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Fêtes des Mahométans (Page 6:565)
Fêtes des Chinois (Page 6:565)
Fêtes des Chrétiens (Page 6:565)
En révérant par des fêtes des hommes qu'une vie sainte & mortifiée a rendus recommandables, ils ont voulu nous proposer leur exemple, & nous rappeller le souvenir de leurs vertus; mais sur - tout en mstituant leurs fêtes, ils ont voulu consacrer les grands évenemens de la religion; évenemens par lesquels Dieu nous a manifesté ses desseins, sa bonté, sa puissance Telles sont dans le Christianisme la naissance du Sauveur, & sa résurrection; telles sont encore l'ascension, la descente du S. Eiprit, &c.
Les fêtes, qui n'étoient pas d'abord en grand nombre, se multiplierent dans la suite à l'excès; à la fin tout le monde en a tenti l'abus. Ce fut l'un des premiers objets de réforme parmi les Protestans. On a de même supprimé bien des fêtes parmi les Catholiques; & il semble que l'usage soit aujourd'hui de les retrancher presque partout. Ces changemens au reste se font tous les jours par les évêques, sans que l'église ni le gouvernement ayent rien déterminé là - destus; ce qui seroit néanmoins beaucoup plus convenable, pour établir l'uniformité du culte dans les différens diocèses.
Quand l'esprit de piété n'anime point les fideles dans la célébration des fêtes, ce qui n'est que trop ordinaire aujourd'hui parmi nous, il est certain quelles nuisent sensiblement à la religion; c'est une vérité que Dieu a pris soin d'annoncer lui - même par la bouche d'Isaïe, & que M. Thiers, entr'autres modernes, a bien développée de nos jours.
On n'a pas démontré de même, quant à l'intérêt national, à quel point le public étoit lésé dans la cessation des travaux, prescrite aux jours de fêtes. C'est là néanmoins une discussion des plus intéressantes; & c'est à quoi cet article est principalement destiné.
Les biens physiques & réels, je veux dire les fruits de la terre & toutes les productions sensibles de la nature & de l'art, en un mot les biens nécessaires pour notre subsistance & notre entretien, ne se produisent point d'eux - mêmes, sur - tout dans ces climats; la providence les a comme attachés & même proportionnés au travail effectif des hommes. Il est visible que si nous travaillons davantage, nous augmenterons par cela même la quantité de nos biens; & cette augmentation sera plus sensible encore, si nous faisons beaucoup moins de dépense. Or je trouve qu'en diminuant le nombre des fêtes, on rempliroit tout - à - la - fois ces deux objets; puisque multipliant par - là les jours ouvrables, & par conséquent les produits ordinaires du travail, on multipliroit à proportion toutes les especes de biens, & de plus on sauveroit des dépenses considérables, qui sont une suite naturelle de nos fêtes; sur quoi je fais les observations suivantes.
On compte environ trente - sept fêtes à Paris, mais il y en a beaucoup moins en plusieurs provinces. Après une suppression qui s'est faite dans quelques diocèses, il s'y en trouve encore vingt - quatre: partons de ce point - là, & supposons vingt - quatre fêtes actuellement chommées dans tout le royaume. Maintenant je suppose qu'on ne réserve que le lundi de Pâque, l'Ascension, la Notre - dame d'Août, la Toussaint, & le jour de Noël, je suppose; dis - je, qu'on laisse ces cinq fêtes telles à - peu - près qu'elles sont à présent, & qu'on transporte les autres au dimanche.
On sait qu'il est consacré par - tout aux plus grandes fêtes de l'année, telles que Pâque, la Pentecôte, la Trinité: les autres fêtes les plus solennelles, comme Noel, la Circoncision, l'Epiphanie, l'Assomption, la Toussaint, se chomment également le dimanche, quand elles tombent ce jour - là, sans qu'on y trouve aucun inconvénient.
Je m'imagine donc que les plus religieux ne désapprouveront pas l'arrangement proporé, sur - tout si l'on se rappelle que la loi d'un travail habituel & pénible fut la premiere & presque la seule imposée à l'homme prévaricateur, & qu'elle entre ainsi beaucoup mieux que les fêtes dans le système de la vraie piété. Maledicta terra in opere tuo; in laboribus comedes ex eâ cunctis diebus vitoe tuoe.... in sudore vultûs tui vesceris pane. Genese, 3. 17. 19. En effet, l'établissement arbitraire de nos fêtes n'est il pas une violation de la loi divine qui nous assujettit à travailler durant six jours, sex diebus operaberis? Exod. 20. 9. Et peut - il être permis à l'homme de renverser un ordre que Dieu a prescrit lui - même, ordre d'ailleurs qui tient essentiellement à l'économie nationale? ce qui est au reste si notoire & si constant, que si les supérieurs ecclésiastiques instituoient de nos jours de nouvelles fêtes, de même que des jeûnes, des abstinences, &c. le ministere public, plus éclairé qu'autrefois, ne manqueroit pas d'arrêter ces entreprises, qui ne peuvent avoir lieu qu'après une discussion politique, & de l'aveu du gouvernement; & qui ne se sont formées pour la plûpart que dans les premiers accès d'une ferveur souvent mal ordonnée, ou dans ces siecles d'ignorance & de barbarie, qui n'avoient pas de justes notions de la piété.
Au surplus, il est certain qu'en considérant les abus inséparables des fêtes, la transposition que je propose est à desirer pour le bien de la religion; attendu que ces saints jours consacrés par l'Eglise à la piété, deviennent dans la pratique des occasions de [p. 566]
Qui ne voit par - là que nos fêtes, dès - là qu'elles sont profanées par le grand nombre, nous éloignent véritablement du but qu'on s'est proposé dans leur institution?
Mais du reste en les portant comme on a dit aux dimanches, les ames pieuses s'en occuperoient comme auparavant, & comme elles s'en occupent dès - à - présent toutes les fois qu'elles tombent ces jours - là. Rien ne convient mieux en effet pour sanctifier le jour du Seigneur, que d'y faire mémoire des Saints, de les invoquer, chanter leurs louanges; leur gloire est celle de Dieu même: mirabilis Deus in Sanctis suis. Ps. 67. On peut donc remplir ces pieux devoirs au jour du dimanche, sans perdre civilement des jours que Dieu a destinés au travail. Sex diebus operaberis. Revenons à notre calcul.
Supposant comme on a dit, vingt - quatre fêtes pour tout le royaume, & les chommant desormais le dimanche, à l'exception des cinq des plus solennelles, c'est dix - neuf fêtes épargnées en faveur de nos travaux; cependant comme il en tombe toûjours quelques - unes au dimanche, ce qui les diminue d'autant, ne comptons que sur seize journées acquises par la transposition des fêtes.
Nous pouvons évaluer les journées pour hommes & pour femmes dans les campagnes éloignées à six sous prix commun pour toutes les saisons, & c'est mettre les choses fort au - dessous du vrai. Mais, la bonne moitié de nos travailleurs, je veux dire tous ceux qui sont employés dans les villes considérables & dans les campagnes qui en sont voisines, tous ceux - là, dis - je, gagnent au moins du fort au foible quatorze sous par jour. Mettons donc quatorze sous pour la plus forte journée, & six sous pour la plus foible, c'est - à - dire dix sous pour la journée commune.
Nous pouvons mettre au moins cinq sous de perte
Je conviens qu'il peut y avoir quelques ouvriers & autres petites gens, sur - tout dans les campagnes, qui en non - travail & surcroît de dépenses, ne perdent pas quinze sous par jour de fête; mais combien en trouvera - t - on d'autres qui perdent infiniment davantage? Un bon ouvrier dans les grandes villes, un homme qui travaille avec des compagnons, un chef, un maître de manufacture, un voiturier que le respect d'une fête arrête avec ses chevaux, un laboureur qui perd une belle journée, & qui, au milieu de l'ouvrage demeure à rien faire lui & tout son monde, un maître maçon, un maître charpentier, &c. tous ces gens - là, dis - je, comptant le non - travail & l'augmentation de dépense ne perdent - ils que quinze sous par jour de fête? D'autre côté les négocians, les gens de plume & d'affaires, qui tous profitent moins pendant les fêtes, & qui font eux & leur famille beaucoup plus de dépense, ne perdent - ils aussi que quinze sons chacun? On en jugera sans peine, pour peu qu'on connoisse leur façon de vivre.
Maintenant sur dix - huit à vingt - millions d'ames que l'on compte dans le royaume, supposons huit millions de travailleurs, y compris les artisans, manufacturiers, laboureurs, vignerons, voituriers, marchands, praticiens, gens d'affaires, &c. y compris encore un grand nombre de femmes tant marchandes qu'ouvrieres, qui toutes perdent aux fêtes à - peu - près comme les hommes. Or s'il y a huit millions de travailleurs en France à qui l'on puisse procurer de plus tous les ans seize jours de travail & d'épargne, à quinze sous par jour, ou comme on a vû à douze francs par année, c'est tout d'un coup quatre - vingt - seize millions de livres que les fêtes nous enlevent, & que nous gagnerions annuellement si l'on exécutoit ce que je propose.
En effet, l'argent n'entrant dans le royaume, & sur - tout les biens physiques ne s'y multipliant qu'à proportion du travail & de l'épargne, nous les verrons croître sensiblement dès que nous travaillerons davantage, & que nous dépenserons moins. Conséquemment tous nos ouvrages, toutes nos marchandises & denrées deviendront plus abondantes & à meilleur compte, & nos manufactures ne seront pas moins fructueuses que celles des Anglois, des Allemands, & des Hollandois, à qui la suppression des fêtes est devenue extrèmement profitable.
Au reste, outre la perte du tems & les frais superflus qui s'ensuivent de nos fêtes, elles dérangent tellement les foires & les marchés, que les commerçans voituriers & autres ne savent bien souvent à quoi s'en tenir là - dessus; ce qui cause immanquablement de l'inquiétude & du dommage; au lieu que fi nos fêtes étoient supprimées ou mises au dimanche, les marchés ordinaires ne seroient plus dérangés. A l'égard des foires qui suivroient les fêtes transposées, on pourroit les fixer au lundi d'après chaque fête, elles y seroient beaucoup mieux qu'aux jours maigres qui ne sont jamais commodes pour la tenue des foires.
Quoi qu'il en soit, il est certain que les fêtes nuisent
plus qu'on ne sauroit dire à toutes sortes d'entreprises
& de travaux, & qu'elles contribuent même
à débaucher les ouvriers: elles leur fournissent
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