ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"421"> rone. Charles Sigonius, né à Modene en 1529, & mort en 1584, s'est tellement distingué par ses écrits sur les fastes consulaires, les triomphes, les magistrats romains, consuls, dictateurs, censeurs, &c. qu'il paroit supérieur à tous les écrivains qui l'ont précédé. Cependant les curieux feront bien de joindre aux livres qu'on vient de citer, celui de Reland, Hollandois, sur les fastes éonsulaires, parce que ce petit ouvrage méthodique a été donné pour l'éclaircissement des Codes Justinien & Théodosien, & cet ouvrage manquoit dans la republique des Lettres.

Au reste, la connoissance des fastes consulaires intéresse les savans, parce que dans toute l'histoire d'Occident il y a peu d'époques plus sûres que celles qui sont tirées des consuls, soit que l'on considere l'état de la république romaine avant Auguste, soit que l'on suive les révolutions de ce grand empire jusqu'au tems de l'empereur Justinien. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

FASTIDIEUX, DEGOUTANT (Page 6:421)

FASTIDIEUX, DEGOUTANT, adj. synon. Dégoûtant se dit - plus à l'égard du corps qu'à l'égard de l'esprit; fastidieux au contraire va plus à l'esprit qu'au corps. Dégoûtant se dit au propre & au figuré; il s'applique aux personnes, aux viandes, & à d'autres choses. La laideur est dégoûtante, la mal - propreté est dégoûtante; il y a des gens dégoûtans avec du mérite, & d'autres qui plaisent avec des défauts. Fastidieux ne s'employe qu'au figuré. Un homme fastidieux est un homme ennuyeux, importun, farigant par ses discours, par ses manieres, ou par ses actions. Il y a des ouvrages fastidieux. Ce qui rend les entretiens ordinaires si fastidieux, c'est l'applaudissement qu'on donne à des sottises.

Enfin le mot de fastidieux est également beau en prose & en poésie; & l'usage a tellement adouci ce qu'il a eu d'étranger dans le dernier siecle, qu'on en a fait un terme de mode. Il commence (& c'est dommage) à être aujourd'hui un de ces mots du bel air, qui à force d'être employés mal - à - propos dans la conversation, finiront par être bannis du style sérieux. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

FASTIGIUM (Page 6:421)

FASTIGIUM, (Littérat.) ornement particulier que les Romains mettoient au faîte des temples des dieux; on en voit sur les anciennes médailles. Les Grecs appelloient cet ornement consacré aux temples, A)ETO\S2, A)E/TWMA, & les Romains fastigium. Cette idée de décoration réservée pour les seuls temples, étoit digne de la Grece & de Rome, les Chretiens auroient dû l'imiter.

Pendant que Tarquin regnoit encore, dit l'Histoire, dès qu'il eut bâti sur le capitole le temple de Jupiter, il voulut y placer des fastigia, qui consistoient dans un char à quatre chevaux, fait de terre; mais peu de tems après avoir donné le dessein à exécuter à quelques ouvriers toscans, il fut chassé, dit Plutarque.

Tite - Live rapporte que le sénat voulant faire honneur à César, lui accorda de mettre un ornement, fastigium, au - dessus de sa maison, pour la distinguer de toutes les autres. C'étoit cet ornement là que Calpurnia songeoit qu'elle voyoit arracher; ce qui lui causa des soupirs, des gémissemens consus, & des mots entre - coupés auxquels César ne comprenoit rien, quoique, suivant le récit de Plutarque, il fût couché cette nuit avec sa femme, suivant sa coûtume.

Il s'en falloit bien qu'il dépendît des citoyens, même de ceux du plus haut rang, de mettre des fastigia sur leurs maisons; c'étoit une grace extraordinaire qu'il falloit obtenir du sénat, comme tout ce qui se prenoit sur le public; & César fut le premier à qui on l'accorda, par une distinction d'autant plus grande, qu'elle marquoit què son palais devoit être regardé comme un temple. Ainsi le sénat, pour honorer Publicola, lui permit de faire que la porte de sa maison s'ouvrît dans la rue, au lieu de s'ouvrir en - dedans, suivant l'usage.

Ce fastigium des hôtels des grands seigneurs, ce pinacle (qu'on me passe cette expression) étoit décoré de quelque statue des dieux ou de quelque figure de la victoire, ou d'autres ornemens, selon le rang ou la qualité de ceux à qui ce privilége fut accordé.

Le mot fastigium vint ensuite à signifier un toît élevé par le milieu, car les maisons ordinaires étoient couvertes en plate - forme. Pline remarque que la partie des édifices appellée de son tems fastigium, étoit faite pour placer des statues; & qu'on la nomma plasta, parce qu'on avoit coûtume de l'enrichir de sculpture.

Le mot fastigium se prend aussi dans Vitruve, pour un fronton: tel est celui du porche de la Rotonde.

Il résulte de ce détail, que fastigium signifie principalement trois choses dans les auteurs; les ornemens que l'on mettoit au faîte des temples des dieux; ensuite ceux qu'on mit aux maisons des princes; enfin les frontons, & les toits qu'ils soûtiennent: mais les preuves de tout cela ne sauroient entrer dans un ouvrage tel que celui - ci. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

FAT (Page 6:421)

FAT, s. m. (Morale.) c'est un homme dont la vanité seule forme le caractere, qui ne fait rien par goût, qui n'agit que par ostentation; & qui voulant s'élever au - dessus des autres, est descendu au - dessous de lui - même. Familier avec ses supérieurs, important avec ses égaux, impertinent avec ses inférieurs, il tutoye, il protege, il méprise. Vous le saluez, & il ne vous voit pas; vous lui parlez, & il ne vous écoute pas; vous parlez à un autre, & il vous interrompt. Il lorgne, il persiffle au milieu de la société la plus respectable & de la conversation la plus sérieuse; une femme le regarde, & il s'en croit aimé; une autre ne le regarde pas, & il s'en croit encore aimé. Soit qu'on le souffre, soit qu'on le chasse, il en tire également avantage. Il dit à l'homme vertueux de venir le voir, & il lui indique l'heure du brodeur & du bijoutier. Il offre à l'homme libre une place dans sa voiture, & il lui laisse prendre la moins commode. Il n'a aucune connoissance, il donne des avis aux savans & aux artistes; il en eût donné à Vauban sur les Fortifications, à le Brun sur la Peinture, à Racine sur la Poésie. Sort - il du spectacle? il parle à l'oreille de ses gens. Il part, vous croyez qu'il vole à un rendez - vous; il va souper seul chez lui. Il se fait rendre mystérieusement en public des billets vrais ou supposés; on croiroit qu'il a fixé une coquette, ou déterminé une prude. Il fait un long calcul de ses revenus; il n'a que 60 mille livres de rente, il ne peut vivre. Il consulte la mode pour ses travers comme pour ses habits, pour ses indispositions comme pour ses voitures, pour son medecin comme pour son tâilleur. Vrai personnage de théatre, à le voir vous croiriez qu'il a un masque; à l'entendre vous diriez qu'il joue un rôle: ses paroles sont vaines, ses actions sont des mensonges, son silence même est menteur. Il manque aux engagemens qu'il a, il en feint quand il n'en a pas. Il ne va point où on l'attend, il arrive tard où il n'est pas attendu. Il n'ose avoüer un parent pauvre, ou peu connu. Il se glorifie de l'amitié d'un grand à qui il n'a jamais parlé, ou qui ne lui a jamais répondu. Il a du bel esprit la suffisance & les mots satyriques, de l'homme de qualité les talons rouges, le coureur & les créanciers; de l'homme à bonnes fortunes la petite maison, l'ambre & les grisons. Pour peu qu'il fût fripon, il seroit en tout le contraste de l'honnête - homme. En un mot, c'est un homme d'esprit pour les sots qui l'admirent, c'est un sot pour les gens sensés qui l'évitent. Mais si vous connoissez bien cet homme, ce n'est ni un hom<pb-> [p. 422] me d'esprit ni un sot, c'est un fat; c'est le modele d'une infinité de jeunes sots mal élevés. Cet article est de M. Desmahis.

FATALITE (Page 6:422)

FATALITE, s. f. (Métaph.) c'est la cause cachée des évenemens imprévûs, relatifs au bien ou au mal des êtres sensibles.

L'évenement fatal est imprévû; ainsi on n'attribue point à la fatalité les phénomenes réguliers de la nature, lors même que les causes en sont cachées, la mort qui suit une maladie chronique & inconnue.

L'évenement fatal tient à des causes cachées, ou est considéré dans ses rapports avec celles d'entre ses causes qui nous sont inconnues. Si dans la disposition - d'une bataille je vois un homme placé vis - à - vis de la bouche d'un canon prêt à tirer, sa situation étant donnée, & l'action du canon étant prévûe, je ne regarderai plus sa mort comme fatale par rapport à ces deux causes que je connois; mais je retrouverai la fatalité dans cette multitude de causes éloignées, cachées & compliquées, qui ont fait qu'entre une infinité d'autres parties de l'espace qu'il pouvoit occuper également, il occupât précisément celle qui est dans la direction du canon.

Enfin un évenement, quoiqu'imprévû & tenant à des causes cachées, n'est appellé fatal que lorsqu'il a quelqu'influence sur le bien ou le mal des êtres sensibles: car si je parie ma vie ou ma fortune que je n'amenerai pas six fois de suite le même point de dés, & que je l'amene, on s'en prendra à la fatalité; mais si en remuant des dés sans dessein & sans intérêt, la même chose m'arrive, on attribuera ce phénomene au hasard.

Mais remontons à l'origine du mot fatalité, pour fixer plus sûrement nos idées sur l'usage qu'on en fait.

Fatalité vient de fatum, latin. Fatum a été fait de fari, & il a signifié d'abord, d'après son origine, le decret par lequel la cause premiere a déterminé l'existence des évenemens relatifs au bien ou au mal des êtres sensibles; car quoique ce decret ait dû déterminer également l'existence de tous les effets, les hommes rapportant tout à eux, ne l'ont considéré que du côté par lequel il les intéressoit.

A ce decret on a substitué ensuite dans la signification du mot fatum une idée plus générale, les causes cachées des évenemens; & comme on a pensé que ces causes étoient liées & enchaînées les unes aux autres, on a entendu par le mot de fatum, la liaison & l'enchaînement de ces causes. En ce sens le mot fatum a répondu exactement à l'M(/MARMENH des Grecs, que Chrysippe définit dans Aulugelle, l. VI. l'ordre & l'enchaînement naturel des choses, FUSIKH\N SU/NTACIN TW/N O(/LWN.

Le mot fatum a subi encore quelques changemens dans sa signification en passant dans notre langue, & en formant fatalité; car nous avons employé particulierement le mot fatalité pour désigner les évenemens fâcheux; au lieu que dans son origine il a signifié indifféremment la cause des évenemens heureux & malheureux: il a même gardé cette double signification dans le langage philosophique, & nous la lui conserverons. Quoique l'abus des termes généraux ait enfanté mille erreurs, ils sont toûjours précieux, parce qu'on ne peut pas sans leur secours s'élever aux abstractions de la Métaphysique.

Destin & destinée sont synonymes de fatalité, pris dans le sens général que nous venons de lui donner. Ils le sont aussi dans leur origine, puisqu'ils viennent de destinatum, ce qui est arrêté, déterminé, destiné. Voyez Destin, Destinée.

On ne peut pas employer l'un pour l'autre, les mots de hasard & de fatalité; on peut s'en convaincre par l'exemple que nous avons donné plus haut de l'emploi du mot hasard, & par les remarques suivantes.

Dans l'usage qu'on fait du mot hasard, il arrive souvent, & même en Philosophie, qu'on semble vouloir exclure d'un évenement l'action d'une cause déterminée; au lieu qu'en employant le mot de fatalité, on a ces causes en vûe, quoiqu'on les regarde comme cachées: or comme il n'y a point d'évenement qui n'ait des causes déterminées, il suit de - là que le mot de hasard est souvent employé dans un sens faux.

On entend aussi par une action faite par le hasard, une action faite sans dessein formé; & on voit encore que cette signification n'a rien de commun avec celle de fatalité, puisque ce hasard est aveugle, au lieu que la fatalité a un but auquel elle conduit les êtres qui sont sous son empire.

De plus, on imagine que les évenemens qu'on attribue au hasard, pouvoient arriver tout autrement, ou ne point arriver du - tout; au lieu qu'on se représente ceux que la fatalité amene, comme infaillibles ou même - nécessaires.

Les anciens ont aussi distingué le hasard de la fatalité, à - peu - près de la même maniere; leur casus est très - différent de leur fatum, & répondoit aux mêmes idées que le mot hasard parmi nous.

La fortune n'est autre chose que la fatalité, entant qu'elle amene la possession ou la privation des richesses & des honneurs: d'où l'on peut voir que fortune dans notre langue est moins général que fatalité ou destin, puisque ces derniers mots désignênt tous les évenemens qui sont relatifs aux êtres sensibles; au lieu que celui - là ne s'applique qu'aux évenemens qui amenent la possession ou la privation des richesses & des honneurs. C'est pourquoi si un homme perd la vie par un évenement imprévû, on attribue cet évenement au destin, à la fatalité; s'il perd ses biens, on accuse la fortune. Voyez Fortune.

La fortune est bonne ou mauvaise, le destin est favorable ou contraire, on est heureux ou malheureux. La fatalité est la derniere raison qu'on apporte des faveurs ou des rigueurs de la fortune, du bonheur ou du malheur.

Pour remonter aux idées les plus générales, nous allons donc traiter de la fatalité; & d'après la notion que nous en avons donnée, nous examinerons les questions suivantes.

1°. Y a - t - il une cause qui détermine l'existence de l'évenement fatal, & quelle est cette cause?

2°. La liaison de cette cause avec l'évenement fatal est - elle nécessaire?

3°. Cette liaison est - elle infaillible? peut - elle être rompue? l'évenement fatal peut - il ne point arriver?

4°. En supposant cette infaillibilité de l'évenement, les êtres actifs & libres peuvent - ils la faire entrer pour quelque chose dans les motifs de leurs déterminations?

Premiere Question. Y a - t - il une cause de l'évenement fatal, & quelle est cette cause?

Pour résoudre cette question, il est nécessaire de remonter à des principes généraux.

Tout fait a une raison suffisante de son actualité. La raison suffisante d'un fait, est la raison suffisante de l'action de sa cause sur lui; mais la raison suffisante de l'action de cette cause est elle - même un effet qui a sa raison suffisante, & cette derniere raison suppose & explique encore l'action d'une seconde cause, & ainsi de suite en remontant, &c.

Un fait quelconque tient done à une cause prochaine & à des causes éloignées, & ces causes prochaines & éloignées tiennent les unes aux autres.

Nous ne connoissons guere que les causes les plus prochaines des faits, des évenemens, parce que la multitude des causes éloignées, & la maniere se<pb->

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