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Quant à l'absolution de l'excommunication, elle
pouvoit être donnée par celui qui avoit prononcé
l'excommunication, pourvû que l'excommunié fût
touché de repentir, & qu'il en donnât des marques
sinceres. On ne pouvoit absoudre que présent celui
qui avoit été excommunié présent. Celui qui avoit
été excommunié par un particulier, pouvoit être
absous par trois hommes à son choix, ou par un seul
juge public. Celui qui s'étoit excommunié soi - même,
ne pouvoit s'absoudre soi - même, à moins qu'il ne fût
éminent en science ou disciple d'un sage; hors ce
cas, il ne pouvoit recevoir son absolution que de dix
personnes choisies du milieu du peuple. Celui qui
avoit été excommunié en songe, devoit encore employer
plus de cérémonies: il falloit dix personnes
savantes dans la loi & dans la science du talmud;
s'il ne s'en trouvoit autant dans le lieu de sa demeure,
il devoit en chercher dans l'étendue de quatre mille
pas; s'il ne s'y en rencontroit point assez, il pouvoit
prendre dix hommes qui sûssent lire dans le Pentateuque; ou, à leur défaut, dix hommes, ou tout au
moins trois. Dans l'excommunication encourue pour
cause d'offense, le coupable ne pouvoit être absous
que la partie lésée ne fût satisfaite: si par hasard elle
étoit morte, l'excommunié devoit se faire absoudre
par trois hommes choisis, ou par le prince du sanhédrin.
Enfin c'est à ce dernier qu'il appartient d'absoudre
de l'excommunication prononcée par un inconnu.
Sur l'excommunication des Juifs on peut consulter
l'ouvrage de Selden, de Synedrüs; Drusius, de novem
sect. lib. III. c. xj. Buxtorf, epist. hebr. le P. Morin,
de poenit. la continuat. de l'hist. des Juifs, par M. Basnage; la dissertation de dom Calmet sur les supplices
des Juifs; & son dictionnaire de la Bible, au mot
Les Chrétiens dont la société doit être, suivant
l'institution de Jesus - Christ, très - pure dans la foi &
dans les moeurs, ont toûjours eu grand soin de séparer
de leur communion les hérétiques & les personnes
coupables de crimes. Relativement à ces deux
objets, on distinguoit dans la primitive Eglise l'excommunication médicinale de l'excommunication mortelle. On usoit de la premiere envers les pénitens que
l'on séparoit de la communion, jusqu'à ce qu'ils eussent
satisfait à la pénitence qui leur étoit imposée.
La seconde étoit portée contre les hérétiques, &
les pécheurs impénitens & rebelles à l'Eglise. C'est
à cette derniere sorte d'excommunication que se rapportera
tout ce qui nous reste à dire dans cet article.
Quant à l'excommunication médicinale, voyez
L'excommunication mortelle en général est une censure ecclésiastique qui prive un fidele en tout, ou en partie, du droit qu'il a sur les biens communs de l'Eglise, pour le punir d'avoir desobéi à l'Eglise dans une matiere grave. Depuis les decrétales, on a distingué deux especes d'excommunication; l'une majeure, & l'autre mineure. La majeure est proprement celle dont on vient de voir la définition, par laquelle un fidele est retranché du corps de l'Eglise, jusqu'à ce qu'il ait mérité par sa pénitence d'y rentrer. L'excommunication mineure est celle qui s'en<cb->
Le pouvoir d'excommunier a été donné à l'Eglise dans la personne des premiers pasteurs; il fait partie du pouvoir des clés que Jesus - Christ même conféra aux apôtres immédiatement & dans leur personne aux évêques, qui sont les successeurs des apôtres. Jesus - Christ, en S. Matthieu, ch. xviij. V. 17. & 18. a ordonné de regarder comme un payen & un publicain, celui qui n'écouteroit pas l'Eglise. S. Paul usa de ce pouvoir, quand il excommunia l'incestueux de Corinthe; & tous les apôtres ont eu recours à ce dernier remede, quand ils ont anathématisé ceux qui enseignoient une mauvaise doctrine. L'Eglise a dans la suite employé les mêmes armes, mais en mêlant beaucoup de prudence & de précautions dans l'usage qu'elle en faisoit; il y avoit même différens degrés d'excommunication, suivant la nature du crime & de la desobéissance. Il y avoit des fautes pour lesquelles on privoit les fideles de la participation au corps & au sang de Jesus - Christ, sans les priver de la communion des prieres. L'évêque qui avoit manqué d'assister au concile de la province, ne devoit avoir avec ses confreres aucune marque extérieure de communion jusqu'au concile suivant, sans être cependant séparé de la communion extérieure des fideles de son diocèse, ni retranché du corps de l'Eglise. Ces peines canoniques étoient, comme on voit, plûtôt médicinales que mortelles. Dans la suite, l'excommunication ne s'entendit que de l'anathème, c'est - à - dire du retranchement de la société des fideles; & les supérieurs ecclésiastiques n'userent plus avec tant de modération des foudres que l'Eglise leur avoit mis entre les mains.
Vers le neuvieme siecle on commença à employer les excommunications pour repousser la violence des petits seigneurs qui, chacun dans leurs cantons, s'étoient érigés en autant de tyrans; puis pour défendre le temporel des ecclésiastiques, & enfin pour toutes sortes d'affaires. Les excommunications encourues de plein droit, & prononcées par la loi sans procédures & sans jugement, s'introduisirent après la compilation de Gratien, & s'augmenterent pendant un certain tems d'année en année. Les effets de l'excommunication furent plus terribles qu'ils ne l'avoient été auparavant; on déclara excommuniés tous ceux qui avoient quelque communication avec les excommuniés. Grégoire VII. & quelques - uns de ses successeurs, pousserent l'effet de l'excommunication jusqu'à prétendre qu'un roi excommunié étoit privé de ses états, & que ses sujets n'étoient plus obligés de lui obéir.
Ce n'est pas une question, si un souverain peut & doit même être excommunié en certains cas graves, où l'Eglise est en droit d'infliger des peines spirituelles à ses enfans rebelles, de quelque qualité ou condition qu'ils soient: mais aussi comme ces peines sont purement spirituelles, c'est en connoître mal la nature & abuser du pouvoir qui les inflige, que de prétendre qu'elles s'étendent jusqu'au temporel, & qu'elles renversent ces droits essentiels & primitifs, qui lient les sujets à leur souverain.
Ecoutons sur cette matiere un écrivain extrèmement
judicieux, & qui nous fera sentir vivement les
conséquences affreuses de l'abus du pouvoir d'excommunier
les souverains, en prétendant soûtenir
les peines spirituelles par les temporelles: c'est M.
l'abbé Fleuri, qui dans son discours sur l'histoire ecclésiastique,
depuis l'an 600 jusqu'à l'an 1200, s'exprime
ainsi:
Il faut avoüer, continue cet auteur, qu'on étoit
alors tellement prévenu de ces maximes, que les
défenseurs de Henri IV. roi d'Allemagne se retranchoient
à dire, qu'un souverain ne pouvoit
être excommunié. Mais il étoit facile à Grégoire
VII. de montrer que la puissance de lier & de delier
a été donnée aux apôtres généralement, sans distinction
de personne, & comprend les princes comme
les autres. Le mal est qu'il ajoûtoit des propositions
excessives. Que l'Eglise ayant droit de juger
des choses spirituelles, elle avoit, à plus forte raison,
droit de juger des temporelles: que le moindre
exorciste est au - dessus des empereurs, puisqu'il
commande aux démons: que la royauté est l'ouvrage
du démon, fondé sur l'orgueil humain; au
lieu que le sacerdoce est l'ouvrage de Dieu: enfin
que le moindre chrétien vertueux est plus véritablement
roi, qu'un roi criminel; parce que ce prince
n'est plus un roi, mais un tyran: maxime que
Nicolas I
Voyons maintenant les conséquences de ces
principes. Il se trouve un prince indigne & chargé
de crimes, comme Henri IV. roi d'Allemagne; car
je ne prétens point le justifier. Il est cité à Rome
pour rendre compte de sa conduite; il ne comparoît
point. Après plusieurs citations, le pape l'excommunie: il méprise la censure. Le pape le déclare
déchû de la royauté, absout ses sujets du serment
de fidélité, leur défend de lui obéir, leur permet
ou leur ordonne d'élire un autre roi. Qu'en arrivera - t - il? Des séditions, des guerres civiles dans
l'état, des schismes dans l'Eglise. Allons plus loin:
Un roi déposé n'est plus un roi: donc, s'il continue
à se porter pour roi, c'est un tyran, c'est - à - dire un
ennemi public, à qui tout homme doit courir sus.
Qu'il se trouve un fanatique, qui ayant lû dans
Plutarque la vie de Timoléon ou de Brutus, se per<cb->
Revenons donc aux maximes de la sage antiquité.
Un souverain peut être excommunié comme
un particulier, je le veux; mais la prudence ne
permet presque jamais d'user de ce droit. Supposé
le cas, très - rare, ce seroit à l'évêque aussi - bien
qu'au pape, & les effets n'en seroient que spirituels;
c'est - à - dire qu'il ne seroit plus permis au
prince excommunié de participer aux sacremens,
d'entrer dans l'église, de prier avec les fideles, ni
aux fideles d'exercer avec lui aucun acte de religion: mais les sujets ne seroient pas moins obligés
de lui obéir en tout ce qui ne seroit point contraire
à la loi de Dieu. On n'a jamais prétendu, au
moins dans les siecles de l'Eglise les plus éclairés,
qu'un particulier excommunié perdît la propriété
de ses biens, ou de ses esclaves, ou la puissance paternelle
sur ses enfans. Jesus - Christ, en établissant
son évangile, n'a rien fait par force, mais tout par
persuasion, suivant la remarque de S. Augustin; il
a dit que son royaume n'étoit pas de ce monde, &
n'a pas voulu se donner seulement l'autorité d'arbitre
entre deux freres; il a ordonné de rendre à
César ce qui étoit à César, quoique ce César fût
Tibere, non - seulement payen, mais le plus méchant
de tous les hommes: en un mot il est venu pour
réformer le monde, en convertissant les coeurs,
sans rien changer dans l'ordre extérieur des choses
humaines. Ses apôtres & leurs successeurs ont suivi
le même plan, & ont toûjours prêché aux particuliers
d'obéir aux magistrats & aux princes, & aux
esclaves d'être soûmis à leurs maîtres bons ou mauvais,
chrétiens ou insideles ».
Plus ces principes sont incontestables, & plus on a senti, sur - tout en France, que par rapport à l'excommunication il falloit se rapprocher de la discipline des premiers siecles, ne permettre d'excommunier que pour des crimes graves & bien prouvés; diminuer le nombre des excommunications prononcées de plein droit; réduire à une excommunication mineure la peine encourue par ceux qui communiquent sans nécessité avec les excommuniés dénoncés; & enfin soûtenir que l'excommunication étant une peine purement spirituelle, elle ne dispense point les sujets des souverains excommuniés de l'obéissance dûe à leur prince, qui tient son autorité de Dieu même; & c'est ce qu'ont constamment reconnu non seulement les parlemens, mais même le clergé de France, dans les excommunications de Boniface VIII. contre Philippe - le - Bel, de Jules II. contre Louis XII; de Sixte V. contre Henri III; de Grégoire XIII. contre Henri IV; & dans la fameuse assemblée du clergé de 1682.
En effet, les canonistes nouveaux qui semblent avoir donné tant d'étendue aux effets de l'excommunication, & qui les ont renfermées dans ce vers technique:
Os, orare, vale, communio, mensa negatur.
c'est - à - dire qu'on doit refuser aux excommuniés la
conversation, la priere, le salut, la communion,
la table, choses pour la plûpart purement civiles
& temporelles; ces mêmes canonistes se sont relâchés
de cette sévérité par cet autre axiome aussi exprimé
en forme de vers:
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