ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"515"> exactement dans le thrésor publie, ou, si l'on veut, dans celui du souverain.

Reste à savoir quel est le moyen le plus convenable, de la ferme ou de la régie, de procurer le plus sûrement & le plus doucement le plus d'argent. C'est sur quoi l'on pourroit ajoûter bien des réflexions à celles que l'on vient de faire; & c'est aussi sur quoi les sentimens peuvent être partagés, sans blesser en aucune façon la gloire ou les intérêts de l'état. Mais ce que l'on ne peut faire sans les compromettre, ce seroit d'imaginer que l'on pût tirer d'une régie tous les avantages apparens qu'elle présente, sans la suivre & la surveiller avec la plus grande attention; & certainement le même degré d'attention mis en usage pour les fermes, auroit la même utilité présente, sans compter, pour certaines conjonctures, la ressource toûjours prête que l'on trouve, & souvent à peu de frais, dans l'opulence & le crédit des citoyens enrichis.

Neuvieme réflexion de M. de Montesquieu.

« Néron indigné des vexations des publicains, forma le projet impossible & magnanime d'abolir les impôts. Il n'imagina point la régie: il fit quatre ordonnances; que les lois faites contre les publicains, qui avoient été jusque - là tenues secretes, seroient publiées; qu'ils ne pourroient plus exiger ce qu'ils avoient négligé de demander dans l'année; qu'il y auroit un préteur établi pour juger leurs prétentions, sans formalité; que les marchands ne payeroient rien pour les navires. Voilà les beaux jours de cet empereur ».

Observations. Il paroît par ce trait de Néron, que cet empereur avoit dans ses beaux jours le fanatisme des vertus, comme il est depuis tombé dans l'excès des vices.

L'idée de l'entiere abolition des impôts n'a jamais pû entrer dans une tête bien saine, dans quelques circonstances qu'on la suppose, de tems, d'hommes, & de lieux.

Les quatre ordonnances qu'il substitua sagement à cette magnanime extravagance, approchoient du moins des bons principes de l'administration. Nous avons sur les mêmes objets plusieurs lois rendues dans le même esprit, & que l'on pourroit comparer à celles - là. S'il arrive souvent que les réglemens deviennent illusoires, & que les abus leur résistent, c'est que le sort de la sagesse humaine est de pécher par le principe, par le moyen, par l'objet, ou par l'évenement. Article de M. Pesselier.

L'impartialité dont nous faisons profession, & le desir que nous avons d'occasionner la discussion & l'éclaircissement d'une question importante, nous a engagés à insérer ici cet article. L'Encyclopédie ayant pour but principal l'utilité & l'instruction publiques, nous insérerons à l'article Régie, sans prendre aucun parti, toutes les raisons pour & contre qu'on voudra nous faire parvenir sur l'objet de cet article, pourvû qu'elles soient exposées avec la sagesse & la modération convenables.

Fermes (Page 6:515)

Fermes, (Cinq grosses), Finances. Lorsque M. Colbert eut formé le projet, bien digne d'un aussi grand génie, & d'un ministre aussi bien intentionné pour le Commerce, d'affranchir l'intérieur du royaume de tous les droits locaux qui donnent des entraves à la circulation, & de porter sur les frontieres tout ce qui devoit charger ou favoriser, étendre ou restreindre, accélérer ou retarder le commerce avec l'étranger, il trouva dans un plan aussi grand, aussi beau, aussi bien conçû, les obstacles que rencontrent ordinairement dans leur exécution, les entreprises qui contredisent les opinions reçûes; &, ce qui n'est pas moins ordinaire dans ces sortes de cas, il eut à surmonter les oppositions de ceux même qu'il voûloit favoriser le plus, en les débarrassant par l'uni<cb-> formité du droit & par la simplicité de la perception, de tout ce qui peut retarder le progrès d'un commerce fait pour les enrichir, par la facilité de leur communication avec les autres nations.

La plûpart des provinces frontieres successivement réunies à la couronne, voulurent garder leurs anciennes lois sur l'article des doüanes, comme sur plusieurs autres objets. Leurs anciens tarifs, tout embarrassans, tout compliqués, tout arbitraires qu'ils sont, leur devinrent chers dès que l'on voulut les anéantir: elles ne voulurent point recevoir celui qui leur fut proposé; & par une condescendance aussi sage que tout le reste, M. Colbert ne voulut rien forcer, parce qu'il espéroit tout gagner par degrés.

Le tarif de 1664 n'eut donc lieu que dans les provinces de l'intérieur, qui consentirent à l'admettre d'autant plus volontiers, qu'étant de tous les tems sous notre domination, elles tenoient moins à des opinions étrangeres au plan général de l'administration.

Ces provinces que l'on désigne & que l'on connoît en finances sous la dénomination de provinces de cinq grosses fermes, sont la Normandie, la Picardie, la Champagne, la Bourgogne, la Bresse, le Poitou, le pays d'Aunis, le Berri, le Bourbonnois, l'Anjoû, le Maine, Thoüars & la châtellenie de Chantoceaux, & leurs dépendances.

On perçoit, tant à l'entrée de ces provinces qu'à la sortie, 1°. les droits du tarif de 1664, général pour toutes les marchandises: 2°. ceux du tarif de 1667, qui portent sur certains objets dans lesquels on a crû devoir, depuis le tarif de 1664, faire différens changemens; & les réglemens postérieurs, qui ont confirmé, ou interpreté, ou détruit les dispositions des premieres lois.

Aux provinces de cinq grosses fermes on oppose celles qui sont connues sous le nom de provinces réputées etrangeres, parce qu'en effet elles le sont par rapport aux droits dont il s'agit dans ces articles, quoique d'ailleurs soûmises au même souverain.

Ces provinces sont la Bretagne, la Saintonge, la Guienne, la Gascogne, le Languedoc, la Provence, le Dauphiné, le Lyonnois, la Franche - Comté, la Flandre, le Hainault, & les lieux en dépendans.

Dans ces provinces on perçoit les droits, 1°. des tarifs propres à chacune en particulier; car toutes en ont un, quoique la dénomination & la quotité du droit varient, ainsi que la forme de la perception: 2°. les droits du tarif de 1667, qui portent sur des objets si intéressans pour notre commerce, que M. Colbert, lors même qu'il déféra sur tout le reste aux préjugés de ces provinces pour leurs anciens tarifs, ne jugea pas à - propos de les laisser libres sur les articles dont il s'agit dans le tarif de 1667, & dans les réglemens qui sont intervenus dans le même esprit.

En faisant topographiquement la comparaison des provinces de cinq grosses fermes & de celles réputées étrangeres, on s'appercevra que celles de cinq grosses fermes forment dans l'intérieur du royaume une presqu'île dont les provinces réputées étrangeres sont le continent; & que sans la Normandie, qui a reçû le tarif de 1664, elles formeroient une île toute entiere isolée par rapport aux droits du Roi, quoique comprise sous la même dénomination. Voyez Traites, où cette matiere se trouvera développée d'une façon plus détaillée. Article de M. Pesselier.

Ferme (Page 6:515)

Ferme, (à l'Opera.) c'est la partie de la décoration qui ferme le théatre, & c'est de - là qu'elle a pris son nom. La ferme au théatre de l'opéra de Paris, se place pour l'ordinaire après le sixieme chassis: elle est partagée en deux. On pousse à la main chacune de les deux parties sur deux chevrons de bois qui ont une rainure, & qui sont placés horisontalement sur un plan cher du théatre. Des cordes qui sont atta<pb-> [p. 516] chées à l'un des côtés du mur, & qu'on bande par le moyen d'un tourniquet qui est placé du côté opposé, soûtiennent la ferme par en - haut. On donne à ces cordes le nom de bandage.

Cette maniere de soûtenir la ferme, qui a d'abord paru facile, entraîne plusieurs inconvéniens, & ôte une partie du plaisir que feroit le spectacle. 1°. Les cordes d'un changement à l'autre sont jettées à la main, & troublent presque toûjours la représentation. 2°. Elles restent quelquefois après que la ferme a été retirée, & cette vûe coupe la perspective & ôte l'illusion. 3°. Le bandage étant d'une très - grande longueur, il ne sauroit jamais être assez fort pour que la ferme soit bien stable; ensorte que pour peu qu'on la touche en passant, elle remue, & paroît prête à tomber. Il seroit très - aisé de remédier à tous ces inconvéniens, & les moyens sont trouvés depuis long - tems. Une multitude de petites parties de cette espece trop négligées, diminuent beaucoup le charme du spectacle; mieux soignées, elles le rendroient infiniment plus agréable. La beauté d'un ensemble dépend toûjours de l'attention qu'on donne à ses moindres parties. Voyez Machine, Décoration, &c. (B)

Ferme - a - ferme (Page 6:516)

Ferme - a - ferme, (Manége.) expression par laquelle nous désignons l'action d'un cheval qui manie ou qui saute en une seule & même place; ainsi nous disons, demi - air de ferme - à - ferme, balotades de ferme - à - ferme, cabrioles de ferme - à - ferme, &c. (e)

Ferme (Page 6:516)

Ferme, (Chàrpenterie.) est un assemblage de plusieurs pieces de bois, dont les principales sont les arbalêtriers, le poinçon, les esseliers & antraits; elle fait partie du comble des édifices. Voyez la figure, Planche du Charpentier.

Ferme (Page 6:516)

Ferme, jeu de la ferme avec des dés, (Jeu de hasard.) On se sert dans ce jeu de six dés, dont chacun n'est marqué que d'un côté, depuis un point jusqu'à six; ensorte que le plus grand coup qu'on puisse faire après avoir jetté les six dés dehors du cornet, est de vingt - un points. Chaque joüeur met d'abord son enjeu, ce qui forme une poule ou masse plus ou moins grosse, suivant la volonté des joüeurs, dont le nombre n'est point fixé. Ensuite on tire au sort à qui aura le dé, qui passe successivement aux autres joüeurs, en commençant à la droite de celui qui a joüé le premier, & de - là en - avant. On tire autant de jettons qu'on a amené de points, mais il faut pour cela que la poule les puisse sournir; car s'il y en a moins que le joüeur n'en a amené, il est obligé de suppléer ce qui manque. Si, par exemple, il amene six, & qu'il n'y en ait que deux à la poule, il faut qu'il y en mette quatre; c'est pourquoi il est avantageux de joüer des premiers, quand la poule est bien grasse. Si on fait un coup - blanc, c'est - à - dire si aucun des six dés ne marque, ce qui est assez ordinaire, on met un jetton à la masse, & le dé passe au voisin à droite. Le jeu finit lorsqu'on amene autant de points qu'il y a de jettons à la poule. Quelque rare que soit le coup de vingt - un, je ne laisserai pas d'observer qu'il feroit gagner toute la poule à celui qui auroit eu assez de bonheur pour le faire. Il y a d'autres manieres de joüer ce jeu, comme quand un des joüeurs devient fermier, c'est - à - dire se charge de la ferme ou poule, qui est pour lors à part. Trév. dict. Mais pour savoir quel est le nombre qu'il y a le plus à parier qu'on amenera avec les six dés, appliquez ici les principes de calcul exposés au mot (analyse des hasards). Voyez aussi Rafle. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Ferme (Page 6:516)

Ferme, (Jeu.) jeu de cartes qui se joue jusqu'à dix ou douze personnes, & avec le jeu complet de 52 cartes, excepté qu'on en ôte les huit & les six, à la reserve du six de coeur, à cause que par les huit & les six on feroit trop facilement seize, qui est le nombre fatal par lequel on gagne le prix de la ferme, & l'on dépossede le fermier. Le six de coeur qui reste, s'appelle le brillant, par excellence, & gagne par préférence à cartes égales, tous les autres joüeurs, & même celui qui a la primauté. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

FERMENT ou LEVAIN (Page 6:516)

FERMENT ou LEVAIN, (Chimie.) on appelle ainsi un corps actuellement fermentant, qui étant mêlé exactement & en petite quantité dans une masse considérable de matiere fermentable, détermine dans cette matiere le mouvement de fermentation. Voyez la théorie de l'action des fermens, aux articles Fermentation, Pain, Vin, Vinaigre, Putréfaction . (b)

Ferment (Page 6:516)

Ferment, (Econ. anim. Med.) Les anciens chimistes désignoient par le nom de ferment, tout ce qui a la propriété, par son mélange avec une matiere de différente nature, de convertir, de changer cette matiere en sa propre nature.

Un grain de blé semé dans un terroir bien fertile, peut produire cent grains de son espece: chacun de ceux - ci peut en produire cent autres, par la même vertu de fécondité; ensorte que du seul premier grain il en résulte une multiplication de dix mille, dont chacun a les mêmes qualités que celui qui en a été le germe. Chacun a la même quantité de farine, la même disposition à former un très - bon aliment; cependant il a été produit dans le même terrein, en même tems, parmi les plantes du blé, des plantes d'une qualité bien différente, telles que celles de tytimale, d'euphorbe, de moutarde. Il y a donc quelque chose dans le grain de blé, qui a la faculté de changer en une substance qui lui est propre, le suc que la terre lui fournit; pour peu qu'il manquât à cette faculté, il ne se formeroit point de nouveau grain de blé. Ce même suc reçû dans un germe different, seroit changé en une toute autre substance, jamais en celle du blé: ainsi dans un grain de cette espece, dont la matiere productrice n'a guere plus de volume qu'un grain de sable, si on la dépouille de ses enveloppes, de ses cellules, se trouve renfermée cette puissance, qui fait la transmutation du suc de la terre en dix mille plantes de blé; par conséquent cette puissance consiste à convertir en la substance propre à cette sorte de grain, un suc qui lui est absolument étranger avant la transmutation.

C'est à cette puissance que les anciens chimistes avoient donné le nom de ferment. Ils avoient conséquemment transporté cette idée aux changemens qui se font dans le corps humain, quelque grande que soit la différence; mais ils sont excusables, parce qu'ils n'avoient pas encore connoissance de la véritable structure des parties de la méchanique par laquelle s'operent les fonctions dans l'économie animale; parce qu'ils ignoroient qu'il existe dans cette économie, une faculté par laquelle il n'est presque aucun germe de matiere qui ne puisse être converti en notre propre substance, qui ne puisse fournir les élémens du corps humain.

Qui est - ce qui pourroit imaginer de premier abord, qu'il peut être produit, ce corps animal, de farine & d'eau? cependant un grand nombre d'enfans ne se nourrissent que de cela, & ils ne laissent pas de croître, & par conséquent d'augmenter le volume & le poids de leur corps. L'homme adulte peut également se borner à cette nourriture, ensorte que de farine & d'eau il peut être produit encore dans les organes propres au sexe masculin, par la faculté attachée aux actions de la vie, une véritable liqueur séminale, qui étant reçûe dans les organes propres à la femme, peut servir à former, à reproduire un individu du même genre, mâle ou femelle, en un mot un autre homme. Cette liqueur est ainsi considérée comme un ferment: on peut dans ce cas passer

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