ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"567"> de fréquentes occasions de s'enivrer; & l'habitude de la crapule une fois contractée, seréveille malheureusement au milieu même de leur occupation; on ne l'éprouve que trop tous les jours, pour peu qu'on fasse travailler. On voit avec chagrin que les ouvrages languissent, & que rien ne se finit qu'avec beaucoup de lenteur; le tout au grand dommage du public, sur qui tombent ces retardemens & ces pertes. On peut dire encore que la décision des procès & l'expédition des autres affaires souffrent beaucoup des fêtes, & il n'est pas jusqu'aux études classiques qui n'en soient fort dérangées.

Les Arméniens, en partie catholiques, & tous négocians des plus habiles, sentant le préjudice que leur causoient les fêtes, les ont toutes mises au dimanche, à l'exception de quatre. Voyez état présent de l'Empire ottoman, page 406. Une disposition semblable fut proposée à Rome en 1741 ou 1742; & après une discussion de plusieurs années sur cette matiere importante, le pape Benoît XIV. à - présent regnant, a laissé toute liberté en Italie de retrancher ou de modifier le nombre des fêtes: c'est pourquoi, disent des journalistes non suspects en cette matiere,

« plusieurs évêques de ce pays - là ont considéré que les dimanches & quatre ou cinq grandes solennités suffisoient au peuple, & qu'il ne falloit pas lui laisser dans une multitude d'autres fêtes, le prétexte ou l'occasion de perdre son tems, son argent, son innocence, & le fruit de l'instruction des pasteurs. En conséquence, nous dit - on, les retranchemens ont été faits; & après quelques petites contradictions, qui étoient le cri de la coûtume plûtôt que de la piété, tout le monde a été content ». Journ. de Trév. I. vol. de Mai 1754.

Pareil retranchement s'est fait dans les états du roi de Prusse & dans les Pays - Bas catholiques (Gazette de France, 21 Août 1751) : un autre enfin tout récemment dans l'Autriche & pays héréditaites, où l'on a supprimé tout - d'un - coup vingt - quatre fêtes (Mercure d'Avril 1754) ; desorte que dans tout le monde chrétien nous sommes aujourd'hui presque les seuls esclaves sur cela de l'ignorance & de la coûtume; & qu'ainsi nos voisins, si glorieux autrefois de nous imiter, ne veulent plus nous laisser que l'honneur de marcher sur leurs traces.

Supposé donc l'abus des fêtes une fois bien reconnu, je crois, sauf meilleur avis, que la distribution suivante seroit tout ensemble commode & raisonnable; & pour commencer par la Circoncision, elle sera fixée au premier dimanche de Janvier; les Rois seront fêtés le second dimanche du même mois; sainte Génevieve sera mise au dimanche suivant.

La Purification viendra toûjours le premier dimanche de Février, S. Matthias le dernier dimanche du même mois. L'Annonciation sera chommée le premier dimanche ou tel autre que l'on voudra du mois de Mars.

Au surplus on fêtera le lundi de Pâque, afin de procurer du loisir aux peuples pour satisfaire au devoir pascal: c'est ainsi qu'en ont usé quelques évêques. Mais pour ce qui est de la Pentecôte, il n'y aura pas plus de fêtes qu'à la Trinité; & cela, comme on l'a dit, parce que ce tems, si propre pour toutes sortes de travaux, devient, au moyen des fêtes, un tems de plaisir, d'excès & de libertinage; ce qui nuit également aux bonnes moeurs & à l'économie publique: Neomeniam & sabbatum, & festivitates alias non feram; iniqui sunt coetus vestri. Isaïe j. 13.

La fête de S. Jacques & S. Philippe tombera au premier dimanche de Mai. On ne touchera point à l'Ascension; mais la Fête - Dieu sera transportée au dimanche d'après la Trinité, & la petite Fête - Dieu au dimanche suivant.

La S. Jean viendra le dernier dimanche de Juin, & la S. Plerre le premier dimanche de Juillet; S. Jacques & S. Christophe le dernier dimanche du même mois.

La fête de S. Laurent se chommera le premier dimanche du mois d'Août: l'Assomption sera mise au samedi suivant; & le vendredi, veille de la fête, sera jeûne à l'ordinaire. S. Barthelemi & S. Louis seront fêtés los deux derniers dimanches du même mois.

La Nativité vient naturellement le premier dimanche de Septembre; S. Matthieu & S. Michel, les deux derniers dimanches du même mois. S. Denis & S. Simon seront chommés en deux dimanches d'Octobre.

La fête de tous les Saints sera fixée au samedi qui précédera le premier dimanche de Novembre, & les Trépassés au lendemain, ou, si l'on veut, au lundi subséquent; mais avec ordre de la police d'ouvrir de bonne - heure les atteliers & les boutiques. Saint Marcel, S. Martin & S. André se chommeront aussi le dimanche, & dans le mois de Novembre. La Conception, S. Thomas, S. Etienne & S. Jean occuperont les dimanches du mois de Décembre.

Les Innocens seront supprimés par - tout, comme ils le sont déjà dans plusieurs diocèses; mais le jour de Noël sera fêté séparément le samedi, veille du dernier dimanche de l'année. Au reste la raison de convenance pour fixer les plus grandes fetes au samedi, c'est pour en augmenter la solennité en les rapprochant du dimanche, & sur - tout pour faire tomber le jeûne au vendredi.

Les fêtes de patron peuvent aussi être chommées le dimanche; & feu M. Languet, curé de S. Sulpice, en a donné l'exemple à tout Paris. Plût au ciel que les curés & autres supérieurs ecclésiastiques voulussent bien établir partout la même pratique! Du reste plusieurs paroisses ont deux patrons, & conséquemment deux fêtes: mais, en bonne foi, c'en est trop, & rien n'est plus nuisible pour les gens laborieux: on pourroit en épargner une, indépendamment de toute autre nouveauté, en fêtant les deux patrons dans un seul jour.

Je ne dois pas oublier un abus qui mériteroit bien l'attention de la police: c'est que les communautés des arts & du négoce ne manquent point de fermer boutique le jour de leur prétendue fête, il y a même des communautés qui en ont deux par an; & quoiqu'il n'y ait rien de plus arbitraire que de pareilles institutions, elles font payer une amende à ceux de leur corps qui vendent ou qui travaillent ces jourslà. Si ce n'est pas là de l'abus, j'avoue que je n'y connois rien. Je voudrois donc rejetter ces sortes de fêtes au dimanche, ou mieux encore les supprimer tout - à - fait, attendu qu'elles sont toûjours moins favorables à la piété qu'à la fainéantise & à l'ivrognerie: iniqui sunt coetus vestri, calendas vestras & solemnitates vestras odivit anima mea. Isaïe j. 13.

On me permettra bien de dire un mot des fêtes de palais, & sur - tout des fêtes de collége, du landi, des processions du recteur, &c. Tout cela n'est appuyé, ce me semble, que sur le penchant que nous avons à la paresse; mais tout cela n'entre point dans l'esprit des fondateurs, & ne s'accorde point avec le service du public. Il vaudroit mieux faire son devoir & son métier, veiller, instruire & former la jeunesse, que de s'amuser, comme des enfans, à faire des processions & des tournées qui embarrassent la voie publique, & qui ne sont d'aucune utilité. Encore seroit - ce demi - mal, si l'on y employoit des fêtes ou des congés ordinaires; mais on s'en donne bien de garde: la tournée ne seroit pas complette, si l'on ne perdoit un jour entier à la faire, sans préjudice de tant d'autres congés qui emportent la meilleure partie de l'année, & qui nuisent infiniment au bien des études & à l'institution des moeurs. [p. 568]

Au reste, l'arrangement qu'on a vû ci - devant, est relatif aux fêtes chommées à Paris; mais s'il se fait là - dessus un réglement pour tout le royaume, il sera aisé d'arranger le tout pour le mieux & d'une maniere uniforme. En général, il est certain que moins il y aura de fêtes, plus on aura de respect pour les dimanches & pour les fêtes restantes, & sur - tout moins il y aura de misérables. Une grande commodité qui s'ensuivroit pour le public, c'est que les jeûnes qui précedent les fêtes, tomberoient toûjours le vendredi ou le samedi, & conséquemment s'observeroient avec moins de répugnance que lorsqu'ils viennent à la traverse au milieu des jours gras: outre que ce nouvel ordre fixant la suite du gras & du maigre, ce seroit, en considérant les choses civilement, un avantage sensible pour le ménage & pour le commerce, qui seroient en cela moins dérangés.

J'observerai à cette occasion, qu'au lieu d'entremêler, comme on fait, les jours gras & les jours maigres, il conviendroit, pour l'économie générale & particuliere, de restraindre aux vendredis & samedis tous les jours de jeûne & d'abstinence, non compris le carême.

On pourroit donc, dans cette vûe de commodité publique, supprimer l'abstinence des Rogations, aussi - bien que celle de S. Marc. Quant aux processions que l'on fait ces jours - là, on devroit, pour le bien des travailleurs, les rejetter sur autant de dimanches, dont le loisir, après tout, ne sauroit être mieux rempli que par ces exercices de piété.

A l'égard du maigre qu'on nous épargneroit, je trouve, si l'on veut, une compensation facile; ce seroit de rétablir dans tout le royaume l'abstinence des cinq ou six samedis qu'il y a de Noël à la Purification.

Quant aux jeûnes, il me semble, vû le relâchement des Chrétiens, qu'il y en a trop aujourd'hui, & qu'il en faudroit supprimer quelques - uns; par exemple, ceux de S. Laurent, S. Matthieu, S. Simon & S. André, aussi - bien que les trois mercredis des quatre - tems de la Trinité, de la S. Michel & de Noël: pour lors il n'y auroit plus, outre le carême, que douze jours de jeûne par année; savoir six jours pour les quatre - tems, & six autres jours pour les vigiles de la Pentecôte, de la S. Jean, de la S. Pierre, de l'Assomption, de la Toussaint, & de Noël.

Ainsi, hors le carême qui demeure en son entier, on ne verroit que les vendredis & samedis sujets au jeûne & au maigre; arrangement beaucoup plus supportable, & qui nous exposeroit moins à la transgression du précepte, ce qui est fort à considérer pour le bien de la religion & la tranquillité des consciences.

J'ajoûte enfin que pour procurer quelque douceur aux pauvres peuples, & pour les soulager, autant qu'il est possible, en ce qui est d'institution arbitraire, nos magistrats & nos évêques, loin d'appesantir le joug de Jesus - Christ, devroient concourir une bonne fois pour assûrer l'usage des oeufs en tout tems: j'y voudrois même joindre l'usage de la graisse, lequel pourroit être permis en France, comme il l'est, à ce qu'on dit, en Espagne & ailleurs. Et, pour parler en chrétien rigide, il vaudroit mieux défendre dans le jeûne toutes les liqueurs vineuses, de même que le café, le thé, le chocolat; interdire alors les cabarets aux peuples, hors les cas de nécessité, que de leur envier de la graisse & des oeufs. Ils ont communément ces denrées pour un prix assez modique, au lieu qu'ils ne peuvent guere atteindre au beurre, encore moins au poisson, & que les moindres légumes sont souvent rares & fort chers; ce qui seroit peut - être une raison pour fixer la fête de Pâque au premier dimanche de Mai, dans la vûe de rapprocher le carême des herbes & légumes du printems.

A l'égard des grands & des riches de toutes conditions & de toutes robes, ces sortes de lois ne sont pas proprement faites pour eux; & si quelques - uns se privent de certains mets, ils savent bien d'ailleurs s'en procurer d'excellens: alligant onera gravia. Matth. xxiij. 4.

N'en disons pas davantage; & concluons que pour diminuer le scandale des transgressions, pour tranquilliser les ames timorées, & sur - tout pour l'aisance & la douceur d'une vie d'ailleurs remplie d'amertume, le libre usage de la graisse & des oeufs doit être établi par - tout, & pour tous les tems de l'année.

Je dois encore remarquer ici que la transposition des fêtes seroit un objet d'économie pour la fabrique des églises, puisqu'il y auroit moins de dépense à faire en cire, ornemens, service, &c. Il s'ensuivroit encore un autre avantage considérable, en ce que ce seroit un moyen de rendre simple & uniforme l'office divin. En effet, comme il n'y a pas d'apparence que pour une fête ainsi transposée on changeât sensiblement l'office ordinaire du dimanche, il est à croire qu'on y laisseroit les mêmes pseaumes & autres prieres qu'on y fait entrer, & qu'il n'y auroit de changement que pour les oraisons & les hymnes appropriées aux fêtes.

Ce seroit pareillement une occasion favorable pour réformer le bréviaire, le chant, & les cérémonies, tant des paroisses que des communautés & collégiales.

Tout cela auroit besoin de revision, & pourroit devenir plus simple & plus uniforme; d'autant mieux que les arrangemens proposés se faisant de l'autorité du roi & des évêques, seroient en conséquence moins confus & moins variables. Il n'est pas douteux que ces changemens n'inspirassent plus de respect, & ne donnassent plus de goût pour le service divin; au lieu que les variétés bisarres qu'on y voit aujourd'hui, formant une espece de science peu connue des fideles, je dis même des gens instruits, plusieurs se dégoûtent de l'office paroissial, & perdent les précieux fruits qu'ils en pourroient tirer. A quoi contribue bien encore le peu de commodité qu'il y a dans nos églises; il y manque presque toûjours ce qui devroit s'y trouver gratis pour tout le monde, je veux dire le moyen d'y être à l'aise, & proprement assis ou à genoux.

En effet n'est - on pas un peu scandalisé de voir l'attention de nos pasteurs à se procurer leurs aises & leurs commodités dans les églises, & de voir en même tems leur quiétude & leur indifférence sur la position incommode & peu décente où s'y trouvent la plûpart des fideles, ordinairement pressés & coudoyés dans la foule, étourdis par le bruit des cloches & des orgues, importunés par des mendians, interpellés pour des chaises, enfin mis à contribution par des quêteuses jeunes & brillantes? Qui pourroit compter avec cela sur quelques momens d'attention?

J'ajoûterai à ces réflexions, que les messes en plusieurs églises ne sont point assez bien distribuées; il arrive souvent qu'on en commence deux ou trois à la - fois, & qu'ensuite il se passe un tems considérable sans qu'on en dise: de sorte qu'un voyageur, une femme occupée de son ménage, & autres gens semblables, ne trouvent que trop de difficulté pour satisfaire au précepte.

On diroit à voir certains célébrans, qu'ils regardent la messe comme une tâche rebutante & pénible dont il faut se libérer au plus vîte, & sans égard pour la commodité des fideles.

Quelqu'un s'étant plaint de ce peu d'attention dans une communauté près de Paris, on lui répondit honnêtement, que la communauté n'étoit pas faite

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