi, & que les deux troupes ne sont au plus qu'à la demi - portée du fusil, les soldats doivent s'appliquer à tirer au ventre de ceux qui leur sont opposés; & si on les fait tirer sur une trcupe de cavalerie, au poitral des chevaux.

M. de Santa - Crux prétend que les Hollandois, pour tirer, appuient la crosse du fusil au milieu de l'estomac, afin d'être forcés par cette posture à tirer bas; & il observe que cette maniere de tirer, qui ne doit point être imitée parce qu'elle est très - incommode, & qu'elle ne permet guere d'ajuster le coup, fait voir au moins que cette nation a parfaitement compris que le défaut ordinaire des soldats est de tirer trop haut, & qu'elle a cherché le moyen d'y remédier. Si elle ne l'a point fait avec succès, les autres nations peuvent le faire plus heureusement. Cette découverte paroît mériter l'attention des militaires les plus appliqués à leur métier.

Jusqu'ici nous n'avons parlé que du feu de l'infanterie: il s'agit de dire à - présent un mot de celui de la cavalerie.

Suivant M. de Folard, le feu de la cavalerie est moins que rien, l'avantage du cavalier ne consistant que dans son épée de bonne longueur.

Cette décision de l'habile commentateur de Polybe est sans doute trop rigoureuse: car il y a beaucoup d'occasions où le feu de la cavalerie est très utile. Il est vrai que les coups tirés à cheval ne s'ajustent pas avec la même facilité que ceux que l'on tire à pié; mais dans des marches où la cavalerie se trou<cb-> ve quelquefois sans infanterie, elle peut se servir tr&eagrave;s avantageusement de son feu, soit pour franchir un passage défendu par des paysans, ou pour éloigner des troupes legeres qui veulent l'harceler dans sa marche. Elle peut encore se servir de son feu tr&eagrave;s avantageusement dans les fourrages & dans beaucoup d'autres occasions. Mais la cavalerie doit - elle se servir de son feu dans une bataille rangée? M. de Santa - Crux prétend que non, sur - tout si, comme la cavalerie espagnole, elle est montée sur des chevaux d'Espagne, qui par leur vivacité & leur ardeur, mettent le desordre dans les escadrons au bruit des coups de fusils de ceux qui les montent.

M. le maréchal de Puységur pense sur ce sujet autrement que le savant auteur espagnol: « Mon opinion, dit - il (dans son livre de l'art de la guerre), est que les escadrons qui marchent l'un à l'autre pour charger l'épée à la main, peuvent avant de se servir de l'épée, tirer de fort près, & ce au moindre signal ou parole du commandant de l'escadron, & charger aussi - tôt l'épée à la main ».

A l'égard de la maniere de charger, voici, dit cet illustre auteur, ce que j'ai vû & ce que j'ai reconnu être très - facile à pratiquer.

« La ligne des escadrons de l'ennemi voyoit notre ligne de cavalerie marcher au pas, pour la charger l'épée à la main, sans se servir d'aucune arme à feu, soit officiers ou cavaliers. Quand notre ligne fut environ à huit toises de distance (cette cavalerie avoit son épée pendue au poignet, officiers & cavaliers avoient leurs mousquetons pendans à la bandouliere), les officiers & cavaliers prirent le mousqueton de la main droite, & de cette seule main coucherent en joue, chacun choisissant celui qu'il vouloit tirer: dès que le coup fut parti, ils laisserent tomber le mousqueton qui étoit attaché à la bandouliere; & empoignant leur épée, ils reçurent notre cavalerie l'épée à la main, & combattirent très - bien. Par ce feu tiré de près, il tomba bien de nos gens; néanmoins malgré cela, comme notre corps de cavalerie étoit tout ce que nous avions de meilleur, celle de l'ennemi, quoiqu'elle fût encore plus nombreuse que la nôtre, fut battue. Mais ce ne fut pas les armes à feu dont ils se servirent, qui en furent cause; car s'ils n'avoient pas tiré & tué des hommes de notre premier rang, ils en auroient été plûtôt renversés. J'ai reconnu même, continue M. de Puységur, que si notre cavalerie qui renversa cette ligne des ennemis, avoit tiré, celle - ci n'auroit pas tiré avec la même assûrance qu'elle a pû faire; & comme nos troupes étoient un corps distingué, il auroit commencé par mettre bien des hommes hors de combat. Ainsi quand on dit que des escadrons pour avoir tiré ont été battus, je répons que quand ils n'auroient pas tiré, ils ne l'eussent pas été moins. De pareilles raisons sont souvent un prétexte pour ne pas avoüer qu'on a mal combattu. Cela peut encore venir de ce que les officiers & les cavaliers ne sont ni instruits ni exercés. Or l'on doit avoir pour principe de ne jamais rien demander à des troupes dans l'action, à quoi elles n'auront pas été exercées d'avance». C'est pourquoi lorsqu'on est sûr des troupes de cavalerie qu'on fait combattre, il n'y a pas à balancer de les faire tirer, & même les autres, ditil, quand on les aura instruils. Art de la guerre de M. le maréchal de Puységur, tom. I. pag. 253.

Quant à l'inconvénient qu'on prétend qui résulte du bruit des armes à feu, par rapport au mouvement qu'il cause parmi les chevaux de l'escadron, M. de Puységur y répond, en faisant observer « qu'il n'est point prouvé que si votre ennemi tire sur vous, & que vous ne tiriez pas, vos chevaux ayent moins de peur que les siens, puisque le feu va [p. 630] droit aux yeux des vôtres, & qu'ils entendent aussi le sifflement de la balle qui leur fait peur ».

De toutes ces raisons, il s'ensuit que conformément à ce qui a déjà été remarqué sur le feu de l'infanterie, toutes les fois qu'on approche de l'ennemi pour le combattre, il faut toûjours lui faire tout le mal possible avant de le joindre; comme lorsque la cavalerie s'avance pour charger, il n'y a que le premier rang qui puisse tirer; il ne doit faire sa décharge, comme M. de Puységur l'a vû pratiquer, que lorsqu'il est au moment de tomber sur l'ennemi: mais si les troupes de cavalerie ne peuvent se joindre, chaque rang peut alors tirer successivement en défilant à droite & à gauche de l'escadron, après avoir tiré, pour aller se reformer derriere les autres rangs.

Les cavaliers & les dragons armés de carabines, & que pour cet effet on appelle carabiniers, ayant des armes dont la portée est plus grande que celle du fusil & du mousqueton, doivent en faire usage sur l'ennemi dès qu'il peut être atteint: c'est - à - dire, suivant M. de Santa - Crux, depuis que les ennemis sont à la distance d'environ douze cents piés ou deux cents toises, jusqu'à ce qu'ils arrivent à la portée des fusils ordinaires qu'il évalue à huit cents piés: pendant que l'ennemi parcourt cet espace, les carabiniers de cavalerie & de dragons ont le tems, dit cet auteur, de pouvoir à l'aise assûrer leurs armes dans le porte - fusil ou porte - mousqueton.

La distance de huit cents piés ou de cent trente toises, que M. de Santa - Crux donne à la portée du fusil, paroît être tirée des auteurs qui ont écrit sur la fortification, lesquels presque tous fixent leur ligne de défense de cette quantité, pour la rendre égale à la portée du fusil de but en blanc.

Dans la guerre des siéges on ne peut guere faire usage que de cette portée, au moins dans le feu des flancs; parce qu'autrement l'effet en seroit trop incertain: mais seroit - ce la même chose dans la guerre de campagne? C'est un point qui n'a pas encore été examiné, & qui semble néanmoins mériter de l'être.

Il est évident que si le fusil porte cent vingt ou cent trente toises de but en blanc, tiré à - peu - près horisontalement, sa portée sera plus grande sous un angle d'élévation, comme de douze ou quinze degrés, & qu'elle augmentera jusqu'à ce que cet angle soit de quarante - cinq degrés.

Le canon dont la portée de but en blanc n'est guere que de trois cents toises, porte son boulet, étant tiré à toute volée, depuis 1500 toises jusqu'à deux mille & plus. On convient que l'effet du fusil tiré de cette maniere ne seroit nullement dangereux, parce que la balle, eu égard à son peu de grosseur, perd plûtôt son mouvement que le boulet de canon: mais on pourroit éprouver la force & la portée de la balle sous des angles au - dessous de quarante - cinq degrés, comme de douze, quinze, ou vingt degrés; & alors on verroit si l'on peut faire usage du fusil à une plus grande distance que celle de cent vingt ou cent trente toises.

Comme toutes les choses qui peuvent nous procurer des connoissances sur les effets & les propriétés des armes dont nous nous servons à la guerre, ne peuvent être regardées comme indifférentes; on croit que les expériences qu'on vient de proposer, qui ne sont ni difficiles ni dispendieuses, méritent d'être exécutées.

En supposant qu'elles fassent voir, comme il y a beaucoup d'apparence, que le fusil tiré à - peu - près sous un angle de quinze degrés, peut endommager l'ennemi à la distance de trois cents toises, & au - delà, on pourra dire qu'il sera fort difficile de faire tirer le soldat de cette maniere: d'autant plus qu'au<cb-> jourd'hui on a beaucoup de peine à le faire tirer horisontalement; que d'ailleurs si l'on pouvoit y parvenir, il seroit à craindre qu'il ne contractât l'habitude de tirer de même lorsque l'ennemi seroit plus près, ce qui seroit un très - grand inconvénient. Mais on peut répondre à ces difficultés que dans le cas d'un éloignement, comme de trois cents toises, le soldat seroit averti de tirer vers le sommet de la tête de l'ennemi; & lorsqu'il en seroit plus prêt, de tirer au milieu du corps, comme on le fait ordinairement.

Mais quand il y auroit des difficultés insurmontables à faire tirer le soldat à la distance de trois cents toises, lorsqu'il s'avance vers l'ennemi pour le combattre, ne seroit - il pas toûjours très - avantageux de pouvoir faire usage de la mousqueterie à cette distance, lorsqu'on est derriere des retranchemens dans un chemin - couvert? &c. C'est aux maîtres de l'art à le décider.

Nous n'avons parlé jusque ici que du feu de la mousqueterie; il s'agiroit d'entrer dans quelques détails sur celui de l'artillerie, c'est - à - dire sur celui du canon & des bombes: mais pour ne pas trop alonger cet article, nous observerons seulement à cet égard que ce feu qui inquiete toûjours beaucoup le soldat ne doit point être négligé; qu'une armée ou un détachement ne sauroit exécuter aucune opération importante sans canon; & qu'il seroit peut - être fort utile qu'à l'imitation de plusieurs nations de l'Europe, chaque bataillon eût toûjours avec lui quelques petites pieces d'artillerie dont il pût se servir dans toutes les occasions.

Comme le feu du canon agit de très - loin, personne n'a pensé qu'il fallût l'essuyer sans y répondre: le seul moyen d'en diminuer l'activité est d'en faire un plus grand, si l'on peut. Les tirs dans une bataille doivent être toûjours obliques au front de l'armée ennemie, afin d'en parcourir une plus grande partie. Les plus avantageux sont ceux qui sont perpendiculaires aux aîles ou aux flancs de l'armée; mais un ennemi un peu intelligent a grand soin d'éviter que ses flancs soient ainsi exposés au canon de son adversaire.

La maniere la plus convenable de tirer le canon, lorsque l'on n'est guere qu'à la distance de cinq ou six cents toises de l'ennemi, est à ricochet. Voyez Ricochet. Le boulet fait alors beaucoup plus d'effet que lorsque le canon est tiré avec plus de violence, ou avec de plus fortes charges que n'en exige le ricochet.

M. de Folard prétend que le feu du canon n'est redoutable que contre les corps qui restent fixes, sans mouvement & action; ce qu'il dit avoir observé dans plusieurs affaires, « où les deux partis se passoient réciproquement par les armes, sans que l'un ni l'autre pensât, ou pour mieux dire, osât en venir aux mains dans un terrein libre. Une canonnade réciproque, selon cet auteur, marque une grande fermeté dans les troupes qui l'essuient sans branler, mais trop de circonspection, d'incertitude, ou de timidité dans le général: car le secret de s'en délivrer n'est pas, dit - il, la magie noire. Il n'y a qu'à joindre l'ennemi; on évite par ce moyen la perte d'une infinité de braves gens; & le général se garantit du blâme qui suit ordinairement ces sortes de manoeuvres ». Traité de la colonne, p. 48. (Q)

Feu (Page 6:630)

Feu est aussi un terme de guerre qui signifie les feux qu'on allume dans un camp pendant la nuit. Chambers.

Feu de Courtine (Page 6:630)

Feu de Courtine, voyez Second Flanc.

Feu fichant (Page 6:630)

Feu fichant, voyez Fichant.

Feu rasant (Page 6:630)

Feu rasant, c'est dans la Fortification celui qui est fait par des armes à feu dont les coups sont tirés

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