ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"306"> mes grossiers, qui arrêtoit la main & abandonnoit le coeur, pouvoit avoir des crimes inexpiables; mais une religion qui enveloppe toutes les passions, qui n'est pas plus jalouse des actions que des desirs & des pensées; qui ne nous tient point attachés par quelques chaînes, mais par un nombre innombrable de fils; qui laisse derriere elle la justice humaine, & commence une autre justice; qui est faite pour mener sans cesse du repentir à l'amour, & de l'amour au repentir; qui met entre le juge & le criminel un grand médiateur, entre le juste & le médiateur un grand juge: une telle religion ne doit point avoir de crimes inexpiables. Mais quoiqu'elle donne des craintes & des espérances à tous, elle fait assez sentir que s'il n'y a point de crime qui par sa nature soit inexpiable, toute une vie peut l'être; qu'il seroit très - dangereux de tourmenter la miséricorde par de nouveaux crimes & de nouvelles expiations; qu'inquiets sur les anciennes dettes, jamais quittes envers le Seigneur, nous devons craindre d'en contracter de nouvelles, de combler la mesure, & d'aller jusqu'au terme où la bonté paternelle finit ». Esprit des lois, liv. XXIV. ch. xiij.

Laissons au lecteur éclairé par l'étude de l'Histoire, les réflexions philosophiques qui s'offriront en foule à son esprit sur l'extravagance des expiations de tous les lieux & de tous les tems; sur leur cours, qui s'étendit des Egyptiens aux Juifs, aux Grecs, aux Romains, &c. sur leurs différences, conformes aux climats & au génie des peuples: en un mot, sur les causes qui ont perpétué dans tout le monde la superstition du culte à cet égard, & qui ont fait prospérer le moyen commode de contracter des dettes, & de les acquitter par de vaines cérémonies.

Je sache peu de cas où l'on ait tourné les idées religieuses de l'expiation au bien de la nature humaine. En voici pourtant un exemple que je ne puis passer sous silence. Les Argiens, dit Plutarque, ayant condamné à mort quinze cents de leurs citoyens, les Athéniens qui en furent informés, fiémirent d'horreur, & firent apporter les sacrifices d'expiation, afin qu'il plût aux dieux d'éloigner du coeur des Argiens une si cruelle pensée. Ils comprirent sans doute que la sévérité des peines usoit les ressorts du gouvernement; qu'elle ne corrigeoit point les fautes ou les crimes dans leurs principes, & qu'enfin l'atrocité des lois en empêchoit souvent l'exécution. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

EXPILATION (Page 6:306)

EXPILATION D'HÉRÉDITÉ, (Jurispr.) c'est la soustraction en tout ou partie des effets d'une hérédité jacente, c'est - à - dire non encore appréhendée par l'héritier. Il faut aussi, pour que cette soustraction soit ainsi qualifiée, qu'elle soit faite par quelqu'un qui n'ait aucun droit à la succession; ainsi cela n'a pas lieu entre co - héritiers.

Ce délit chez les Romains étoit appellé crimen expilatoe hoereditatis, & non pas furtum, c'est - à - dire larcin, parce que l'hérédité étant jacente, il n'y a encore personne à qui on puisse dire que le larcin soit fait. L'héritier n'est pas dépossédé des effets soustraits, tant qu'il n'en a pas encore appréhendé la possession; & par cette raison l'action de l'avoir appellée actio furti, n'y avoit pas lieu: on usoit dans ce cas d'une poursuite extraordinaire contre celui qui étoit coupable de ce délit.

Cette action étoit moins grave que celle appellée actio furti; elle n'étoit pas publique, mais privée: c'est - à - dire que celui qui l'intentoit, ne poursuivoit que pour son intérêt particulier, & non pour la vengeance publique.

Le jugement qui intervenoit, étoit pourtant infamant; c'est pourquoi cette poursuite ne pouvoit être intentée que contre des personnes contre lesquelles on auroit pû intenter l'action furti, si l'hérédité eût été appréhendée; ainsi cette action n'avoit pas lieu contre la femme qui avoit détourné quelques effets de la succession de son mari: il y avoit en ce cas une action particuliere contr'elle, appellée actio rerum amatarum, dont le jugement n'étoit pas infamant.

Au reste la peine du délit d'expilation d'hérédité étoit arbitraire chez les Romains, comme elle l'est encore parmi nous.

Outre la restitution des effets enlevés, & les dommages & intérêts que l'on accorde à l'héritier, celui qui a soustrait les effets peut être condamné à quelque peine afflictive, & même à mort, ce qui dépend des circonstances; comme, par exemple, si c'est un domestique qui a soustrait les effets.

L'héritier qui, après avoir répudié la succession, en a soustrait quelques effets, peut être poursuivi pour cause d'expilation d'hérédité.

A l'égard du conjoint survivant, ou des héritiers du prédécédé qui recelent quelques effets, voyez Recelé. Voyez le titre du digeste expilatoe hoereditatis. (A)

EXPIRATION (Page 6:306)

EXPIRATION, s. f. expiratio, (Physiolog.) c'est une partie essentielle de l'action par laquelle s'exhale la respiration; c'est celle qui fait sortir des poumons l'air qui y a pénétré pendant l'inspiration. Voyez Respiration.

Expiration, quand on joint l'épithete de derniere, signifie la même chose que la mort. C'est cette derniere action du corps qui s'exerce, non par une force qui dépende de la volonté, ou qui soit l'effet de la vie, mais par une force qui lui est commune avec tous les corps, même inanimés; ainsi l'air est chassé de la poitrine dans ce dernier instant, parce que les forces de la vie cessant d'agir, & les muscles intercostaux étant rendus comme paralytiques par le défaut d'influence du fluide nerveux, les segmens cartilagineux des côtes, qui ont été flechis & bandés par l'action de ces muscles, se redressent par leur propre ressort, dans le moment qu'elle cesse; ils rabaissent les côtes en même tems que le diaphragme se relâche & remonte dans la poitrine; ce qui en diminue la capacité en tous sens, & en exprime l'air pour la derniere fois. Voyez Mort. (d)

Expiration (Page 6:306)

Expiration, (Comm.) fin du terme accordé, jugé ou convenu pour faire une chose ou pour s'acquitter d'une dette.

On dit l'expiration d'un arrêt de surseance, l'expiration des lettres de répi, l'expiration d'une promesse, d'une lettre de change, d'un billet payable au porteur. Dictionn. de Commerce.

EXPIRER (Page 6:306)

EXPIRER, (Comm.) finir, être à la fin ou au bout du terme, en parlant d'écrits ou de conventions, pour l'exécution desquels il y a un terme préfix. On dit en ce sens, votre promesse est expirée, il y a long - tems que j'en attends le payement. Il faut faire son protêt, faute de payement d'une lettre de change, dans les dix jours de faveur; on court trop de risque de les laisser expirer. Dictionn. de Commerce.

EXPLÉTIF, EXPLÉTIVE (Page 6:306)

EXPLÉTIF, EXPLÉTIVE, adj. terme de Grammaire. On dit, mot explétif (méthode greque, liv. viij. c. xv. art. 4.); & l'on dit, particule explétive. Servius (AEnoeid. vers. 424.) dit, expletiva conjunctio, & l'on trouve dans Isidore, liv. I. chap. xj. conjunctiones expletivoe. Au lieu d'explétif & d'explétive, on dit aussi, superflu, oisif, surabondant.

Ce mot explétif vient du latin explere, remplir. En effet, les mots explétifs ne servent, comme les interjections, qu'à remplir le discours, & n'entrent pour rien dans la construction de la phrase, dont on entend également le sens, soit que le mot explétif soit énoncé ou qu'il ne le soit pas.

Notre moi & notre vous sont quelquefois explétifs dans le style familier: on se sert de moi quand on [p. 307] parle à l'impératif & au présent: on se sert de vous dans les narrations. Tartuffe, dans Moliere, act. iij. sc. 2. voyant Dorine, dont la gorge ne lui paroissoit pas assez couverte, tire un mouchoir de sa poche, & lui dit:

. . . . Ah, mon Dieu, je vous prie, Avant que de parler, prenez moi ci mouchoir! & Marot a dit:

Faites - les moi les plus laids que l'on puisse; Pochez cet oeil, fessez - moi cette cuisse.

Ensorte que lorsque je lis dans Térence (Heaut. act. j. sc. 4. vers. 32.), fac me ut sciam, je suis fort tenté de croire que ce me est explétif en latin, comme notre moi en françois.

On a aussi plusieurs exemples du vous explétif, dans les façons de parler familieres: il vous la prend, & l'emporte, &c. Notre même est souvent explétif: le roi y est venu lui - même: j'irai moi - même; ce même n'ajoûte rien à la valeur du mot roi, ni à celle de je.

Au troisieme livre de l'Enéide de Virgile, vers 632. Achéménide dit qu'il a vû lui - même le Cyclope se saisir de deux autres compagnons d'Ulysse, & les dévorer:

Vidi, ego - met, duo de numero, &c.

Où vous voyez qu'après vidi & après ego, la particule met n'ajoûte rien au sens, ainsi met est une particule explétive, dont il y a plusieurs exemples: egomet narrabo (Térence, Adelphes, act. jv. sc. 3. vers. 13.), & dans Cicéron, au liv. V. épitr. jx. Vatinius prie Cicéron de le recevoir tout entier sous sa protection, suseipe me - met totum; c'est ainsi qu'on lit dans les manuscrits.

La syllabe er, ajoûtée à l'infinitif passif d'un verbe latin, est explétive, puisqu'elle n'indique ni tems, ni personne, ni aucun autre accident particulier du verbe; il est vrai qu'en vers, elle sert à abrévier l'i de l'infinitif, & à fournir un dactyle au poëte: c'est la raison qu'en donne Servius sur ce vers de Virgile:

Dulce caput, magicas invitam accingi - er artés. III. En. v. 493.

Accingier, id est, proeparari, dit Servius; accingier autem ut ad infinitum modum er addatur, ratio effieit metri; nam cum in eo accingi ultima sit longa, additâ er syllabâ, brevis fit (Servius, ibid.). Mais ce qui est remarquable, & ce qui nous autorise à regarder cette syllabe comme explétive, c'est qu'on en trouve aussi des exemples en prose: Vatinius cliens, pro se causam dicier yult. apud. Cic. liv. V. ad familiares, epist. jx. Quand on ajoûte ainsi quelque syllabe à la fin d'un mot, les Grammairiens disent que c'est une figure qu'ils appellent paragoge.

Parmi nous, dit M. l'abbé Regnier, dans sa grammaire, pag. 565. in - 4°. il y a aussi des particules explétives; par exemple, les pronoms me, te, se, joints à la particule en, comme quand on dit: je m'en retourne, il s'en va; les pronoms moi, toi, lui, employés par repétition: s'il ne veut pas vous le dire, je vous le dirai, moi; il ne m'appartient pas, à moi, de me mêler de vos affaires; il lui appartient bien, à lui, de parler comme il fait, &c.

Ces mots enfin, seulement, à tout hasard, après tout, & quelqu'autres, ne doivent souvent être regardés que comme des mots explétifs & surabondans, c'est - à - dire des mots qui ne contribuent en rien à la construction ni au sens de la proposition, mais ils ont deux services.

1°. Nous avons remarqué ailleurs que les langues se sont formées par usage & comme par une espece d'instinct, & non après une délibération raisonnée de tout un peuple; ainsi quand certaines façons de parler ont été autorisées par une langue pratique, & qu'elles sont reçues parmi les honnêtes gens de la nation, nous devons les admettre, quoiqu'elles nous paroissent composées de mots redondans & combinés d'une maniere qui ne nous paroît pas réguliere.

Avons - nous à traduire ces deux mots d'Horace, sunt quos, &c. au lieu de dire, quelques - uns sont qui, &c. nous devons dire, il y en a qui, &c. ou prendre quelqu'autre tour qui soit en usage parmi nous.

L'académie Françoise a remarqué que dans cette phrase: c'est une affaire où il y va du salut de l'état, la particule y paroît inutile, puisque suffit pour le sens; mais, dit l'académie, ce sont là des formules dont on ne peut rien ôter (remarques & décisions de l'acad. Franç. chez Coignard, 1698.): la particule ne est aussi fort souvent explétive, & ne doit pas pour cela être retranchée: j'ai affaire, & je ne veux pas qu'on vienne m'interrompre; je crains pourtant que vous ne veniez: que fait là ce ne? c'est votre venue que je crains; je devrois donc dire simplement, je crains que vous veniez: non, dit l'académie, il est certain, ajoûte - t - elle, aussi - bien que Vaugelas, Bouhours, &c. qu'avec craindre, empêcher, & quelqu'autres verbes, il faut nécessairement ajoûter la négative ne: j'empêcherai bien que vous ne soyez du nombre, &c. Remarq. & décis. de l'acad. pag. 30.

C'est la pensée habituelle de celui qui parle, qui attire cette négation: je ne veux pas que vous veniez; je crains, en souhaitant que vous ne veniez pas: mon esprit tourné vers la négation, la met dans le discours. Voyez ce que nous avons dit de la syllepse & de l'attraction, au mot Construction, tom. IV. pag. 78 & 79.

Ainsi le premier service des particules explétives, c'est d'entrer dans certaines façons de parler consacrées par l'usage.

Le secend service, & le plus raisonnable, c'est de répondre au sentiment intérieur dont on est affecté, & de donner ainsi plus de force & d'énergie à l'expression. L'intelligence est prompte; elle n'a qu'un instant, spiritus quidem promptus est; mais le sentiment est plus durable; il nous affecte, & c'est dans le tems que dure cette affection, que nous laissons échapper les interjections, & que nous prononçons les mots explétifs, qui sont une sorte d'interjection, puisqu'ils sont un effet du sentiment.

C'est à vous à sortir, vous qui parlez. Moliere.

Vous qui parlez, est une phrase explétive, qui donne plus de force au discours.

Je l'ai vû, dis - je, vû, de mes propres yeux vû, Ce qu'on appelle vû. Moliere, Tartuffe, act. v. sc. 3.

Et je ne puis du tout me mettre dans l'esprit, Qu'il ait osé tenter les choses que l'on dit. Id. ib.

Ces mots, vû de mes yeux, du tout, sont explétifs, & ne servent qu'à mieux assûrer ce que l'on dit: je ne parle pas sur le témoignage d'un autre; je l'ai vû moi - même; je l'ai entendu de mes propres oreilles: & dans Virgile, au neuvieme livre de l'Enéide, vers 457.

Me, me adsuin qui feci, in me convertite ferrum.

Ces deux premiers me ne sont là que par énergie & par sentiment: elocutio est dolore turbati, dit Servius. (F)

EXPLICITE (Page 6:307)

EXPLICITE, adj. (Gramm. & Théolog.) terme de l'école; expliqué, développé. Le contraire & correlatif est implicite, qui signifie ce qui n'est pas distinctement exprimé. On dit, volonté explicite, volonté implicite.

Volonté explicite, est une volonté bien expresse & bien marquée. Volonté implicite au contraire est

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