ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"519"> vient d'en être donnée, & à ce qui en sera dit à la fin de cet article: on évite ainsi la consusion, qui ne pourroit manquer de suivre de l'abus de ce terme dont on saisoit usage indistinctement (depuis Vanhelmont jusqu'à l'extinction de la secte des medecins, que l'on appelloit chimique), pour exprimer toute sorte de mouvement intestin, excite par un principe quelconque, dans les parties intégrantes de deux corps de nature hétérogene telle qu'elle soit, avec tendance à la perfection des corps fermentans, ou à leur transformation en des substances différentes de ce qu'ils étoient; ensorte que la raréfaction, l'effervescence, la putréfaction, n'étoient aucunement distingués de la fermentation, & étoient prises assez indifferemment les unes pour les autres. C'est ainsi que Willis représente la fermentation, dans la définition que l'on en trouve dans le traité de cet auteur sur ce sujet, de fermentat. cap. iij. définition aussi vague, aussi peu appropriée, que le système auquel elle servoit de principe pour rendre raison de tous les phénomenes de l'économie animale.

Les différentes fermentations que l'on imaginoit dans les différens fluides du corps humain; les fermens, c'est - à - dire les substances auxquelles on attribuoit la propriété de produire des mouvemens intestins, par leur mélange dans nos humeurs, étoient en effet les grands agens auxquels on attribuoit toutes les opérations du corps humain, tant dans l'état de sante que dans celui de maladie. Voyez Ferment. Telle étoit la base de la théorie de Vanhelmont, de Sylvius Deleboë, de Viridetus, & de toute la secte chimique, qui varioient dans les combinaisons des fermens & de leur action: mais ils se réunissoient tous en ce point principal, qui consistoit à ne raisonner en Medecine que d'après l'idée des mouvemens intestins dans les humeurs, à ne faire contribuer pour ainsi dire en rien l'action des parties organiques dans les diverses fonctions du corps humain.

C'est pourquoi ces medecins ont été mis au nombre des humoristes. Voyez Humoristes. Et pour les distinguer parmi ceux - là qui sont partagés en différentes sectes, on a donné le nom de fermertateurs à ceux dont il s'agit ici: c'est au moins ainsi qu'ils ont été désignés dans plusieurs ouvrages modernes, tels que ceux de M. Senac, celui de M. Quesnay sur les sievres continues, &c.

L'histoire des erreurs n'est peut - être pas moins utile, & ne fournit pas moins d'instruction que celle des vérites les plus reconnues; ainsi il est à - propos de ne pas se borner ici à donner une idée générale des opinions des fermentateurs qui ont joué un si grand role sur le théatre de la Medecine moderne, il convient encore d'y joindre une exposition particuliere de ce qui peut servir à faire connoître l'essentiel de leur doctrine, & de la maniere dont elle a été réfutée, pour ne rien laisser à desirer sur ce sujet, dans un ouvrage fait pour transmettre à la postérité toutes les productions de l'esprit humain connues de nos jours, toutes les opinions, tous les systemes scientifiques qui sont jugés dignes par eux - mêmes ou par la réputation de leurs auteurs d'être relevés, & que l'on peut regarder comme des vérités à cultiver, ou comme des écucils à éviter: ainsi après avoir rappellé combien on a abusé, par rapport à la fermentation, & du terme & de la chose, il sera à - propos de terminer ce qu'il y a à dire sur ce sujet concernant la physique du corps humain, en indiquant la véritable & la seule acception sous laquelle on employe & on restreint aujourd'hui le mot de fermentation dans les ouvrages de Medecine.

C'est principalement à l'égard de l'élaboration des alimens dans les premieres voies, & de leur conversion en un fluide animal, que les partisans de la fermentation mal - conçue se sont d'abord exercés à lui attribuer toute l'efficacité imaginable; c'est conséquemment dans l'estomac & dans les intestins qu'ils commencerent à en établir les opérations: d'où ils étendilent ensuite son domaine dans les voies du sang & dans celles de toutes les humeurs du corps humain, par un enchaînement de conséquences qui résultoient de leurs principes, toûjours ajustés à se prêter à tout ce que peut suggérer l'imagination, lorsqu'elle n'est pas reglée par le frein de l'expérience.

C'est une opinion fort ancienne, que l'acide sert à la chylification, Galien fait mention d'un acide pour cet usage, dans son traité de usu partium, lib. IV. cap. viij. il conjecture qu'il est porté de la rate dans l'estomac une sorte d'excrément mélancholique ou d'humeur atrabilaire, qui par sa nature acide & âpre, a la faculté d'exciter les contractions de ce viscere. Avicenne paroît avoir positivement adopté ce sentiment: lib. I. can. feu. 1. doctr. 4. cap. j. C'est aussi dans le même sens que l'on trouve que Riolan (antropogr. l. II. c. xx.) attribue à l'acide la chylification. Castellus, medecin de l'école de Messine, alla plus loin; ne trouvant pas (selon ce qui est rapporté dans sa lettre à Severinus) que la coction des alimens puisse s'opérer par le seul effet de la chaleur, puisqu'on ne peut pas faire du chyle, dans une marmite sur le feu, parla le premier de fermentation comme d'un moyen propre à suppléer à ce défaut. Il prétendit que cette puissance physique est nécessaire, est employée par la nature pour ouvrir, dilater les pores des alimens dans l'estomac, pour les faire enfler & les rendre perméables comme une éponge, afin que la chaleur puisse ensuite les pénétrer d'une maniere plus effica ce qu'elle ne feroit sans cette préparation, asin qu'e le en opere mieux la dissolution & les rende plus miscibles entr'eux. Telle fut l'opinion de celui que l'on pourroit regarder à juste titre comme le chef des fermentateurs (qui n'en est certainement pas le moins raisonnable), c'est - à - dire de ceux qui ont introduit la fermentation dans la physique du cotps humain.

Mais personne avant le fameux Vanhelmont ne s'étoit avisé, pour expliquer l'oeuvre de la digestion, de soûtenir l'existence d'une humeur acide en qualité de ferment, qui soit produite & inhérente dans le corps humain; personne avant cet auteur n'avoit enseigné qu'un ferment peut dissoudre les alimens de la même maniere que se font les dissolutions chimiques par l'effet d'un menstrue. Vanhelmont conçut cette idée avant qu'il pût avoir connoissance de la découverte de la circulation du sang; & quoique cette découverte ait été faite de son tems, il s'étoit trop acquis de réputation par son systeme, & il en étoit trop prévenu, peut - être même trop persuadé, pour y renoncer.

Ainsi tant que la circulation n'étoit pas admise, on étoit fort embarrassé de trouver une cause à laquelle on pût solidement attribuer la chaleur animale: cependant on voyoit que les alimens les plus froids de leur nature, & qui n'ont aucun principe de vie par eux - mêmes. contractent dans le corps humain la chaleur vitale, qu'ils semblent porter & renouveller continuellement dans toutes ses parties; chaleur absolument semblable à celle qui les animoit avant que ces alimens fussent pris, digérés, & mêlés avec les différentes humeurs animales. On observoit par les expériences convenables, que les substances acides employées pour la nourriture, sont changées par l'effet de la digestion & de la coction des humeurs, en un fluide d'une nature si différente, qu'on peut sans aucune altération en tirer un sel volatil; changement dont il est certainement bien difficile de rendre raison.

Helmont, qui étoit tellement passionné pour la [p. 520] Chimie qu'il ne croyoit pas qu'il y eût d'autre moyen d'étudier la nature que ceux que pouvoit fournir cette sciençe, s'appliqua à chercher la cause d'un phénomene si admirable. Il ne crut pas qu'on pût la trouver ailleurs que dans la fermentation, dans l'effet du mouvement intestin qui résulte du mélange de principes hétérogenes, d'où s'ensuit une chaleur susceptible de se communiquer, de s'étendre dans toutes les parties de la machine, & d'y rendre fluide & mobile tout ce qui doit l'être pour l'entretien de la vie: il tiroit cette derniere conséquence des expériences qui lui étoient connues, par lesquelles il est prouvé qu'il peut être produit une chaleur considérable de l'esservescence excitée entre des corps très - froids par eux - mêmes, ainsi qu'il arrive à l'égard du mélange de l'huile de vitr ol, avec le sel fixe de tartre.

Cela posé, il forma son système; il crut qu'il étoit hors de doute que la transmutation des alimens en chyle devoit être attribuée à l'efficacité d'un ferment acide, sextupl. digest. §. 2, 3, 4, 11, 12, 13; il supposoit ce ferment d'une nature absolument différente de celle d'un ferment végétal ou de tout autre acide chimique: ce ferment avoit, selon lui, un caractere spécifique; ce qu'il établistoit par des comparaisons, en le regardant comme l'esprit - de - sel qui peut dissoudre l'or, ce que ne peut faire aucun autre esprit acide; tandis que ce meme esprit - de - sel n'a aucune action sur l'argent: en un mot ce ferment étoit un acide propre au corps humain, doué de qualités convenables, pour changer les alimens en une humeur vitale par son mélange avec eux, & par la fermentation qui s'ensuivoit; en quoi il pensoit moins mal encore que ceux qui soûtenoient que le chyle ne pouvoit être préparé que par l'efficacité d'un esprit de nitre. Lowthorp. abrigaam. iij. Helmont croyoit cependant son ferment stomacal d'une nature plus subtile encore que cet esprit; il regardoit cet acide comme une exhalaison, qu'il comparoit à ce qui s'évapore des corps odoriférans; il les désignoit souvent, sub nomine fraudinis, odoris fermentativi, impregnantis: il ne pensoit pas par conséquent qu'il existât sous la forme d'un liquide bien semible & bien abondant: encore moins, qu'il formât un ferment grossier, tel que le levain du pain, quolque celui - là excite la fermentation dans les matieres alimentaires, à - peu - ples de la même maniere que celui - ci dans la pâte. Voyez un plus grand détail sur tout ceci dans les propres ouviages d'Helmont, dans ceux d'Ettmuller, &c.

Helmont donnoit la même origine que Galien & Avicenne, au prétendu acide digestif; il supposoit également avec eux, qu'il étoit porté de la rate dans l'estomac par les vaisseaux courts. Pylor. rector. §. 26.

Sylvius, l'un des plus zélés des sectateurs d'Helmont, après avoir connu la circulation du sang, moins obstiné que son maître, crut devoir s'écarter de son sentiment au sujet de cette origine du ferment acide; il fut convaincu, d'apres les expériences anatomiques, que les vaisseaux courts sont des veines qui portent le sang du ventricule à la rate, & qui ne fournissent rien au ventricule; que la rate pouvant être emportée sans que la digestion cesse de se faire, ce viscere n'y contribue donc immédiatement en rien: ces raisons étoient sans replique. Il chercha une autre source à ce ferment; il imagina la trouver dans les glandes salivaires, parce qu'il arrive quelquefois que l'on a dans la bouche une humeur regorgée si aigre, que les dents en sont agacées; ce qu'il pensa ne pouvoir être attribué qu'à la salive même.

Quant à la nature du ferment digestif, considéré par rapport à son action dans le ventricule, Helmont & toute la secte chimique cartésienne, prétendoient établir son acidité par diflérentes preuves; les prin<cb-> cipales qu'ils alléguoient, sont, 1°. qu'il a été observé que le gosier des moineaux exhale une odeur aigre; 2°. que plusieurs oiseaux avalent des grains de sable, pour corriger, disent les fermentateurs, l'activité de l'acide de leur estomac, & que l'on y trouve souvent de petits graviers qui paroissent rongés par l'effet du ferment acide; 3°. qu'il arrive souvent que les alimens aigrissent très - peu de tems après avoir été avalés; 4°. que le lait pris à jeûn, & rejeité bientôt après par le vomissement, sent fortement l'aigre, & se trouve souvent caillé; 5°. que les acides sont propres à exciter l'appétit; 6°. que les rapports d'un goût aigre sont regardés, selon Hippociate, sect. vj. aphor. 1. & par expérience, comme un bon signe à la suite des longues inappétences, des slux de ventre, des lienteries invétérees, parce qu'ils annoncent, selon les partisans de la fermentation, que le menstrue digestif recouvre l'activité qu'il avoit perdue; 7°. que les préparations martiales produisent, pendant qu'elles sont retenues dans l'estomac, des rapports d'une odeur sulphurcuse, empyreumatique; 8°. que le ventricule des animaux ouveit peu de tems après, répand de fortes exhalaisons de nature spiritueuse & véritablement acide. Telles sont les raisons les plus sortes dont se servoient les fermentateurs pour donner un fondement à leur opinion sur le ferment acide, par le moyen duquel ils prétendoient que la digestion slopere dans l'estomac.

Mais toutes ces raisons n'ont pû tenir contre les expér ences plus éclaitées, faites sans préjugé, & dans lesquelles on ne cherchoît à voir que ce qui se présentois, & non pas ce que l'on souhaitoit être conforme au systeme préétabli. Les Anatomistes, les Physiciens, serutateurs de la seule vérité, se sont donc convaincus qu'il n'y a jamais de suc acide dans l'estomac, qui soit propre à ce viscere; que qui que ce soit n'y en a jamais trouvé, ni ne peut y en trouver; que toutes les humeurs du corps humain sont insipides, & ne sont chargées d'autre principe salin que d'une sorte de sel neutre, qui approche de la nature du sel ammoniac; & qui, si on veut le rapporter à une des deux classes de sel acide & de sel alkali, auroit plus d'affinité avec la derniere.

Mais le sang tiré d'un animal à jeûn, dit M. Senac, ne présente au goût ni un acide, ni un alkali; il n'a qu'un goût de sel marin: si on le mêle même tout chaud avec des acides ou avec des alkalis, il ne s'y excite aucun bouillonnement. De ces deux résultats on peut conclure évidemment que le sang n'est ni acide ni alkali; il n'a certainement pas plus d'acidité ou d'alkalinité que les sels concrets. On peut ajoûter à tout cela, que la distillation du sang ne donne ni des acides ni des alkalis. Helmont lui - même a été forcé de convenir qu'il n'y a point d'acide dans le sang d'un homme sain (plevra furens, §. xjv. seqq); & que s'il s'y en trouve, c'est contre nature, puisqu'il produit alors des pleurésies: ainsi puisqu'il accorde le fait, que le sang, dans les vaisseaux qui pertent les humeurs aux glandes salivaires, aux glandes du ventricule, ne contient qu'un sel muriatique, sans goût, sans plquant, comment peut - ilimaginer que d'un fluide que l'on pourroit tout au plus regarder comme étant de nature presqu'alkalescente, il puisse par une métamorphose subite, en être séparé un ferment de nature acide? D'ailleurs, selen lui, la lymphe n'est pas acide. Il est prouvé que la salive & le sue gastrique ne different en rien de cette partie de nos humeurs, & que ces deux sortes de sues digestifs contiennent les mêmes principes qu'elle.

Pour ce qui est des prouves détaillées ci - devant en faveur du serment acide, voici comment on en a détruit le spécieux. 1°. L'exhalaison aigre que rend le gosier des moineaux, n'a rien qui doive tirer à consequence, si l'on fait attention que ces oiseaux qui

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