ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"575"> tes les farces de la fête des fous dans les églises. Le concile de Tolede, en 1566, entra dans le sentiment des autres conciles. Le concile provincial d'Aix, en 1585, ordonna que l'on fît cesser dans les églises, le jour de la fête des Innocens, tous les divertissemens, tous les jeux d'enfans & de théatre qui y avoient subsisté jusqu'alors. Enfin le concile provincial de Bordeaux, tenu à Cognac en 1620, condamna severement les danses & les autres pratiques ridicules qui se faisoient encore dans ce diocèse le jour de la fête des fous.

Les séculiers concoururent avec le clergé pour faire cesser à jamais la fête des fous, comme le prouve l'arrêt du parlement de Dijon du 19 Janvier 1552: mais malgré tant de forces réunies, l'on peut dire que la renaissance des Lettres contribua plus dans l'espace de cinquante ans à l'abolition de cette ancienne & honteuse fête, que la puissance ecclésiastique & séculiere dans le cours de mille ans. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Nous allons joindre à ce mémoire, en faveur de plusieurs lecteurs, la description de la fête des fous, telle qu'elle se célébroit à Viviers, & cette description sera tirée du vieux rituel manuscrit de cette église.

Elle commençoit par l'élection d'un abbé du clergé; c'étoit le bas - choeur, les jeunes chanoines, les clercs & enfans - de - choeur qui le faisoient. L'abbé élù & le Te Deum chanté, on le portoit sur les épaules dans la maison où tout le reste du chapitre étoit assemblé. Tout le monde se levoit à son arrivée, l'évêque lui - même, s'il y étoit présent. Cela étoit suivi d'une ample colation, après laquelle le haut - choeur d'un côté & le bas - choeur de l'autre, commençoient à chanter certaines paroles qui n'avoient aucune suite: sed dum earum cantus sapius & frequentius per partes continuando cantatur, tanto amplius ascendendo elevatur in tantum, quod una pars cantando, clamando e fort cridar vincit aliam. Tunc enim inter se ad invicem clamando, sibilando, ululando, cachinnando, deridendo, ac cum suis manibus demonsirando, pars victrix, quantum potest, partem adversam deridere conatur & superare, jocosasque trufas sine toedis breviter inferre. A parte abbatis heros, alter chorus & nolie nolierno; à parte abbatis ad fons sancti Bacon, alii Kyrie eleison, &c.

Cela finissoit par une procession qui se faisoit tous les jours de l'octave. Enfin le jour de saint Etienne, paroissoit l'évêque fou ou l'évêque des fous, épiscopus stultus. C'étoit aussi un jeune clere, différent de l'abbé du clergé. Quoiqu'il fût élû dès le jour des Innocens de l'année précédente, il ne joüissoit, à proprement parler, des droits de sa dignité que ces trois jours de S. Etienne, de S. Jean, & des Innocens. Après s'être revêtu des ornemens pontificaux, en chape, mitre, crosse, &c. suivi de son aumônier aussi en chape, qui avoit sur sa tête un petit coussin au lieu de bonnet, il venoit s'asseoir dans la chaire épiscopale, & assistoit à l'office, recevant les mêmes honneurs que le véritable évêque auroit reçûs. A la fin de l'office, l'aumônier disoit à pleine voix, silete, silete, silentium habete: - le choeur répondoit, Deo gratias. L'évêque des fous, après avoir dit l'adjutorium, &c. donnoit sa bénédiction, qui étoit immédiatement suivie de ces prétendues indulgences que son aumônier prononçoit avec gravité:

De part mossenhor l'évesque Que Dieu vos done grand mal al bescle Aves una plena banasta de pardos E dos des de raycha de sot lo mento. C'est - à - dire, de par monseigneur l'évêque, que Dieu vous donne grand mal au foie, avec une pleine pannerée de pardons, & deux doigts de rache & de gale rogneuse dessous le menton. Les autres jours les mêmes cérémonies se pratiquoient, avec la seule différence que les indulgences varioient. Voici celles du second jour, qui se repétoient aussi le troisieme:

Mossenhor quez ayssi presenz Vos dona xx banastas de mal de dens Et a vos autras donas a tressi Dona una cua de rossi. Ce qu'on peut rendre par ces mots: monseigneur qui est ici présent, vous donne vingt pannerées de mal de dents; & ajoûte aux autres dons qu'il vous a faiss, celui d'une queue de rosse.

Ces abus, quelques indécens & condamnables qu'ils fussent, n'approchoient pas encore des impiétés qui se pratiquoient dans d'autres églises du royaume, si l'on en croit la lettre circulaire citée ci - dessus, des docteurs de la faculté de Paris, envoyée en 1444 à tous les prélats de France, pour les engager à abolir cette détestable coûtume.

Belet docteur de la même faculté, qui vivoit plus de deux cents ans auparavant, écrit qu'il y avoit quatre sortes de danses; celle des lévites ou diacres, celle des prêtres, celle des enfans ou clercs, & celle des soûdiacres. Théophile Raynaud témoigne qu'à la messe de cette abominable fête, le jour de saint Etienne on chantoit une prose de l'âne, qu'on nommoit aussi la prose des fous; & que le jour de S. Jean on en chantoit encore une autre, qu'on appelloit la prose du boeuf. On conserve dans la bibliotheque du chapitre de Sens, un manuscrit en vélin avec des miniatures, où sont représentées les cérémonies de la fête des fous. Le texte en contient la description. Cette prose de l'âne s'y trouve; on la chantoit à deux choeurs, qui imitoient par intervalles & comme pour refrain, le braire de cet animal.

Cet abus a regné dans cette église, comme dans presque toutes les autres du royaume; mais elle a été une des premieres à le réformer, comme il paroît par une lettre de Jean Leguise evêque de Troyes, à Tristan de Salasar archevêque de Sens. Elle porte entre autres, que aucuns gens d'église de cette ville (de Troyes), sous umbre de leur fête aux fous, ont fait plusieurs grandes mocqueries, dérisions, & folies contre l'onneur & révérence de Dieu, & au grand contempt & vitupere des gens d'église & de tout l'état ecclésiastique... ont éleu & fait un arcevesque des fols; lequel, la veille & jour de la circoncision de Notre - Seigncur, fit l'office . . . vêtu in pontificalibus, en baillant la bénédiction solemnelle au peuple; & avec ledit arcevesque, en allant parmi la ville, faisoit porter la croix devant ly, & bailloit la bénédiction en allant en grand dérision & vitupere de la dignité arciépiscopale; & quand on leur a dit que c'étoit mal fait, ils ont dit que ainsi le fait - on à Sens, & que vous même avez commandé & ordonné faire ladite feste, combien que soye informé du contraire, &c. En effet l'évêque de Troyes auroit eu mauvaise grace de s'adresser à son métropolitain pour faire cesser cet abus, si celui - ci en eût toléré un semblable dans sa propre cathédrale. Cette lettre est de la fin du quinzieme siecle, & il paroît par - là que cette fête étoit déjà abolie dans l'église de Sens. Elle l'étoit également en beaucoup d'autres, conformément aux décisions de plusieurs conciles, par le zele & la vigilance qu'apporterent les évêques à retrancher des abus si crians.

Quelques autres auteurs parlent de la coûtume établie dans certains diocèses, où sur la fin de Décembre les évêques joüoient familierement avec leur clergé, à la paume, à la boule, à l'imitation, disent-ils, des saturnales des Payens: mais cette derniere pratique, qu'on regarderoit aujour d'hui comme indécente, n'étoit mêlée d'aucune impiété, comme il en regnoit dans la fête des fous. D'autres auteurs pré<pb-> [p. 576] tendent que les Latins avoient emprunté cette derniere des Grecs: mais il est plus vraissemblable que la premiere origine de cette fête vient de la superstition des Payens qui se masquoient le premier jour de l'an, & se couvroient de peaux de cerfs ou de biches pour représenter ces animaux; ce que les Chrétiens imiterent nonobstant les défenses des conciles & des peres. Dans les siecles moins éclairés, on crut rectifier ces abus en y mêlant des représentations des mysteres: mais, comme on voit, la licence & l'impiété prirent le dessus; & de ce mélange bisarre du sacré & du profane, il ne résulta qu'une profanation des choses les plus respectacles.

Si malgré ces détails quelqu'un est encore curieux d'éclaircissemens sur cette matiere, il peut consulter les ouvrages de Pierre de Blois; Thiers, traité des jeux; l'histoire de Bretagne, tome I. pag. 586; Mezerai, abregé de l'histoire de France, tom. I. pag. 578. éd. in - 4°. dom Lobineau, histoire de Paris, tom. I. pag. 224. dom Marlot, histoire de Reims, tome II. page 769. & enfin les mémoires de du Tillot, pour servir à l'histoire de la fête des fous, imprimés à Lausanne en 1751, in - 12. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Fête des Innocens (Page 6:576)

Fête des Innocens: cette fête étoit comme une branche de l'ancienne fête des fous, & on la célébroit le jour des Innocens. Elle n'a pas disparu sitôt que la premiere; puisque Naudé, dans sa plainte à Gassendi en 1645, témoigne qu'elle subsistoit encore alors dans quelques monasteres de Provence. Cet auteur raconte qu'à Antibes, dans le couvent des Franciscains, les religieux prêtres ni le gardien n'alloient point au choeur le jour des Innocens, & que les freres lais qui vont à la quête, ou qui travaillent au jardin & à la cuisine, occupoient leurs places dans l'église, & faisoient une maniere d'office avec des extravagances & des profanations horribles. Ils se revêtoient d'ornemens sacerdotaux, mais tous déchirés, s'ils en trouvoient, & tournés à l'envers. Ils tenoient des livres à rebours, où ils faisoient semblant de lire avec des lunettes qui avoient de l'écorce d'orange pour verre. Ils ne chantoient ni hymnes, ni pseaumes, ni messes à l'ordinaire; mais tantôt ils marmotoient certains mots confus, & tantôt ils poussoient des cris avec des contorsions qui faisoient horreur aux personnes sensées. Thiers, traité des jeux. Voyez Fête des Fous.

On a conservé dans quelques cathédrales & collégiales, l'usage de faire officier ce jour - là les enfansde - choeur, c'est - à - dire de leur faire porter chape à la messe & à vêpres, & de leur donner place dans les hautes stalles, pour honorer la mémoire des enfans égorgés par l'ordre d'Hérode. C'est une pratique pieuse qui n'étant accompagnée d'aucune indécence, ne se ressent en rien de la mascarade contre laquelle Naudé s'est élevé si justement, & encore moins de l'ancienne fête des fous. (G)

Fêtes (Page 6:576)

Fêtes, (Jurispr.) on ne peut faire aucun exploit les jours de fêtes & dimanche, ni rendre aucune ordonnance de justice, si ce n'est dans les cas qui requierent célérité. Voy. Ajournement & Exploit.

Le conseil du roi s'assemble les jours de fêtes & dimanche comme les autres jours, attendu l'importance des matieres qui y sont portées.

C'est au juge laïc & non à l'official, à connoître de l'inobservation des fêtes commandées par l'église, contre ceux qui les ont transgressées en travaillant à des oeuvres serviles un jour férié. Voyez Fevret en son traité de l'abus, liv. IV. ch. viij. n°. 3.

Fêtes de Palais (Page 6:576)

Fêtes de Palais, sont certains jours fériés ou de vacations, auxquels les tribunaux n'ouvrent point. On peut néanmoins ces jours - là faire tous exploits, ces jours de fêtes n'étant point chommés. (A)

Fête de Village (Page 6:576)

Fête de Village: le droit de l'annoncer par un cri public, est un droit seigneurial. Voyez ce qui en a été dit ci - devant au mot Cri de la Fête . (A)

Fête (Page 6:576)

Fête, (Beaux - Arts.) solennité ou réjoüissance, & quelquefois l'une & l'autre, éta blie ou par la religion, ou par l'usage, ou occasionnée par quelque évenement extraordinaire, qui intéresse un état, une province, une ville, un peuple, &c.

Ce mot a été nécessaire à toutes les nations: elles ont toutes eu des fêtes. On lit dans tous les histo riens, que les Juifs, les Payens, les Turcs, les Chino is ont eu leurs solennités & leurs réjoüissances publiques. Les uns dérivent ce mot de l'hébreu *P*T**N, qui signifie feu de Dieu: les autres pensent qu'il vient du mot latin feriari: quelques savans ont écrit qu'il tiroit son origine du grec E)S2I/A, qui veut dire foyer, &c.

Toutes ces étymologies paroissent inutiles: elles indiquent seulement l'antiquité de la chose que notre mot fête nous désigne.

Nous passerons rapidement sur les fêtes de solennité & de réjoüissance des Juifs, des Payens, & de l'Eglise. Il y en a qui furent établies par les lois politiques, telles que celles qu'on célébroit en Grece. Celles des Juifs émanoient toutes de la loi de Moyse; & les réjoüissances ou solennités des Romains, tenoient également à la religion & à la politique.

On les connoîtra successivement dans l'Encyclopédie, si on veut bien les chercher à leurs articles. Voyez Bacchanales, Saturnales, Tabernacles , &c. & les articles précédens.

Il ne sera point question non plus des fêtes de notre sainte religion, dont les plus considérables sont ou seront aussi détaillées sous les mots qui les désignent. On se borne ici à faire connoître quelquesunes de ces magnifiques réjoüissances qui ont honoré en différens tems les états, les princes, les particuliers même, à qui les Arts ont servi à manifester leur goût, leur richesse, & leur génie.

Les bornes qui me sont prescrites m'empêcheront aussi de parler des fêtes des siecles trop reculés: les triomphes d'Alexandre, les entrées des conquérans, les superbes retours des vainqueurs romains dans la capitale du monde, sont répandus dans toutes nos anciennes histoires. Je ne m'attache ici qu'à rassembler quelques détails, qui forment un tableau historique des ressources ingénieuses de nos Arts dans les occasions éclatantes. Les exemples frappent l'imagination & l'échauffent. On peint les actions des grands hommes aux jeunes héros, pour les animer à les égaler; il faut de même retracer aux jeunes esprits, qu'un penchant vif entraîne vers les Arts, les effets surprenans dont ils ont avant nous été capables: à cette vûe, on les verra prendre peut - être un noble essor pour suivre ces glorieux modeles, & s'échauffer même de l'espoir tout - puissant de les surpasser quelque jour.

Je prens pour époque en ce genre des premiers jets du génie, la fête de Bergonce de Botta, gentilhomme de Lombardie; il la donna dans Tortone vers l'année 1480, à Galéas duc de Milan, & à la princesse Isabelle d'Arragon sa nouvelle épouse.

Dans un magnifique sallon entouré d'une galerie, où étoient distribués plusieurs joüeurs de divers instrumens, on avoit dressé une table tout - à - fait vuide. Au moment que le duc & la duchesse parurent, on vit Jason & les argonautes s'avancer fierement sur une symphonie guerriere; ils portoient la fameuse toison - d'or, dont ils couvrirent la table après avoir dansé une entrée noble, qui exprimoit leur admiration à la vûe d'une princesse si belle, & d'un prince si digne de la posséder.

Cette troupe céda la place à Mercure. Il chanta un récit, dans lequel il racontoit l'adresse dont il venoit

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